
Une djfcorde civile fuivit ces évènements.
Abfalon , fils de D a v id , ayant fait affaffiner fon
frère, l’inceftueux Amraon, confpira contre fon
père, & s’étant concilié la faveur des peuples,
l ’obligea de chercher une retraite dans les déferts.
Achitopel, fon digne minifixe, lui confeilla de
raflembler au plutôt douze mille hommes, ôc de
pourfuivre David. Abfalon approuvoit ce confeil :
cependant il voulut confulter Chuzaï, qu’il nom-
moit le prince des amis du roi. Celui-ci lui répondit
: « vous connoiffez David ôc ceux qui le
fhivent. Vieux guerrier, il fe couvrira de fon art.
Inftruit de votre approche, il occupera quelque
vallée avec une partie de fes troupes, ou la cachera
derrière un rocher, & vous montrera le refte.
Attaqué par votre armée, il cédera peu-à-peu,
Ôc l’attirera dans fon embufcade, qui, tombant
tout-à-coup fur elle, y jettera le défordre. Afleciblez
plutôt les troupes de toutes les tribus, &
entourez la petite armée de votre père, avant qu’il
fe foit jette dans quelque ville oh vous ne pourriez
.vous rendre maître que par un long fiège. ».
C e confeil fût préféré à celui d’Achitopel ; &
Chufaï courut auffi-tôt aux pontifes , Sadoc ôc
Abiathar, pour les conjurer de faire avertir David
qu’il pafsât promptement le Jourdain, de crainte
qu’Abfalon n’adoptât le projet de fon miniftre,
4k n’eût le temps d’atteindre le roi. Chufaï avoit
confeillé une grande levée de troupes, afin que
David pût faire fes préparatifs. Achitopel voyant
fon avis méprifé , fe retira dans fa maifon, y affeip-
bla. touts les fiens, leur annonça qu’Abfalon prgr
poit le parti le plus pernicieux ; ÔC que celui qu’il
avoit propofé, ferpit fans d.pute puni par David
vainqueur , avec une févérité qu’il ne voulpif pas
attendre. Il fe retira dans fon appartement3 ôc y
termina fa vie.
David ayant paffé le Jourdain, entra dans Çaf-
tra, ville forte de Galaad. Touts les habitants du
p a y s , touchés de fon état, en le comparant à fon
ancienne fplendeur, apportèrent à fon armée les
rafraîchiffements cfont elle manquoit. Le roi la
diyifa en troupes, & y nomma des officiers, &
trois principaux chefs, qui furent A b ifa ï, Joab,
Ethaï. Il vouloit fortir à leur tête : mais on lui
repréfenta que s’il reftoit dans la place » & que
fon armée fût vaincue au-dehors, ceux qui fe reti-
reroient au-dedans des murs, lui feroient encore
de quelque refiource ; au lieu que, s’il étoit dehors
, avec l’armée battue, tout feroit perdu. Il
approuva ce confeil & refia dans la ville.
Joab déploya fes troupes hors des murailles,
ayant derrière lui le bois çTEphraïm : elles étoient
peu nombreufes, mais compofées de vieux guerriers.
Celles d’Abfalon, levées nouvellement, &
ne furpaifant qu’en nombre l’armée qu’elles alloient
combattre, après quelques moments d’une réfif-
tance égale, les vieilles troupes eurent l’avantage :
les nouvelles cédèrent, plièrent, Ôc prirent la fuite :
files perdirent vingt mille hommes. Abfalon, fuyant
avec elles, r’embarrafla par les chevaux, dans les
branches d’un arbre , ôc fut percé par Joab. David,
par un refie de tendrefle, qu’un pèré feul peut
connoître , avoit ordonné d’épargner fon fils. Il
en apprit la mort avec une douleur, qui altéra
dans touts les coeurs, la joie de la viéloire. Dans
ces moments oii un fentiment naturel ôc tendre
s’empare de l’ame, tout ce qui efl dur ôc févère,
lui devient étranger. David pleurant fon fils, oublia
auffi le crime de ceux qui l’avoient fervi.
Les tribus d’Ifraël & de Juda fe divisèrent au
fujet de Da vid , parce qu’il parut donner à celle-ci
quelque préférence. Séba ayant excité une fédi-
tion dans Ifraël, le roi envoya contre lui quelques
troupes commandées par Amata. Le jaloux Joab ,
couvert de fes armes, ayant abordé ce général,
ôc feint de l’embrafler, le perça de fon épée. Il
prit enfuite le commandement, Ôc pourfuivit Séba ;
qui, fuyant de ville en ville, s’arrêta enfin dans
Abel Beth Machaa. Joab irrité qu’on lui en eût fermé
l’entrée, l’environne & ordonne à fes troupes
d’en abattre les murailles. Auffi-tôt une femme
s’y préfente, ôc demande un entretien avec le
général. Pourquoi venez-vous, lui d k -elle , détruire
une des principales villes d’Ifraël, dont vous
n’avez reçu nulle offenfe ? Joab répondit qu’il
étoit prêt à fe retirer, fi les habitants vouloient
livrer au fupplice le rebelle Séba. Cette femme
étant retournée vers fes concitoyens, la tête du
coupable fût jettée par-deffus les murs. Auffi-tôt
Joab fit donner le fignal de la retraite, ôc ramena
fes' troupes à Jérufalem.
