
confacré pendant long-temps à réveiller l’idée
d’un inftrument lé g e r , enrichi & enjolivé par l’a r t ,
deftiné à agiter l’air & à le porter contre le vifage
pour le rafraichir ; d’un inftrument utile aux dames ,
tant pour couvrir la rougeur dont la pudeur colore
quelquefois leurs jou es , que pour fixer à la dérobée
des objets fur lefquels elles n’ofent porter publiquement
un regard afluré ; d ’un inftrument que
l’imagination des amans & des poëtes a transformé
en fceptre : ce mot a été tranfporté par quelques
écrivains militaires dans le vocabulaire de l’art de
la guerre ; mais quels changements l’objet qu’il
exprime n’a-t-il pas éprouvé ! Les petits bâtons
d’ivoire , d’écaille , de baleine , de rofeau ou d’un
bois odoriférant, ont été transformés en de gros
chevrons d’un bois lourd & point poli ; le papier
agréablement p e in t , le taffetas ou l’étoffe légère
ont été remplacés par de lourds madriers. A u
travers des bâtons du nouvel éventail on ne v o it
plus les traits charmants d’une femme que le defir
de plaire embellit encore , mais les traits durs, le
teint bafané^d’un guerrier à qui le defir de la v engeance
donne un air féroce ; de derrière cet
éventail ne partent plus des regards v i f s , mais
doux , qui guériffent des blefïures qu’ils ont faites
ou qui promettent une guérifon prochaine ; mais
des balles meurtrières qui portent la mort ou des
douleurs cruelles par-tout où elles atteignent ; le
nou ve l éventail ne repofe plus dans de petites
mains blanches &. potelées ; il eft planté fur un
parapet à demi d ém o li, fur une maifon que des
guerriers avides de gloire brûlent de détruire ,
que d’autres, animés par l’honneur, défendent
a v e c confiance. Comment a-t-on pu donner le
même nom à des objets fi différents ? N ’importe :
employons le mot éventail puifqu’il eft ufité ; &
invitons les officiers particuliers à en faire fouvent
ufage , puifqu’il peut leur offrir de grands fecours
toutes les fois qu’ils font dans un pofte qui eft
commandé. _
Nous verrons dans l’art. O u vr ag es en t e r r e ,
Ma ison & v i l l a g e , que ces différents objets
peuvent être commandés par le canon , par lemoufi-
quet & par l'oeil. Nous expliquerons là ce que
'nous entendons par ces différents commandements ;
nous tâcherons d’indiquer les moyens dont les
officiers particuliers doivent faire ufage pour fe
mettre à l’abri d’être commandés par le canon ;
nous leur parlerons aufli de quelques moyens
qu’ils peuvent joindre aux éventails pour éviter
d ’être commandés par le fufil ou par l ’oeil. Donnons
ici la manière de conftruire ce dernier inftrument.
Pour conftruire un éventail dans un ouvrage
que l’on v eu t défendre , & qui eft dominé par le
fufil ou par l’oe i l , on plante perpendiculairement,
& fur ion bord extérieur du pa rapet,.de s chevrons
de deux ou trois pouces d’équarriffage , & I
longs de fept ou huit pieds ou moins ; on place I
«es chevrons à un pied de diftarice les uns des j
autres ; fur la partie extérieure de ces chevrons,
on cloue tranfverfalement des planches ou des
madriers ; toutes ces planches doivent fe joindre
exaéiement ; on doit en excepter celles qui fe
trouvent environ à un demi-pied de la plpngée du
parapet ; entre celles-ci, on laiffe une ouverture
de cinq à fix pouces ; les foldats fe fervent de
cette ouverture pour paffer leur fufil &. faire feu
fur l’ennemi.
Quand on veut employer un éventail à la dé*
fenfe d’une ma ifon , on le fixe contre le mur de
l’étage le plus é le v é , qu’on a communément découvert
; on le conftruit, comme nous venons de
le d i r e , avec cette différence , que l'ouverture
qu’on laiffe entre les planches, doit fe trouver à
quatre pieds & .demi au-deffus du fol du derniër
plancher. ( C . ).
E X É C U T IO N M IL IT A IR E . Peine fubie en
vertu d’un ordre émané de l’autorité militaire.
Ce tte peine peut être infligée à un folda t, à un
ou plufieurs habitants d’une ville ou v illa g e , à
un ou plufieurs habitants^du pays où on fait la
guerre.
