
pierres ou quelque autre chofe qui réfifte fortement
& en émouffe la pointe , on l’arme d’un
labot de fer qu’on nomme auffi la r d o i r , qui eft
retenu par trois ou quatre branches- clouées- au
pilot; on couronne auffi la tête du pilot d’une
ceinture de fer que l’on nomme frette , pour la
tenir ferrée contre les coups de mouton ; & pour-
lors on dit que les pilots font frettés. On proportionne,
comme j’en ai déjà fait mention, la dif-
tance des pilots à la quantité qu’on croit avoir
befoin , félon la qualité du terrein ; mais au plus
près qu’on puiffe les mettre , il faut au moins qu’ils
foient féparés l’un de l’autre de l’intervalle d’un
de leur diamètre, afin qu’ils ayent alfez de terre
pour les entretenir.
Quand on veut garnir les devants des fondements
par des pilots debordage , on y fait quelquefois
des rainures qui fe répondent diamétralement
, dans lefquelles on introduit des palplanches ;
on choilit les pilots les plus droits , que l’on équar-
rit pour être employés plus facilement. La largeur
des rainures fe proportionne à l’épaiffeur des pal-
planches , mais on leur donne environ un pouce
de plus pour qu’elle puiffe s’y introduire fans difficulté.
Ainfi quand les palplanches ont 2 pouces
d’épaiffeur , les rainures doivent en avoir 3 de
largeur , fur 2 de profondeur.
On obfervera auffi que l’épaiffeur des palplanches
doit être réglée fur leur longueur ; par exemple ,
fi elles ont 6 pieds , elles doivent avoir au moins
3 pouces ; fi elles en ont 12 , qui eft ordinairement
la plus grande longueur de ces fortes de bois, leur
cpaiffeur fera de 4 pouces.
Pour affembler les pilots avec les palplanches,
on commence par enfoncer deux pilots à-plomb
à une diftance proportionnée à la largeur des palplanches,
qui eft le plus fouvent de 1.2 à 15 pouces,
enfuite l’on enfonce une palplanche avec le mouton
pour la faire entrer à force entre les deux rainures ,
de façon qu’elle écarte tant foit peu le pilot, après,
cela on plante un autre pilot & une palplanche ,
on continué de la même manière à battre alterna',
iivement un pilot & une palplanche ; fi le terrein
réfifte à la pointe des palplanches, on les arme
d’un fabot de fe r , & on les frette ainfi que les
pilots.
Quoique de tout temps on fe foit fervi de
pilots pour affermir un mauvais terrein , il fe rencontre
néanmoins bien des oçcafions où il feroit
dangereux de les employer; par exemple, s’il étoit
queftion d’un endroit aquatique, où il y eut un
grand nombre de fources, il ne faut pasr croire
que les pilots foient fort utiles pour y établir des
fondements ; on a remarqué , au contraire , qu’en
les enfonçant on éventoit les fources , lefquelles
fourniffoient de l’eau avec tant d’abondance , que
le terrein devenoit-incomparablement plus mauvais
qu’il n’étoit auparavant ; ce qu’on trouvera
affez extraordinaire , c’eft qu’ayant enfoncé des
pilots à refus de mouton, avec autant de diffi-
I culte que fi c’eut été dans un bon fond , orf
étoit étonné de voir que ces mêmes pilots étoient
fortis de terre le lendemain ou quelques heures
après , parce que l’eau des fources les avoit re-
pouffés en faifant effort pour fortir , de forte qu’il
fallut renoncer à s’en fervir davantage , & avoir
recours à quelques autres moyens beaucoup plus
difficiles à exécuter que ceux dont on auroit pu fe
fervir d’abord, fi au lieu de faire naître des difficultés,
on avoit cherché à les prévenir ; ce qui
fait voir la néceffité de raifonner mûrement fur
la nature du travail que l’on a à faire , avant que
de mettre la main à l’oeuvre.
L’inconvinient que nous venons de remarquer
, arrive^le plus fouvent dans les lieux où l’on
rencontre du fable bouillant, qui eft une efpèce
de terrein qu’il importe fort de bien connoître ;
- car, comme l’eau qui bouillonne en fortant de
terre , quand on paffe deffus , ne vient que dé l’a bondance
des fources qui s’y trouvent , il faut
bien prendre garde de ne pas l’éventer en voulant
s’y approfondir , puifque plus on voudra s’obftiner
à y creufer des fondements, moins l’on fera en
état de les exécuter. Le meilleur parti eft de ne
s’y enfoncer que le moins qu’on pourra , &. enfuite
fonder -hardiment & fans autre fujétion que celle
que nous allons décrire.
