
Tepeaca, parce que de-là le» ennemis pouvoient
lui couper la communication qu’il vouloit fe conserver
libre avec la Vera-Cruz.
Si quelque heureufe occurrence vous porte à
entrer dans le pays ennemi, fans vous arrêter à
affiéger une place qui le couvre , il faut laiffer
auprès un camp volant ou un détachement pour
empêcher fes partis d’infulter vos convois, &. de
mettre à contribution ou au pillage les lieux fournis
à votre obéiffance. Je fuppofe que ce camp volant
fera fupérieur aux troupes que les ennemis pour-
roient réunir enlemble par des détachements de
leurs garnifons, ou de quelque autre manière.
Guilave Adolphe, roi de Suède , ne pouvant
pas prendre Ingolftat, dont la garnifon pouvoit
incommoder les conquêtes qu’il projettoit, laiffa
devant cette place quelques régiments, pour ob-
ferver & tenir en bride cette garnifon, pendant
que l’armée Suédoife marchoit à de nouvelles
conquêtes.
Il n’y a pas auffi de l’inconvénient à laiffer une
place derrière, lorfque, pour empêcher les courtes
de fa garnifon , vous avez au voifmage des places
de yotre prince, fur-tout fi y otre armée dirige fa
marche vers les côtes de mer des ennemis ; car
fi vous êtes fupérieur en armée navale, &. fi vous
y avez de bons magafins, vos vaiffeaux peuvent
y débarquer dans un endroit commode les vivres
néceffaires. 11 fuffira, en ce cas, que votre armée
mène avec elle des troupeaux de beftiaux , &
quelle porte du bifcuit &. de l’avoine pour les
jours de marche qu’il faut pour arriver à la mer,
où je fuppofe que vos vaiffeaux fe trouvent déjà,
& que par conféquent il n’y a plus à craindre
que les vents contraires ou les calmes retardent
plus leur arrivée que celle de l’armée de terre.
Ce fut fuivant cés mêmes mefures que l’armée
de Philippe I I , commandée par le duc d’A lb e ,
agit pour la conquête du Portugal, laiffant les
frontières de Caftille couvertes par les places de
Zamora, de Ciudad-Rodrigo, de Badajox, &c.
Le duc d’A lbe fit avancer l’armée Efpagnole vers
les côtes de Lisbonne, fans s’arrêter à attaquer les
places de la Méditerranée, parce qu’il étoit affuré
d’un débarquement de provifions de bouche & de
guerre pour la flote d’Efpagne.
Lorfque fur votre marche il y a de petits poftes
extrêmement forts par leur fituation, mais peu
propres à y mettre une garnifon qui - puiffe incommoder
les efcortés de vos convois, de vos
vivandiers & de vos recrues, fi les ennemis n’ont
pas d’autres troupes dans ce voifinage , faites
retrancher, de diftance en diftance , une garde
d’infanterie & de dragons, pour, de l’une à
l ’autre, pouvoir fournir aux paffants l’efcorte né-
ceffaire , en obfervant les précautions dont je
parlerai en traitant des fieges , parce qu’il ne faut
pas perdre, pour la prife peu importante de tels
poftes, un temps néceffaire pour faire les conquêtes
çonfidçrables que vous avez projettées, fur-tout
lorfque le peu d’intérêt qu’il y a à les foumettre
n’eft pas comparable au tort que l’on feroit à fa
réputation, fi l’on venoit à ne pas les emporter. Ce
fut par ces confidérations que Narfete, marchant
contre Totila, ne s’arrêta pas à vouloir couper
certains poftes occupés, dont les Goths étoient
maîtres.
Je parlerai dans la fuite de la manière de prendre
ces petits poftes, extrêmement forts par leur fituation
, en diftinguant les divers moyens qu’on peut
employer poux, s’en rendre maître, félon les différentes
circonftances qui font la force de chacun
de ces poftes.
Des places quil faût démolir & de celles quon doit
fortifier. Des otages.
