
manière,parce qu’en les rendant ainfi trop pelantes,
elles nobéiront pas à la rame; mais comme à
caufe de leurs planches trop {bibles, & du grand
nombre de gens qu’elles ont, l’artillerie ennemie
f'eroit contre elles un trop grand ravage, elles ne
le fendront point de leur canon ; h ce n’eft dans
des endroits où les ennemis n’auroient point de
batteries qui puffent les découvrir.
Quand on n’a pas befoin de toute la hauteur des
vaifleaux de guerre pour, battre les ouvrages des
affiégeants, on peut leur ôter le premier pont;
par-là il leur fera plus aifé de les /mouvoir, &
ils préfenteront un moindre front aux ennemis.
Par ce que je propofe-, vous ne délivrez pas
ces vaiffeaux du danger des bombes ; mais on périt
le s en garantir ,l en vous contentant de vous fervir
de la batterie baffe, & en mettant au - deffus du
plus haut pont quatre ou cinq pieds de fumier. On
laiffera les écoutilles libres , afin que la fumée
n’étouffe pas ceux qui fervent ces batteries ; &
pour éviter que les bombes n’entrent par les écoutilles
, on les couvrira avec de gros &. forts morceaux
de bois pofés un peu en^dos d’âne , & éloignés
l’un de l’autre , autant qu’il faut, pour que la
bombe n’entre pas & que la fumée forte.
Il eft à fuppofcr q ue , fi l'on fe détermine à
conferver dans le port des vaiffeaux & des galères,
11 y a dans la place des vivres pour leur équipage ,
& des munitions pour que leur artillerie foit bien
fervié.Je fuppofe encore que vous ne retiendrez
pas des vaifleaux & des galères dans le port d’une
place q u i, pa^ fes mauvaifes fortifications . fera
forcée en peu de jours de fe rendre , principalement
fi ces vaiffeaux & ces galères valent autant
que la place même. 1.1 y a pourtant une réflexion
à faire , qui eft qu’on choifit pour cet ufage de
vieux-corps de bâtiments déjà maltraités, ou qui
ont des défauts ; que l’on peut même envoyer fur
les vaiffeaux qui fe retirent du port, une grande
partie de l’artillerie de ceux qu’on y conferve,
puifque ordinairement ce n’eft que par un feul
côté qu’ils font leur décharge.
Lorfqué les bombes & les coups de canon des
ennemis ont ruiné vos navires , leur bois fert pour
le feu des chambrées des foldats, leurs voiles pour
des facs à terre, le fer pour divers ouvrages de
la place, & leur artillerie pour les coupures, &
pour remplacer fur la muraille les pièces qui ont
crevé , celles dont les lumières font trop évafées. Si
au lieu des affûts ordinaires , qui auront été fra-
caffés, on veut fe fervir des marins , il fuffira
d’élever un peu les plates-formes.
Quand on- prévoit que dans peu on fera contraint
de rendre la place, on jette dans la mer
les canons , & principalement ceux de bronze ,
q u i, après les deftinatjons dont nous venons de
parler, font de refte ou inutiles pour la défenfe
de la place. On choifit pour cela un endroit de
la mer le plus profond , & où il y ait beaucoup de
fable mouvant, ou beaucoup de boue, afin que
les canons, par leur propre poids, s’enterrent fort
avant, & qu’il ne foit pas poffible aux plongeurs
ennemis d’y attacher un cable ou de paffer ura
crochet aux dauphins, afin de les retirer enfuite
avec le cabeftan de quelque navire.
Dans la fin d’un long fiège, lorfque , par les
morts, les malades & les bleffés, il manque la
moitié de la garnifon, c’eft un précieux lecours
que celui des mariniers & des canonniers des vaif-
ieaux, qui n’ont eu que peu de fatigue.
Il eft aifé de comprendre que c’eft avant la
capitulation qu’on peut jetter dans la mer l’artillerie
inutile , & mettre en pièces les navires qui
ne fervent pas, parce que la claufe de remettre
de bonne foi, en rendant la place , tout ce qui
s’y troüvoit, lorfqu’elle a commencé de capituler,
eft une de' celles que l’afliégeant n’omet
jamais.
