Enfin, le roi paye les vivres pour bons ; il faut
donc qu’ils foient tels.
Si le commandant de chaque bâtiment trouve
qu’il manque quelqu’une des chofes néceffaires,
il en avertira le furintendant-général, ou le capitaine
du vaifleau de guerre que Ion bâtiment doit
fuivre. Les capitaines de mer & de terre s’entendront
avec leur chef d’efcadre , & celui-ci avec
le furintendant de l’embarquement, ce qui vaut
infiniment mieux ; parce qu’alors les chefs d’efcadre,
pour faire hâter les bâtiments de tranfport, &
les mettre en état de partir , auront foin de choi-
fir un officier de marine, que le patron du bâtiment
marchand n’amufera pas de fauffes difficultés,
comme ils ont coutume d’amufer les officiers de
terre ; car chaque patron ne voudroit fôrtir du
port qu’après avoir vendu toute fa marchàndife ,
ou après avoir fait quelque autre négoce. Plufieurs
même fe fient fottement fur la failon, & vou-
droient fe difpenfer des carènes & des radoubs
de leurs navires. Je dois encore ajouter que l’officier
de marine, chargé de veiller aux bâtiments
de tranfport, les aide quand il le voit néceffaire,
avec les chaloupes de fon vaifleau de guerre & avec
des calefâts, &c. & le'furintendant eft moins accablé
, n’ayant à traiter qu’avec les chefs d’efcadre,
que lorlquil a à répondre à chaque officier de terre,
commandant d’un bâtiment.
On tait choix de certains petits bâtiments pour
tranlporter la poudre , afin de ne pas rifquer une
trop grande quantité de cette marchandife , fi
fujette aux accidents du feu ou d’une étincelle.
Lofqu’on met la poudre à fond-de-cale ,on y met
des planches, afin qu’elle ne prenne pas rhumidité.
On doit prendre garde qu’il n’y ait aucune pièce
de fer près des barils de poudre, parce que, par le
roulis des bâtiments , il en pourroit fortir quelque
étincelle : ainfi on fépare les bombes chargées par
des planches, qui leur fait à chacune une efpèce
dé cloifon ; & s’il y a des barils de poudre avec
des cercles dé fer, on en met entre deux un qui
n’en a point. Chacun fçait que , pour charger les
petits bâtiments qui doivent porter la poudre , on
les fépare des autres vaiffeaux, qu’on ne fouffre
plus qu’on y faffe du feu, pour fumer ni pour
manger , & qu’on n’y met qu’un officier qui a foin
de faire obferver , & qui eft chargé des lettres dont
je parlerai par la fuite , c’eft pour cela qu’on y
fait des provifions de viande faléé cuite, de fauciï-
fons , de thon fée , de poiffon mariné, de fromage,
& autres vivres qui n ont pas befoin d’aprêt. Ces
bâtiments doivent toujours porter à un endroit
défigné une banderolle , pour fignifier qu’ils font
chargés de poudre , afin que les autres qui ont
du feu à leurs foyers ou à leurs pipes, inftruits de
ce que la banderolle fignifie, ne s’en approchent
pas.
Les généraliffimes de l’armée de terre & de mer
auront de fréquentes conférences avec le fur-
suéndant général, afin de fe prêter mutuellement
la main par rapport aux provifions néceffaires &
relatives à leurs emplois. Voyons quelles font les
provifions néceffaires pour les régiments qui s’embarquent.
Le général de la flotte fera écrire les fignaux
qui doivent fervir pendant la navigation & le
débarquement ; & dans un papier féparé il marquera
le rendez-vous ou le lieu d’aflemblée pouf
les bâtiments qui fe feroient féparés pendant le
voyage. Ces papiers, qui doivent être écrits dans
la langue des patrons à qui ils doivent fervir ,
feront remis au temps & de la manière que je le
dirai par la fuite.
Dès que les régiments s’embarqueront avec leurs
munitions , ils les mettront en cartouches ; ils fe
réferveront quelque peu de poudre dans leur fourniment
, & trois pierres, comprife celle qui eft à
leur fufil.
