
gum e s , du b eu rre, du la i t , du fromage, des fruits ;
la tête n u e , un farrot de t r ic o t , une chemife, un
g ille t & de grandes culottes de toile g r i f e , un
chauffon de cuir dans des galoches, couchés dans
un fac ffe toile fous une couve rtu re, fur des planches
arrangées tout autour de l’é c o le , comme les
lits des corps de garde. Apprenez-leur à lire , à
é c r ire , à com p te r , un peu d’arpentage, des con-
noiffances du ciel & de la phyfique relatives à
l ’agriculture ; faites-Ies travailler fur-tout ; qu’ils
teillent du ch anvre, qu’ils le ba tten t, qu’ils faflent
mouvoir à force de bras toutes fortes de machines
utiles aux manufa&ures & au comme rce ; enfin
occupez ces enfants jufqu’à l’âge de feize ans, félon
leur force , & toujours de manière à l’augmenter;
qu’ils ne foient jamais affîs que lorfqu’ils dorment
ou qu’ils font excédés de fa tigu é^ q u e le temps
donné à l ’inftruéiion foit le plus cou rt, que le refte
foit pour le travail & quelques récréations, pendant
lefquelles encore outre des exercices milita
ire s , préfidés par le fergent vétérant, ils feroient
des jeux qui augmenteroient leur force & leur
adre'ffe ; quand ces enfants approcheront de l’âge
de puberté , qu’on puiffe venir vous le demander,
afin d’aider des maçon s , des charpentiers, rouler
des brouettes, tirer des tombereaux , commencer
à bêcher la te r re , que leurs gains foient joints
à la maffe. Q u e les jeunes gens qui fe feront engagés
à la fortie des é c o le s , ayerit le droit p e n dant
qu’ils fe rviron t, d’être reçus dans les boutiques
ou atteliers des maîtres de métiers pénibles
pou r y être inftruits gratis.
A v e c ces moyens fi fimples & d’une exécution
fi fa c i le , vous aurez élevé pour leur bonheur,
leur utilité & le foulagement de leurs parents,
prefque touts les enfants de la partie la plus nom-
breul'e & la plus miférable de vos citoyens ; vous
les aurez inftruits dans la religion ; vous aurez
empêché leurs moeurs de f e corrompre; vos p laces,
v o s carrefours, vo s ru e s , les portes de vos villes
ne feront plus infeâ ées d’un tas de petits êtres,
q ui femblent fe former dès l’âge le plus tendre
pou r recruter vos m andiants, vos vagabonds, vos
contrebandiers & v o s voleurs de grands chemins ;
que les maîtres faflent fentir de très bonne heure
à ces enfants, les foins que l’état prend d’e u x ,
la reconnoiflance qu’ils lui doivent & les avantages
qu’ils trouveroient en fortant des écoles
s’ils faifoient au moins un congé par les reflources
que cela leur procurerait pour fe former & pour
apprendre un métier à peu de frais ; ne doutez
pas en fuite qiie ce ne foit dans ces écoles que
vous trouverez a v e c facilité la plus grande partie
des recriies dont v ou s aurez befoin.
Mais vous avez encore des enfants élevés dans
vos hôpitaux ; défignez-en parmi eux un certain
nombre que l’on inftrifira pour être dans lés
t rou p e s , tambours, muficiens, tailleurs , cordonnie
rs , firaters , armuriers, buffietiers -, por.tè-haches,
vivand iers, maréchaux, & c . qu’ils ne foient qué
cela , & ils diminueront d ’autant le nombre d’hommes
qui auroient rempli ces différents emplois dans
chaque régiment.