Les Philiftins ne cefToient pas d’inquiéter les
Ifraélités. David gagna contr’eux quatre batailles,
ôc les pourfuiyarit avec trop d’ardeur, fût près
de perdre la vie* Atteint & renverfé par Acmon,
fils d’A raph, de la race de Raphaïm, il alloit être
frappé, lorfqu’Abifaï, prévenant le coup, porta
au Philiftin celui de la mort. Dans ces guerres,
plufieurs Hébreux fe diftinguèrent par leur courage,
ôc leurs noms vivent encore. Sobacchis, en
combattant ôc tuant plufieurs Philiftins d’une taille
énorme, qui s’énorgueilliffoient de leurs forces,
Ôc faifoient la confiance de leur nation, contribua
beaucoup à la vi&oire. Jonathas, fils de Sama,
tua gn combat fingulier un de çes hommes gigan-
tefques : celui-ci avoit, dit-on, fix doigts aux pieds
ÔC aux mains. (
Iflæm, fils d’Achémée , tua plufieurs fois de fa
main jufqu’à quatre-vingt-dix ennemis. Un corps
d’Ifraélites effrayé par le grand nombre des Philiftins
qui marchoient à lu i , ayant pris la fuite ,
pléazar refta feul, les attendit, en tua plufieurs.
Ceux qui avoient fui, honteux de leur crainte , ôc
ranimés par tant d’audace, revinrent au combat
ôc remportèrent une viéloire complette. Abifaï
foutint l’effort de trois cents combattants. Semma ,
fils d’Agé , défendit feul un camp que les Ifraélités
avoient abandonné. I l i , fils de Sébas , voyant
fuir fes compagnons, ne les fuivit pas : il attendit
l’ennemi »
l’ennemi, combattit feul, ôc eut l’avantage. En
parlant des courages célèbres , il' ne faut pas
omettre Banaïas, qui feul & déformé fe jetta fur
un Egyptien redoutable par fa grandeur, Ôc couvert
de fes armes, lui arracha fa lance & l’en'
perça. Le même, armé d’un bâton , attaqua un
lion tombé par hafard dans une foffe / ôc le tua.
Mais fur-tout n’oublions pas les trois Ifraélités qui
entendirent leur roi former ce fouhait : u qu’il y
a de bonne eau dans ma patrie , fur-tout celle
de la citerne qui eft à la porte de Béthléem ! Si
quelqu’un m’en apportait ,^’en eftimerois plus le
don que celui de beaucoup> d’or. ». Ils partent
auffi-tôt, traverfent le camp des Philiftins étonnés
de leur audace , vont puifer de l’eau à cette citerne
, ôc l’apportent à leur prince. David n’en
voulut pas boire. « A dieu ne plaife , dit-il !
Boirois-je le fang de ces hommes & le péril de
leurs âmes ? » Il la répandit en remerciant Dieu
de les avoir confervés.
Salomon , fucceffeur de David , ayant appris
que fon frère Adonias confpiroit. avec Joab , &. le
grand-prêtre Abiâthar, exila celui-ci, Ôc fit mourir
les deux autres. Son règne fut celui des arts,
de l’opulejice ôc de là paix. Sous lui les Hébreux
ne furent employés qu’à des fonélions militaires.
L ’exercice des arts fut laiffé aux étrangers & aux
peuples affujétis. Quelques peuplades Cananéennes
qui habitaient depuis la ville d’Amathe jufqu’au
mont Liban , ayant été.foumifes comme le refte
de leur nation , payèrent chaque année un tribut.&
fournirent un certain nombre d’hommes pour la
culture des terres-& pour les emplois ferviles.
Ces efclaves Cananéens avoient cinq cents cinquante
chefs ou directeurs qui diftribuoient entre
eux les ouvrages.
Les vaftes édifices que Salomon avoit fait conf-
truire , les villes qu’il avoit fondées, les temples
qu’il avoit élevés, fes palais, fa magnificence ,
l’-avoient contraint à exiger de fes peuples de grands
tributs. On murmura contre la dureté de fon gouvernement.
