
de cet emploi. « Et eftois lors préfent, dit-il ,
* ( en Bourgogne ) & m’y avoit envoyé le roi avec
» les pensionnaires de fa maifon ; & fut la première
« fois qu’il bailla chef auldits penfionnaires, S i ,
»> depuis, a accoutumé cette façon jufqu’à cette
heure ». Cet ufage fut continué ou rétabli par
Louis X I I , qui fit M. de Bourbon chef des penfionnaires
pour l’expédition de Gênes, comme vient
de le dire le maréchal de Fleuranges dans fes mémoires.
C ’étoient fans doute ces penfionnaires & les
autres de la maifon du r o i, comme, par exemple,
la compagnie des cent gentilshommes, qui fe ran-
geoient fous l’étendard royal.
En rapprochant touts ces faits depuis Louis XII
jufqu’à Henri I V , inclufjvement, nous voyons des
gentilshommes volontaires, d’autres couchés fur
1 état pour des pendons , les officiers commenfaux
du roi, faire un corps dans les troupes qui certaine-
nement, depuis François Ier. étoient fous la cornette
roy ale, & qui, par la même raifon, fous
Louis X I , dévoient fe raffembler fous un étendard
royal.
Outre ce la , en remontait jufqu’à Philippe-
Augufle , nous voyons un étendard royal fous
lequel fe raffembloit beaucoup de noblefle. Il en
eft fait mention dans la relation de la bataille de
Bovines , oh Galon de Montigni portoit cet étendard
dans la troupe de ce prince. Enfin , dans un
rôle de 13 1 7 , fous Philippe-le-long, font marqués
les feigneurs & gentilshommes fieffés de chaque
province ; qui dévoient fe rendre à l’armée contre les
Flamands, avec un certain nombre de gendarmes.
O r , il eft hors de doute, fuivant les réflexions
que j’ai déjà faites, que ces feigneurs & gentilshommes
de l’hôtel du roi s’affembloient loqs un
étendard royal. De tout cela, il s’enfuit que la
cornette dont il eft ici queftion , étoit un étendard
royal, fuivant l’ancien uiage de la monarchie, lequel
a duré jufqu’affez près de notre temps.
Mais il y a encore quelques remarques à faire
fur l’efpèce de cet étendard roy al, fur le nom de
cornette qu’on lui a donné, & fur fa couleur.
Nosrois avoient plufieurs bannières royales, quoiqu’il
y en eût une qui portât plus fpécialement le
nom de bannière du roi. Outre cela, ils avoient l’étendard
royal , & puis le pennon royal. C ’eft ce que
je vais prouver par divers endroits de nos hiftoires.
Je dis d’abord que nos rois avoient plufieurs
bannières royales , car il en eft parlé en nombre
plurier. En 14 5 1 , fous Charles V I I , au'fujet de
la prife de Bayonne fur les Anglois , il eft dit :
u Si puis furent portées les bannières du roi, par
» fes hérauts, au haut de la tour de ce châtiau,
» dont eut grande joie ».
Le même auteur, parlant un peu auparavant ,
de l’entrée du comte de Dunois dans Bourdeaux ,
après la prife de cette place, dit encore : « puis
» entra le fire de Saintrailles ou Xaintrailles , bailli
» de Berri, & grand écuyer de l’écurie du ro i,
» armé d’un harnois tout à blanc , monté fur ua
» courfier, lequel portoit une des bannières du roi
» devant mondit feigneur de Dunois; & , à fa
» feneftre, portoit l’autre bannière le fire de Mon-
» taigu, fon neveu, monté fur un courfier, Si
» armé pareillement, & laifferent iceux feigneurs,
» en entrant dedans le choeur de ladite églife, au
» leélrin, une des bannières du roi ».
Il eft évident par ces témoignages, qu’il y avoit
alors au moins deux bannières du roi.
Voici ce qui regarde l’étendard royal : « Au
» plus près de lui ( dit un des hiftoriens de Charles
” 'VU» en décrivant fbn entrée dans Rouen) ; au
» plus près de lu i, étoit un écuyer qui portoit
» 1 étendard du roi de France, lequel étoit de fatin
» cramoifi, ferné de foleils d’or ». Il y avoit un
autre étendard, qu’on n’appelloit pas fimplement
étendard ro y a l, mais le pennpn royal. Froiffard
parle expreflement de ce pennon royal au fujet de
la defeente que le duc de Bourbon fit en Afrique;
car ,dans l’énumération des princes Si des feigneurs
quhaceompagnoient le duc de Bourbon, étoient,
dit-il.............
