
à l’exemple, on commence à leur faire voir ce
qu’il y a de commun entre ces principes appliques
aux langues latine & allemande. On y par"
vient d’autant plus aifément, que toutes ces leçons
fe font de vive voix. On pourroit fe contenter
de citer l’expérience pour juftifier cette méthode,
fort commune par-tout ailleurs qu’en France ; un
moment de réflexion en fera fentirles avantages.
C e moyen eft beaucoup plus propre à fixer l’attention
, que des leçons diétées, qui font perdre
un temps conlidérable & toujours précieux. Nous
nous affurons par cette voie que nos règles ont
été bien entendues; parce que,, comme il n’eft
pas naturel que des enfants puiffent retenir exactement
les mêmes mots qui leur ont été dits, lorsqu’on
les interroge, ils font obligés d’en fubftitüer
d’équivalents, ce qu’ils ne font qu’autant qu’ils
ont une connoiffance claire & diftin&e de l’objet
dont il s’agit : fi l’on remarque quelque incertitude
dans leurs réponfes , c’eft une indication certaine
qu’il faut répéter le principe, & l’expliquer
d’une façon plus intelligible. Il faut convenir que
cette méthode eft moins faite pour la commodité
des maîtres, que pour l’avantage des élèves. Il
eft aifé de conclure de ce que nous venons de
dire, que le raifonnement a plus de part à cette
forme d’inftruéiion que là mémoire. Lorfqu’après
des interrogatoires réitérés ôc retournés de plusieurs
manières, on s’eft bien alluré que les principes
font clairement conçus, chaque élève en
particulier les rédige par écrit comme il les a entendus
, le profeffeur y corrige ce qu’il pourroit
y avoir de défectueux, & palfe à une autre matière
qu’il, traite dans le même goût.
Nous obferverons deux chofes principales fur
cette méthode : la première , c’eft qu’elle n’eft
peut-être praticable qu’avec peu d’élèves ou beaucoup
de maîtres ; la fécondé, eft que l’efprit des
enfants fe trouvant par-là dans une contention
allez forte, la durée des leçons doit y être proportionnée.
Nous croyons qu’il y a de l’avantage
à'les rendre plus courtes, & à les réitérer pliis
Souvent,
Après avoir ainfi jetté les premiers fondements
des connoiflfances grammaticales, après avoir fait
fentir ce qu’il y a d’analogue & de différent dans
les langues ; après avoir fixé les principes communs
à toutes en général, & caraClériftiques de
chacune en particulier; l’ufage, à notre avis, eft
le meilleur moyen d’acquérir une habitude fuffi-
fante d’entendre & de s’exprimer avec facilité ;
& c’eft tout ce qui eft néceffaire à un militaire.
Langues. On fent aifément la raifon du choix
; qu’on a fait des langues latine, allemande, italienne.
La première eft d’une utilité fi généralement
reconnue, qu’elle eft regardée comme une
partie effentielle de toutes les éducations. Les
deux autres font plus particulièrement utiles aux
militaires, parce que nos armes ne fe portent
qu’en Allemagne ou en Italie*
La langue italienne n’a rien de difficile, particulièrement'pour
quelqu’un qui fçait le latin &
le françois, il n’en eft pas de même de l’allemand,
dont la prononciation fur-tout ne s’acquiert qu’avec
peiné, mais on en vient à bout à ‘un âge oh les
organes fe prêtent facilement : c’eft dans la vue
de furmonter encore plus aifément ces obftacles,
qu’on ne donna.d’abord aux élèves que des.valets
Allemands ; ce moyen eft àffez communément
pratiqué, & ne réuffit pas mal. Nous n’entrerons
pas dans un plus grand détail fur ce qui regarde
l’étude des langues.
Mathématiques. Entre toutes les fciences né-
ceffaires aux militaires, les mathématiques tiennent
fans doute le rang le plus conlidérable. Les
avantages qu’on peut en retirer font auffi grands
que connus. Il i'eroit fuperflu d’en faire l’éloge
dans un temps oii la géométrie femble tenir le
.fceptre de l’empire littéraire. Mais, cette géométrie
tranfcendante & fublime, moins refpeéfable
peut-être par elle-même que par l’étendue du
génie de.ceux qui la cultivent, mérite plus notre
admiration que nos foins. Il vaut mieux qu’un militaire
fçache bien faire conftruire une redoute,
que calculer le cours d’une comète.