Tout ce que je viens de dire eft précifément ce
que pratiqua don Luc Spinola dans la glorieufe
défenfe de la citadelle de Meffine ; il avoit confervé
dans le port de cette place quelques-uns de nos
vaiffeaux, dont ce gouverneur habile tira toùts les
avantages que j’ai propolés.
La chiorme des galères fert beaucoup pour les
coupures & touts les autres ouvrages de la place,
dans les jours que les galères ne font pas employées
, parce qu’un forçat, qui eft fait à une
dure & continuelle fatigue. & qui eft châtié févè-
rement, travaille pour deux foldats, qui font moins
punis quand ils ne font pas bons travailleurs.
Des moyens de fecourir une place Jituée fur un grand
lac ou J ur une rivière navigable %
J’ai fait v o ir , en traitant des fiège s , qu’il eft
facile de. jetter du fecours dans une place fituée
fur un lac d’une vafte étendue, lorfque les affiégés
font fur les eaux plus forts en barques & autres
petits bâtiments armés mais fi au contraire les
affiégeants ont ce dernier avantage, donnez de
nuit une fauffe attaque vers le côté de la ligne
où fe trouve le plus grand nombre des bâtiments
ennemis ; & pendant cette fauffe attaque , pour
faire diverfion', tant des troupes de terre des
ennemis que de leurs bâtiments fur le la c , approchez
vous en (ilence & à l’heure de la nuit,
concertée avec le gouverneur, & déchargez, fur
le bord du lac, le fecours que les affiégés viendront
retirer avec leurs bateaux.
Si la place eft fituée fur une rivière, vous pouvez
faire entrer des vivres & des munitions, etu les
mettant dedans des outres ou dans des barils bien
calfatés ; vous abandonnerez au courant de la
rivière ces barils & ces outres, à une heure que
vous jugerez favorable , pour qu’ils paffent de nuit
depuis l’endroit où commencent les gardes avan-
i cées de l’armée ennemie jûfqu’à la place. Le
gouverneur en fera averti, afin qu’il puiffe tendre
fur la rivière des filets pour détenir ces outres &
barils. Il y aura des petits bateaux tout prêts pour 1 une partie de l’armée ennemie drvifée fur les
les tirer fur le bord , avant que le poids d’une I deux bords, ne perdez point de temps pour fondre
trop grande quantité d’outres & de barils ait
rompu le filet. Pour éviter'cet inconvénient, &
afin qu’on puiffe les appercevoir, on doit choifir
des nuits obfcures , & ne pas en jetter dans la
rivière un trop grand nombre à la fois.
, On peut auffi, fans outres & fans barils , envoyer
à la place , par le courant de la rivière ,
des légumes, des noix & autres femblables fruits ,
& même des beftiaux- morts , en leur coufant &
en leur fermant avec de l’herbe toutes les ouvertures
par lefquelles ils pourroient fe remplir d’eau ,
& aller par conféquent à fond. Voyez à ce fujet
les exemples du roi de Sardaigne, de Titus Sein-
pronius & des Modénois , que j’ai rapportés en
traitant des fièges.
Chacun comprend affez que pour réuffir , il ne
faut pas avoir donné à entendre que vous voulez
employer cette forte de fecours. Cependant fi le.,
général affiégeaftt fait fon devoir, fur le fimplê
foupçon que vous pourriez y avoir recours , il
mettra le premier, au-deffus de la place, des filets
& des bateaux pour arrêter les beftiaux, les outres
& les tonneaux que vous confierez au courant.
Les exemples d’Annibal & de Brutus en font une
preuve. Dans ce cas , il faut tâcher de rompre le
filet des ennemis, en abandonnant au courant de
la rivière , après de groffes pluies , qui l’auront
rendu plus impétueux, une quantité de gros troncs
d’arbres fans branchages , afin qu’il foit plus difficile
a ceux qui feront fur les bateaux des ennemis de
les arrêter avec leurs gaffes , & de les jetter fur
le bord. Quelques heures après , vous confierez
votre fecours aux eaux , ayant donné avis au gouverneur
de ne pas tendre fon filet qu’il n’ait vu
paffer touts les troncs.
