
Efpagne qu’en France. Il n’y auroit qu’à changer ?
à notre égard les trots dalles en deux; car, comme •
à prêtent il y a moins de matelots Espagnols qu’il ;
n y en avoit alors de François , pour peu qu’il y j
eut de -y-aille aux d’augmentation, il feroit néçef- j
faire de faire fervir la moitié des matelots, q ui, I
venant à palier l’hiver dans leurs mailons, comme I
je l’ai propolé dans l’article V I , le trouvent, en I
quelque manière, divilés en quatre parties, puilque I
chacun ne fert que fix mois e‘n deux ans. Si l’on j
veut même compter ceux q«ui -font employés dans j
le voyage'des Indes, & dans les navires qui j
gardent les côtes, dans dix-huit mois il y en j
auroit .toujours douze où ils feroient de fervice.
•Ainfi, ce plan de «compter chaque année fur la
moitié des carabiniers n eft pas aulli rude & fatiguant
qu’il le paroit d’abord : d’ailleurs, plufieurs
etrangers viennent s’offrir, èç alors on en tireroit
moins des provinces , afin que ceux qui feroient
au-delà du tarit ordinaire ne fiffent pas un voyage
inutile.
Les intendants & les gouverneurs de chaque
province devroient faire dreffer des liffes très !
exacres des mariniers qui font dans leur départe- I
ment, à ^exception des vieillards & des eftropiés,
en y comprenait pourtant les jeunes gens au-deffus
de douze ans, qui commencent à fervir de moufles
& de pages de navires. Ces liftes devroient être
renouvcliées touts les trois ans, afin d’en retrancher
les morts, les vieillards , les eftropiés & ceux
qui ont déferlé, & d’y ajouter ceux qui, auparavant
trop jeunes, font parvenus à un âge-propre
à commencer à fervir.
Une copie de ces liftes, nom par nom , & avec [
diftinclion d’âge , devroit être remife, par chaque
.intendant de la province , à l’intendant général de j
la marine ; une autre par le gouverneur de la j
province au premier mini fine chargé de la marine j
& une troifième, lignée d’eux , au fecrétaire de I
la marine, pour voir fi elles font conformes, &
afin que l'intendant général de la marine puiffe,
avec l’approbation de la cour, demander , preuve
en main, à chaque lieu, un certain nombre de
garçons depuis douze jufqu’à dix-huit & cinquanter
cinq ans. Les gouverneurs & les intendants de
provinces doivent être fort attentifs à ne pas fe
-laitier tromper fur l’âge , fur les incommodités
que les matelots allèguent pour éviter d’être mis
for la lifte, ou pour s’exempter du voyage après
qu’elle eft faite. Celui qui, pour quelque exeufe
légitime , en aura été exempt, fera deux voyages •
de fuite, & lorfque cette raifon aura celîé ; en
quoi on ne fçauroit trop prendre de mefures ,,
pafee que les juges des lieux ont leurs compères
& leurs parents, & la charge dont ils foulagent ■
lès. uns,retombe injuftement fur les autres,
; Les. mariniers ferviront avec moins .de répugnance
fur les vaiffeaux du ro i, f i , dans ces cinq ;
Fovinces où les: efcacîres doivent palier l’h iver, -
0JMoîine la paye d’invalide à ceux; qui auront été
eftropiés dans le fervice, & fi l’on récompenfe
ceux qui fe feront diftingués , en les avançant
fuceeffivement dans les emplois de canonniers',
de contre-maîtres , de pilote , d’écrivain. En traitant
de la récompenfe due aux troupes, j’ai parlé
des précautions à prendre pour ne pas continuer
la paye d’invalide à celui qui ne l’eft pas, & de
l’attention que le prince doit avoir pour les enfants
& les: veuves de ceux qui font morts en combattant.
Le nombre des mariniers volontaires fur les
vaiffeaux du roi augmentera auffi , fi l’on leur
donne quelque part dans les prifes , parce que
Thomme d’une balle naiffance ne court à la tangue
& .au péril que dans la vue de l’intérêt.
Art. X. Le roi infpira à la noble(fe Françotfe le
défir de fervir dans la marine.
