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l ’im e , que Georges V a fa r i, dans fes Vitat excellen-
tiurn archïtcElorum , Firenz. 1597 , dit qu’avant San-
M ich e li, «n faifoit les battions ronds , Se qu’il fut
le premier qui leur donna la forme triangulaire :
l’autre , qu’on v o it à V éron e des battions que l’on
regarde comme les plus anciens, & qui portent les
dates des années 152.3, 152.9 , Sec. Mais il s’en
faut beaucoup que ces raifons ne foient démonstratives.
Maffeï prétend que les premiers livres
dans lefquels il eft parlé des battions ne font pas
antérieurs , en Italie , à l’an 1500 , & dans le refte
d e l’Europe à l’an 1600 : cependant Daniel Spe^
ck le , ingénieur de la v ille de Strasbourg , qui
mourut en 1589 , publia un traité de Fortification,
dans lequel il dit avoir été le premier auteur
Allemand qui ait écrit des battions triangulaires.
C e fut Errard- de Bar - le - D u c , ingénieur de
Henri I V , qui en écrivit le premier en France.
( Voye^ S y s t è m e . ) . ( K ) .
Ce tte partie de fortification étant la bafe de
tout fyftême , il s’agiffoit de lui donner la forme la
plus avantageufe: c’eft ce problème que Vauban
a complètement réfolu. Il a eu la gloire de porter
pour .ainfi dire à fa perfection l’art de fortifier les
places Se celui de les attaquer. Nous allons donner
les principes expofés par feu M. de Cormontagne ,
ingénieur en chef, qui lui-même a perfectionné le
fyftême de Vauban dans quelques parties.
M A X I M E S ,
ï,
Q u ’il n’y ait aucun endroit dans tout le contour
de la p la c e, qui ne foit v u , flanqué Se défendu,
I I.
Q u e les parties qui font faites pour flanquer les
autres foiént aflez grandes & aflez amples pour contenir
les foïdats & l’artillerie néceflaires à la défenfe
des parties qu’elles flanquent.
I I I .
Q u ’ elles ne foient pas plus éloignées des lieux
qui les flanquent, que de la postée ordinaire du
fu f ir , qui eft depuis 12.0 jufqu'à 169 tpifes au
plus.
r I V .
Qu ant aux flancs, plus ils font grands, mieux
ils v alent, pourvu que leur grandeur n’altère rien à
la mefure de$ autres parties. Ils ne doivent pas
avo ir moins de ï 5 toifes dans les places tant
foit peu çonfidérables.
V . •
Plus les battions font grands, plus leurs gorges
F O R
font grandes, Se mieux ils v a len t , pourvu que leur
grandeur n’altère en rien les mefures des autres
parties. Ils ne doivent pas avoir moins de 18 toifes
de demi-gorge.
V I .
Les angles flanqués des battions ne doivent
jamais avoir moins de 60 degrés d’ouverture ,
parce qu’autrement quand on les bat , on les
renverfe facilement.
V I I.
Les courtines ne doivent pas furpaffer 85 à
88 to i le s , parce que la ligne de défenfe fe ro it ’
trop longue. Elles ne doivent pas avoir aufli
moins de 40 toifes.
V I I I.
Les faces des battions ne doivent pas avoir plus
de 60 toifespar la même raifon.
I X .
Il faut que les parties intérieures de la fortification
foient plus élevées que les extérieures, afin
qu’elles fe puiflçnt commander,
X.
Il ne faut pas qu’il y ait aucun endroit aux environs
de la. place à la portée du canon où on fe
puifle mettre à co u v e r t, Se qu’on ne foit v u de
quelque endroit de la place,
X I.
Il faut enfin, autant qu’il fe p eu t , qu’une place
foit également fortifiée dans Ion contour, pour
que l’ennemi ne l'attaque pas par l’endroit le plus
foible.
Preuve de Vavantage des angles flanqués des bafiions
qui font droits ou approchant , & du défavantage
de cçiix qui font trop aigus.:.
Suppofé que l’angle du baftion A B G , ( fig*
180. ) , foit dro it, je dis qu’il a tout l’avantage
qu’il peut a v o ir , pour réfifter au canon de l’ennemi
, voici.comme je le démontre.
Q u ’on le batte perpendiculairement par la ligne
D E , il réfiftera autant qu’il eft poflible félon la
ligne D F , laquelle étant parallèle à la lace B A , eft
aufli longue qu’il le peut : de forte que la réfifi*
tance étant aufli grande, que la ligne par laquelle
le corps réfifte, eft longue, l’ angle flanqué qui fera
d ro it , aura autant de fo r c e , Se lera autant de réfif*
tance qu’il eft poflible.
11 n’eft pas toujours poflible de donner un angle
droit
droit à un baftion, Se il eft bon à 85 > à 80 Se a 75
degrés. Il y a des fortifications 3 comme au quarre ,
où on ne peut lui donner plus de 65 degres.
Mais l’angle trop aigu, comme celui G H I , { fig.
181. ) , eft à rejetter, parce qu’il y a moins de 60
degrés. En voici la preuve.
Qu’on batte du point K au point L , comme
c’eft l’ordinaire de battre d’abord une trace du baftion.
Tirez la ligne RM ; LM aura peû de réfif-
tance par le peu de diftance qu’il y a de L en M,
& de L en H. Par ce moyen vous renverferez faci- .
lemerit l’angle flanqué, Se vous ferez aifément une
grande brècne.
