
D IR E C T E U R D E S F O R T I F IC A T IO N S . 1
C ’eft l’ingénieur en ch e f d’une province da<is
laquelle il le trou v e plufieurs places fortifiées fur
ïèlquelles il a inipeéHon pour tout ce qui concerne
le devoir des ingénieurs.
Pour bien s’acquitter de cette ch a rg e , il faut ,
félon Al. Maigret , entendre parfaitement :
i ° . Le s fins pour lefquelles on fortifie de certains
endroits, c’eft-à-dire les circonftances qui peuvent
rendre les fortereffes de conféquence pour l’état.
2.0. Toutes les fituatiôns q u ife peuvent fortifier
a v e c leurs bonnes-& mauvaifes qualités.
3°. Toutes les différentes figures que l’on peut
donner aux places; on veu t dire les diverfes méthodes
de fortifications.
4°. La qualité de toutes les différentes fortes de
matériaux dont on fe fert pour l’exécution l 8c les
conditions à ob fer ver dans la mâ'iri-d’oeuvre pour
faire de bons ouvrages. • -
5° . T ou te s les différentes manières dont on peut
attaquer fine place.
• 6 ° . La manière de’ les g a rd e r , conferver ôc défendre
contre toutes fortes, d’attaques.
■ 7 0. La manière de les munir , c’eft-à-dire la
quantité d’hommes , de v ivres 8c de munitions, né-
ceffaires pour leur défenfe.
C e font les fept fondements fur lefquels éft établie
la fortification ; fans leur connoiffànce il eft impof-
fible que celui qui exerce la charge de direéleur
ne commette une infinité de fautes confidérables
contre le bien de l’état 8c du fouverain. Au fîi
M . le Maréchal de Vauban dit-il que cet emploi
demande un officier très expérimenté , entendant
bien la guerre J & toujours l’un des plus anciens ingénieurs.
C ’eft cet officier qui , par ordre de fa
majefté ou de fes miniftres ; dreffe le premier plan
_ d ’une place qu’on a réfolu de fortifier , 8c qui pro-
pofe les ouvrages ou les réparations qu’il convient
de faire aux places.
D ir e c t e u r ou I n s p e c t eu r g én éra l des
F o r t if ic a t io n s , c’eft proprement le miniftre
des fortifications ; il prend connoiffànce de tout
ce qui les concerne ; c’eft lui qui fait recevoir les
ingénieurs, 8c qui leur fait obtenir les différents
grades 8c les gratifications qui leur font accordées
par le roi.
A v an t la guerre de 1672 , M. Colbert avoit l’inf-
. peéfion générale des fortifications ; M. de Seignelay
lui fuccèda dans la même place. La. guerre ayant
• acquis plufieurs places au r o i , M. de Louvois fut
infpe Heur général des places conquifes Ôcde l’Alfa ce.
M . de Seignelay conferva les anciennes places du
royaume 8c les ports. C e miniftre étant mort vers
l ’année 1691 , sM. de Louvois eut l’infpeéKon générale
de toutes les places de France. Après fa mort
elle fut donnée à Wi. Pelletier de Souçy, qui l’a
gardée jufqu’au commencement de la régence.
M. le duc. d’Orléans en fit pourvoir alors M. d’As-
feld. Depuis fa mort elle a été réunie au miniftre ou
fecrétaire d’état qui a l é département de la guerre ,
à l’excéption néanmoins de ce qui concerne les
places maritimes , dont l’infpeétion regardé le
fecrétaire d’état qui a le département de la marine.
( Q . ) .
D IR E C T E U R D E S H O P IT A U X . Voyez
H ô p it a l .
D IS C IP L IN E . Soumifîion aux loix militaires.
Lorfqu’une troupe exécute ponctuellement touts
lés ordres qu’on lui donne , on dit qu’elle obferve
la discipline. Un foldat qui ' s’eft baigné dans le
fang > qui s’eft chargé de beaucoup d’effets précieux
, qui a mis le feu à de beaux édifices, qui a
détruit des moriurnents que le temps avoit ref-
pecfés , s’ il a reçu l’ordre de commettre ces excès ,
eft un foldat difcipliné qui mérite des récompenfes ;
celui au contraire q u i , pour faire une action louable
ën elle-même , fort de fon rang fans ordre ou fans
permifîion , eft un foldat in d ifdplin é, 8c mérite
d’être févèrement puni. Perfonné n’ignore que
Man lius Torquatus' 8ë Pofthumius lè dictateur ,
fans avoir égard aux victoires que leurs fils avoient
remportées . les firent mourir pour avoir combattu
fans en avoir' reçu l’ordre. O n fçait aufîi que Q .
