
dontle^raitéde fortification montre beaucoup d’in-
tellige*3ce'& de capacité dans l’auteur. Sous Louis
X I I I , le chevalier de Ville fervit en qualité d’ingénieur,
avec la plus grande diftinéfion. Son ouvrage
fur la fortification des places , & celui où il
a traité de la charge des gouverneurs, font voir que
ce fçavant auteur étoit également verfé dans l’artillerie
& le génie ; mais ces hommes habiles, qui
ne pouvoient agir par-tout, trouvoient peu de gens
en état de les ieconder.
A u commencement du règne de Louis X IV , le
comte de Pagan fe diftingua beaucoup dans l’art
de fortifier. Il fut le précurfeur de M. le maréchal
de Vauban , q u i, en fuivant les idées générales de
cet ingénieur, a par-tout donné des marques d’un
génie fupérieur , principalement dans l’attaque des
places, qu’il a porté à un degré de perfeélion auquel
il eft difficile de rien ajouter.
Le chevalier de Clerville paroît aufli , par les
différents mémoires fur les troubles de la minorité
du roi Louis X IV , avoir eu beaucoup de réputation
dans l’attaque des places. M. de Vauban commença
à fervir fous lui dans plufieurs fièges ; mais il
s’éleva enfuite rapidement au-deflùs de touts ceux
qui l’avoient précédé dans la même carrière.
Pour l’établiffement du -génie, le roi a toujours
un corps nombreux d’ingénieurs , fuffifant pour
fervir dans fes armées , en campagne & dans fes
places. On ne fait point de fiège depuis longtemps
^ qu’il ne s’ÿ en trouve trente-fix ou quarante, partagés
ordinairement en brigades de fix ou fept,
afin que dans chaque attaque on puiffe avoir trois
brigades , qui fe relevant alternativement toutes les
vingt-quatre heures , partagent entre eux les foins
& les fatigues du travail, & le font avancer continuellement
fans qu’il y ait aucune perte de temps.
C ’eft à l’établiffement du génie que la France
doit la fupériorité qu’elle a , d e . l’aveu de toute
l’Europe, dans l’attaque & la défenfe des places
fur les nations voifines.
Le génie a toujours eu un direéfeur général ,
chargé des fortifications &. de tout ce qui concerne
les ingénieurs. ( Q . )
Que ne doit-on pas attendre de l’établiffement
de l’école d e génie établie à Mézières, en 1748 ? Les
jeunes gens deftinés à çe corps n’y font admis qu’a-
près avoir fübi un examen rigoureux fur toutes les
parties des mathématiques : ils y paffent enfuite plufieurs
années pour y être inftruits à en faire des
applications à touts les objets importants dont ils
doivent être chargés.
Le roi n’a rien négligé pour que cette éducation
fût complette. L’on imagine bien que la fortification
eft la bafe de toutes les connoiffances fur lefquelles
on y reçoit des leçons. Comme elle en exige un
très grand nombre des officiers qui doivent la conf-
truire , l’attaquer & la défendre, les élèves font
fucceffiyement appliqués à touts les objets qui ont
un rapport plus ou moins direéi avec cette partie
eflentielle de leur état.
| On les occupe d’abord du tracé de la fortification
, en leur faifant connoître la propriété de
! toutes les lignes qui la compofent : ils font en
| même-temps des comparaifons qui peuvent les
\ éclairer fur les méthodes particulières qu’ont em-
; ployé différents auteurs pour former ce qu’on
appelle fyfiêmes de fortifications ; mais après s’être
1 familiarifé avec les idées particulières , 8è avoir
difcuté touts les peints intérelfants quelles peuvent
offrir, on n’en adopte aucune exclufivement. En
effet, les feuls fpéculateurs dans ce genre peuvent
J époufer & démontrer, les avantages de ce qu’ils
imaginent fur un papier , feul théâtre de leurs
difcuffions ; mais un officier du génie , mais celui
! qui doit faire des applications réelles du métier 9
j n’adopte aucun fyftême de fortification : muni de
| fes véritables principes, il fçait qu’une foule de
I circonftances doivent déterminer fon choix & .le
parti qu’il doit, prendre ; il connoît l’ai age de
| toutes les pièces tant anciennes que modernes ,
j que chaque inventeur veut faire prévaloir ; il con-
i noît toutes les reffources, toutes les chicanes de
1 l’art, mais pour ne les eftimer que ce qu’ejles
, peuvent valoir, & ne, les employer que dans, les
occafions où les circonftances les rendent vraie-,
; ment utiles.
