
ne réveille point la route de Paris à VerTailks.
Or il eft peu d’hommes qui loutiennent la prélence
du danger. Cette apparition fubite a fur eux tant
de puiltance, qu’on a vu des hommes honteux de
leur lâcheté , fe tuer , êc ne pouvoir fe venger
d’un affront ; l’afpeél de l ’ennemi étouffe en eux
le cri de l’honneur ; il falloit pour ob vier, que
feuls, & s’échauffant eux-mêmes de ce fentiment,
ils faillirent le moment d’un tranfport pour fe
donner , fi je l’ofe dire , la mort fans s’en apper-
cevoir. C ’eft aufii pour prévenir l’effet que produit
fur prefque touts les hommes la vue du danger
, qu’à la guerre , non content de ranger les
ioldats dans un ordre qui rend leur fuite très difficile,
on veut encore , en Afie , les échauffer d’opium ;
en Europe, d'eau-de-vie, 6c les étourdir par le
bruit du tambour , ou par les cris qu’on leur lait
jetter.
Le Maréchal de Saxe , parlant des Pruffiens ,
dit que d’habitude où ils font de charger leurs
armes en marchant, les diftrait, 8c qu’ils voient
moins le danger. En parlant d’un peuple nommé
les Aries , qui l’e'peignent le corps d’une manière
effroyable , pourquoi, dit i l , dans un combat, les
yeux font-ils les premiers vaincus ? C ’eft qu’un
objet nouveau rappelle plus diftin&ement au loldat
l’image de la mort qu’il n’entrevoyoit que confu-
fément. C eft par ce moyen que l’on leur cache
une partie du danger auquel- on les expote ; on
met leur amour pour l’honneur en équilibre avec
leur crainte. Ce que je dis des foldats, je le dis
des capitaines; il en eft peu qui dans un lit ou
fur l’échafaud, conftdèrent la mort d’un oeil tranquille.
Quelle foibleffe le maréchal de Biron , fi
brave dans les combats, ne montra-t-il pas au
fupplice !
Pour foutenir la préfence du trépas , il faut être
^u dégoûté de la v ie , ou dévoré de ces pallions
fortes qui déterminèrent Calanus, Caton ôcPorcie
à fe donner la mort. Ceux qu’animent ces fortes
paffions n’aiment ia vie qu’à certaines conditions.
Leur paflion ne leur cache point le danger auquel
ils s’expofent ; ils le voient tel qu’il eft 6c le bravent.
Brutus veut affranchir Rome de la tyrannie , il
affaffine Cæfar ; il lève une armée, attaque .^combat
O&ave ; il eft vaincu, fe tue : la vie lui eft
infupportable fans la liberté de Rome.
Quiconque eft fufceptible de paffions auffi vive s,
eft capable des plus grandes choies: non-feulement
il brave la mort, mais encore la douleur. Il n’en
eft pas ainli de ces hommes qui fe donnent la
mort par dégoût pour la vie : ils méritent pref-
qu’autant le nom de fages que de courageux ; la
plupart feroient fans courage dans les tortures ; ils
n’ont point allez de vie 8c de force en eüx pour en
fupporter les douleurs. Le mépris de la vie n’eft
point en eux l’effet d’une paflion, c’eft le réfultat
d’un calcul, par lequel ils fe prouvent qu’il vaut
mieux n’être pas que d’être malheureux. Or , cette
difpoiition de leur ame les rend incapables des
grandes chofes. Quiconque eft dégoûté de la vie ,
s’occupe peu des affaires de ce monde. Auffi
parmi tant de Romains qui fe font volontairement
donné la mort, en eft-il peu qui, par le maffacre
des tyrans , ayent ofé la rendre utile à leur patrie.
En vain diroit-on que la garde qui , de toutes
parts , environnoit les palais de la tyrannie , leur
en défendoit l’accès. C ’étoit la crainte des fupplices
qui défarmoit leur bras. De pareils hommes fe
noient, fe font ouvrir les veines, mais ne s’ex*
pofent point à des fupplices cruels; nul motil ne
les y détermine.
C ’eft la crainte de la douleur qui nous explique
toutes les bifarreries de cette eipèce de courage.
Si l’homme allez courageux pour fe brûler la cervelle
, n’ofe fe frapper d’un coup de ftile t, s’il
a de l’horreur pour certains genre de mort, cette
horreur eft fondée fur la crainte vraie ou taulle“
d’une plus grande douleur.