Fl -Rullianus , général de la cavalerie romaine , fut
battu de verges à la tête des troupes , pour avoir
commis la même faute. Charles - Quint nous a
donné, un exemple du même genre : Voyéz -en le
récit dans l’hiftoire anonime du duc d’A lb e ,
campagne 1546 : parcourez aufîi la v ie du maréchal
deBriffa c, 8c vous'trouverez qu’ il fît condamner
à mort un capitaine de fes troupes pour s’être
rendu maître d’une place avant que le fîgnal de l’affaut
eût été donné ; vous y verrez aufîi, il eft v r a i, qu’il
fit grâce au coupable, 6c qu’il lui accorda même une
récompenfe honorable. Mais doit-on le louer d’en
avoir agi ainfi ? Je fuis bien loin de le croire.
hz. dijcipline militaire doit defcendre dans touts les-
détail s. relatifs à l’éducation , à l’inflitution 8c à l’inf-
! truCtion -des gens de guerre ; elle doit régler leur conduite,
fixer leurs opinions 8c modifier leurs préjugés.
Q u ’on me donne , difoit Pyrrhus , des Sibarites
effé minés , des hommes lâches ou corrompus ;
avec la difcipliné jen ferai des guerriers valeureux ;
il avoit raifori , la difcipliné peut jufqii’à un certain
p o in t , tenir lieu dé valeur , de courage ; peut-être
même elle petit remplacer l’honneur & l’amour
de la patrie ; au moins produit-elle., à peu de
chofe près , le même effet que ces fentiments précieux.
Marius 8c Marc-Aurèle font obligés de
récruter leurs armées avec des gladiateurs , des
efclaves, des bandits ; ils foumettent ce vil ramafîis
à une difcipliné fé v è r e , ils en font des foldats valeureux
, 8c ils donnent la loi à leurs ennemis.
Dans des temps beaucoup plus rapprochés du
n ô t re , un grand prince a produit le même chan-«
gement en faifant ufage du mênle moyen.
Comme la difciplirie contrarie fouvent les v o lon
té s , les defirs 8c les pafli'o’ns de ceux qui doivent
lui obéir , il faut qu'elle foit fécondéè par la
crainte 8c par l’efpérance. Elle doit', ce me femble ^
Épre ufage de la crainte pour qu’on ne violé point
les défenles qu’elle a f aites ; 8c de l’efpérance pour
qu’on exécute les ordres qu’elle a donnés. Elle
doit recourir à la crainte pendant la paix , 8c a
l’elpoir pendant la guerre. Faut-il attaquer Remployez
l’efpérance ; êtes-vous fur la défenfive ,
faites ufage de la crainte.
Aucune des a étions dé gens de guerre n’eft indif-
férente ; la dijcipline doit les peler toutes avec
foin, 6c placer en conséquence leurs auteurs dans
la lifte de ceux qui doivent être récompenfés
ou qui méritent d’être punis.
' La plus importante des leçons que donne la 1
difcipliné eft celle-ci , obéijfe^; c’eft la première :
que l’on doit donner à tout militaire : elle feroif :
la feule , fi ce qu’elle commande pouvoit être
exécuté fans apprentiffage.
: On à dit qu’une armée fans difcipliné ne peut i
point remporter de victoires, n’auroit-on pas dû 1
dire, fans difcipliné, il n’y a point d’armée.
Pnilopæmen, avant de mener contre l’ennemi
l’armée dont fes compatriotes lui avoient confié
le commandement, commença par la loumettre
à la difcipliné ; Annibal, Xantippe , Scipion , Paul-
Emile , Metellus, Agricola, Corbulon , Avidius, ;
Caflius, Alexandre Sevère, 8c plufieurs autres ■
généraux cé lèbe s, anciens 8c modernes, en ont
agi de même. En un mot, obferve Montefquieu , i
toutes les fois que les Romains le'trouvèrent en ;
danger , ou qu’ils voulurent réparer quelque perte,
ils affermirent la difcipliné militaire , ,8c s’en trouvèrent
toujours bien.
11 n’eft pas très difficile de difcipliner un corps
nouvellement formé, mais il l’eft infiniment de
faire réntrer fous le joug de la difcipliné un corps
«qui l’a fecoué.
