
grenadiers , rapporter touts les mots heureux qui
leur font échappés , 6c tranfcrire les exemples
de vertus qu’ils ont donnés , ) cet ouvrage pro-
duiroit de grands avantages ; il augmenteroit l’énergie
de l’efprit qui anime les grenadiers ; il por-
çeroit cet efprit jufques dans les derniers rangs
de nos armées , & il prouveroit que Louis XII
avoit raifon de dire qu’il ne nous a manqué que
de bons hiftoriens.
Combien ne m’en a-t-il pas coûté pour effacer
quelques exemples de bravoure , de défintéreffe-
ment, de patriotifme, &c. que j’avois tranfcrits ici ;
l’enthoufiafme qu’ils m’inlpiroient m’a fait oublier
pendant longtemps que l’encyclopédie ne doit point
être un recueil d’anecdoôes , 6c qu’elle ne fera
peut-être jamais lue par un foldat ; vaincu par
ces raifons , j’ai cédé , mais en me promettant j
néanmoins de raffembler un jour touts les faits
glorieux des grenadiers , 6c de les leur offrir, en
leur difant : voilà ce que vous avez été , voilà ce
que vous devez être.
Chaque régiment d’infanterie françoife n’a qu’une
compagnie de grenadiers. Le régiment du Roi eft
feul excepté de cette règle. ( Voye£ R o i , r ég iment
du R o i . ).
Chaque compagnie de grenadiers eft compofée
de 96 hommes. ( Voye[ C om p a g n ie . ).
. Les régiments Allemands, Irlandois , Italiens ,
6c Çorfes , au fervice de la France , p’ont auffi
qu’une compagnie de grenadiers ; mais les régiments
Suiffes en ont deux. ( Voyc^ Su is se s . ).
Les grenadiers font armés d’un fufil & d’une
bayonnette femblable à celle du refte de l’infanterie
: ils ont de plus un fabre très court. ( V. Sabre .).
L ’équipement des grenadiers , leur chauffure &
leur habillement, font les mêmes que ceux des
fufiliers : ( Voyeç Équipem ent , chaussure 6c
Hab illement, ) ils ont pour toute diftin&ion
des épaulettes couleur de feu, 6t des grenades
placées au retrouffis de leurs habits.
La çoëffure des grenadiers étoit ce qui les dif-
tinguoit le plus du refte des fantaffins; ( Voyeç
C oeffure. ) les bonnets de poil qu’ils portoient
font abfolument fupprimés. La feule diftinéfion
qui leur refte , quant à la çoëffure , eft une petite
houppe couleur de feu , placée au-deffus de la
cocarde.
La paye des grenadiers eft plus forte d’un fol par
jour que celle des fufiliers ; il en eft de même de
celle de leurs caporaux : leurs fergents ont deux
fols de plus que ceux des fufiliers, & cependant
leur forgent-major n’a qu’un fol de plus que ceux
des autres compagnies. 11 feroit difficile d’indiquer
la raifon de cette dernière différence.
Les grenadiers doivent, conformément à l’ordonnance
du premier Mars 1768, avoir toujours
la garde de la place d’armes , & autant que cela
eft poffible, des poftes féparés du refte des fantaffins
; ils ne foumiffent de fentinelles d’honneur
que devant la porte du lieutenant- de-roi » lorfqu’il
eft maréchal-de-camp, & du commandant de 1«
province , lorfqu’il eft lieutenant - général. Dans
toutes les diftributions , ils doivent être fervis
les premiers ; 6c quand ils ne font point arrivés
avant le commencement de la diftribution , ils
prennent rang immédiatement après la compagnie
à qui l’on diftribue lors de leur arrivée.
La plus douce des prérogatives des grenadiers
eft celle de ne jamais coucher que deux dans le
même lit.
Ce font les grenadiers qui , alternativement avec
les chaffeurs, font chargés de conduire les drapeaux
à la tête du régiment, & de les reconduire
dans le logement du commandant du corps.
Quant 2 la manière dont les compagnies de
grenadiers font formées & divifées , ( Voye^ C om p
a g n i e . ) .