Si les découvertes géométriques faites dans
notre fiècle ont été très utiles à la fociété, on
ne peut pas dire que ce foit dans la partie militaire.
Nous en excepterons pourtant ce que nous
devons aux excellentes écoles d’artillerie, qui fem-
blent avoir décidé notre fupériorité fur nos ennemis.
Il n’en a pas, à beaucoup près, été de même
du génie ; nous avons encore des Valieres, &
nous n’avons plus de Vaubans. Heureufement cette
négligence a mérité l’attention du miniftère. L’école
de génie établie depuis quelques années à Me-
zières, nous rendra fans doute un luftre que nous
avions laiffé ternir, & dont nous devrions être .fi jaloux.
C ’eft par des confidérations de cette efpèce
qu’on s’eft déterminé à n’enfeigner des mathématiques
dans Y école militaire, que "ce qui a un
rapport direét & immédiat ù l’art de la guerre.
L’arithmétique, l’algèbre, la géométrie élémentaire,
la trigonométrie, la méchanique, l’hydraulique
, la conftruéfion, l’attaque & la défenfe des
places, l’artillerie, &c. Mais on obferve fur-tout
de joindre toujours la pratique à la théorie : on
ne néglige aucuns détails ; il n’y en a point qui
ne foit important.
Quant à la méthode fynthétique ou anclyti*
que, fi l’une eft plus lumineufe, l ’autre eft plus
expéditive ; on a iuivi les coüfeîls des plus éclairés
en ce genre, & c’eft en conféquence qu’on fait
ufage de toutes les deux. C ’eft auffi ce qui'nots a
engagés à donner les éléments du calcul algébrique
, immédiatement après l’arithmétique. I^es
progrès que nous voyons à cet égard,, ne nous
permettent pas de douter de la juuçffe de la dç-r
çifipn, ■
Au refte Vécole royale militaire jouira du même
avantage que les écoles d’artillerie & de génie,
c’eft-à-dire, que toutes les opérations fe feront
en grand fur le terrein , dans un efpace fort vafte ,
particulièrement deftiné à cet objet. Il eft inutile
de remarquer que des fecoürsjde cette efpèce ne
peuvent fe trouver que dans un établiffement
royal.
Nous craindrions d’être prolixes, fi nous entrions
dans un plus grand détail fur cette matière ;
nous penfons que ceci fuffit pour en donner une
idée allez exaéîe. Nous finirons cet article par quelques
réflexions qui naiffent de la nature du fujet,
& qui peuvent néanmoins s’étendre à des objets
différents.
On demande allez communément à quel âge on
doit commencer à enfeigner la géométrie aux enfants.
Quelques particuliers , enthoufiaftes de cette
fcience , fe perluadent qu’on ne peut pas de trop
bonne heure en donner les premiers éléments. Ils
fondent principalement leur opinion fur ce que la
géométrie n’ayant pour bafe que la vérité , & l’évidence
pour réfultat, il s’enfuit naturellement que
l ’efprit s’accoutume à la démonftration , &. la dé-
monftration eft la fin que fe propofe le raifonnement.
Ne parler qu’avec jufteffe, ne juger que par des
rapports combinés avec autant d’exa&itude que
de précifion , eft fans douté un avantage qu’on ne
peut acquérir trop tôt ; & rien n’eft plus propre
à le procurer , qu’une étude prématurée de la géo^-
metrie.
Nous n’entreprendrons point de combattre un
fentiment foutenu par dé très habiles gens ; on nous
permettra d’obferver feulement qu’ils ont peut-être
confondu la géométrie avec la méthode géométrique.
Cette dernière, il eft v ra i, nous paroît fort
propre à former le jugement, èn lui faifànt parcourir
fucceffivement & avec ordre touts les degrés
qui condtiifent a la démonftration : l’expérience au
contraire nous a quelquefois convaincus que des
géomètres , même très profonds , s’égaroient allez
aifément fur des fujets étrangers à la géométrie.