Il en eft de la difcipliné comme de la fanté ;
on la conferve par un régime exact 8c conftam-
ment le même ; on la rétablit plutôt par des médicaments
doux, que par des remèdes violents ; on
né s’apperçoit qu’on la perd , que lorfqu’on l’a
perdue; 6c- on n’en fent le prix, que lorfqu’on
n’en jouit plus; On la recouvre rarement, quand
on l’a tout-à-fait perdue ; les convalefcences font
infiniment longues 8c foibles ; les rechûtes frequentes
8c dangereufes, fr on ne cherche pas à
la détruire dès Tes premiers fymptômes; elle fait
dçâ progrès rapides 8c devient incurable ; la fanté
la plus robufte en apparence, n’eft pas toujours
la plus sure ;' une difcipliné très févère , n’eft pas
celle fur laquelle on doit compter le plus.
Il en eft de la dijcipline militaire, comme des
loix civiles ; elle doit être aflimilée au génie du
peuple auquel on la deftine ; on ne doit pas chercher
à donner à une nation la meilleure difcipliné
poflible, mais celle qui convient le mieux à fon
caraCtère. Les Romains qui adoptèrent ce qu’ils
trouvèrent de bon dans les armes 8c la taCtique
des différents peuples, confervèrent toujours la
. même difciplinét
Il eft plus aifé d’ aflimiler la difcipliné au ca*
raÇtère d'une n ation, que de courber la nation
fous le jou g d’une difcipliné qui n’eft pas analogue
à fon caractère.
Qu and la difcipliné de vos voifins vous offrira
des objets que vous croirez devoir co p ie r , dé-
gui ièz ce que vous empruntez : fi des intérêts
politiques nous obligeoient jamais à faire la guerre
au peuple que vous auriez fervilement c o p ié ,
beaucoup de v o s officiers 8c de v o s foldats- fe-
roient vaincus avant d’avoir combattu. Parmi les
câufes de la défaite des François à R o sb a ch , oh
doit placer l’opinion avantageufe qu’ils avoient
des Pruffiens ; depuis quelques années ils étoient
accoutumée à les regarder comme leurs maîtres
dans l’art des exercices 8c des manoeuvres, ils
crurent qu’il en devroit être de même dans l’art
des cpmbats , & ils prirent la fuite.
V o y e z une armée bien dilciplinée, vous la
croy ez compofée d’hommes vertueux 8c braves ;
v o y e z au contraire une armée indifciplinée, vous
croirez être au milieu de lâches brigands.
Voulez-vous avoir une jufte idée des effet«
,d’une bonne dijcipline , rappeliez-vous qu’une
armée romaine avoit trouvé dans l ’enceinte de
fon camp un arbre chargé de fruits murs, que
le propriétaire retrouva touts quand elle eût dé-
, campe. Souvenez-vous encore qu’ un légionnaire
qui trouvoit un effet quèl qu’il fû t , ne fe l’appro-
prioit p a s , ôi qu’il le portoit à fon tribun avant
qu’on l’eût réclamé.
Le nombre Ôc la valeur ne peuvent remplacer
la difcipl:ne.-Q u e l peuple devroit être plus p er-
fnadé que le François,, de la néceflité de la dif-
cipline, elle eft tracée ën caractères ineffaçables à
chaque page de fes annales ; pour ne point rouvrir
fes playes à peine cicatrifées, nous né citerons
que C r é c y , Poitiers 8c Azincourt.
Q u ’on me don n e, difoit S p in o la , cinquante
mille hommes bien difciplinés, 8c je me rendrai
maître dé l’Europe entière.
Après avoir vu le diéfionnaire des batailles ,
lé nom d’un combat dont je ne connoiffois pas
les détails, j’ai quelquefois effayé de deviner quel
avoit été le vainqueur ; rarement je me fuis trompé,
quand j’ai connu quelle étoit la dijcipline des deux
armées. Les hiftorieiis qui fe font gloire de remonter
aux caufes premières, négligent beaucoup
trop celle-ci.
A prè s avoir comparé cet article avec l’article
g éné ral, on dira peut-être que je fais dépendre
le fuccès tantôt de la difcipliné, tantôt des qualités
8c des connoiffances du chef de l’armée ; cette
contradiction n*eft qu’apparente ; la difcipliné n’eft
qu’un inftrument, mais c’eft le premier : 8c le
général eft l’ouvrier qui le dirige.
Un écrivain moderne a avancé qu’il falloir
pendant la guerre fe relâcher fur l’obfervation
de la difcipliné militaire. Q u elle erreur i c’eft
I peut-être le moment où il eft néceffairç de la faire