Les compagnies de grenadiers doivent toujours
être complettes. Auffi:tôt qu’il manque un grena-
dier, le capitaine de cette compagnie affemble touts
les foldats du régiment qui ont une haute taille &
une jolie tournure ; il defigne celui qu’il croit le
plus propre à remplacer celui qu’il a, perdu ; il le
préfente au commandant du corps , & fi ce dernier
l’agrée, le fufilier devient grenadier. Ce que
je vais rapporter eft , je le fçais, un abus criant ;
mais je dois la vérité, 6c je la dis. Plufieurs colonels
, 6c beaucoup de capitaines de grenadiers 9
féduits comme les enfants 6c les femmes par
ce qui flatte les yeux , veulent pour grenadiers
des hommes à traits délicats 6c agréables, à taille
haute & légère : les compagnies de grenadiers font
pour eux des joujous qu’ils parent , 6c qu’ils
flattent fans ceffe. Pour enroller rengager ou
conferver un bel homme , ils font plier la discipline
, 6c violent les Ipix militaires relatives aux
engagements : tout fantaffin qui , par fa tournure ,
promet de fournir un jour un grenadier, eft prefque
affuré d’échapper aux punitions graves qui empêchent
de le devenir. En un mot , on facrifie
tout au deftr d’avoir de belles compagnies de grenadiers
, & l’on s’occupe très peu de leur bonté«
Convenons-en cependant, les bons principes n’ont
pas dilparu de toutes les têtes ; il eft encore de
vieux officiers qui, après avoir ri , mais d’un rire
de pitié , à la vue des compagnies de grenadiers
modernes , difent d’excellentes chofes fur la manière
de les compofer. Voici le réfultat de leurs
opinions ; c a r , je le répète, je ne fais prefque
toujours que tranfcrire ce que j’ai recueilli dans
la fociété des guerriers qui paffent pour avoir le
jugement le plus fain & les vues les plus droites ;
mon travail conftfte à féparer l’or d’avec le clinquant
; je m’eftimerois heureux fl j’avois l’art d’y]
réuflir.
Il faudroit, difent les vieux militaires , que les
grenadiers euffent au moins vingt-deux ans d’age,
6c flx ans de fervice ; c’étoit ainfl qu’on en ufoit fous
Louis XIV. Si cette loi fage étoit renouvellée , nos
grenadiers ne feroient plus de grands enfants^
Dès l’inftant où un grenadier auroit atteint fa
quarante-cinquième année , il devroit paffer , en
qualité de caporal, dans une compagnie de fufiliers
, ou au moins y jouir de la paye 6c des prérogatives
attachées à cette place ; car tout homme
âgé de quarante-cinq ans , & qui en a fervi vingt
©u vingt-cinq , n’eft plus en état de foutenir la
fatigue que le métier de grenadier rend fouvent
neceflaire. Cette idée, ils la doivent à une ordonnance
de Louis-le-Grand : cette loi vouloit que
les officiers 6c bas-officiers de grenadiers n’euffent
pas plus de quarante ans. Si un officier, difent
donc les raifonneurs , qui a plus de quarante ans,
ne peut conduire des grenadiers, à plus forte raifon
un foldat qui a quarante - cinq ans ne peut les
fuivre.
Ils défirent encore que les nouveaux grenadiers
ayent au moins fix ans de fervice à faire avant
d obtenir leur congé ablolu. En donnant la grenade
a un homme qui n’a qu’un ou deux ans à
fervir, on affoiblit peu à peu l’efprit des grenadiers,
6c les changements continuels que ces com-
P ÿ nj es éprouvent fatiguent 6c dégoûtent leurs bas-
officiers.
Ils laifferoient aux grenadiers le choix de leurs
camarades, & la liberté de renvoyer ceux dont
ils auroient lieu de fe plaindre grièvement. Cette
double prérogative donneroit un nouveau prix
a la grenade , & une grande confidération aux
grenadiers. Pour prévenir cependant les choix défectueux
, ils exigeroient que les grenadiers ne
fiffent que prefenter à leur capitaine trois fujets
pour chaque place à remplir, 6c que le capitaine
fût obligé de prendre un des trois ; ils voudroient
encore que tout homme propofé trois fois fût grenadier
de droit, à moins que le capitaine n’eût de grandes
raifons pour l’exclure; le confeil d’adminiftration
de chaque corps' feroit le juge de la validité des
raifons du capitaine. Nous fçavons bien , ajoutent-
ils , que malgré cette loi , le capitaine n’aura jamais
que les fujets qui lui conviendront ; mais
les grenadiers croiront avoir ceux qu’ils défirent ,
6c le nouveau grenadier, perfuadé qu’il a été élu
par fes camarades , cherchera, en penfant 6c en ;
agi (Tant comme eux , à leur témoigner fa recon- j
noiffance : ainfi tout le monde fora content, 6c le
bien du fervice en réfultera.
