
■ hiffoient le bien de l'abbaye. I l étoit porté par
l ’avoué de l’ab b a y e , c’eft-à-dire, par le feioneur
.continué en titre d’office pour protéger les biens
du monaftère, contre les violences des autres fei-
gneurs , lefquelles étoient fort ordinaires en ce
temps-la. Ce s a v o u é s , par cette ra ifo n , étoient
appelles figniferi ecclefiarum, les porte-en feignes des
églifes. . ■
Le s avoués de l’abbaye de Saint-Denis, jufqu’au
temps de Philippe I , avoient été réunis à la couronne
, fous le règne de ce prince ; nos rois entrèrent
dans les droits 6c dans les fondions des
comtes du V exin.
C e la eft fort conforme à une patente de Loiiis-
le -G ro s , de l’an 1 1 2 4 , où ce prince parle ainfi ;
« Eu préfence de Suger , vénérable abbé de ladite
c g life , notre fidèle , & qui de nos confeilà, 6c
en préfence des feigneurs de notre royaume ; nous
avons pris l’étendard de deffus l’autel des bienheureux
martyrs , aufquels appartient le comté du
V e x in que nous tenons d’eux en f ie f , obfervant
& fuivant l’ancienne coutume de nos prédécef-
feu r s , Ôc nous l’ayons fait par le droit de porte-
enf ignés , figniferi jure : comme avoient coutume
de le faire les comtes du Vexin . ».
Qu oiqu ’il foit dit dans cette patente que nos
rois tenoient de faint Denis le comté du Vexin
en fie f , ils n’en faifoient point l’hommage. C ’eft
ce qui eft marqué dans un ouvrage intitulé : gefla
Suggéra abbatïs 3 où il eft dit que le roi Louis-Ie-
Gros reconnut devoir l’hommage pour le comté
du V e x in , s’il n’étoit point roi.
Dans aucune de nos hiftoires, non fufpeftes
de faufleté, il n’eft fait nulle mention de l’oriflamme
ou bannière de faint Denis dans nos arm
é e s , avant Louis-le-Gros; ô c c ’eft fous ce règn e ,
ou plutôt fous celui de Philippe I fon p è re , que
l’on doit fixer l’origine de la coutume de porter
ce tte bannière à la gu e rre, contre les ennemis
de l’état.
Comme nos rois avoient une vénération extrême
pour faint Denis , ils firent l’honneur à
l’ab b a y e , non-feulement de faire porter fon étendard
dans leurs armées, mais encore de lui donner
le premier rang, ôc de le faire précéder touts les
autres dans le combat.
Omnibus in bellis habet omnia figna praire,
C ’étoit toujours un homme de qualité 8c des
plus vaillants de l’armée qui le portoit : le dernier
nommé dans nos. anciens hiftoriens qui ait
eu cet honneur, eft Guillaume M a r tel, feigneur
de Baqueville fous Charles V I ; & parce qu’il etoit
v je u x , on lui d on n a , comme adjoint 6c pour
l’aider ,fo n fils aîné 6c Jean de B e ts , chevalier.
Quand le roi alloit prendre l’oriflamme à Saint-
Den is , cela fe faifoit a v e c beaucoup de cérémonies.
V o ic i ce qu’en dit R aou l de P re fle , en parlant
au roi Charles V . « Premièrement, la proceflion
vous vient à l ’encontre jufqu’à l’iffue du c lo ître,
& apres la proceflion, atteints les benoits corps
faints de M. faint Denis & fes compagnons. &
mis fur l’autel en grande révérence, & aufli le
corps de M. faint Louis; & puis eft mife cette
bannière ployée fur les corporaux où eft confacré
le corps de Notre Seigneur Jefus-Chrift, lequel
vous recevez, dignement après la célébration de
la méfié : fi fait celui lequel vous avez eflu à
bailler comme au plus prud’homme & vaillant
chevalier. Et ce fait, le baifez en la bouche &
la tient à fes mains par grande révérence , afin
que les barons afliftants puiflent le baifer comme
reliques & chofes dignes, & en lui baillant pour
le porter, lui faites faire ferment folemnel de le
porter & garder en grande révérence & à l’hoh-
neur de vous & de votre royaume, n.