Paffer un foldat par les baguettes ou par les
courroies, par ordre du chef d’une troupe ; le
mettre à mort en conféquence du jugement d’un
confeil de guerre , ou d’un jugement prévôtal ;
faire pa y er une amende à un ou plufieurs habitants
d’une ville ou village du royaume ; en voye r
chez eux quelques foldats pour qu’ils y foient
lo g é s , nourris , & quelquefois payés pendant un
temps déterminé ; exiger un excédent de contribution
d’une ville ennemie , pour caufe de défo-
béiffance, de mauvaife fo i , ou d’aggreffion de la
part des habitants ; ravager les campagnes , incendier
les villes , les fe rm e s , les maifons de plai-
fance par repréfailles , font des exécutions militaires.
E X E R C IC E S . Apprentiffage des mouvements
utiles à la guerre. L ’expérience a démontré atouts
peuples inftruits dans Tait de la guerre , l’utilité
des exercices. Les G re c s | & fur-tout les Lacédémoniens
, s ’y adonnoient avec ce zèle qu’infpi-
rent l’amour de la patrie & celui de la gloire :
leur objet en général étoit le maniement de leurç
armes & les mouvements des troupes ; mais il né
nous eft refté aucun détail à cet égard.
Dans R om e , les citoyens qui dévoient fervir
en qualité de cavaliers étoient exercés à l’ équitation
dès leur enfance. Ils paroiffoient dans les
jeux du cirque , & y exécutaient des fimulacres
de combats qu’on nommoit le jeu de T ro ie . On
les y formoit en deux troupes , dont l’une étoit
compofée des plus âgés , nommés pueri majorés ;
l’au tre, des moins âgés , nommés pueri minores.
Ces troupes étoient divifées en turma , dont chacune
avoit fon chef. (Æneid. L P. v. 343, & feq. ).
L’origine du jeu de T ro ie remonte aux plus
anciens temps des Romains , & il étoit encore en
ufage fous les Empereurs. Il fut exécuté dans les
jeux du cirque donnés par Jules Cæfar. Augufte
regardant cet ancien & utile ufage , comme propre
à faire connoître les qualités inhérerites aux plus
illuftres familles , le renouvella très fouvent.
T ib e re y fut chef d’une turme des pueri majores.
Néron y parut a v ec fuccès avant l’âge de douze
ans. Jules Cæ fa r , dès fon enfance, couroit à bride
abattue, les mains croifées derrière le dos. Cependant
, dès le temps d’Augufte , ces exercices furent
négligés. O n n’enfeignoit pas même aux enfants
des citoyens à fe tenir à cheval. La chaffe étoit
pour eux iyn travail pénible : ils n’étoient occupés
que de je u x , même de ceux que les loix avoient
défendus. ( Sueton. J. Cctf. C. 40. Au g. 4a. Tiber.
6. Nerot 7 . Plutarch. Ccef. p. 7 16 . A . Horat. L. 3. Od. 24. v. 54. 6> feq. ).
Lorfque les jeunes gens deftinés à la cavalerie
étoient parvenus à l’âge du fervice , on les exerçoit
à monter fur des chevaux de bois , d’abord fans
arme s, jufqu’à ce qu’ils euffent acquis une habitude
fuffifante, & enfuite armés. O n leur enfei-
gnoit à Nfauter de terre à ch e v a l, & de cheval à
te r re , tant par la droite que par la g auche, en
tenant la hafte ou l’épée nue : ces exercices fe fai-
foient, pendant l’h y v e r , en des manèges couverts,
pendant l’été , au champ de Mars. ( Veget. L. 1.
C. 18. 27. Ibid. L. 111. C. 23. )
Qu and ils étoient affez inftruits , on leur faifoit
faire la decurfion ou promenade m ilitaire, en armes,
& formés par turmes. Alors on les exerçoit à
charger l’ennemi, à le pou rfu iv re, à faire retraite ,
à franchir des foffés , à defcendre & à monter
des collines efcarpées. Les généraux joignoient
l ’exemple aux préceptes. C e fut dans ces exercices
que le conlùl Titus-Manlius , allant porter la
guerre en ’E tru r ie , tomba de ch e v a l, & mourut
trois jours après. ( Veget. L. 1. C. 27. 11 L 2. Liv. L. X. C. 1 1 . de R. 4 3 4 , av. J. 299. ).
