
enfeignes Si étendards de France, qui avoit vu
la cornette blanche de la cavalerie légère, & celle
dont il eft queftion , laquelle étoit encore en ufage
de Ion temps, les diftingue parfaitement, en ce que
la cornette blanche , dont je traite ic i, étoit , dit-il,
Jimple, non parfernée, fans mélange de couleur, ou
fieurs-de-Lys ; au lieu que la cornette blanche de
la cavalerie légère eft parlemée de fleurs-de-lys.
Mais il y a encore d’autres arguments pour'prouver
la différence de ces deux cornettes blanches. .
C a r , fecondement, fous la cornette blanche de
la cavalerie légère, il n’y a jamais eu que des che-
vaux-légers ; 5c fous la cornette blanche dont il
eft parlé dans les hiftoires de Henri III & de
Henri IV, il n’y avoit que desgendarmes. La raifon
eft, comme je le prouverai plus au long dans la
fuite , que fous cet étendard il ne fe trouvoit que
des gentilshommes volontaires & des commenfaux
du ro i, qui s’y rangeoient touts en équipage de
gendarmes & non de chevaux-légers. Ce tait eft
certain par la feule leélure des hiftoriens dont je ne
rapporterai maintenant qu’un court extrait, tiré de
l’hiltoire de d’Aubigné, où il raconte l’ordonnance
de la bataille de Coutras.
» Puis, en approchant, la rivière étoit, dit-il,
la cornette blanche du duc de Joyeufe, & dix des
plus belles compagnies. Il y avoit en ce gros^plus
de ftx-vingt feigneurs ou gentilshommes , fuivis
d’autres à leurs dépens. Si bien que ce corps n’avoit
pas moins que quatorze cents lances : Si tout fon
premier rang étoit de comtes, marquis, barons ou
feigneurs ». 11 eft évident que ces quatorze cents
lances, & touts ces feigneurs & gentilshommes,
formoient un corps de gendarmerie , & non de
çavalerie légère ; & que cette cornette blanche
n’étoit point celle du colonel général de la cavalerie.
Troifiémement, les deux charges de cornette
blanche fubfiftent encore aujourd’hui enferpb’e.
Elles ont chacune leurs prérogatives & leurs appointements
propres ; avec cette différence , que
le porte cornette blanche qui avoit fes fondions à
la guerre du temps de Henri IV, ne les a plus aujourd'hui.
Celui qui poflède la charge de cornette
blanche dans la colonelle générale de la cavalerie
légère, eft le marquis de Dimeville ; & celui qui
poffede l’autre charge de cornette blanche, eft le
marquis de la Chefnaye , gouverneur de Meulan ,
ci-devant gentilhomme de la chambre de feu Mon-
leigneur. Cette raifon eft fans réplique : mais en
voici encore une autre où il n’y en a point non plus.
C ’e ft,. quatrièmement, que le porte - cornette
blanche , dont il s’agit, eft une charge de la mai-
fon du ro i, dépendante du grand maître d’hôtel à
qui les provifions font adjeflées, & qui reçoit le
ferment du'pourvu. Tout cela eft exprimé dans
les provifions de M. de la Chefnaye & de M. de
Vandeuvre , fon prédéceffeur , qui m’ont été comr
jnuniquées, & où il eft marqué qu’ils feront ferment
entre les mains du grand-maître d’hôtel ; au
contraire h .cornette blanche de la cavalerie légère
prend l'on vija du colonel général de la cavalerie
légère & n’a , pour la charge, aucun rapport au
grand-maître d’hôtel. Par tout cela il eft évident
que la cornette blanche, dont il s’agit, n’eft point
celle de la cavalerie légère, & il la faut chercher
ailleurs.
Le fçavant M. Ducange, dans fa Dljfertation
fur l'oriflamme, prétend que la cornette blanche
prit' la place de cet étendard après le régné de
Charles VI. J’ai déjà montré que la coutume de
porter 1 oriflamme ne cefla' entièrement que fous-
Louis X!. Mais quand elle auroit ceffé dès le temps
de Charles V I , il ne s’enfuit pas que la cornette
blanche eût pris fa place.
L ’oriflamme n’étoit pas l’étendard du roi, ■ c’eft-
à-dire qu’il n’étoit pas toujours ni ordinairement
dans la troupe que le roi commandoit enperfonne.