Un autre hiftorien du règne de Charles V I ,
ajoute que le roi dans cette cérémonie fe prof-
temoit devant le corps de faint Denis, fans chaperon
& fans ceinture. C ’étoit la manière des feu-
dataires , quand ils faifoient hommage de leur fief;
mais , comme je l’ai remarqué un peu auparavant,
on avoit çté le nom d’hommage à cette cérémonie,
parce que celui qui la faifoit étoit le roi. '
On voit par ce que je viens de dire , que dans
cette folemnité, la bannière étoit détachée de fa
lance ; & on ne l’y remettoit pas immédiatement
apres : mais on 1 attachoit au col du chevalier
qui, la repliant par-devant fur l’eftomach, la portoit
ainfi jufqu’à fon départ pour l’armée. C ’eft
ce que nous apprenons de l’hiftoire latine de
Charles V I , oit il eft dit du feigneur de Baquev
ille, qu’après qu’jl eut reçu l’oriflamme à Saint-
Denis , if la mit a fon col comme un précieux
collier, & la laiffoit pendre devant lui, & qu’il
la porta ainfi plufieurs jours , marchant devant
le roi, & jufqu’à ce qu’il fût arrivé à Senlis.
Depuis Louis-le-Gros jufqu’à Charles V I in-
clufivement, il n’y a prefque point de règne fous
lequel l’hiftoire ne marque quelque occafion oit
l’on ait porté l’oriflamme. Les Flamans, à la bataille
de Mons en Puele, où Philippe-le-Bel les
défit, fe firent honneur d’avoir pris l’oriflamme
& d e l’avoir déchirée; & Meyer, leur hiftorien
l’a écrit ainfi : mais-Guillaume Guiart, qui étoit
prélent, dit que l’oriflamme qu,e les François1 perdirent
en cette bataille , n’étoit pas la véritable -
mais une autre que l’on avoit fait fur le modèle
de celui de faint Denis.
Aufli li lire de Chevreufe
Porta l’oriflrinè vermeille
Par droite femblance pareille,.
A cèle s’élevoit efgarde
Que l’abbé de Saint-Denis garde.
Et plus bas :•
Anflïau le lire de ■ Chevreufe
F u t , fi comme nous apprifmes,
Eteint en fes armes meifmes,
D e trop grande haleine & retraite,
Et l’oriflamme contrefaite,
Chaï à terre 8c la faiflrent,
Flamans qui après s’enfuirent.
Soit que le fait fût tel que notre hiflorien le
ra con te , foit que Philippe-le-Bel, pour ôter aux
Flamans la gloire d’avoir pris l’oriflamme, 8t ne
pas 1 ailler croire qu’elle eût été perdue fous fon
rè g n e , en eût fait fubftituer une autre à faint
Denis , il eft certain que fous les règnes fuivants
on portoit encore une oriflamme dans les aimées
Françoifes. Mais depuis la fin du règne de Charles
V I , que les Anglois fe rendirent maîtres de Paris,
il n’en eft plus fait mention dans nos hiftoires
de ces temps-là qui ont été imprimées.
M. l’abbé Fauvel m’a communiqué un inventaire
du tréfor de faint D en is , fait en 1504 fous
le règne ôc par l’ordre de Louis X I I , où il y a
«n article exprimé en ces termes : « contre le
pilier du c o in g , du cofté feneftre, un étendard
de fandal fort caduque, enveloppé autour d’un
bafton , couvert dè cuivre d o ré , un fer lon guet,
agu au bout d’en-haut, que les religieux diiôient
eftre l’oriflamme ». C ’eft celui dont parle encore
D o u b le t , dans l’hiftoire de l’abbaye de Saint-Dénis,
où il eft dit qu’en l’inventaire du tréfor de cette
é g life , fait par les commiffaires de la chambre des
comp tes , en l’an 1534 , il eft encore parlé de
l ’oriflamme en ces termes » : étendard d’un cendâl
fort épa is, fendu par le milieu, en façon d’un gon-
fanon fort caduque, enveloppé autour d’un bâton
cou ve rt d’un cuivre doré ôc un fer longuet aigu
au bout. Le même auteur ajoute qu’il a encore
vu cet étendard après la réduction de Paris, fous
Henri IV .
Il ne faut pas cependant s’imaginer que cette
oriflamme dont il eft parlé dans ces inventaires
du tréfor de Saint-Denis,- fut la même lance ÔC
le même drapeau qui fe portoit à l’armée du temps
de Louis-de-Gros. Outre qu’il paroît hors de doute
que faint Louis ne la rapporta pas de fon expédition
d’E g y p te , quand il fut pris par les Maho-
métans avec touts fes bagages; & q u e , quoiqu’en
dife Guillaume G u ia r t, l’oriflamme fut prife à la
bataille de Mons en Puele ; cet étendard n’étoit
pas fait d’une matière incorruptible, ôc il s’ufoit
comme les autres ; on en fubftituoit un nouveau
quand il étoit ufé.