Les principesci-deffusétablis, donnent, je penfe ,
la folution de toutes les queftions de ce genre, 6c
prouvent que le courage n’eft point , comme quelques
uns le prétendent, un effet de la température
différente des climats , mais des paffions &
des befoins communs à touts les hommes. Les
i bornes de mon lu jet ne me permettent pas de parler
ici des divers noms donnés au courage, tels que
ceux de bravoure, de valeur, d’intrépidité , 8ce.„
ce ne font proprement que des manières différentes,
dont le courage fe manifefte.
Cette queftion examinée , je pâlie à la fécondé.
Il s’agit de fçavoir f i , comme on le Soutient, on
doit attribuer les conquêtes des peuples du nord
à la force & à la vigueur particulière, dont la
nature, dit-on, les a doués.
Pour s’affurer de la vérité de cette opinion ,
c’eft en vain que l’on auroit recours à l’expérience ;
rien n’indique jufqu’à préfent à l’examinateur fcru-
puleux, que la nature foit dans fes productions
du feptentrion plus forte que dans, celles du midi.
Si le nord a les ours blancs, 8c fes orox, l’A frique
a fes lions, fes rhinocéros, fes éléphants;
on n’a point fait lutter un certain nombre de nègres
de la côte d’or ou du Sénégal, avec un pareil
nombre de Ruffes ou de Finlandois ; on n’a point
mefuré l’inégalité de leurs forces par la pefanteur
différente des poids qu’ils pourroient foulever. On
eft fi loin d’avoir rien conftaté à cet égard, que
fi je voulois combattre un préjugé par un autre
préjugé, j’oppoferqis à tout ce qu’on dit de la
force des gens du nord , 1 éloge qu’on fait de celle
des Turcs. On ne peut donc appuyer 1 opinion
qu’on a de la force & du courage des fepten-
trionaux que fur l’hiftoire'de leurs conquêtes : mais
[ alors toutes, les nations peuvent avoir les mêmes
prétentions, les juftifier par les mêmes titres, 6c
fe croire toutes également favorifées de la nature.
Qu’on parcourre l’hiftoire , on y verra les Huns
I quitter les Palus méotides, pour aller chaffer des
j nations fituées au nord de leur pays. On y verra
les Sarrafins defcendre en foule des fables brûlants
de l’Arabie pour venger la terre, dompter
les nations, triompher des Efpagnes, ôt porter
la défolation jufque dans le coeur de la France.
On verra ces mêmes Sarrafins brifer d une., main
vi&orieufe les étendarts des croifés ; 6c les nations
de l’Europe, par des tentatives réitérées, multiplier
dans la Paleftine leurs défaites 8c leur honte.
Si je porte mes. regards fur d’autres régions, j’y
vois encore la vérité de mon opinion confirmée ;
& par les triomphes de Tamerlan, qui, des bords
de l’Indus, defcend en conquérant julqu aux climats
glacés de la Sibérie, 6c par les conquêtes des Incas,
6c par la valeur des Egyptiens, qui regardes du
temps de Cyrus comme les peuples les plus courageux,
fe montrèrent à la bataille de Tymbree
fi dignes de leur réputation ; 6c enfin par ces
Romains qui portèrent leurs armes vi&orieufes
jufques dans laSarmatie, 6c les îles Britanniques:
or fi la vi&oire a volé alternativement du midi
au nord, 6c du nord au midi ; fi touts les peuples
ont été tour à tour conquérants 8c conquis ;
f i , comme l’hiftoire nous l’apprend, les peuples
du feptentrion ne font pas moins fenfibles aux
ardeurs brûlantes du midi, que les peuples du midi
le font à l’afpreté des froids du nord, 6c s’ils font la
guerre avec un défavantage égal dans des climats
trop différents du leur, il eft évident que les conquêtes
des fepténtrionaux font abfolument indépendantes
de la température particulière de leurs
climats, 6c qu’on chercheroit en vain dans le phy-
fiqùe , la caufe d’un fait dont le moral donne une
explication fimple 6c naturelle.
