
ville guerrière 11e confidéroit dans les traités que
ce qui pouvoit contribuer à fa grandeur : elle
répondit que fon général féroit ce qu’il jugeroit
utile à la république. Alors Agéfilas agiffant en
vrai fpartiate , abandonna Tàchos 6c fuivit le nouveau
monarque. Tachos détrôné par fon peuple,
trahi par les Grecs, fe retira chez les Perfes.
Le commencement du règne de Ne&anèbus ne
fut pas tranquille. Un mendétien fe fit auffi déclarer
roi , raffembla cent mille hommes, marcha contre
lu i, 6c employa; les Pollicitations' auprès d’Agéfilas.
Ceux qui ont trahi font à craindre,-meme pour le
parti qu ils ont embraffé. -Le roi d’Egypte craignant
d’être abandonné, repréfenta au général la-
cedemonien que les ennemis' étoient nombreux,
mais cependant ne formoient qu’un amas d’artifans
peu redoutables : ce nefi pas leur nombre que je
crains^ : répondit - i l , mais, leur ignorance & leur
grojjiéreté qui ne permet pas le flratagême. On peut
donner le change à ceux qui obfervent : mais celui
qui ne prévoit rien ne peut pas le prendre ; de même
qu un lutteur immobile n offre pas de mouvement faux
à fon adverfaire. Agéülas lui confeilla donc de
combattre , 6c de ne pas temporifer avec des
hommes qui ne connoiffoient pas la guerre , il eft
v ra i, mais dont le grand nombre pouvoit l’envelopper,
& le prévenir.par-tout. Neftanèbus craignant
qu’il ne fut d’accord avec eux , fe retira
dans la plus forte de fes villes. Le Lacédémonien
pénétra la caufe de cette crainte , & , quoiqu’elle
fut jufte, il en fut bleffé. Cependant, comme une
fécondé defeâion lui paroilîoit trop honteufe, ii
dilîimula & fuivit le roi. Celui-ci voyant l’armée
ennemie environner .la ville , craignit un fiège ôc
voulut combattre. Les Grecs le defiroient àuffi ,
parce qu’on manquoit de vivres. Mais Agéfilas
Payant refufé fut plus que jamais accufé de* tra-
hifon : fur-tout lorfqu’on le vit obftiné dans fon
deffein de ne ceder ni aux plaintes des Grecs , ni
aux infultes des Egyptiens.
Les •ennemis travaillèrent .à entourer la ville
id’un foflfé profond. Lorfqu’il n’y eut plus à creufer
q u’un médiocre intervalle, pour achever la circonvallation,
Agéfilas va trouver Je roi : Jeune
homme , lui dit-il, voici le moment de ta délivrance ;
je n en ai point parlé, de crainte qu il'n échappât.
Nos ennemis nous ont mis de leurs propres mains
un abri contre leur grand nombre. Ce grand & vajle
foffé fera pour eux un obflacle : l'intervalle nous
offre un -efpace oit nous combattrons à force égale.
L ’ennemi ne foutiendra point notre attaque. Marchons
, fois homme, & délivre-toi.
Neftanebus admirant l’habileté du Spartiate , ■
fis mit à la tête des troupes grecques, 6c enfonça 1
facilement ce qui étoit devant lui. Alors Agéfilas,
certain de la confiance du roi., déploya fes talents j
& fon expérience dans l’art de la guerre. Tantôt J
évitant les ennemis, & tantôt les pourfnivant, ou
les enveloppant, il les pouffa entre deux ruiffeaux,
dont le front de fia phalange pouvoit remplir l’in- |
tervalle; 6c enlevant ainfi à cette multitude l’avantage
de fe déployer , il la réduifit à combattre
fur un front 'égal au fien. Ils réfiftèrent peu ; plu-,
fieurs lurent tués, 6c la fuite diflipa le refte.
Ne&anèbiis , maître du royaume', fit alliance
avec les Phéniciens 6c les Sidoniens, contre le
roi de Perfe Darius Ochus. Il les lui oppofa ,■ comme
une barrière, fe rappellant peut-être les confeils
d’Agéfilas, qui avoit voulu le détourner de faire
la guerre hors de Ion pays. Pour les foutenir &
les exciter contre cet implacable ennemi, il leur
envoya quatre mille grecs fous les ordres du
Rhodien Memnon. Les Phéniciens avec ce fecours
chafsèrent les Perfes de leur territoire, Ôc cet
avantage acquit les Cypriots à la confédération.
