
cîaos Crémone &. mettent tout'à. feu ÔC à. fang. Le
àuc deLancaftre en mettant le fiège devant Rennes, .
jure qu’il ne partira qu’après avoir pris cette ville ;
Bonnivet en dit autant, devant Pavie ; on Içait combien
ce propos inconsidéré fut funefte à l’un à
Pautre de ces généraux.
Si , pour nous convaincre que la préfomption eft
l ’écueil qui a caufé les naufrages les plus célèbres ,
nous faitions pafler devant nous , comme en un
tableau , les batailles faméufes , nous verrions que
la plus grande partie des généraux malheureux au-
roiènt pu attribuer leurs défaites au peu de connoif-
fances qu’ils avoient de leurs forces & de leurs talents
; à une vaine confiance en eux-mêmes, &
à un mépris injufte de leurs ennemis ; nous
verrions toujours le chef viélorieux avoir dilcuté
s’il falioit combattre, & comment il falloir le faire ;
( Voyeç C on se il . ) nous appercevrions le-..général l
qu’un amour-propre effrénén’ave ugIero.it pas aller
au-devant dé la vérité , la chercher , la demander ,
l ’exiger & l’accueillir de la bouche du dernier loldat :
de fon armée. Si quelquefois les faftes du monde
nous faifoient voir les avions héroïques produites j
par une opinion avantageufe de foi-même , par
un fecret fentiment de fa lupériorité , ils nous mon-
treroient le plus fouvent qu’une hauteur repouffante, I
une ambition coupable , &. plufieurs autres vices , j
naiffent de la préfomption ; ils nous apprendroient •
qu’une vaine confiance en nous - mêmes nous fait j
négliger à la guerre les précautions les plus ordi- j
naires & les plus indilpenfables ; qu’elle eft la caufe 5
de toutes les fauffes manoeuvres , de touts les mou- j
veinents dangereux, & de toutes les marches ha- j
fardées, parce que les efpérances audacieuies de j
l ’homme prélomptueux ne s’arrêtent jamais, & parce !
qu’il refufe aux autres généraux toutes- les qualités ;
qu’il ne voit qu’en lui-même ; nous reconnoîtrons I
enfin qu’on ne tente de furprendre un camp, qu’on
n’effaye d’enlever des fourrageurs, 6c qu’on n’af- |
faillit des convois, &c. que lorfqu’on a pour adver- j
faire un général vain & préfomptueux , qui par
conféquent ne poffède point la vigilance , vertu j
aufli indifpenfable au commandant en chef que |
les talents militaires.
C ’eft en effet par la vigilance du chef que tout
profpère. Les regards du général femblables aux J
rayons vivifiants du foleil, portent une heureufe j
fécondité par-tout où ils pénètrent, & produifent
les changements les plus' prompts & les plus deft-
rable;. Les hommes les plus froids font animés;
es plus inattentifs deviennent foigneux ; enfin, la j
négligence & la pareffe font transforméés en ac- I
tïvitéi Combien en étoient perfuadés ces grands
hommes , dont les hiftoriens ont peint la vigilance
avec des couleurs fi vives , qu’ils ont montrés
par - tout en même - temps , & auxquels ils ont
faits tout découvrir d’un feul regard. Combien
Turenne & Condé n’étoient - ils pas perfuadés
de tout ce que peut l’oeil du général ? Combien
le maréchal de Bouflers, cet immortel défenfeu-r
de Lille, n’en étoit-il pas convaincu, lui qui difoit
a les officiers : je me fie à vous , mais je réponds
de. moi ; lui qui voloit fans ceflêde la tranchée à
l’arfenal, des hôpitaux aux magasins , & dont l’ei-
prit toujours aélifimaginoit néanmoins de nouveaux
moyens de défenfe ; aufli oblige-t-il fon vainqueur
a lui dire , «je fuis glorieux d’avoir pris Lille , je
le lèrois encore davantage de l’avoir défendue ; »
Charle - Quint ne croyoit - il pas aufli que là v i-
gilance*eft la première caufe du fuccès, lui qui
feignoit quelquefois pendant la nuit de venir du
coté des ennemis , qui s'approchait à petit bruit
des fentinelles, qui cherchoit à les furprendre ou
à les corrompre ? Il avoit raifon , fans doute , de
croire aux effets heureux de la vigilance & de
vouloir en convaincre les troupes ; mais-devoit-il
employer d’aufli petits moyens ? De voit - il ex-
pofer ainft la personne fàcrée du général? Nous
croyons avoir fuftitamment répondu à ces queftions
dans le paragraphe de la bravoure , & nous nous
contenterons dé dire ici que Charle-Quint devoir fe
borner à furveiller attentivement fes premiers fub-
ordonnés , & ne pas confumer dans de menus
détails un temps précieux que le général doit à
des foins'plus importants.