« Meffire Philippe d’Artois, comte d’E u , à
» bannière... . . . . le frère du maréchal de San-
» cerre à pennon, & puis le pennon du roi de
» France, & fa devife, &e. ».
Pareillement, dans la relation de l’entrée.de
Charles VII dans Rouen, il eft fait mention du
pennon royal. « Derrière les pages du ro i, dit
» l’hiftorien , étoit Havart, écuyer tranchant,
» monté fur un grand deftrier, qui portoit un
» pennon de velours azuré, à trois fleurs de lit
» d’or de brodeure, bordé de groffes perles ».
Ce n’ell: pas fans raifon que je remarque cette
différence d’étendards des rois de France, parce
que je prétens. que c’eft de l’un d’eux que la cornette
blanche a pris la place, ou plutôt qu’elle eft l’un
de ces étendards fous un autre nom & fous une
autre figure. Je tâcherai de prouver dans la fuite
que c’eft le pennon royal.
Ce feroit, à mon avis, de ce pennon que devroit
s’entendre ce que je trouve rapporté dans l’état
de la France, de 16 6 1, fi le fait étoit vrai. « M. de
» Rodes, dit l’auteur, étoit aufli autrefois écuyer
» tranchant Si cornette blanche de France, laquelle
» dernière dignité a été héréditaire dans fa maifon ,
» depuis qu’Eudes de Rodes, vers l’an 1496 ,
» fous Charles V I I I , dans une bataille, fe jetta
» au travers des ennemis qui avoient déjà gagné
» la cornette blanche, & , tuant de fa propre
» main celui qui la tenoit, il rapporta au roi, qui
» lui donna cette charge héréditaire en fa famille ,
» de porter la cornette blanche, quand les rois
» marchent à l’armée ». Il y a dans cet extrait
bien des fauffetés, mais qui fuppofent cependant
une vérité que je vais débrouiller.
Premièrement il eft faux qu’un Eudes de Rodes
ait été porte-cornette blanche à la bataille de
Fornoue ; car , dans la généalogie Si dans les titres
iîe la maifon de Rodes, cités dans la généalogie,'
il ne paroît aucun feigneur de cette maifon qui ait
porté le nom d’Eudes. z°. Bien que cette maifon
lût déjà illuftrée:, dès lé temps de Charles V I I I ,
par l’ordre de la Toifon d’or , :& par des emplois
confidér.ables, on ne voit point par la généalogie ,
qu’aucun de ces feigneurs ait porté le titre de cornette
blanche en ce temps-là. Le premier à qui
on le donne, eft Guillaume de Rod es, fous
Charles IX. Mais voici ce qui eft vrai : c’eft qu’un
feigneur , dont les terres font tombées par alliance
dans la maifon de Rodes, étoit porte-cornette à
la bataille de Fornouè ;c’étoit le feigneur du Mefnil-
Simon. Cela fe voit par fon épitaphe qui eft dans
l’églife de Neuilli, proche de Sancerre. La voici
copiée mot à mot fur l’original :
« Ci gift noble Si puifiant- feigneur meffire
» Charles du Mefhil-Simon, en fbn vivânt, che-
» valier feigneur de Beaujeu Si des Gartiers-
» Rogier, valet tranchant des roisLoys ôtCharle*;
» portant la cornette à la journée de Fournauvé,
» qui étoit fils de haut Si puiffant feigneur meffire
» Jehan du Mefnil-Simon, feigneur dudit lieu &
» Béthemont, Befancourt, Pou fy, Montagu, le
» Bue , Anthoillet, Moiraiftres, Launai, en rifle
» de France, de Beaujac, Maupas, Morogüis Si
» des Cartiers-Rogier, cOnfeiller Si chambellan
» du r o i, bailli Si gouverneur de Berri & de
» Limofin, quimoûrut-àBurgues, revenantd’Am-
» ballade devers le roi de Caftille ; & décéda icèlui
» Charles , fon fils, le vingt-fixième feptembre mil
» cinq cent huit. Priez Dieu pour eux ».
Il faut de plus remarquer ici que l’auteur de l’état
de la France a ajouté a la cornette l’épithète de
blanche, qui n’eft point dans l’épitaphè ; car vrai-
femblablement ce n’étoit point encore la couleur
de cette cornette ou du pennon royal : mais, avant
que de prononcer abfolument que la cornette,
blanche fût le pennon royal Si le même étendard
fous divers noms en divers temps , il faut examiner
encore quand & d’où eft venu le nom de cornette
à cet étendard.