—- fy, j pvuii V1.C111 jjuuci j u lauuroit qu
toute la compagnie affemblée par efeouades fu
du même avis , ou au moins que fept efeouade
•pinaffent pour le renvoi de l'accule. Les prin
cipes que nous avons établis dans l’article C asse
nous paroiffent propres à juftifier cette manièr
«agir.
Tout foldat qui auroit cinq pieds trois pouces
«ne eonftitution robufte une fanté forte , à qu
®n ne pourroit reprocher ni lâcheté , ni indifoi
phne, m incoaduitç fttivfe, pourroit prçtendri
» fe grcWKfo, "
Tout grenadin qui fçauroit lire & écrire , con-
courroit avec le refte des foldats pour être caporal
dans les compagnies de fufiliers. ( Voye? B a s-
O F F IC I ÏR S . ) .
% Quand une place de caporal de grenadiers viendrort
à vaquer , les grenadiers affemblés par efeouades
préfenteroient cinq fujets ; les caporaux affemblés
réduiroient ce nombre à quatre ; les fergents à
trois ; les officiers fubalternes à deux , 6c le capitaine
choifiroit entre les deux derniers qu’on lui
prefonteroit î il en feroit de même pour les fergents.
Les anciennes ordonnances Iaiffoient aux colonels
le choix des lieutenants & des fous-lieutenants
de grenadiers ; ils ne peuvent aujourd’hui élever à
ces places que des officiers de fortune. Cette loi
eft fage à beaucoup d’égards. N’auroit-elle pas un
plus haut degré de perfection fi elle fixoit l’époque
à laquelle ces officiers devroient rentrer dans les
compagnies de fufiliers l
La compagnie tes grenadiers appartenoit autrefois
de droit au premier capitaine de chaque corps ;
aujourd’hui c’eft toujours le troifième à qui elle eft
dévolue : on a fait fans doute ce changement pour
ne point larffer trop longtemps le même officier
en bute aux plus grands périls, pour avoir à la
tête des compagnies de grenadiers des officiers
encore dans la force de l’age, 6c pour procurer
quelques repos aux deux premiers capitaines de
chaque régiment. Mais la manière qu’on a adoptée
n’a-t-elle pas encore quelques inconvénients b Elle
me paroît en avoir un bien grand y c’eft la mutation
perpétuelle des capitaines de cette compagnie
: on fçait qu’un capitaine qui ne doit ne garder
la même troupe qu’un ou deux ans au plus , n’a
pas le temps de la connokre & de l’affeCiionner;
& tout officier qui ne connoît point fes bas-officiers
6c fes foldats, 6c q u i, par conféquent, ne peut
avoir pour chacun d’eux le degré d’amitié 6c de
confiance que fa conduite mérite ,• ne peut guere
faire rien de bon. Laiffer au confeil d’adminiftra-
tion, à l’infpeéteur ou au colonel , le choix du
capitaine-commandant dès grenadiers ; fe contenter
de fixer l’âge que devroit avoir cet officier, 6c
l’époque à laquelle il devroit quitter cette compagnie
pour paffer dans une autre , nous parok un
moyen de remédier à tout.
L e capitaine en fécond des grenadiers eft cfroif»
par le colonel. Dans la eonftitution a&uelie , le
choix de cet officier eft un des plus importants«
C e capitaine a d’abord à remplir touts les devoirs
affeâés aux capitaines - commandants , puifqu’il a
pour chef un officier à qui il eft prefque impof-
fibîe de s’en acquitter lui-même : il a de plus à
ménager l’amour-propre de fon chef; il a pour
fubordonnés de vieux militaires , excellents à la
guerre, qui commandent, marche bien haut, 6c
qui marchent eux - mêmes avec une grande bravoure
, mais qui n’ont pas toujours affez de difeer-
nement pour juger du mérite des aftiw» de leur»