D ’un autre c ô té , ordonnez qu’en France l’on
fçache dans chaque lieu ce qu’il y a de garçons
ou de gens mariés, que jamais un jeune homme
ne puiife fortir en fureté du lieu où il eft n é ,
fans avoir un certificat de fa naiffance, enrégiftré
dans les livres de la paroiffe ; que toutes les fois
q u ’il changera d’habitation, de métier ou d’é ta t,
cela foit infcrit de fuite dans fon certificat, figné
par le fy n d ic , le cu ré , &. le maître où il aura
fervi ; qu’il n’y ait jamais de lacune, d’une époque
a l’autre ; que ce certificat le fuive pour ainfi dire
depuis fa naiflance jufqu’à fa m o r t, & foit le témoignage
de la manière dont il a employé fon
teffips pendant le cours de fa v ie : fi il a mérité
de bonnes notes par fes actions, fes bonnes moeurs,
fon alfiduité au tra v a il, que l’on fe faile un devoir
de le mettre fur fon certificat ; de-là s’enfuivroit
la poffibilité de n’engager que des hommes sûrs ,
des moyens de découvrir les déferteurs, des facilités
pour détruire les vagabonds ; ne fouffrez plus
de gens fans aveu p puniffez touts les citoyens
que l’on trouvera fans certificats ; puniffez le recruteur
qui auroit engagé un homme dont le certificat
ne ferait pas en règle ; punifl'ez les chefs qui engageraient
des délèrteurs : enfin en travaillant
d’un côté à vous préparer d’excellents recrues ,
au moyen dés é co le s , lo y e z infiniment rigide fur
les hommes que l’on engagera ailleurs, jù r la manière
dont on les engagera , & il eft très probable
que bientôt vous n’aurez plus autant à vous
plaindre des maux occafionnés par la défertion.
Moyens de remédier à la manière vicieufe dont on
enrôle les hommes qui compofent les armées.
L a néceffité de faire des recrues, la difficulté
d ’en t ro u v e r , la crainte d’en manquer, telles font
fans doute les raifons qui ont déterminé à tolérer
la manière dont on' fe comp orte, pour décider
les jeunes gens, à prendre le. parti des armes ; &
tandis que les loix n’accordent aux citoyens la
majorité & la liberté de difpofer de leur fortune
qu’à vingt-cinq ans , tandis qu’on a fournis chaque
homme qui veut entrer dans l’état religieux , à
un noviciat qui ne peut commencer qu’à vingt
& un an ; on fouffre que, des enfants , dont la p lu- ,
part ne font point encore adultes, engagent leur
liberté à feize an s , & ces engagements les lient
pour huit ans à des devoirs qu’on ne leur a point
fait connoître ; & fi ces devoirs font au-deffus
de leurs fo r c e s , fi leur raifon.vient un jour à fe
révolter d’avoir été féduite, vous les noterez d’infamie
ou vous leur ferez donner la mort. A v e z -
vous pu croire que de pareilles loix arrêteraient
la défertion ?. N on , vous n’avez pas même pu i ’ef-
pérer ; mais entraînés par vos plaifirs, habitués
Wàr votre în fouc îan ce, ou arrêtés par vo tre itn-
puiffance , vous avez laiffé remplir vos priions
& vos galères dé malheureux, dont la plupart
n’ont été inftruits de leurs fautes, que par les punitions
qu’on leur a infligées. H é , n’y avoit-il pas
déjà aifez de maux autour de cette portion du
p e u p le , que la misère affaillit dès le b erceau , fans
expofer encore ceux d’entre eux que vous venez
d ’enchaîner fous v o s drapeaux, à des dangers qui
femblent comme autant de piégés deftines a la
claffë d’hommes dont la vue eft la plus obfcurcie
par le manque d’éducationI N o n , n o n , ce n e ft
pas par la fubtilité & la contrainte que vous retiendrez
vo s foldats, & que vous les foumettrez
au x lo ix de vo tre fantaifie ou de v o s caprices ;
c ’eft par la dou ceur, l’e x a â itu d e , la juftice , &
une modération éclairée, mais exempte de foibleffe ;
vous avez décidé un jeune c itoyen a fervir fa
patrie ; que ce foit en préfence de chefs de fon
habitation & de fon curé ; qu’il ligne l’engagement
qu’il v a prendre; qu’on l’inftruile auparavant
de fes devoirs ; qu’on le fignale ; qu’on reconnoiffe
en lui un figne diftinéfif; qu’on le dé crive avec
foin & de manière à lui laiffer croire que 1 on
ne peut le méconnoître ; qu’il fe rende enfuite
fous les drapeaux qu’il a choifis ; qu’il aille apprendre
à y mieux"connoître ce à quoi il s eft en g a g e ,
& fi avant le jour où il doit prêter fon ferment,
il a cru s’être démontré l’impoffibilite de bien remplir
ce nouvel é ta t, qu’il lui foit libre de revenir
ch ez lu i , en payant à la caiffe des recrues 50 livres
au-delà de tout ce qu’ il aura coûté au roi jufqu’à
cette époque. '
Mais le jour du ferment arrivé , que ce ne foit
plus une fimple formalite , ni une ceremonie extérieure,
incapable d’influer fur la conduite a v enir ;
que ce foit un afte de religion très ferieux &.