Surveiller fes fubordonnés avec attention eft
fans doute un acheminement à la viéloire ; mais
s’obferver foi-même eft encore pour le général
d’armée un moyen plus affuré d’obtenir des luccès,
& de faire parvenir fon nom à l’immortalité. Nous
verrons dans le paragraphe des moeurs du général,
combien il importe au commandant en chef de
veiller fur toutes fes pallions , nous allons nous
occuper ici de la colère , parce que, fuivant l’ex*
preflion de Tacite , elle ôte la prudence & ex-
pole l’homme à toutes les embûches de fes ennemis.
Touts les écrivains qui ont traité des pallions
& de leurs effets, conviennent que la colère nous
arrache les fecrets qu’il nous importe le plus de
garder, qu’elle nous ôte le calme & la tranquilité
héceffaires même pour décider des plus petits intérêts
; qu’en nous aveuglant totalement elle nous
empêche de voir & de reconnoître les occafions
qui pourroient être favorables à l’exécution de nos
defièins , qu’elle nous infpire des vengeances folles
& des injuftices atroces ; en un mot, qu’elle nous
avilit aux yeux de nos fubordonnés. D ’après cela
nous pourrions prefque nous difpenfer de recommander
au chef d’une armée, de fermer avec foin
l’entrée de fon coeur à une paffion dont les fuites
peuvent être fi funeftes. Cependant comme les réflexions
des moraliftes pourroient gliffer fur l’ame
du général, nous croyons devoir lui montrer encore
la gloire d’Alexandre ternie & fes vertus flétries,
parce qu’il s’abandonna deux fois aux tranfports de
cette paffion cruelle, & lui préfenter aufli l’exemple
du maréchal de Toyras , qui eut befoin de réunir
toutes les autres qualités néceffaires aux guerriers ,
pour fe faire pardonner les violents emportements
auxquels un tempérament tout de feu le livroit
quelquefois. Nous pourrions encore offrir d’autres
exemples aux généraux ; tel eft celui de Guftave-
Adolphe.........Mais il eft inutile de multiplier ici
les faits, des expériences malheureufes ont dû
parler aux hommes plus éloquemment que nous
ne pourrions le faire ; paffons donc à l’obéiffance ,
cette vertu dont le général doit aufli l’exemple
à fon armée.
§ . X I I .
De l ’obéijfance.
La conduite des hommes élevés en dignité eft
■ imitée par un grand nombre de'citoyens : elle
influe dirè&ement fur le falut de l’état. 11 impqrte
donc à la patrie que les grands pratiquent les
vertus d’où dépendent principalement fon falut &
la gloire ; comme on ne peut fe difpenfer de
mettre Fobéiffance au rang de fes vertus effen-
tielles, celle que le général doit à la puiffance qui
lui a confié le comnfaride m en t de fes forces doit
donc être fans bornes. Àgéfilas , roi de Sparte ,
‘un des premiers généraux du monde , a conduit
en Afie une armée formidable pour combattre le
grand roi ; il fe croit affuré de vaincre les Perfes
’& de venger la Grèce ; il reçoit des Ephores un
«ordre qui le rappelle à Lacédémone. Il fait à cette
lettre la réponlè fuivante : « nous avons loumis une
-partie de l’Afie , nous faifons encore de grands
préparatifs de guerre ; mais puifque vous m’ordonnez
de retourner, je fuis de près votre lettre. »
Je fçaïs qu’un commandant ne remplit fon devoir
qu’en préférant à la gloire brillante des armes; la
gloire plus folide &. plus belle encore d’obéir aux
:loix. Turenne a “été battu à Mariendal; mais il
efpèrê bientôt rentrer en Franconie, & trouver
“dans ce pays Foccafion de réparer l’échec qu’il,
vient d’effuyer ; les fecours qu’il a reçus , la con-r
fiance & l’ardeur de fes troupes, tout lui donne
lieu de compter fur les fuccès les plus brillants;
cependant, le duc d’Enguien arrive , Turenne a
reçu l’ordre de remettre fon armée à ce prince &
de fervir fous fes ordres , il obéit fans donner
aucune marque de chagrin ou de mécontentement.