Ayant tracé les alignements & fait les amas de
matériaux néceffaires, on ne découvrira le terrein
qu’àmefure qu’on fera la maçonnerie; c’eft-à-dire,
que fi on peut faire par jour 6 toiles courantes de
fondements , on n’en découvrira pas davantage,
enfuite l’on affeoira avec le plus de diligence qu’il
fera poffible une première affife de gros libages
plats , & fur celle-ci une autre bien arrangée à joints
recouverts en bains de bon mortier , compofée de
terraffe ou bien de cendree de Tournai ; fur cette
fécondé une troifième, ainfi de fuite avec toute
| la promptitude poffible , pour ne pas donner le
j temps aux fources d’innondër le travail, comme
î cela eft affez ordinaire ; il arrive quelquefois que
I l’on voit flotter les premières affifes , & que la
\ maçonnerie femble ne pouvoir prendre confiftance,
| mais il ne faut pas s’en allarmer, aller fon train &
? continuer toujours, s’il eft poffible, fans interruption,
| & quelque temps après , la maçonnerie s’affermira
j comme fi elle étoit établie fur le roc. C ’eft pour-»
| quoi l’on peut élever lé refte fans appréhender que
l’ouvrage manque par le pied, ni que les fonde-
j ments s’enfoncent guères plus , après avoir reçu
. toute leur chargé , qu’ils l’étoient au commence-
j ment. Il faut feulement prendre garde fur toute
: chofe d& ne pas creufer autour, de crainte d’y
! attirer l’eau de quelque fource qui pourro.it dégra-
; voyer la maçonnerie , & caufer de grands donx-
■ j mages ; enfin , je dirai, pour juftifier cette ma-
j nière de fonder , qu’on ne s’y prend pas autrement
| à Do y ai, Lille & Béthune , quand il eft queftion
i de revêtir quelque ouvrage de fortification , dans un
i terrein comme celui-ci, qui eft affez ordinaire.
’■ k Arras & à Béthune , il y a encore un terrein
tourbeux qu’il eft néceffaire de connoître pour
pouvoir y fonder hardiment , ayant cela de particulier
que dès qu’on veut creufer un peu avant,
il en fort une quantité d’eau prodigieufe. Apres
avoir tenté toutes fortes de voie s , on a trouvé
que le plus court & le plus fur parti étoit d’y
fonder hardiment avec de bons matériaux , ne
s’enfonçant que le moins qu’il eft poffible , fans
employer ni grillages ni pilots, & l’ouvrage fe
maintient ferme & folide fans courir aucun rifque.
Quand on rencontre de femblables terreins que
l’on ne connoît point parfaitement ', il eft bon de
ne le fonder qu’à une certaine diftance de l’endroit
où on le veut travailler, parce que fi l’on venoit
à creufer trop avant, & qu’il en fortît une grande !
quantité d’eau ,on n’en feroit pas incommodé. C ’eft
ici où je crois qu’on pourroit fe fervir, mieux que
par-tout ailleurs, de la maçonnerie de pierrées
dont j’ai parlé ci-devant; car, comme elle eft d’une
prompte exécution, & que toutes les parties fe
lient .bien , on pourra, en y mêlant de la terraffe
de Hollande & de la cendrée de Tournai, faire
un maffif excellent , auquel donnant feulement
deux pieds ou deux pieds & demi d’épaiffèur , on
formera une efpèce de banc fur lequel on pourra
élever la maçonnerie plus fûrement que fi l’on
faifoit un grillage, & même que fi l’on avoit rencontré
un fable ou un gravier bien ferme -; mais
quand on prend ce parti -, il faut donner beaucoup
d’empattement” à la fondation * afin qu’embraf-
fant une plus grande étendue , qlle foit établie
plus folidement.