Sa foibleffe pour fes femmes , & fur-
tout pour les étrangères , l’entraîna au culte de
leurs dieux. Le mécontentement devint général ,
ôc les nations voifmes en furent inftruites.
Un Edomite ou Iduméen nommé Ad ad , iffu
de la race royale , fe réfugia en Egypte , encore
enfant, lorfque les Ifraélités, conduits par Joab ,
ravagèrent fa patrie. Dès qu’il apprit, que l’autorité
de Salomon s’affoibliffoit , il revint en Idu-
mée , y trouva ce Razon qui avoit fervi fous
Adrazezer , avoit enfuite quitté fon parti, & q u i,
devenu chef d’une troupe de brigands, s’étoit
emparé de la ville & de la fouveraineté de Damas.
Adad fe joignit à lu i, fe rendit maître d’une partie
de la Syrie , ôc fit des incurfions fur les terres de
Salomon. En même-temps, Jéroboam, efprit inquiet
& ambitieux , excitait le peuple à la révolte ,
efpérant l’accompliffement de la prophétie d’A -
&hias, qui lui avoit annoncé la royauté. Salomon
Art militaire. Tome 11.
tenta de le faire arrêter ; mais Jércboam fe réfugia
auprès de Sélàc, roi d’Egyte.
La paix troublée fous la- fin du règne de Salomon
s’évanouit avec fa vie. ( An du M. 2088 av.
J. C. 1016 ). Les diflèntions, les crimes des grands,
les guerres civiles ôc étrangères, commencèrent la
deftruélion du royaume d’Ifraël. Roboam , fils de
Salomon , fut fuivi par Juda ôc Benjamin : Jéroboam
fut élu par les autres tribus.
Roboam règnoit depuis cinq ans, lorfque Séfac ,
roi d’Egypte , marcha contre lui à la tête de
quatre cents mille hommes d’infanterie, foixante
mille de cavalerie, & douze cents chars. Cette
armée étoit d’Egyptiens , d’Ethiopiens , de L y -
biens, Ôc de Troglodytes. Il aftujétit les plus
fortes villes d’Ifraël, prit Jérufalem , pilla le temple,
enleva les boucliers d’or faits'par Salomon, les
carquois d’or enlevés par David au roi de Soba,
ôc revint chargé d’un butin immenfe.
Jéroboam conduifit une grande armée contre
Abias ,.fils ôc fucceffeur de Roboam. Abias affem-
bla fes troupes une fois moindres en nombre que
celles de fon adverfaire ; ôc , quoique jeune encore
, marcha contre lui avec audace. Quand les
, deux armées furent en préfence, Abfos demandant
à parler aux Ifraélités, leur reprocha d’avoir quitté
le fang de David pour fuivre un efclave , un vil
ufurpateur que Dieu ne laifferoit pas jouir longtemps
de fa puiffance. Il leur repréfenta combien
de fois le Dieu d’Ifraël, avec une foible armée ,
avoit diffipé les défenfeurs innombrables de l’iniquité
comme le vent diffipe les fables. Tandis qu’il
parloit, Jéroboam faifoit marcher des troupes à
couvert du coteau. Elles parurent tout - à - coup
derrière l’armée de Juda , Ôc y jettèrent quelque
effroi. Mais Abias raffura fes troupes , foutint l’attaque
avec courage, & défit complettemerit celles
de fon ennemi. (A n du M. 3049. av. J. C. 955. ).
A fa , fon fils, lui fuccéda. Roi fage,, pieux, ÔC
prudent, il eut toujours dans la tribu de Juda trois
cents mille hommes, armés de boucliers & de
haftes ; dans celle de Benjamin, deux cents quatre-
vingt mille, armés d’arcs ôc de boucliers. Il fortifia
plufieurs de fes villes, & employa la paix
à mettre fon royaume en état de défenfe. Dans
la dixième année de fon règne, Za ra, roi d’Ethiopie
, entra dans la Paleftine à la tête d’un million
d’hommes ôc de trois cents chars. Afa & fa petite
armée mit en fuite cette multitude.
Bafa , ayant enlevé la vie ôc la couronne à
Nadabjfils de Jéroboam, s’empara de Rama, ville
peu éloignée de Jérufalem. Il y commença des
remparts Ôc fit une place de guerre , d’ou fes troupes
alloient faire le ravage lûr les terres de Juda.
B‘afa avoit pour allié Bénadad, roi de SyVe. Le
fage A fa , au lieu de combattre fon ennemi à force
ouverte, préféra, de l’affpiblir, en lui enlevant fon
allié. Il envoya donc à Bénadad beaucoup d’or
Ôc d’argent, en lui rappellant l’ancienne amitié
| qui étoit entre leurs pères, ôc l’invitant à la re-
C