Je ferai v o ir , en traitant des fièges, que vous
devez prendre les places qui peuvent fervir aux
ennemis pour incommoder votre pays ou celui de
quelqu’un de vos alliés , parce qu’alors ces alliés,
pour fe délivrer de cette extorfion, pourroient
abandonner votre parti. Celles qui couvrent les
états d’un prince neutre ou allié qui vous eft fuf-
p e â , celles qui coupent aux ennemis la communication
avec leur» alliés, celles où les ennemis ont
leurs magafins, fur-tout fi l’on peut les prendre
au commencement de la campagne ; celle qui fert
d’afyle à vos coupables, ou dont les habitants
méritent châtiment, pour certaines fautes com-
raifes contre votre fouverain ; le port de mer
unique par lequel les ennemis peuvent entrer dans
votre pays & y introduire leurs contrebandiers, &
où leurs corfaires peuvent donner fond.
Je parle dans le même endroit des avantages
qu’il y a à inveftir la place capitale des ennemis,
ou la place dans laquelle leur prince s’enferme ;
j’entre dans toutes les exceptions à ce fujet ; j’examine
de quelle place la prife eft aifée ou difficile 9
quelles font celles dont on doit faire le fiège ou
le blocus, & de quelle manière il faut conduire
l’un & l’autre.
Ainfi , je ne dois traiter à prêtent que de celles
qu’un général d’armée, qui fait une guerre offenfive,
doit fortifier ou démolir, parce qu’il importe quelquefois
de démanteler dans un endroit & de fortifier
dans un autre.
Dans la même campagne où Philippe, roi de
Macédoine , prit & démolit Ithorie , Peanie &
plufieurs châteaux, il fortifia Eniade, parce que
la fortification de cette place étoit fans doute utile
à fes idées.
Il faut fortifier les citadelles des grandes villes
conquifes, dont on abattra les murailles pour en
faire conftruire de nouvelles , fi , par quelque
motif, il vous paroît important de ténir ces peuples
dans l’obéiffance.
Il faut fortifier & garnir les poftes qui doivent
fervir pour les hôpitaux & les- magafins, pour
couvrir vos convois & la retraite, pour conferver
la ^ communication libre avec votre pays & le
prince, pour affujettir le pays ouvert, dominer
les principaux paffages &. les rivières.
. Dès que Guftave-Adolphe, roi de Suède, eut
pris l’ile de Rugen, il y laiffa des troupes & des
vaiffeaux pour la défendre, parce que, dans la
guerre qu’il venoit de commencer contre l’A llemagne
, il crut que cette île lui étoit néceffaire
pour y établir fes/magafins.
Lorfque les Vénitiens envoyèrent des troupes
pour porter la guerre dans le Cafentin , ils gagnèrent
les pafiages de l'Appenin, pour la fureté
des convois & de la retraite : fans cette précaution
leur retraite eût été difficile, attendu la précipitation
avec laquelle les Florentins, leurs ennemis
les obligèrent de fe retirer,
Solis, parlant de Ja fortereffe qu’Hernan Cortès
ht conftruire à Texeaca , « ce fut, dit-il, pour les
allujèttir, & fur-tout pour affurer la communication
de la Vera-Cruz, pour laquelle il étoit néceffaire
d.e conferver ce pofte ».
Salomon fit bâtir les murs de la place dé Gazara
en Paleftme , la croyant propre , par fa fituation
a empecher les foulèvements du pays, & il confi-
truifit une autre place dans le défert de Syrie ,
parce que c’étoitdà l’endroit unique pù ceux qui
traverfoient ce défert pouvoient trouver de l’eau.
Un voit, dans l’hiftoire de la guerre de Flandres
combien le cardinal André d'Autriche fe donna de
tangues pour s’emparer des poftes qui affuroient
le principal paffage des rivières, &. combien fut
avantageufe aux foulevés de Hollande la conftruc-
tiondu fort de Schenk , que le comte Maurice de
JVahau , aux inftances de Martin Schenk , avoit
fait bâtir pour dominer les deux bras du Rhin
pour tenir le pays en re fp eâ, pour incommode?
la navigation des Efpagnols fur cette rivière, .&
enfin pour en rendre entièrement maîtres les Hol-
landois.