Il y a encore une autre manière de fonder par
coffres, qui eft bien différente de celles dont j’ai parlé
julqu’ici ; on s’en fert dans les lieux où les terres
n’ont point de cervelle , & où l’on a à fe garantir
—""•ies fources & des éboulements ; on commence par
creufer à une profondeur convenable j un efpace
de quatre à cinq pieds de longueur, & dont la
largeur eft réglée fur l’épaiffeur que doivent avoir
les fondements : on fe fert de madriers d’environ
deux pouces d’épaiffeur que l’on applique le long
I des bords de la tranchée pour en foutenir les terres,
les maintenant avec des étrelïillons qui tràverfent
la fondation d’efpace en efpace , & dont les bouts
font appuyés & chaffés à force contre les madriers
oppofés. Après avoir coffré ainfi jufqu’à la profondeur
où l’on peut atteindre fans être innondé,
on remplit ce coffre d’une bonne maçonnerie ;
quand lès madriers fe trouvent appuyés par la
maçonnerie, on ôte les étreffillonsà mefure. Quand
ce coffre eft bien rempli, on en creufe à côté un
autre femblable dont la longueur * auffi-bien que
celle du premier, dépend de la facilité que l’on
;a d’embraffer un efpace plus ou moins grand fans
etre incommodé des fources : cependant malgré
les précautions .que l’on peut prendre , il arrive
fouvent que l’eau pouffe tout d’un coup fans qu’on
puifle l’emplcher, mais.il eft facile de la furmonter ;
car , comme le terrein n’eft guères découvert, un
peu de célérité vous met bientôt hors d’embarras ,
au lieu que fi l’on s’y prenoit autrement , on fe
trouveroit innondé de toute part d’un nombre de
fources qui fe déclareroient en même-temps, &
qu’on ne pourroit éteindre fans des difficultés presque
infurmontables.
Ayant fait trois ou quatre coffres de fuite, &
la maçonnerie des premiers étant bien enfermée *
on fait enforte d’en retirer les madriers pour s’en
fervir ailleurs, & fi on ne peut avoir .ceux qui
font au fond fans courir rifque de donner une iffue
à une fource qu’on auroit furmontée, on prend
le parti de les abandonner.
. Quand on élève quelque édifice dans l’eau , où
l’on ne peut faire dépuifement , ( comme dans la
mer, ) , on a recours à une manière de fonder ,
qui paroitra d’abord peu folide, mais qui eft pourtant
de durée , quand on y apporte toutes les précautions
néceffaires ; ces fortes de fondements s’appellent
à pierres perdues ou par enrochement : voici
comment on les pratique.
On commence par emplir de pierres une grande
quantité de bateaux que l’on conduit près de l’endroit
où l’on veut les employer ; on profite du
temps que la marée eft baffe pour établir des alignements
, & égalifer, autant qu’il eft poffible , le
fond fur lequel on veut travailler, qui doit être
non-feulement de toute la capacité que doit occuper
l’édifice qu’on a en vu e , mais beaucoup au-
delà, afin d’avoir une berme confidérable, qui ,
régnant autour de la muraille, .en affure davantage
le pied. Touts ces matériaux étant prêts d’être
employés & ayant choifi le temps le plus convenable
, on jette un lit de pierres de moellonnage
telles qu’elles fortent de la carrière, ou de cailloux 5
fur ce lit ci on y en fait un autre de chaux mêlée
de pozzolane ou de terraffe ; après cela , on jette
encore un autre lit de moëllon ou de cailloux,
qu’on couvre derechef de chaux & de pozzolane ;
bn continue alternativement un lit de pierre , &
un autre de chaux & de pozzolane , & il fe fait fur
le champ un maftic qui rend -cette maçonnerie
dure & folide , comme celle qui feroit faite avec
plus de précaution, par la propriété admirable de
la pozzolane & de la terraffe; C a r , quoi qu’on
ne puiffe pas travailler de fuite , à caufe des tourmentes
de là mer , ou de la trop grande hauteur
des eaux, on peut continuer par reprifes fans que
cela porte aucun préjudice à la bonté de l’ouvrage;
En jettant les pierres on a foin de répandre
les plus groffes vers le bord, où l’on obferve de
^ faire un talus qui foit au moins de deux fois fa
hauteur, après que l’enrochement fera élevé auffi
haut qu’on l’aura jugé néceffaire. Pour atteindre
fon rez-de-chauffée, & pour n’être point fubmergé-,
il eft bon de le mettre à l’épreuve, pendant plu-
fieurs années , des tourmentes de la mer , & pendant
ce temps-là , il faut le furcharger de touts les
matériaux néceffaires pour l’établiffement de l’édi