
Abimélec vînt former l’attaque de Thébé , ville
de Juda , qui s’étoit jointe à les ennemis. Les habitants
réfugiés dans une tour, au milieu de la
v ille , fe détendoient avec courage. Le roi s’étant
approché de la porte, tentoit d’y mettre le feu;
une femme ayant jetté du haut de la tour un fragment
de meule de moulin, lui fracaffa la tête ; 8c
ce prince ne pouvant fupporter de mourir par la
main d’une femme, lui, qui ne craignoit pas l’opprobre
de la tyrannie, fe fit tuer par fon écuyer.
Les Ifraélites facrifièrent aux Dieux des peuples
voifins, à Baal, Aftaroth, aux Dieux de Syrie,
de Sidon, de Moab, d’Ammon & des Philiftins.
Ces alliances continuelles avec les étrangers, ce
changement de culte & de moeurs les affoibliffoient
en les divifant de lieux, d’efprit, & de religion.
Ceux qui habitoient au-delà du Jourdain 3 dans
le canton de Galaad, terre des Amorrhéens , furent
affujettîs, durant dix-huit ans, aux Philiftins 8c aux
Ammonites*.Ceux-ci étoient defcendus des Caflu-
him, anciens habitants de l’Egypte, 8c ce fût d’après
eux que tout le pays fût appellé Paleftine. Us
avoient déjà fait quelques incurfions fur les terres
d ’Ifraël, au temps du juge Samgar, qui en tua fix
cents avec un foc, de charrue.
Ammon paffa le Jourdain, ravagea le pays de
Juda, de Benjamin & d’Ephraïm. J_.es Ifraélites
vinrent camper à peu de diffance de leurs ennemis,
8c choifirent pour leur chef ce Jephté, fils
naturel de Galaad, qui, rejetté par fesfrères, de
l ’héritage paternel, s’étoit formé à la guerre, en
conduisant une troupe de brigands 8c de vagabonds.
Jephté envoya au roi Ammonite, des députés
chargés de lui demander le fujet des hoftilités qu’il
exerçoit contre Ifraël. L’Ammonite répondit :
« vous m’avez enlevé mes terres : rendez-les, &
faifons la paix. M Jephté lui obje&a, par de nou-
• veaux députés , qu’Ifraël n’avoit ravi ni les terres
de Moab, ni celles d’Ammon; qu’il y avoit demandé
feulement la liberté du paffage, ainfi que
i pendant quarante ans. La force extraordinaire de
i Samfon ne le délivra point de ce joug. Pour comble
de calamités, il s’éleva une guerre entre les tributs.
Quelques habitants de Gabaa ayant commis un
| excès horrible contre la femme d’un Lévite , toutes
les autres tributs, enveloppant en entier celle de
Benjamin, dans la peine de ce crime, parce qu’elle
avoit refufé de livrer les criminels, s’affemblèrent
autour de quatre cents mille hommes d’infanterie,
8c l’attaquèrent dans fes murs. Les Benjamites en
' étant fortis, offrirent le combat : cette journée
par le pays d’Edom ; que cette liberté lui ayant
été refufée, il avoit fait le tour de leurs terres
pour venir à celles des Amorrhéens, 8c leur faire
la même demande. « Us refusèrent, dit-il, ils nous
attaquèrent, & le Seigneur les mit dans nos mains.
C e que ton Dieu Chamos pofsède, ne t’eft-il pas
du ? Ce que notre Dieu vainqueur a conquis, ref- i
tera en notre pouvoir. Ce n’eft pas moi qui fais le
mal, mais toi qui me déclares une guerre injufte.
Le Seigneur va juger entre Ifraël 8c les fils
d’Ammon. ».
L’effet fuivit la menace. Ammon fût vaincu,
& ce fût après cette défaite que Jephté accomplit
ce voeu téméraire, qu’il n’avoit le droit ni de faire
ni d’exécuter.
Les Ephraïmites offetrfés de ce qu’il ne les avoit
pas appellés pour combattre les fils d’Ammon,
l ’attaquèrent & furent mis en fuite : il en périt
quarante-deux mille.
Après fa mort, Ifraël fût fournis aux Philiftins
coûta vingt-deux mille hommes aux tributs alliées;
un fécond combat, dix-huit mille. Vaincus deux
fois par la force, les Ifraélites recoururent à la
rufe, qui, fous Joliié , les ayoit rendus viâorieux.
Us placèrent en embufcade, près de Gabaa, un
corps deftiné à s’emparer de la v ille , 8c à couper
la retraite aux fuyards. Ces difpofitions étant faites,
ils préfentèrent le combat, feignirent de fuir, attirèrent
les Benjamites loin de leurs murailles, même
les enfants 8c les vieillards, dans l’efpoir d’une
5 proie certaine, 8c revinrent à la charge, lorfque
| la flamme leur apprit que la ville étoit prife. Les
! Benjamites effrayés s’enfuirent, 8c donnèrent dans
! l’embufcade qui les-attendoit. 11s furent pourfuivis
I jufques dans les déferts, ou fix cents feulement
| échappèrent, en ferrant leurs rangs 8c fe faifant
J jour à travers les ennemis. Vingt-cinq mille per-
| dirent la v ie , ainfi que tout ce qui habitoit Gabaa,
Imême les beftiaux. Les autres villes de Benjamin
fubirent le même fort.