Philippe V a déjà établi une nombreufe compagnie
de gardes-marines, qui doivent touts être
gentilshommes, & qui fe maintiendront toujours
dans ce corps diftingué, fi des perfonnes d’un
autre corps ne leur enlèvent pas les emplois où
ils aipirent pour leur avancement, parce que plus
on eft de naiffance, & plus on fe dégoûte du
fervice par cette forte d’injuftice , comme je le
prouve ailleurs. Quoique la première fois qu’on
veut établir une armée navale , il foit néceifaire
de tirer des autres pays des officiers habiles dans
la marine , leurs emplois dans la fuite , lorfqu’ils
viennent à vaquer par leur mort ou par leur
avancement, fe doivent donner aux nationaux,
fans quoi ils fe dégoûtent & fe retirent.
, Art. XI. On établit un confeil de conftrutfion dans
touts les ports , pour délibérer touchant les proportions
& le gabarit des vaiffeaux. Ce confeil était compofé
de Vamiral, des vices-amiraux 3 des lieutenants-généraux
3 des intendants 3 des commiffaires généraux de
marine 3 des chefs d'efeadre 6* des capitaines des
ports. Les capitaines étoient obligés de s’ inflruire fur
ces matières ; les lieutenants , les: fous-lièutenants ,
les gardes-marines avoient là même obligation. .
C ’étoit-là, en vérité, un confeil bien compofé,
puifqu’il n’y entroit que des perfonnes de la pro-
feffion. L’homme qui a le plus d’efprit eft bien peu
habile dans une profeffïon qui lui eft étrangère ;
je l’ai prouvé dans un. autre endroit. Il feroit donc
à propos qu’il y eût à la cour une falle de marine 3
toute compofée de perfonnes qui aurcient fervi
fur mer, c’eft-à-dire des généraux, des intendants ,
des commiffaires de la marine & des directeurs
de conftruéfion.
De cette manière , on pourroit prendre des
déterminations bien juftes touchant la marine ,
non-feulement en matière de guerre3 mais encore
d’économie, parce que le général ne fçait pas les
détails de l’intendance , & l’intendant les maximes»
de la guerre 3 fi cè n’eft en gros. J’ai prouvé que
nul homme ne peut tout fçavoir, & j’ai oui dire
plufieurs fois au marquis de Saint-Philippe, homme
làge & très éclairé , qu’un prince feroit heureux,
G U E
fi chacun de ceux qui le fervent s’appliquoit uniquement
à s’inftruire de ce qui regarde directement
ion emploi , & que la raifon pourquoi on voit
aujourd’hui fi peu de gens habiles, eft qu’on ne
s’attache pas à étudier une feule choie.
Je fçais que les puiilances qui ont aujourd’hui
de fortes armées navales , & qui voudroient chacune
être l’unique qui en eût, ne.verroient qu’avec
peine qu’une autre nation voulût augmenter fes
iorces par nier, & qu’elles chercheroient des prétextes
pour tâcher de ruiner une flotte , tandis
qu’elle eft encore jeune3 expreflions dont j’ai ouï
en Sardaigne un fils de l’amiral B in g fe fervir,
en parlant de notre efeadre, que les Anglois ache-
voient de détruire dans les mers de Sicile.
Il y a trois partis à prendre dans cette conjoncture
: le premier eft de diffimuler le motif
ce rupture avec les puiilances maritimes, &
d empecher , par la voie de différentes négociations
, une rupture de leur part, en continuant
cependant votre armement dans le même efprit
de di-ffi mulation.
Le fécond eft de ne pas rifquer dans le fort d’un
combat toutes vos forces navales n aillantes ; de
ne pas lès tenir dans des ports où les ennemis, j
avec leurs brûlots , peuvent les brûler; de bien
payer les naturels du pays qui fréquentent les
côtes ennemies , & qui vous donnent des avis
prompts & fur s de l’armement & des voyages de
leurs efeadres ; d’affémbler feexètement .vos vaiffeaux
, pour attaquer une efeadre des ennemis
inférieure , & qui fe feroit féparée des autres ; &
fi les ennemis font en mer avec une groffe armée
navale, de ne faire cette année dans la marine
que la dépenfe abfolument néceifaire pour bien
entretenir, dans des ports fors, vos gros vaiffeaux
& quelques frégates fur mer, afin que votre nation
ne celle pas entièrement de s’exercer dans la navigation
, & qu’elle puiffe traverfer un peu le
commerce des ennemis , qui eft toujours confi-
dérable, à proportion de leurs armées navales.