On donnera à chaque chambrée un baril pour
l’eau, un autre pour le v in , & deux petits pour le
vinaigre & pour l’huile. Touts ces barils auront à
un fond la douve plus haute de trois doigts que
ce fond, qui aura un grand trou avec fon tampon,
afin que ce tampon ôté, il puifle promptement
& fans perte recevoir la liqueur que l’on
voudra y mettre ; ces barils auront à l’autre fond
un robinet pour diftribuer à chaque fôldat l’eau &
le v in , & aux chefs de chambrée l’huile & le
vinaigre, fans qu’il s’en répande.
Deux écuelles de bois pour boire.
Deux gamelles de bois pour manger, parce que
celles de terre font rompues dès le premier jour.
Des cuillers de bois.
Une marmite de cuivre étamée par-dedans,avec
fon couvercle bien jufte , afin que les roulis du
bâtiment ne faffent pas répandre ce qui eft dedans.
Un filet en forme dé bourfe avec fa corde,
pour mettre à deffaler dans la mer le bacaliau ,
le thon Ou la viande, falée , qu’à cette fin on doit
leur donner un jour par avance.
Des nates pour fe coucher, & qu’ils roûîeront
quand ils voudront manger.
Un balai & un cabas de jonc pour àmaffer les
os , & ce qui refte du dîner & du fouper.
De la lavande , du romarin ou du genièvre pour
parfumer chaque jour le bâtiment, car fans cela il
n’eft pas poffible de fupporter la puanteur ^.ue
caufent l’haleine des gens &. l’odeur des viandes,
d’où naiffent differentes maladies.
Un petit falot de talc & de la bougie pour ce
qui peut furvénir dans la nuit.
Et un fac ou deux pour mettre' leurs jufte-au-
corps & leurs bas , autrement ils font tachés dès le
premier jour ; à l’égard des veftes &. des culotes,
ils. les mettent à l’envers.
Je fuppofe qu’avant que les troupes viennent à
bord , vous vous ferez fervir pour le left des meilleurs
navires ou des vaiffeaux de guerre, de tout ce
qui regarde l’artillerie ; & que chaque pièce de canon
aura fon affût, des armes, fa plate-fofme, quelques
boulets de calibre , & une partie des outils néceffaires
pour remuer la terre , & couper la fafeine,
afin que fi une tempête fépare les bâtiments, il y
ait toujours quelque batterie complette. Toutes
ces chofes, qui font les plus néceffaires dès qu’on
débarque, pourront fe mettre fur les vaiffeaux de
guerre , qui, étant mieux équipés , fe foutiennent
mieux contre la mer & le v ent, &. font les derniers
qui perdent la route. ■
Je fuppofe auffi que vous aurez auparavant fait
embarquer les vivres de réferve & les autres
chofes néceffaires, ayant fait diftribuer un peu
de tout à la divifion de chaque efeadre, afin que
nul n’en manque entièrement,'fuppofe que quelques
vaiffeaux viennent à être écartés par la bourafque.
Parlons des troupes.
D ’abord on leur donne ordre de fe tenir prêtes
depuis un certain jour , & de faire embarquer , en
attendant, les équipages qu’elles peuvent s’exempter
de porter avec elles..
Pendant ce temps-là les bâtiments changent de
pofte, afin de fe trouver dans le même ordre
qu’ils doivent fortir. Par-là on évite d’aller heurter
les uns contre les autres, & de s’embarraffer mu- ;i
tuellement dans:les cables.
La nuit,- avant rembarquement, on donne ordre
que le lendemain matin chaque régiment fe rende
en tel endroit du port ou de la baye, où fe doivent
auffi trouver les chaloupes & les efquifs , tant
des bâtiments fur lefquels il doit s’embarquer, que
des vaiffeaux de guerre de fa divifion-, & chaque
régiment étant féparé en-autant de corps qu’il y a
de bâtiments de tranfport deftinés pour lu i, on
ne permettra pas qu’un de ces corps prenne les
efquifs de l’autre , afin d’éviter le retardement & la
confufion. Lorfqu’il y a dans le port quantité de
petits bâtiments à rames, le furintendant en donne
quelques-uns à chaque navire de tranfport, pour
lui aider à l’embarquement ;• & les capitaines de
vaiffeaux de guerre, chargés de cette partie de
navires de tranfport , ont foin de mettre dans
chaque chaloupe ou bateau un caporal de marine ,
pour les obliger, d’abord après le premier voyage,
d’aller prendre une fécondé charge, & ainfi jufqu’à
la fin.