Pompée , à l’âge de cinquante-huit a n s ,s ’exer-
ço it encore avec fes ca va liers, tiroit l’épée & la
remettait dans le foureau en courant à toute b ride ,
& lançoit la hafte avec une force & une adreffe
que peu de jeunes gens pouvoient égaler. Scipion
exerçoit lui-même fa cavalerie après la prife de
Carthage la neuve. Mais , dit P o lyb e , il n’imitoit
pas ces chefs qui font toujours à la tête de leurs
trou pes , parce qu’ils croient que cette place eft
la plus convenable pour le général. Elle eft plus
dangereufe pour lui que toute au tre , en ce qu’elle
fait voir fon inexpérience. Il eft vrai que toute fa
troupe l’y v o i t , mais il n’en v o it aucune partie.
C e n’eft pas fon autorité militaire qu’il doit montrer
dans les exercices, mais fa fcience & fon habileté
, foit aux premiers, foit aux derniers rangs,
foit au centre de fa troupe. C ’eft ce que faiioit
Scipion en fe portant partout, vo y an t tou t, enfei- -
gnant ceux qui avoient befoin d’inftru âion, &
rectifiant les mouvements defeâueux dès leurs :
commencements ; mais le foin qu’il apportoit dans ' :
les inftruétions de détail rendoit les grandes irrégu- j
j larités rares & courtes ; c’eft ce que Démétrius de
Phalere a exprimé en difant que de même que
lorfqu’on élève un bâtiment, fi l’on pofe avec foin
chaque pierre , & le ciment qui doit les unir ,
l’édifice recevra fa folidité de cette exactitude : de
même , dans une troupe , l’attention que l’on emploie
à former féparément chaque homme &
chaque divifion, donne autant l’union & la force
qu’il peut recevoir. ( Plutarch. Pomp. Polyb, l .
X. C. 22. de R. 343.' av. J. 210. ).
Les mouvements auxquels Scipion exerçoit £à
cavalerie, comme utiles en toute occafion, étoient
les à-droite & les à-gauche par chaque cavalier,
& enfuite les mouvements contraires pour reprendre
leur première place ; puis Yépifrophe ou
quart de converfion par turme , & l’dnaflrophe ou
mouvement contraire pour fe remettre en faifant
face au. même lieu ; puis le perifpafme , ou demie
converfion ; & Y experifpafme ou les trois quarts de
converfion : enfuite les exagogues ou excurfions
fubites & rapides par une ou deux files, tantôt des
deux ailes &. tantôt du centre ; & les fynagogu.es
ou rentrées au pas modéré ; puis les mêmes mouvements
par turmes ou compagnies & par iles ou
efcadrons. ( Polib. ib. C. 21 . Mai^eroy. Mem. de
VAcad. tom. X L 1. pag. 363 . Nota. Je lis ici , q f f
VT&xecr k'huçi’éç iis iXots , è xeer iXctç iv îir7rceç%tctç.'\
Il faifoit exécuter aufli les développements
( Urctliv ) par les deux ailes ; ( ce que nous appelions
développement fur le centre ) foit par la pa*
rembole ou infertion , ( c’eft-à-dire que les divisions
s’étant mifes en colonne par l’épagogue,
alloient fe former fucceflivement fur l’alignement
donné, en fuivant une direction perpendiculaire à
leur front ) ; foit par la paragogue fur les ferre-
files , ( c’eft-à-dire que les divifions en colonnes
marchant• par le flanc un peu obliquement, ve-
noient fe former fucceflivement fur l’alignement
donné; ce que nous appelions développement à
tiroir. On nommoit ce développement paragogue
fur les ferre-files, parce que chaque troupe marchant
par fon flanc avoit à l’extérieur touts les
ferre-fües. Quant a lapericlafe ou développement,
foit par quarts de converfion fucceflifs, foit par
le mouvement d’une troupe qui, ayant marché par
un de fes flancs, fe reforme par le mouvement contraire
, il le regardoit comme peu digne d’attention,
| parce qu’il ne différoit pas de l’ordre de compte. *
•Il eft vraifemblable que la cavalerie Romaine
exécutoit à peu près les mêmes évolutions dans
le champ de Mars. On l’exerçoit aufli à lancer la'
hafte & le javelot. Nous avons dans la ta&ique
d’Arrien toute la forme de cet exercice; ce morceau
eft très corrompu dans les manufcrits ; il a
paru fi obfcur à M. Guifchafdt, qu’il l’a déclaré
pour ainfi dire inintelligible. Cependant, comme
il eft curieux & important, nous allons tenter de
le traduire. « Je n’ignore pas , dit Arrien, que
l’explication de touts les termes fera difficile , parce
que la plupart pe font' pas Romains, mais em