Pour faire la cotirfe avec plus d’avantage &.
moins de danger , vos corfaires doivent avoir^
dans les ports marchands, des correfpondances
avec divers patrons de felouques & d’autres légers
bâtiments neutres, pour leur donner avis du temps
que les batiments ennemis doivent fortir de ces
ports fans efeorte, & fi leurs navires gardes-côtes
en font fortis pour côtoyer, ou s’ils ont jette
l’ancre. Ces patrons doivent être d’une fidélité
reconnue & de beaucoup de fecret, pour pouvoir
leur confier fur quelle côte ou fur quel cap ils
rencontreront chacun de vos corfaires, depuis un
tel temps jufqu’a tel autçe. Vos corfaires conviendront
avec eux des fgnaux de reconnoiffance 3 de
peur qu’ils ne craignent de s’en approcher , en
les prenant pour des frégates des Maures, ou de
que [qu’autre ennemi.
Le troifième & le plus utile expédient à prendre
eft de faire ligue avec une puiffance maritime j
| contre l’autre , parce q ue , fous la conduite &
: avec l’appui de l’armée navale de votre allié, la
| votre pourra s’inftruire, tant pour la navigation
J que pour les combats ; & pendant que cette ligue
dure , ne perdez point de temps à augmenter vos
| vaiffeaux &. votre mariné, afin d’être en état de
pouvoir vous battre feul, quand la ligue fera finie.
i On n’apprend à marcher à un petit enfant qu’en
le foutenant d’abord , & enfuite il marche tout
feul : il faut en agir de la même manière à l’égard
•d'une armée navale qu’on peut appeller nouvellement
née.
Quand Louis X IV rétablit fa marine, il fit
ligue avec Charles I I , roi d’Angleterre , contre
la Hollande , &. fous les ordres du comte d’É-
trées , il joignit à l’armée Angloife trente vaille
aux de ligne. Alors les François livrèrent bataille
,. en 1672,, à l’armée Hollandoife , commandée
par l’ami--al Ruiter. En 1673 , l’armée
brançoife réunie à F Angloife , combattit trois fois
contre celle des Hollandois. Lorfqu’en 1675 les
François eurent plus -de pratique de la mer, ils
combattirent trois ou quatre fois contre les Hollandois
& les Efpagnols dans les mers de Sicile ,
fous les. ordres du duc de Vivonne, de M. Du-
queine , de M. d’Aimeras & de M. de Valbelle.
En 1677 > Ie comte d’Étrées brûla, dans le port
de Tabago , quatorze vaiffeaux Hollandois. En
1689 , M. de Château-Renaud, lieutenant-général
, avec vingt-quatre vaiffeaux François , battit
un pareil nombre de vaiffeaux Anglois commandés
par l’amiral Herbert.
Jufques-là nous avons vu les François préparer
leurs forces maritimes fans combattre ; peu-à-près
s’allier avec l’Angleterre contre la Hollande, en-
fuite combattre feuls contre les Hollandois & les
Efpagnols, & enfin contre les Anglois : mais lorfque
l’armée Françoife expérimentée fut devenue
extrêmement puiffante & formidable par ce grand
nombre de victoires qu’elle avoit remportées , elle
combattit contre l’Angleterre & la Hollande réunies
enfemble , & gagna, en 1690 , la bataille de
Bevefières, fous les ordres du comte de Tour-
ville , vice-amiral & enfuite maréchal de France.
En 1704, M. le comte de Touloufe combattit
contre ces mêmes nations devant Malaga.
En parlant de la guerre qui fe fait par terre ,
j’ai dit dans quelles occafions il importe de livrer
bataille ou de l’éviter , fur-tout au commencement
de la guerre. Quelques-unes des maximes
que j’ai établies, pourront avoir Heu par rapport
. aux combats fur mer.
Quoique vous loyez fupérieur en forces fur
mer ou fur terre , ne vifez jamais à faire des
conquêtes féparées les unes des autres ; tâchez
même qu’elles foient les plus proches qu’il fe
peut des anciens états c!e votre prince.
Ce principe , Vunion fait la force , eft générale*
ment reçu. La France & l'Efpagne nous en feur-
niffent un exemple bien clair. La France, avec
S f f f i j