i Aux yeux du véritable ingénieur, l’art de for-
. tifier confifte moins dans, la ipéculation oifive d’un
! certain jeu de lignes, que dans le jufte emploi
■ des moyens que la nature offre d’une manière fi
: diverfifiée dans les différents locals que les cir-
; confiances de la guerre obligent d’occuper offen*
i fivement ou défenfivement. L’art ne doit venir
) qu’au fecours de la nature, & oublier les reffources
S qu’elle préfente, pour n’employer que celles du
premier ; c’eft ordinairement ne fe procurer qu’à
de plus grands frais de très petits moyens. Une
rivière, un marais, un ravin, un efcarpement i
j des inondations , des commandements de terreira,
{ bien obferyés, des points bien choifis , fourniflent
j en général, pour l’ingénieur éclairé , plus de
j moyens efficaces à fon art que la ftérile combi-
! naifon des différents fyftêmes do,nt julqu’ici on a
peut-être tenu trop de compte.
. C ’eft fous ce point de vue que l’on fait envi-
fageî aux élèves de l’école de Mézières l’étude de
la fortification, pour qu’ils en prennent d’abord
les idées les plus juftes .& les plus propres aux
applications vraiement militaires qu’ils feront un
J jour dans le cas d’en faire.
Mais en écartant d’eux tout efprit fyftématique
qui pourroit les concentrer dans des détails propres
à leur donner une fauffe idée de leur métier ,
on ne néglige point ceux dont l’ufage doit leur
être familier, pour être en état de pratiquer &
d’exécuter toutes les parties du fervice dont ils
doivent être* chargés tant dans les places que dans
les armées.
. C ’eft ici qu’il faut quitter la fpéculation pour
fe livrer entièrement à des détails de pratique „
fans lefquels l’ingénieur per droit toute l’utilité qu’on
en attend. L’exécution exige de lui toutes les
connoiffances qui y ont rapport : il ne peut en
anéprifer aucune fans que fes travaux n’en fouffrent^
. maçon , tailleur de pierre, charpentier, forgeron ,
ferrurier , touts les métiers deviennent les fiens
tour,à tour, puifqu’il doit en employer les ouvriers,
les éclairer, fouvent même les conduire comme
architeéie militaire ou civil. Mais c’eft en vain qu’il
prétendroit à cette fomme de connoiffances de
pratique , s’il n’étoit éclairé par celle qui les
«éclaire toutes, c’eft-à-dire le deffin.
Auffi cette partie importante de l’inftruéfion eft-
elle fuivie avec le plus grand foin à l’école de
Mézières. Les élèves font d’abord occupés de celui
qui prend fa fource dans les principes de la géométrie
pratique , le flambeau de touts les arts mécaniques,.
l’aftronomie , les plans , profils , les j
développements, tout cet exercice de la règle
& du compas, qui repréfente un objet dans touts
fes fens, le retourne fous touts fes points de v u e ,
détermine graphiquement touts les rapports & les
propriétés de fa figure, eft néceffairement la clef
de tout art de conftruélion. Point d’artifte praticien
fens cette parfaite connoiffance.
Cependant cette partie du deffin feroic infuffi-
fante ; les élèves font encore exercés au deffin
proprement d i t c e l u i q u i, fans règle & fans
compas, met à même j avec le feul fecours du
crayon, de copier la nature ou de rendre rapidement
des idées dans des moments où tout inftru-
ment eft impraticable, & où leur ufage n’appor-
îeroit que des Tetardèments inutiles & fouvent
dangereux à la. guerre.
L’application la plus eflentielle de cette facilité
au deffin eft fur-tout deftinée à l’art topographique,
qui eft encore une partie d’inftruéiion abfolument
néceffaire aux ingénieurs , & dont les exercices
ne font pas oubliés à l ’école de Mézières.