accompagné de tout ce qui peut faire une forte
impreffion fur les efpvits ; que tout le régiment
foit lous les armes dans la principale églife ; que
l ’on y célèbre la meffe avec p om p e , & qu’au
moment le plus impofant de ce faint m y f tè r e ,
le s jeunes recrues prêtent leurs ferments; quils
jurent à D ieu &. à leurs concitoyens de fervir
bravement & fidèlement leur patrie ; qu’ils promettent
à leurs chefs de leur o b é i r , &. que leurs
chefs s’engagent réciproquement à n’exiger d’eux
qu e l’exécution des ordonnances. G a rd e z -v o u s
enfuite de négliger une pratique auffi précieufe;
gardez-vous fur-tout que l’on puiffe y jetter le
moindre ridicule ; fans c e la , bien loin de fervir
de fre in , elle auroit les fuites les plus facheufes ;
c’eft cette malheureufe facilite qu’a la nation de
tout ridiculifer, qui eft trop fouvent la caufe de
l’affoibliffement des ordonnances, de l’indifcipline ,
d e l’infubordination, des abus qui croiffent & fe
multiplient ; & lorfqu’on veut eniùite les retrancher
, la loi qui étonne un moment, ne fert b ientôt
qu’à faire prendre quelques précautions de plus
jpour la viole r,.
Moytni de procurer aux hommes qui compofent les
armées une fubfijlance plus fuffifante.
Autant en parlant des abus qui Te font ghffes
dans la partie de la fubfiftance des trou pes, on
a pu trouver fans peine un afïez grand nombre
de caufes qui doivent, contribuer a entretenir la
défertion, autant il fera difficile de pou voir indiquer
les moyens de détruire ces caufes ; la fubuf-
tance des troupes dépend en entier des fommes
que l’on peut emp loyer pour le militaire, 6c elle
en abforbe une grande partie. Malheureufement
les troupes coûtent dé jà a l’état beaucoup plus
qu’il ne faud roit, foit relativement aux revenus
du r o i , foit relativement au nombre de troupes
qu’on entretient fur p ie d , 6c plus malheureufement
encore à en croire des perfonnes qui parodient
inftruités, ce font les officiers generaux
& fupérieurs qui abforbent la plus grande partie
des fonds deftinés pour les troupes j ce feroit donc
principalement fur cette portion du militaire , que
l ’on devroit établir des reformes, afin de fe procurer
des moyens d’améliorer le fort du fimple fo ld a t ,
mais il feroit b ien ridicule d’efpérer que 1 on puiffe
jamais y réuffir ; cependant les foldats fouffrent,
6c ont trop de raifons fouvent de fe décourager 8c
dé déferrer, fans que l’on puiffe penfer à augmenter
les fonds deftinés à leur fubfiftance, en
lui laiffant les chofes dans l’état oit elles font aéluel-
lement. Mais en fe foumettant à quelques changements
très aifé s, 6c qui deviennent touts les
jours plus nécêffaires, on fe procureroit peut-être
de grands moyens d’économie fur la partie des
fubfiftances , on fe procureroit aufli des reflources
pour augmenter le b ien -ê t re du foldât de plu-
fieurs manières, 6c pour .contribuer a la v iv ification
des arts 8c de l’agriculture dans les campagnes
8c dans les villes qui fe trouvent aâu e l-
lement trop peu peuplées.
Je v eu x parler des garnifons permanentes, 6c
de la liberté donnée aux foldats de travailler ; c e
projet exige des détails ; je vais en donner quelques
uns : il faudroit d’abord divifer le royaume
en trente provinces militaires ; partager le militaire
en trente divifions ; attacher chacune de ces
divifions à une des provinces militaires ; diftri-
buerles Suiffes, depuis Befançon. jufqu’à L o n g o u y ;
les Allemand s, depuis Lon gou y jufqu’à Valenciennes;
les Irlandois; depuis Valenciennes ju f-
qu’ à C a la is , 8c mettre ro y a l Italien en C o r fe .
L e foldat F rançois, qui eft le moins p a y é , reçoit
6 fols 4 deniers par jour ; fi vous adoptiez les garnifons
permanentes, rien de plus naturel que de
permettre à un certain nombre de foldats de travailler
pendant huit mois. Je fuppofe que vous
a y e z âoo mille foldats , 8c que vous permettiez
chaque année le travail à n o mille ; retenez à
chacun d’eux 3 fols 10 deniers par jour pour la
[ maffe g én é ra le , & 2 fols 6 deniers pour la maffij
A a îi