Darius, mécontent de fes généraux, prit le
commandement de fon .armée ; & , comme les
mercenaires embraffent ordinairement le parti le
plu^fort ou le plus opulent, Mentor Ôc fes grecs
j préférant ou craignant la puiffance du roi de Perfe
allèrent fe joindre à lui. Neâanèbus, voyant fon
royaume menacé, leva une armée de vingt mille
Grecs , autant de Lybiens , Ôc quarante“ mille
Egyptiens.
Il raffembla fur le Nil une quantité prodigieufe
de barques armées, fortifia fur la rive droite, du
côté de l’Arabie, un grand nombre de villes ÔC
de poff.es qu’il entoura *. de"foffé.s, & fit touts les
autres préparatifs que la guerre demandoit.
L’armée ennemie fit voile vers l’E gypte, &
! périt en partië à l’embouchure du Ni!? Le refie
j aborda près de Pélufium , défendue par cinq mille
j G rec s, fous les ordres de Philophron. Les Peifes
! campèrent à quarante ffades de cette v ille , ÔC
les Grecs devant fes murs que les Thébains, jaloux
de fe distinguer, infultèrent auflï-tôt. Ils pafsèrent
un foffé profond, ôc chargèrent les afiiégés. Le
combat fut v i f , opiniâtre 6c dura jufqu’a la nuit,
qui fépara les combattants.
Le lendemain Darius divifa fes Grecs en trois
corps, & donna pour chefs à chacun, un Grec
& un Perfe. L’un, fut commandé par le Thëbain
Lacrate & Roface; l’autre, par l’Argien Nicof-
trate ôc Ariftazane ; le troifième, par le Rhodien
Mentor' ôc Bagoas. Le roi gardant près de lui
le reffe des troupes, dirigea les opérations de toute
fon armée.
Nicoftrate, conduit par des Egyptiens , dont
les femmes ôc les enfants étoient en ôtage auprès
des Perfes, paffa-par'un bras du Nil peu connu ,
ôc mit fes troupes à terre.
Les garnifons voifmes fe raffemblèrent, marchèrent
à lui, & furent défaites. Clinius, de Pile
de Cos, qui les oommandoit, y perdit la vie avec
un grand nombre de foldats.
Neélanèbus, trop, allarmé de cette perte , crai-
gnit pour Memphis, & s’éloigna imprudemment
de fes autres villes, Pélufium fe défendoit avec
ligueur contre Lacrate. Les Grecs avoient def-
fiéché un foffé, l’avoient comblé , 6C fait approcher
les machines. Une grande partie des murailles
s’étoit écroulée : mais les afiiégés avoient réparé
la brèche, ôc fubftitué des tours de bois à celles
qui étoient ruinées- Dès qu’ils apprirent l’éloignement
du ro i, ils fe rendirent à Lacrate, à condition
qu’ils feroient tranlportés en Grèce avec armes
ôc bagages. Lorfqu’ils fortirént de la v ille , Bagoas ,
homme fans foi, accompagné de quelques Perfes,
voulût leur enlever ce qu’ils emportoient. Lacrate
indigné , fit charger ces barbares ; ôc quoique
Bagoas l’accusât auprès du monarque., Darius approuvant
le général grec, fit punir les ravîffeurs.
Cependant Mentor marchait à Bubafte. Il fit
ïépandre que le roi de Perfe traiteroit avec bonté
ceux qui le reconnoîtroient pour maître, avec
rigueur ceux qui lui réfifteroient. Toutes les villes
du pays étoient gardées par deux nations, lc-s Egyptiens
& les Grecs. L’artifice de Mentor y fema la
difcorde. Les Egyptiens accoutumés à n’obéir que
par crainte, ôc les Grecs à fervir celui dont ils
efpéroient le plus, fe difputèrent l’avantage de
livrer les places qu’ils dévoient défendre. Pour que
ce trait fut plus divulgué , Mentor fit ordonner
qu’on laifsât paffer aux portes de fon camp les
Egyptiens transfuges : touts les efclaves en for-
tirent, ÔC ce que l’habile Rhodien avoit intérêt
de répandre, fut bientôt connu de l’Egypte entière,
Lorfque ce général ôc Bagoas arrivèrent devant
Bubafte, les Egyptiens, à l’infçu des Grecs, envoyèrent
proposer â ce Perfe de lui livrer la ville.
Les Grecs en lurent inftruits. Ils fuivirent l’envoyé,
l ’arrêtèrent, l’effrayèrent, lui firent avouer fa com-
miflion, Vivement irrités, ils chargèrent les Egyp- j
tiens, en tuèrent plufieurs, Ôc refferrèrent touts
les autres dans un quartier de la ville. Ceux-ci
firent dire à Bagoas d’y venir fans délai. En même
temps un héraut des Grecs fut envoyé à Mentor.