En effet, fi la guerre n’c ft le plus fouvent que.
la fcience des pofitions , de quelle utilité ne feront
pas des cartes bien exaéfes , & dont l’expreffion
rendra fidèlement la nature d’un :pays dont il
eft important de connoître les détails , & fur-tout
les relations ?
Sans ce fecours, quel eft l’officier général qui’
ofera prendre un parti décidé, affeoir un camp,
combiner un projet de campagne , déterminer la
marche des colonnes , prendre une pofition , &c.
ot l’ingénieur lui-même , comment fortifiera-t-il'
bien un pofte ? Gomment fera-t-il un projet de
défenfe appuyé fur plufieurs points ? Comment
foumettra-t-il fes idées aux vues d’un général, fi
elles nè font établies fur la connoiffance la plus
particulière du terrein dont il eft queftion ? Comment
le maréchal général des logis remplira-t-il
fes fonélions, s’il n’eft éclairé par de bonnes cartes,
& enfin , comment s’acquitteront de la partie inté- HaB • BMBjCTia . r
un pays celui de l’exprimer rapidement avec cette
facilité & ces rapports que peut feul donner l’habitude
du deffin.
Par les difpofitions d’une nouvelle ordonnance
de 17 76 , dont il fera queftion à la fin de cette note ,
il paroît que l’intention du roi eft-d’affecler en totalité
ce fervice à fon corps du génie : il ne paroiffoit
pas effeélivement être fait pour en être féparé ,
non plus que les. fonélions de l’état-major, néceffairement
liées au mécanifme de l’art topographique
, & dont le fervice paroît convenir con-
léquemment à ceux que le roi,a fait■*conftruire
particulièrement fur touts les objets qui les mettent
en état de le bien remplir.
L’étude de la phyfique vient enfuite à fon tour
occuper les élèves pendant plufieurs cours ; conduits
par un profeffeur qui , également géomètre,
porte le flambeau du calcul dans touts les faits
qui en font fufceptibles, ne réfervant l’expérience
que pour prouver aux fens les vérités que la
théorie a déjà démontrées. Un très beau cabinet
de phyfique, entretenu par le r o i , fournit touts
les moyens de completter ce genre d’inftruélion.
Enfin, celle qui renferme les parties les plus
intéreffantes pour un ingénieur, termine ordinairement
toutes les années les différents exercices.
L ’art dé l’attaque & de la défenfe des p laces, figuré
en grand par des fimulacres., ne laiffe rien à de-
firer pour repréfenter touts les moyens graduels
employés en pareille occafion. Plufieurs fronts de
fortification font choifis dans différentes pofitions
pour répondre à toutes les opérations que leurs
circonftances amènent. Lorfque leur réalité ne
renferme pas touts les exemples qui conviennent
à une inftruélion complette , des fùppofitions
viennent remplace^ la vérité. Touts les travaux
des fièges , touts les ouvrages qu’ils exigent ,
font exécutés avec les différentes fapes , parai- '
lèles, places d’armes -3 batterie , cavalier de tranchée
, couronnement de chemin couvert, paffage
de foffé , tout eft figuré par portion , & l’exécution
en eft confiée aux élèves, qui ne font ce fervice
qu’aux heures convenables, & avec les précautions
que la guerre demande.
C ’eft lav partie brillante du métier , c’eft celle
qui à valu à la nation cette fupériorité qu’elle doit
fans doute conferver , puifque les talents & les
connoiffances de fes ingénieurs ne peuvent que
s’étendre & que fe développer de plus, en plus
par les foins particuliers que prend le gouvernement
de leur éducation militaire.
Une ordonnance du 7 Février 1744 , fixoit le
nombre des officiers de ce corps à trois cents.
Une autre du 8 Décembre 1755 , le réunit au
corps de l’artillerie , pour n’en faire qu’un feul
& même corps, fous la dénomination colleélive
de corps royal de Vartillerie & du génie.
Mais bientôt après, en 1758 , ils furent de nouveau
féparés, ainfi que leurs fondions refpeâives.'
Une analogie plus apparente que réfléchie avoit
F f f f i j