, Lorfque, pour les fortifications qu’il faut bâtir
de nouveau, quelques autres circonftances ne
§1'!™ lnent Pas plutôt à un endroit qu’à l’autre,
choififtez un terrein qui, par les avantages de fà
fituation, tende le travail de l’art d’une moindre
eP£n^ > c eft-a-dire, faites choix d’un pofte qui
puiffe etre aifernent fortifié , & dont les matériaux
ne,(oient pas éloignés, afin que leur tranfport foit
moins cher. ■ - r
Une des raifons , félon Solis, qu’eut Hernan
Lortes, pour conftruire la fortereffe de Tpeaca
fut que ce pofte, fort par fa fituation, pouvoit’
aifernent recevoir la réparation de l'art. j
L avantageufe fituation que la tour de Straton
oftro.t pour conftruire une place, porta Hérode- !
Je-Grand a y *>atir la fameufe ville de Cefarée '
oemiramis, reine des Affyriens, fit bâtir Baby- !
lone dans un endroit oii l’abondance du bitume, ■'
d e s J , ° ‘ n ?'r e M b r ,c î u e s ’ r e n d ° K l a conftruélion ; ces muraihes.dune moindre dépenie.
Je ne parle pas ici des différentes circonftances I
î qui ront qu’un terrein eft fort par fa fituation, nï
j de la manière de fçavoir tirer avantage de chacune
i de ces circonftances , parce que cette matière
regarde les ingénieurs.
Démoliffez toutes les places conquifes que vous
ne croirez pas néceffaires de conferver par aucun
des motifs que je viens de propofer, & dont les
garnifons vous occuperoient une partie confidé-
rable de troupes dont vous avez befoin dans votre
armee, afin d’etre maître de la campagne.
Les places dont il faut démolir les fortifications
doivent être celles que vous ne pouvez conferver
que difficilement, à caufe qu’elles font trop avancées
dans le. pays ennemi, ou parce qu’il eft aifé
de prévoir qu a la première paix divers princes ne
permettront pas qu’elles vous reftent.
Don Ordogne I I , ayant formé le projet des
vaftes conquêtes qu’il fit enfuite , prit fur les
Alaures la ville de Talavera de la Reyna , Sc
immédiatement après il en fit détruire les. fortifications
, parce qu’il y avoit trop de difficultés
à conferver cette place avancée dans le pays des
Maures.
Louis X IV , roi de France, fit démolir toutes
les places que, dans la dernière guerre contre les
alliés, il avoit prifes fur la maifon de Savoye ,
parce qu’il prévit que toute l’Europe s’oppoferoit
a ce que ces places demeuraffent aux François.
Quelquefois le conquérant, pour ne pas démolir
quelques-unes dès places , peut avoir pour motif,
a la veille d?une p a ix , de les échanger avec
dautres, que les ennemis lui ont prifes dans une
autre province, comme cela fe vit à la paix
d’ütrecht ; les Portugais ayant rendu à i’Efpagne
le chateau d’Abuquerque , & les Efpagnols au
Portugal une fortereffe fur la frontière du comté
de Nieble.
Il ne faut pas démolir les places conquifes,
lorlqu on fçait que, par le traité de ligue des ennemis
, il eft d it, que la paix ne fe fera pas que
votre fouverain ne rende les fortifications & les
provifions de guerre & de bouche qu’il a trouvées
dans ces places , ou l’équivalent en denrées ou en
argent. Je fçais parfaitement que fou vent l’obfer-
vation de ces traités eft fubordonnée à la loi que
donne le vainqueur ; & c’eft pour cela qu’il eft:
a prppos d attendre de vous trouver par vos armes
f O m fituation , que prudemment on puiffe conjecturer
qu à la paix on n’obligera pas votre prince
a payer le prix des fortifications démolies ^ ou des
provifions de guerre & de bouche retirées des places
conquifes. ~
Prufias ,roi de. Bithinie, démolit toutes les places
prifes fur les Byfantins; mais à la paix, il fe vit
force de reftituer jufqu’au bois , la tuile, la pierre
& la brique qu il avoit fait tranfporter de ces
places ; Pharnace, faifant la paix avec Eumène, roi
de Pergame, avec Prufias, roi de Bithinie, & avec
Ariarate, roi de Capadoce , fut contraint e rendre
toutes les armes &. toutes les provifid^ae guerre 3