Celui-ci indifférent pour l’intérêt des deux partis ,
& voulant s’attacher Bagoas, par l’apparence d’un
jgrand bienfait, fit dire lecrétement aux Grecs de I
fermer les portes dès que les barbares feroient dans
la ville., de les égorger touts Ôc de prendre le général.
Bagoas, captif, fupplia Mentor d’obtenir j
pour lui la vie ôc la liberté, proteftant de n’agir
déformais que d’après fes avis. Les Grecs lui ac- j
cordèrent lune & l’autre, en livrant la place à
leur concitoyen, 6c depuis ce moment Bagoas
& Mentor unis parles ferments, le fuient toujours
d’intérêt ôc de vues. Plufieurs autres villes fe rendirent.
Ne&anèbus perdant tout efpoir, prit toutes
les richefles qu’il put emporter , ôc s’enfuit en
Ethiopie, Trop enorgueilli de quelques fùccès
qu’il avoit dus aux confeils de Diophante l’Athé-
nien , & de Lamius de Lacédémone, il fe crut
.capable de commander fes armées, ôc perdit le
.trône. .Depuis cette révolution jufqü’au temps j
d’Alexandre, l'Egypte tut foumife à la Perfe. (An
du M. 3604. av. J, C, 337.)»
A S S Y R I E N S .
Dans l’A ffy r ie , Ninus eft le premier roi dont
l’hiftoire nous ait tranfir.is quelques actions militaires.
Il fe propofa, comme Séfoftris, la conquête
du monde. Rempli de ce projet imaginaire , il
raffembla touts les jeunes gens de fon royaume,
6c les rendit propres à la guerre par les exercices
convenables, -
Afin de mettre fon pays à l’abri des încurfions
6c d’augmenter fes forces, il fit alliance avec
Ariæus, chef des Arabes, nation libre 6c belli-
queufe, garantie par fa valeur 6c par la nature de
fon pays de toute domination étrangère. Elle habi-
toit une région d é fe r te fté r ile , n’ayant qu’un
petit nombre de puits 6c de fources, connus feulement
par les indigènes. Ces deux alliés marchèrent
enfemble contre les Babyloniens, qu’ils rendirent
tributaires. Ils fournirent Barzane , roi d’Arménie ,
qui fe joignit à eux, attaquèrent Ja Médie, ôtèrent
la vie a fon roi Pharnus, fubjüguèrent l'Afie en
dix-fept ans, depuis le Nil jufqu’au Tanaïs.\A n
du M. 2100. av. J. C. 1904. ).
La feule Baétriane réfifta. Ninus, indigné que
ce petit royaume échappât à fon ambition, raffembla
une armée qui paroiffoit devoir l’accabler.
Elle étoit, dit-on, d’un million fept cents mille
hommes d’infanterie, deux cents dix mille de cavalerie
, 6c dix mille fix cents charriots. Oxyartes,
roi des Batffriens , ou félon quelques auteurs ,
Zoroaftre leva quatre cents mille hommes. Le pays
qu’il avoit à défendre étoit montagneux. Il attendit
1 ennemi derrière les défilés. Le préfomptueux
Ninus ne balança point à s’y engager. Oxyartes
attendit qu’une partie de l ’armée ennemie les eût
paffés. Lorfqu’ il vit que cette portion des A ffy -
riens étoit affez grande pour que la perte leur-
en fût fenfible, 6c trop foible pour lui réfifter,
il la fit affaillir de toutes parts. Les Affyriens per?
dirent cent mille hommes dans ce combat.
Cependant Ninus ayant pénétré dans le pays,
s’empara de toutes les villes, excepté de Baffres,
qui foutint un fiège opiniâtre. Ce lut là que Sémi-
ramis, femme de Ménon, officier de la luite du
ro i, donna les premières preuves de fes talents
dans l’art de régner 6c de commander. Elle obferva
que les afiiégés négligeoient la garde de l’endroit
le plus fort de leurs murailles, & prenant quelques
Allÿriens des plus agiles. elle parvint au fommeî
d’un rocher qui lembioit maccefiîble. Alors fa
troupe s’étant emparée de la partie la plus élevée
des remparts, elle fit un fignal auquel toute l’armée
Afiyrienne ayant donné Taflaut, pénétra dans la
ville. Les Baffriens voyant l’ennemi dans leurs
murs 6c derrière eux, perdirent toute efpérance ,
6c la récompenfe de Sémiramis lût le trône 6c la
main de Ninus.
Devenue maîtreffe de l’empire, elle entreprît
la conquête de l ’Inde avec un appareil extraor