On n’approuvoit pas autrefois les battions qui
étoient obtus, comme LM N , {fig. 18 2 .), parce
qu’ils ne pouvoient prendre du feu des courtines ;
qu’ils s’éloignoient trop des flancs oppofés O Se P ,.
Se qu’il y avoit trop peu de diftance du point M au J
point Q pour s’y pouvoir retrancher. Mais les demi-
lunes qu’on fait à droite & à gauche de ces courtines
, forment un fi grand rentrant fur fon angle
flanqué, que cela répare avec ufure cë qu’il a de
défeéhieux.
D ’ailleurs on eft obligé de s’en fervir quand on
a une ligne droite trop longue, & aufli aux endroits
où on ne peut avancer l’angle flanqué, comme
fur le bord de la mer, d’une rivière, ou d’une montagne,
Sec.
' Avantagés & dèfavantages des flancs.
■ Le flanc A. F , {fig. 18 3 .), félon le comte de
Pagâîi, eft perpendiculaire fur la ligne de défenfe
A . G. II eft fort long, capable de contenir beaucoup
d’artillerie Se d’hommes ; mais il raccourcit
trop la face du baftion & fe préfente trop à la
contre-batterie des ennemis.
Le flanc perpendiculaire fur la courtine, comme
A . C. de la méthode du chevalier de V ille , eft
trop court, & ne rafe pas bien la face.
Le flanc A. D. perpendiculaire fous la ligne de
défenfe BH , de la méthode d’Erard , vaut moins
que le précédent ; il eft plus court, & ne découvre
prefque rien le long de la face J. G . qu’il doit
défendre. Il couvre fort bien la batterie, mais îl la
rend inutile, & n’eft propre qu’à ruiner fon op-
pofé J. B.
Le flanc A. E. qui eft celui que je donne, & qui
eft le même que celui de M. de Vauban, a touts
les avantages qu’on peut fouhaiter. Il eft* de 100
degrés d’ouverture fur la courtine ; il ne raccourcit
pas trop la face ; il contient aflez d’artillerie, Se il
défend directement la face oppofée. C’eft tout ce
qu’on peut defirer fur ce fujet.
Enfin connoiflant les défauts' des angles & des
flancs , nous pourrons avoir une méthode de fortifier
très parfaite.
- C ’eft ce que je vais expliquer dans le livre fui-
vant, où je donnerai la manière de fortifier les
polygones réguliers, commençant par le quarré ; le
Art militaire. Tome JJ.
triangle ayant des angles trop aigus pour én pouvo
ir faire une fortification, Se n’étant p ropre tout au
plus que pour un frontin de campagne.
Nota. Q u e quand le terrein le permet, il faut
fuivre, autant qu’il eft poflible , la régularité, afin
que l’uniformité des parties rende la place également
forte par-tout, Se ne détermine pas l’ennemi
à l’attaquer plutôt d’un côté que de l’autre.
J e vais donner deux manières de fortifier également
,1 a première par le polygone intérieur, qui
fert .pour la petite , la moyenne Se la grande fortification,
Se la fécondé par le polygone extérieur ,
qui eft la méthode de M. de Vauban pour la grande
fortification.
• Ce s deux méthodes reviennent prefqu’au même,
ConflruSlion d'un quarrè régulier.
D u point A . comme c entre, ( fig. 184. ) , & d’ùne
ouverture à volon té, décrivez un ce r c le , que vous
diviferez en quatre parties égales aux points C D E B ,
Se tirez des lignes au crayon d’un de ces points à
l’autre, de même que du centre C D E B , lefquelles
lignes vous ferez paffer par-delà ces points. D iv ife z
un de ces côtés de votre quarré, tel que B C , en
cinq parties égales, Se portez une de ces parties de
part & d’autre des points D E C B , comme B F C G ,
Se ce fera la grandeur de vos demi-gorges. Les trois
autres parties reftent pour la courtine.
C e la étant fa it , divifez un de ces cô té s , comme
B C . en t ro is , Se portez cette troifième partie fui
les quatre rayons prolongés, comme du point B .
au point H , & du point C au point J. Se autres
points D E de même, cela vous donnera les capitales
de yos baftions.
Enfuite tirez les lignes de défenfe au crayon
G H F J , Se pour avoir les traces & les flancs des
’ baftions, ouvrez le compas du point H au point
G ; laiffez une pointe en H. Se portez celle qui eft
en G v ers K .
Elfe vous donnera le flanc GK. de 100 degrés
avec la courtine. Vous aurez aufli la face K . J.
Tranfportez aufli cette même ouverture de compas
du point J. au point F . '& là pointe du compas
reftant en J. portez l’autre de F en L, vous aurez
aufli le flanc F L . & la face du baftion LH . faites
de même, à touts les autres côtés, vous aurez touts
vos baftions conftruits, de ,même que le corps de
la place,
Enfuite prenez la d iftance de B C . que vous porterez
en particulier pour en faire l’éch e lle , laquelle
il faut prendre pour 120 toifes, qui èft la
mefure ordinaire pour la petite fortification,
comme eft le quarré. C ’eft pourquoi v ou s la
diviferez en fix parties éga les, lefquelles vaudront
vingt toifés chacune. Vous diviferez la première
de ces parties en deux, dont chacune vaudra dix
toifes ; & là première de ces parties vous la d iviferez
encore en deux; pour avoir cinq toife s, vous
marquerez la valeur de toutes ces divifioçs au
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