Elle étoit l’étendard de toute l’armée ; elle marchoit
à la tête & devant touts les autres étendards. C ’eft
ce qu’on a vu clairement dans les paffages que j’ai
cités de nos anciens auteurs, en traitant de cet étendard.
'O r , par les hiftoires de Henri III & de
Henri IV , il eft manifefte que la cornette blanche
étoit l’étendard du roi ou du-général qui repré-
fentoit le roi. Le duc de Joyeufe , général de l’ar-
mee, a la bataille de Coutras contre Henri roi de
Navarre , depuis- roi de France, IV e du nom,
avoit cet étendard dans fa troupe. Henri Pot de
Rodes à la bataille d’Y vri portoit la cornette
blanche de ce prince : ce Jeigneur y ayant reçu
dans les yeux urie'bleffure qui l’aveugla, &. la bride
de fon cheval ayant été rompue , il en fut emporté
: cet accident fit croire que le roi fe retiroit
de la mêlée ; & ce qui rendit la chofe plus vrai-
femblable, fut qu’un jeune feigneur qui avoit un
panache tout feniblable à celui du roi, fuivitla cornette.
Plufieurs, dans la même penfée, marchèrent
de ce côté-là, le roi averti de ce défordre, courut
pour y remédier de rang en rang, avec un très
grand rifque de fa perfonne. Dès qu’on le V it , le
courage de fa nobleffe fe ranima ; & touts firent de
fi grands efforts qu’ils rompirent entièrement, les
ennemis. On voit par-là que la cornette blanche
étoit dans la troupe du roi, qu>lle étoit fon étendard
particulier , & que c’étoit fur les mouvements que
faifoit cette cornette pour avancer ou pour faire
retraite, qu’on jugeoit de l'avantage ou du défa*
vantsge du çombat à'l’endroit où le roi fe trouvoit.
Elle n’a donc pas pris la place de l’oriflamme, & n’y
a pas été fuhftituée , puifqu’elie n’étoit pas l’étendard
de l’armée comme l’oriflamme, mais l’étendard
du roi."
De-là il s’enfuit crue, fi la cornette blanche a
fucçédé à quelque étendard, ce n’eft point à l’oriflamme
, mais à l’étendard royal. Cependant avant
; que de rien conclure encore , il y a quelques
autres réflexions à faire qui nous ferviront à dé»
brouiller çette matière.
Comme c’eft du temps de Henri III & du temps
dç
2e Henri IV qu’il eft fait une mention plus fréquente
de la cornette blanche fous ce nom, il faut
voir quelles fortes de troupes combattoiênt alors
fous cette cornette j & pour cela je vais rapporter
quelques extraits des hiftoriens de ce tempsr-là.
î e r.e!liets ce^ui que j’ai déjà fait de d’Aubigné;
,Voici comme il parle en racontant l’ordonnance
de 1 armee Catholique pour la bataille de Çoutras:
« Puis en aprochant la rivière (étoit) la cornette
blanche du duc (de Joyeufe ) & dix des plus belles
compagnies. Il y avoit en ce gros plus de fix-
vingt feigneurs ou gentilshommes fuivis d’autres à
leurs dépens, ( c’eft-à-dire d’autres gentilshommes
foudoyés ou-entretenus par ces feigneurs, ) fi bien
que ce corps n’avoit pas moins de quatorze cents
lances , & tout fon premier rang étoit' de comtes,
marquis, barons ou feigneurs ».
Le meme d’Aubigné : parlant encore de.ee qui
précéda la bataille de Coutras, dit de lui -même :
« Quelques autres chevaux-légers des autres, dit-il,
le trouvèrent à Taillebourg avec Aubigné qui me-
noit aufli quelques dou^e gentilshommes de la cornette
Hanche ».
Et fous l’an 1598 , « Roulet ayant fort peu demeure
la qu il n’eût fur les bras 2,50 falades ; celui
.qui les menoit n’avoit point d’habillement de tête,
& vint paffer entre Roulet & quelques dowçe gentilshommes
de la cornette blanche ».
Le meme parlant du fiège d’Amiens : « ce capitaine
( Jean ) ayant donc délibéré de -s’en venger le
lendemain , & bien reconnu comment, & jufqu’où
les afliégés s’avançoient, il vint pafier la nuit fur
le pont de bateaux, fait à Lompré, fuivi de trois
cents chevaux, la plupart de la cornette blanche,
parmi ceux-la plufieurs feigneurs, comme le duc !
rie Rohan , le comte Schomberg, & le baron de
Termes, & c . avec cela il s’embufea dans un
hameau, &c.».