Nous croyons moins fondés encore ceux qui,
foutenant un fentiment oppofé , prétendent que
l’étude de cette fcience doit être réfervée à des
efprits déjà formés. Cette opinion étoit plus commune
, lorfque les géomètres étoient moins fçavants
& moins nombreux. Ils failoient une efpèce de
fecret des principes de leurs connoiffances en ce
genre, & ne négligeoient rien pour fe faire confi-
derer comme des êtres extraordinaires, dont les
talents étoient le fruit de la raifon & du travail.
Plus habiles en même temps & plus communicatifs,
les grands géomètres de nos jours n’ont pas craint
d’applanir des routes, qu’à peine ils avoient trouvées
frayées ; leur complaifance a quelquefois été
jufqu’a y femer des fleurs. On a vu difparoître
des difficultés, qui n’étoient telles que pour le préjuge
& 1 ignorance. Les principes les plus lumineux1
y ontfuccédé , ê&prefque touts les hommes peuvent
aujourd’hui cultiver une fcience qui paffoit autrefois
pour n’être propre qu’aux génies fupérieurs.
Nous penfons qu’il ne feroit pas prudent de prononcer
fur l’âge auquel on doit commencer l’étude
de la géométrie ; cela dépend principalement des
difpofitions que l’on trouve dans les élèves. Les
efprits trop vifs n’ont pas d’affiette ; ceux qui font
trop lents , conçoivent avec peine, & fe rebutent
aifément. Le plus fage, à mon avis , eft de les
difpoier à cette étude par celle de la logique.
Logique. Si l’on veut bien ne pas oublier que
ce font des militaires feulement que nous avons
à inftruire, on ne trouvera peut-être pas étrange
que nous abandonnions quelquefois des routes connues
, pour en préférer d’autres que nous croyons
plus propres à notre objet.
Il n’eft pas queftion de difcuter ici le plus ou
le moins d’utilité de la logique qu’on enfeigne communément
dans les écoles. La méthode eft apparemment
très bonne , puifqu’on ne la change pas ;
mais qu’on nous permette auffi de la croire parfaitement
inutile dans l’école royale militaire. L ’efpèce
de logique dont nous penfons devoir faire ufage ,
confifte moins dans des règles fouvent inintelligibles
pour des enfants, que dans le foin de ne les laiffer
s’arrêter qu’à des idées claires, & dans l’attention
à laquelle on peut les accoutumer, de ne jamais
fe précipiter, foit en portait des jugements , foit
en tirant des conféquences.
Pour parvenir à donner à un enfant des idées
claires, il faut l’exercer continuellement à définir
& à divifer; c’eft par-là qu’il difti.;guera exaftemenc
chaque chofe, & qu’il ne donnera jamais à l’une
ce qui appartient à l ’autre. Cela peut fe faire aifément
fans préceptes ; la feule habitude fuffit. Delà ,
il n’eft pas difficile de le faire palier à la confidéra-
tion des idées & des jugements qui regardent nos
connoiffances, comme Tes idées de vrai, de. faux,
d’incertain, d’affirmation , de négative, de conféquence
, &c. Si l’on établit énfuite quelques vérités
, de la certitude defquelles dépendent toutes
les autres, on l’accoutumera infenfiblement à raisonner
jufte, & c’eft le feul but de la logique.
Cette méthode nous parqît propre à touts les
âges, & peut être employée fur touts les objets
d’étude ; elle exigé feulement beaucoup d’attention
de la part des maîtres, qui ne doivent jamais laiffer
dire aux enfants rien qu’ils n’entendent, & dont iis
n’ayent l’idée la plus claire qu’il eft polfible. Nous
ne pouvons nous étendre davantage fur un fujet qui
demanderoit un traité particulier : ceci nous paroît
fuffifant pour faire connoître nos vues.
Géographie. La géographie eft utile à tout le
monde ; mais la profeffion qu’on embraffe doit
décider de la manière plus ou moins étendue dont
il faut l’étudier. En la confidérant comme une
introdu&ion néceffaire à l’hiftoire, il feroit difficile
de lui affigner des bornes autres que celles qu’on
donneroit à l’hiftoire même. On a tant écrit fur
cette matière , qu’on ne s’attend pas, fans doute.