La fçavante diflertation de M. du Cange fur
l ’oriflamme, ôc le traité du fieur Grolland fur le
même fujet qui a fervi de fond à celui de M. dii
C a n g e , m’ont épargné la peine de la plupart des
recherches que j’aurois été obligé de faire lur cette
matière ; &. j’ai tiré de ces deux tr'aités une bonne
partie de ce que je viens de dire.
M. du Cange penfe qu’on ne porta plus l’ori-
flamrae dans nos armées, depuis que les Anglois
furent maîtres abfolus de Paris après la mort de
Charles V I . Mais en parlant de la charge de porte-
oriflamme, j’ai montré par des mémoires authentiques,
qui n’étoient point encore déterrés du
temps de ce fçavant auteur, qu’on avoit porté
l’oriflamme fous le règne de Charles V I I , & même
fous celui de Louis X I : il ajoute- que Charles
V I I mit la cornette blanche à la place de l’oriflamme.
Je ne fuis pas encore de fon avis là-deflus :
mais avant que je traite de cet autre étendard,
je vais examiner ici ce que c’eft qu’une oriflamme,
qu’une des plus illuftres maifons du royaume con-
ferve encoure aujourd’hu i, comme un précieux
monument qui lui vient de fes ancêtres : c’eft la
maifbn d’Harcourt.
De l'oriflamme de la maifon d'Harcourt.
Il eft fait mention de cette oriflamme en divers
endroits des quatre volumes in-folio qui contiennent
la généalogie de la maifon d’Harcourt. En
v o ic i la defcription, faite fur la copie que M . Fouc
a u lt , confeiller d’état , fort curieux de ces anciens
monuments, en a fait tirer d’ap rè y l’original.
C ’eft un étendard quarré. A u milieu eft repré-
fentée une couronne de couleur ro u g e , à huit
fleurons, terminés de pommettes d’«Sr au' haut &
aux côtés de chaque fleuron. Il y kn a aufli une
dans le centre de chaque fleuron. C e tte couronne
eft accompagnée de flammes. L’étendard eft frangé
de trois côtés de franges vertes' ôc rouges ; il y
a un côté qui ne l’eft pas.
Les titres qu’ori a dans la maifon d’Harcourt
par rapport à cette oriflamme , font : i ° . les p ro v i-
fions données' par le roi Charles V à Pierre de
Villiers pour la garde de l’oriflamme, c’eft-à-dire ,
p ou f la charge de porte-oriflamme, expédiées au
château du bois de Vincennes le quinzième d’octobre
de l’an 1372. O n y affigne à ce feigneur mille
livres tournois par a n , qui dévoient lui être payées
jufqu’à fa mort. Une fille de la maifon de V illie r s ,
étant entrée par mariage dans la maifon d’Harcou
r t, y porta cet étendard qui s’y eft oonfervé
depuis.
20. D u temps de Henri I I I , Pierre d’Ha rcou rt,
feigneur ôc baron de B e u v ro n , chevalier de l’ordre
ÔC capitaine de cinquante hommes d’arme s, présenta
une requête ou placet à ce p r in c e ,. où il
énonce le fait dont je viens de p a rler, 8c dit que
le fleur de Villie rs auroit fait bonne ôc sûre-garde
de ladite oriflamme jufqu’à fon trépas, à la fuc-
cefîion duquel elle étoit tombée dans fa maifon
d’H a rco u r t , héritière dudit de V illie r s , dont elle
n’a depuis p a rti. . . . . ôc de laquelle eft encore
faifi ledit fieur de Beuvron, à préfent prêt, à le
repréfenter au roi.
Il ajoute que Charles I X , en préfence de la
Reine-Mère ôc de M. le cardinal de Bourbon ,
l’an 13 <34 ? continua la garde de l’oriflamme à Pierre
de Beuvron fon p è re , Ôc à fes enfants, aux mêmes
honneurs ôc profits fufdits. Sur quoi ce feigneur
demande au roi Henri I I I , le vouloir continuer à
la garde ôc confervation dudit oriflamme, dont i l ,
ôc fes prédécefleurs font en pofleffion de tout
temps immémorial, ôc de lui donner une penfion
de douze cents écus d’or par an.