Si le nord a produit les derniers conquérants
de l’Europe, c’eft que des peuples féroces, 6c
encore fauvages, tels que l’étoient alors les lep-
tentrionaux, font, comme le remarque le chevalier
Folard, infiniment plus courageux 6c plus propres
à la guerre, que des peuples nourris dans le luxe ,
la mollefle, 6c fournis au pouvoir arbitraire, comme
l’étoient alors les Romains. Sous les derniers empereurs
, les Romains n’étoient plus ce peuple,
qui , vainqueur des Germains 6c des Gaulois ,
tenoit encore le midi fous fes loix : alors ces
maîtres du monde fuccomboient fous les mêmes
vertus qui les avoient fait triompher de l’uni-
vers.M
ais pour fubjuguer l’Afte, ils n’eurent, dit-on,
qu’à lui porter des chaînes.La rapidité,répondrai-je,
avec laquelle ils la conquirent, ne prouve point
la lâcheté des peuples du midi. Quelles villes du
nord fe font défendues avec plus d’opiniâtreté que
Marfeille, Numance, Sagonte, Rhodes ? Du temps
de Craffus, les Romains ne trouvoient-ils pas dans
les Parthes des ennemis dignes d’eux ? C ’eft donc
à l’efclavage 8c à la mollefle des Afiâtiques, que
les Romains durent la rapidité de leurs fucçès.
Lorfque Tacite dit que la monarchie des Parthes
eft moins redoutable aux Romains que la liberté
des Germains, c’eft à la forme du gouvernement
de ces derniers qu’il attribue la fupériorité de
leur courage.
C ’eft donc aux caufes morales, & non à la te ni-»
pérature particulière des pays du nord que l’on
doit rapporter les conquêtes de-s feptentrionaux ;
à la différente conftitution des empires, 6c à l’efprit
que le gouvernement répand parmi les hommes ,
qu’on doit attribuer toutes les différences d’efprit
6c de caraélère qu’on découvre entre les nations.
En changeant les loix de Sybaris 8f de Sparte,
les Spartiates fuffent devenus des Sybarites, 8t
les Sybarites des Spartiates.
En effet, fi l’on examine avec attention les
caufes de la grandeur des nations 6c de leur décadence
, on verra que leurs triomphes 6c leurs
défaites n’ont dépendu que de leurs vertus dominantes
dans un temps, 6c des vices qu’entraînent
après eux le luxe 6c la mollefle dans un autre.
Que c’eft aux pallions que l’on peut allumer dans
le coeur des hommes 6c au degré d’amour pour
la gloire que le gouvernement fçait leur infpirer s
que l’on peut attribuer les qualités militaires ; 6c
J’exemple de la Ruffie ne dément point mon principe
; car l’on voit que cette puiffance chafle autant
qu’elle peut, ce monftre deftruéleur ; celui au contraire
des Turcs appuie mon fyftème ; que l’on
fuive les opérations militaires de ces deux puif-
fances ; que l’on examine leurs règlements , leurs
procédés, on fera frappé de l’excellence de moyens
des uns , 8c par conlequent de l’empire qu’ils doi^
vent avoir fur les autres, 6c de la néceffité que
ceux-ci finiffent par être fubjugués : c’eft en dépouillant
tout ce qui tient au defpotifme, que les
Ruffes écrasèrent les Turcs , qui le confervent
avec tant de jaloufie, comme fi. toute l’Europe
encore dans la barbarie la plus profonde,, ne leur
donnoit pas des exemples de l’excellence des principes
contraires. ( J. ).
COUREURS. Troupes légères, qu’on emploie
aux découvertes. Çf^oye^ M a r ch e s .) .
COURROIES. ( Voyei Peine s .) .
COURSE. Expédition prompte, faite dans le
pays ennemi, pour y enlever de l’argent , des
chevaux, des fourrages.
C o u r s e . C ’étoit l’un des cinq exercices
de la gymnaftique , propofés par les anciens
pour délier les membres, les rendre agiles, 8c.
augmenter les forces du corps. Le foldat , dit
Végèce , accoutumé à cet exercice pendant plusieurs
milliers de pas, ne trouvera pas infupportable
la fatigue d’une marche avec la charge fur
le dos. D ’un autre côté , lès foldats s’y entrete-
noient avec d’autant plus de facilité, qu’endurcis
aux travaux ordinaires du camp 8c des marches
que leur difcipline leur faifoit faire en troupe,
ils ne s’exerçoient à la courfe qu’avec plaifir.
Sur l’ufage de la courfe , par rapport à la
guerre, Cæïar nous donne un paffage qui montre
qu’en marchant à l’ennemi, la courfe leroit dan-
gereufe ; quoique ce général eftime qu’il faut
V ij