M. de Montgommeri - Corbofon qui écrivoit
fous Henri IV , dit dans fon Traité- de l'ordre de
cavalerie : « quand il fe parle d’une bataille, ou de
quelque beau voyage , il n’y a que trop de volontaires
bien montés &. bien armés qui enflent notre
cavalerie, & notamment la cornette blanche ».
T ille t, apres avoir dit que les plus grands
feigneurs du temps de François Ier fe tenoient honores
des titres de valets tranchants & d’autres
femblables, ajoute : « Sa cour en étoit magnifique
en temps de paix, & en guerre fa cornette mieux
remplie , & plus forte ». Il parloit ainfi fous
Charles IX , à qui fon livre eft dédié ; & il vécut
fous François Ier. b
De touts ces paffages raffemblés , il s’enfuit
que le corps qu’on appelloit la cornette blanche,
à caufe de l’étendard Tous lequel il combattoit,
ctoit compofé de nobleffe, que cette nobleffe étoit
en grande partie une troupe de gentilshommes
volontaires que Henri III & Henri IV raffem-
bloient, principalement dans le temps qu’il y avoit
quelque apparence de donner une bataille. On
Art militaire. Tonne II,
voit ^ fur-tout, dans l’hiftoire de Henri IV plufieurs
occafions, où pour épargner la fatigue & la
depenfe a ces gentilshommes volontaires, il les
îenvoyoit chez eux , tandis que lui, avec fes autres
troupes faifoit,par exemple, un fiège: mais fitôt
que l’ennemi approchoit, alors toute cette nobleffe
montoit a cheval & venoit fe raffembler fous la
cornette blanche.
Outre ces volontaires’, les officiers de la couronne
& de la cour étoient obligés, en vertu de leur
charge de s’y rendre aufli ; & c’eft fur cette obligation
que du Tillet, que j’ai cité, dit que François
I - ayant pour officiers quantité de gens-de
qualité, fa cour étoit fi magnifique en temps de
paix, & fa cornette f i remplie & f i forte en temps de
guerre. C ’eft par la même raifon que M. de Montgommeri
dit que, quand il s’agi {Toit d’une bataille
; ou de quelque voyage , la cavalerie d’Henri IV
: etoit toujours remplie de volontaires, ôc notamment
fa cornette.
. En effet, fous François I I , au fujet de la con-
juration d.’Amboife, François, duc de Guife, ayant
été fait lieutenant général du royaume « envoya
faire commandement par touts les bailliages cir-
convoifins à touts gentilshommes de la maifon du
roj_ & autres fes domeftiques, de fe rendre incontinent
en équipage de guerre bien montés armés
la part qu il feroit ». Depuis ce règne jufqu’à la
paix de Vervinsfous Henri IV , les guerres civiles
empêchoient qu’on ne convoquât l’arrierre-ban dans
la plupart des provinces. C ’eft pourquoi les rois
fe contentoient d’affembler fous leur cornette les.
gentilshommes volontaires & leurs officiers com-
menfaux-.
Remontons plus haut. Louis X I I , paffant en Italie
pour aller foumettre Gênes quiVétoit révoltée,
avoit dans fes troupes comme le rapporte le
maréchal de Fleurariges, un corps de gentilshommes
qu on appelloit les penfionnaires, & qui
avoient polir chef M. de Bourbon. s
Ces penfionnairès étoient une invention de la
politique de Louis XI. C ’étoient des gens couchés
lurI état, & qui, en vertu de leurs penfions, étoient
obliges de fe rendre auprès de lui, quand il les man-
doi't au fervice. Il en eft parlé dans les mémoires de
Bethune, qui font à la bibliothèque du r o i , & ils
etoient divifes par nations, comme on le voit par
ce titre : eflat des gentilshommes de Vhoflel du roi
de la nation de Picardie , efiant préfentement Tous la
charge de M. des Cordes, & que paye Lancelot de
Baconel, pou' Vannée commençant au mois d'oÜobre
1481, & finiffant au dernier jour de feptembre 1082.
Un y voit encore un rôle très nombreux de per—
fionnaires mande* pour aller à Bourdeaux , fous la
conduite de M. de Breffuire, & qui dévoient être
accompagnes chacun de trois combattants pour le
moins. r
\ Ptohppe de Comines nous apprend que Louis X I
leur donna un chef pour les commander & il
paroit dire que lin-ir.ême fut le premier honori
M ra