Sans m’arrêter aux diverfes origines que nos:
etymologiftes donnent de ce nom de cornette en
qualité d’étendard, je dirai ce qui me paroît de
plus vraifemblable là-deflùs.
La cornette, en matière de guerre, fut d’abord
une efpèce d’orhèmént qui fe mettoit quelquefois
fur le cafque, principalement dans les cérémonies
publiques, où l’on paroiflbit en habillement de
guerre. Je pourrois en apporter divers exemples.
Je me contenterai d’en tranferire un où il eft fait
plufieurs fois mention de cette cornette : c’eft dans
l ’hiftoire de Mathine de Gouffi , où il fait la dèf-
cription de l’entrée de Charles VII à Rouen, lorf-
que les Anglois en furent chaffés. « Après, dit-il,
»> fuivoient les Archers de Meffire Charles d’Anjou,
» qui étoient au nombre de cinquante, Si qui
» «^voient fur leurs falades dés cornettes pendants
a» jufques fur leurs chevaux.. ; . En fuivant icépx,
» alloient cinquante Archers ou environ , fort bien
» habillés, qui appartenoient au roi de Sicile, Si
» avoient fur leurs falades des cornettes des cou-
» leurs du roi.. . . T rois cents lances qui avoient
» fur leurs falades chacun une cornette de taffetas
» vermeil, à un foleil d’or , & c . ».
Je crois qu’on àppella ainfi cet habillement de
tête , parce qu’il étoit mis pardeflùs le cafque ou
pardeflùs la falade, comme les cornettes des femmes
étoient mifes alors pardeflùs leur bonnet, Si comme,
en divers endroits, nos payfannes le mettent encore
aujourd’hui. En effet, ce taffetas fe mettoit fur le
Cafque en derrière , comme ces cornettes de payfannes.
Il en avoit affez la figure, ainfi qu’on le
voit dans l’eftampe du cafque du connétable de
Cliffon.
De plus , comme le mot de pennon étoit furanné
depuis qu’il n’y avoit plus de chevalerie bannerette
dans lès armées, Si que cette cornette militaire des
cafques , étant étèndûé , paroît avoir eu une figure
approchant d’un étendard, on changea le nom de
pennon royal en celui de cornette royale.
Comme je trouve la cornette royale appellée de
ce nom de cornette-, pour la première fois, fous
Charles V I I I , il me paroît que ce fut le même
prince qui donna ce nom dé cornette à l’étendard
ou pennon royal. Ce nom de cornette fut donné
depuis âùx autres étendards de la cavalerie légère
fous lé fùèceffeur de Charles V I I I , Louis X I I , qui,
comme je le dirai après Brantôme, fut celui de nos
rois qui donna le premier quelque forme à la cavalerie
légère.
J’ai dit qu’on voit pour la première fois , fous
Charles V I I I , ce mot de cornette, pour fignifier
un étendard ; & , en effet,7e ne me fouviens point
d’avoir jamais vu avant ce'temps-là le nom de cornette
en cè fens dans les troupes françoifes. J’ai étç.
confirmé dans la penfée que ma mémoire ne me
trompoit point, par l’aUtbrité d’un homme fçavant
dans les antiquités de France : c’eft le fleur de
Caféneuvé qui, dahs)fësj origines françoifes , s’exprime
ainfi fur le mot de cornette : « c’eft ainfi *
» dit-il, que nous appelions une compagnie de
» gens de cheval, ôt le drapeau qui lui fert d’en-,
v feigne. Je puis afîùrer que ce mot, en ce fens-là , » n’eft pais fort ancièn en France, ne l’ayant encore
» pu rencontrer en aucun de nos anciens auteurs ».
Quoi qu’il en foit de cette conje&ure touchant
l’origine de ce nouveau nom ; c’étoit toujours
l’étendard royal ou le pennon royal. Il me femble,
fuivant ce que je vais ajouter, que ce ne fut pas
le grand étendard, mais le pennon. Je crois qu’on
eh conviendra quand on aura lu les réflexions
fuivantës.
M. du Gange dans fà neuvième differtation fur
l’hiftoire de Saint-Louis , par Joinville, où il traite
des chevaliers bannerets, s’exprime ainfi. « Il eft
conftânt, dit - i l , que les fouverairis avoient la
bannière & le pennon ; Si à l’égard du roi de
France , la bannière étoit à la garde du grand
M m îj