Quand l’embarquement fe fait dans un petit
p or t, on réferve le port pour les ponts -de la
cavalerie, & l’infanterie s’embarque dans la baye
de l’un & l’autre côté du port.
Si les navires qui doivent tranfporter les chevaux
ne trouvent pas fond pour pouvoir s’approcher
affez des ponts , on fe fert d’autres petits
bâtiments pour porter la cavalerie des ponts aux
navires, en prenant le deffous du vent de ces
•mêmes navires.
Il y a des faifons o ù , pendant le jour, régnent
de gros vents , qui fe calment la nuit ; alors rembarquement
fe fait durant la nuit.
Je fuppofe qu’on défigne à chaque régiment de
cavalerie le pont par lequel il doit s’embarquer ;
il faudroit qu’il y eût un grand nombre de ces
ponts , parce qu’ils coûtent peu ; & comme la
cavalerie fouffre extrêmement lorfque les bâtiments
font à l’ancre , & qu’elle cônfume une
quantité d’eau prodigieufe , ce feroit un. terrible
inconvénient fi , après en avoir embarqué une
partie , on ne pouvoit pas embarquer le refte, à
caufe qu’il fe feroit levé un vent fort qui dure , &
qui quelquefois feroit favorable pour faire route.
En embarquant les troupes, les uns, qui attendent
quelque chofe de terre, veulent être les
derniers à s’embarquer, & font perdre le temps
aux chaloupes ; les autres, pour ne pas refter au
foleil fur le bord de la mer, ou parce que, dans
tout ce mouvement , ils appréhendent que le$
foldats ne défertent, tâchent de faire embarquer
leurs compagnies avec précipitation, & s’emparent
de toutes les chaloupes, tant de celles qui leur
font deftinées , que des autres. Les patrons de
ces chaloupes, quand il n’y a pas un homme de
diftinêlion qui les commande , envoyeht leurs
mariniers pour acheter du vin , des herbages, des
fruits & autres pareilles chofes , pour - lefquelies
ils attendent toujours la dernière heure, & ils retardent
ainfi l’embarquement des troupes. Pour
éviter touts ces inconvénients , les généraux de
mer & de terre doivent être préfents à rembarquement.
Comme en ne débarquant que peu de troupes
à la fois fur la côte ennemie, il y a à craindre
qu’elles ne foient défaites par un corps médiocre
d’ennemis, avant que les chaloupes ayent le temps
de faire un fécond débarquement, on porte toujours
un nombre de chaloupes furnuméraires affez
baffes pour pouvoir bien s’approcher de terre ,
mais qui néanmoins ne doivent pas l’être tellement
quelles devinffent inutiles, lorfque le moindre
vent agiteroit^tant foit peu la mer. Ces chaloupes
auront à la proue leur mantelet, par les embra-
fures duquel fortiront les bouches des pierriers :
on pourroit même faire ce mantelet de manière
qu’en le laiffant tomber en fon temps, il pourroit
fervir de pont pour le débarquement. Quand le
tranfport eft long, ou la faifon fujette aux bou-
rafques, ces chaloupes fe mettent dans les vaif- .
féaux : c’eft pour cela que plufieurs veulent qu’elles
foient féparées en deux moitiés aifées à fe réunir ;
pour moi, j’aimerois encore mieux qu’elles fufiént _
plus petites, afin de pouvoir les mettre entières
fur les vaiffeaux les plus gros, qui, pour leur biffer
une place , peuvent remorquer leurs efquifs.
On fçait que le capitaine général de terre s’embarque
fur le vaifleau amiral, pour être à portée
de conférer avec le généraliflime de mer fur touts
les cas imprévus qui arrivent.
L’embarquement fini, les vaiffeaux ou les autres
batiments , qui auparavant n’avoient pu prendre
le rang qu’ils doivent tenir dans le voyage', le
prendront alors ; ôi. afin que touts puiffent tenir
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