La plus grande difficulté à furmonter, pour que
cette forte de fecours arrive iufqu’à la place, eft
que les affiégeants auront jetté un pont plus haut
au-deffus de la place, & qu’aux pontons ou aux
groffes cordes qui traverfent d’un ponton à l’autre,
s’arrêteront les troncs d’arbres, & que les ennemis,
avec de petits'bateaux , les tireront fur le rivage,
avant qu’ils ayent rompu le filet qui eft plus bas.
Dans ce cas , avant ces troncs , jettez dans la
rivière de groffes poutres pofées en croix , ou ,
ce qui vaut encore mieux , envoyez un brûlot
pendant une nuit obfcure, afin que les ennemis,
a coups de canon, ne le coulent pas à fond. Si
vous êtes plus fort fur cette rivière en bâtiments
armés, faites efeorter le brûlot jufques auprès du
pont, pour empêcher que les ennemis ne le détournent
ou ne l’arrêtent avec_un grapin, qui, à
1 autre bout delà corde, a une ancre qu’on laiffe
tomber. Voyez les exemples de Dunkerque.
Lorfque , par les moyens que j’ai propofés, ou
de quelque autre manière, vous réuffiffez à rompre
les ponts que les affiégeants ont fur la rivière, fi
alors vous vous trouvez 4 portée de tomber fur
i fur celle des deux parties contre laquelle, par le
j terrein & par le nombre, vous croirez avoir plus
| d’avantage.
Le maréchal de Montluc rapporte qu’ayant ap-
I pris que l’amiral de Côligny avoit jetté fur la
Garonne un pont, dans le deffein de la paffer, &
1 d’aller attaquer Cafteljaloux & quelques autres
1 places voifines de cette rivière, il fit charger de
| pierres un moulin de bois , qui , abandonné au
j courant des eaux, alla choquer fi rudement contre
le pônt.de Goligny, qu’il le fracaffa entièrement.
Cet événement ruina toutes les mefures de C o -
lign y , & le mit en danger de perdre la moitié de
fes troupes, qui étoit de l’autre côté de la rivière,
fous les ordres du comte de Montgomery.
Au refte, lorfque je vous confeille de charger
une des- deux parties de l’armée de l’affiégeant,
qui , par fes ponts de communication que vous
avez rompus , fe trouve féparée fur l’un & .l’autre
bord de la rivière, je fuppofe que chaque corps
de cette armée, ainfi divifée , ne s’eft pas fi bien
fortifié , que l’un fans le fecours de l’autre puiffe
facilement vous réfifter.
Comme l’on ne réuffit point dans la plupart
des fecours que l’on veut jetter dans une place
affiégée, «fans avoir quelque correfpondance avec
fon gouverneur, il ne fera pas hors de propos
d’expliquer ici par «-quels divers moyens on peut
entretenir cette correfpondance.
Des moyens d'entretenir une correfpondance avec le
gouverneur de la place.
Si à la faveur des avantages qu’offrent le ter-
rein , ou par les moyens que j’ai propofés , vous
pouvez faire avancer des troupes vers quelque
endroit, julqu’à la portée d’un mortier, éprouvez
ce mortier, par lé jet de deux ou trois bombes
déchargées & dirigées à une des places de la v ille ,
ou à quelque autre endroit où il n’y ait point dé
maifons ; ces bombes ne renfermeront qu’un papier
avec cès paroles : le gouverneur fera reconnaître
les bombes qui , après celles-ci, feront tirées- du même
pofle. Sur cet avis., le gouverneur placera des
foldats de confiance à vue de l’endroit où les
premières bombes font tombées, & de celui d’où
elles ont été tirées. L’exemple luivant fera voir
qu’il faut éprouver le mortier avant de confier des
billets aux bombes.
Pendant qu’Artabafe faifoit le fiège de Potidée,
Timaxene , qui étoit dans la place, entretenoit
une intelligence avec l afliégeant, par des lettres
attachées à des flèches , qui étoient tirées d’un
certain endroit à un autre défigné : mais une des
flèches d’Artabafe, qui avoit été mal ajuftée y bleffa
un payfan ; on trouva le papier, & l’intelligence
fut découverte.
Après avoir bien pointé le mortier, & avofe