* Quelque étendue que foie l’obéiffance que le
général doit à la puiffance dont il tient fon autorité,
cette obéiffance cependant, ne doit-elle pas
être renfermée dans les'bornes de la juftice, de
l’équité & de Fhonneitr ?
lontés du prince ; mais cet honneur nous diète
que le prince ne doit jamais nous preferire une
aflion qui nous déshonore , parce qu’elle nous
rendroit incapables de le fervir.
Pour appuyer fon ppinon par des faits , M. de
Montefquieu cite la conduite du vicomte d'Orthès
fous Charles -IX, & celle du brave Grillon avec
Henri III. Si l’immortel auteur de l’efprit des loix
eut penfe que ces èxempîes n’étoient pas d'écififs ,
il y auroit joint, fans doute , ceux du comte de
Dammartin avec Louis X I , celui de Matignon
avec Charles IX , celui de Fabert avec Mazarin ,
& plufieurs autres que les hiftoriens François ont
recueillis. Mais n'eft-il pas dans les-camps des oc-
càfions ou il eft permis au -général d’aller au-delà
des ordres qu il a reçus, ne iui eft—il pas permis de
les modifier?'Il eft impoffible au fouverain , au
miniftre & au confeil de tout prévoir ; fouvent
un événement inattendu change la face totale des
affaires ; on avoit réfolu de combattre & il faut
éviter la bataille ; on vouloit fe tenir fur la dc-
fenfive ; mais l’occafion devient favorable pour
agir offenfivement. A la guerre tout dépend de
l’mftant : 1e général doit-il laiffer échapper-la fortune
pour fe foumettre aux loix d’une obéiffance
fervile & aveugle , & par là caufer peut-être à
fa patrie des maux irréparables ? L’hiftoire nous
offre des exemples célèbres dans les deux genres ;
là c’eft Eugène qui reçoit quelques inftants avant
la bataille de Zenta une défenfe expreffe de combattre
; mais jugeant que l’intérêt & l'honneur de
1 empire font compromis , que la retraite eft impoffible
, il Ile change rien à fa difpofition , il
tient l’ordre de l’empereur-très fecret & donne le
fignal du combat. Ici Créqui a reçu l’ordre de
ne point attaquer l’ennemi , il trouve l’occafion
de battre l’arrière - garde du duc de Lorraine il
aime mieux voir la viftoire échapper de fes mains
que la tenir de la défobéiffance ; nous pourrions
accumuler les exemples pour foutenir & pour
combattre les deux opinions , mais une pareille
queftion ne peut être réfolue par des-autorités ;
s’il nous appartenir d’élever la v o ix , nous prierions
qu’en daignant fe rappeller la définition que l'on
a donnée du mot vérité ; ( l’utilité générale ; ) ; &
nous demanderions fi cette utilité ne doit pas Itre
le guide du ;géncral comme du refte des hommes
8ÿ “ e/^ ° : t Pas ,à defoer que le commandant
en chef ent-ete mis a l’abri d’une cruelle alternative*
( Voyei C a r t e blanche & conseil. ).
Nous devons tout au fouverain, dit M. de Voltaire.
Nous lui devons nos jours, nos fervices ,
notre être.......................................................................
Mais l’honneur eft un bien que nous ne devons
pas.
T e l eft aufli le fentiment de M. de Montefquieu.
Il dit tom. I*r , iiy. I V , chap. II ; il n’y a .rien j
dans la monarchie que les k>ix,, la religion, & J
Ihonneürpréîcfivêht tant que l’ohéï'ffarfce aux vo- j
§ . X I I I .
D e V a B iv i té .
Dans-une guerre entre les Perfes & les Huns
JNephtalttes, les principaux feigneurs d’entre ceux-
ci allèrent en tumulte trouver Àchahonar leur
prince, & lai reprochèrent dèHfe iaiffér jouer p3r
Porofe. Quelques-uns l’accusèrent même de s ’en