Quelque temps après, les Ifraélites s’étant fou-
j levés , attaquèrent les Philiftins 8c perdirent deux
1 batailles. Mais bientôt ils les défirent fous la con-
! duite de Samuel, 8c reprirent toutes les villes
que les Philiftins leur avoient enlevées depuis
j Accaron jufqu’à Geth. Ce fût alors , que redoutant
les vices des fils de Samuel, ils renoncèrent au
j gouvernement des juges, 8c demandèrent un roi*
Samuel en ayant remis au fort la nomination,
Saül fût proclamé.
Naas, roi des Ammonites , inquiétoit depuis-
longtemps les tribus d’Ifraël. U entra dans leur
pays à la tête d’une grande armée, prit quelques
villes, & , pour ôter aux habitants tout moyen
de combattre , il faifoit crever -l’oeil droit, tant
aux vaincus qu’à ceux qui fe rendoient ; parce
que le bouclier couvrant l’oeil gauche, leur ôtoit
l ’ufage de la vue.
S’étant préfenté devant Jabès , il fit propofer
aux habitants de choifir entre le facrifice de cette
portion d’eux-même, ou le rifque de perdre leurs
biens 8c leur vie. Ceux-ci n’ofant ni accepter ni
refufer, demandèrent fept jours de trêve, pour
implorer le fecours de leurs frères, promettant
que, s’ils ne l’obtenoient pas, ils fe rendroient
aux conditions que le roi leur impoferoit. Naas,
plein de mépris pour fes ennemis , leur permit
de chercher du fecours 8c des alliés où ils le vou-
droient.
Les députés ne trouvèrent dans les villes Israélites,
que le filence morne de la crainte. Mais
Saül apprenant lè -péril des Jabéfénites, leur fit
annoncer que le foleil du lendemain verroit fuir
leurs ennemis.
Saifi de l’efprit du Dieu des armées, 8c voyant
des boeufs revenants de la campagne , il les fit
couper en morceaux, 8c les envoyant en Ifraël,
menaça du même traitement quiconque ne fuivroit
pas Saül 8c Samuel. Touts craignirent 8c fe rendirent
comme un feul homme au lieu défigne. Kraël
fournit trois cents mille hommes, Juda trente mille.
Saül marcha.fur trois divifions , fe rendit devant
Jabès par une marche forcée, 8c furprenant les
Ammonites, dont le fuperbe roi étoit loin d’attendre
tant de vigueur 8c de promptitude, il les
défit entièrement : une partie de leur armée périt ;
le refte fût difperfé. -
Saül congédia les Ifraélites ; il n’en garda que
trois mille. Deux mille relièrent avec lui à
Machinas 8c au mont Béthel : Jonathas commanda
les mille autres à Gabas de Benjamin.
Ce jeune homme plein d’ardeur, attaqua 8c défit
un corps de Philiftins, porté près de cette ville.
Aufîi-tôt ce peuple affemble fix mille hommes de
cavalerie, une infanterie nombreufe , & trente
mille charriots. Ces préparatifs effrayèrent les
Ifraélites : les Philiftins leur avoient ôté tous les
moyens de fabriquer des armes ; ils ne fouffroient
pas même que les inftruments de labourage 8c
les haches fuflent tranchantes : on n’auroit pas
trouvé dans tout Ifraël un ouvrier&en fer. Saül
& Jonathas étoient les feuls qui euffent des armes.
Il fallut donc recourir aux outils, 8c aiguifer les
focs, les Royaux, les fourches, les haches.
Les Philiftins, campés-à Machmas, envoyèrent
trois corps de troupes faire le ravage dans les
campagnes. Les Ifraélites étoient défarmes, l’effroi
les faifit : prefque touts s’enfuirent dans les montagnes,
8c y cherchèrent un alyle au fond des
cavernes. Il n’y en eût que fix cents qui eurent le
courage de fuivre Saül.
Le camp des Philiftins étoit placé fur une hauteur
efcarpée de touts côtés. Jonathas. ofa s’en
approcher feul avec fon écuyer. L’ennemi mettant
toute fa confiance dans la force du lieu qu’il occu-
poit , fe gardoit négligemment. Quelques-uns
ayant apperçu ces deux .hommes qui tentoient
de gravir, voilà, dirent-ils, les Ifraélites qui for-
tent de leurs cavernes. Us leur crièrent : approcher,
nous vous montrerons ce que nous femmes. Ce ton
méprifant fut pour Jonathas une preuve de leur
fécurité. Alors concevant l’efpérance de furprendi e
quelque pofte, il gravit avec fon compagnon, fur
les pieds 8c fur les mains, jufqu’au haut de l’efcar-
pement, trouve les Philiftins endormis, fe jette
fur eux 8c en tue vingt. Les autres s’éveillant,
ignorant ce qui furvenoit, ne pouvant croire que
deux hommes feuls les attaquent, s’enfuient répandant
l’alarme. On crie de touts côtés, on court
aux armes. Il y avoit dans cette multitude plu-
fieurs nations qui ne s’entendoient ni ne fe con-
noiffoient. Us le prirent les uns les autres pour
ennemis, 8c ils fe chargèrent avec furie. Dans ce
moment de confufion, Saül paroît à la tête de
fes troupes, fuivi des Ifraélites qui fortoient en
foule de leurs cavernes. Les Hébreux qui étoient
dans le camp des Philiftins, fe joignirent à leurs
frères. Us y furent bientôt au nombre de dix mille ,
8c pourfuivirent l’ennemi jufqu’en Aïallon.
Saül cédant à fa jo ie , jura imprudemment que
tout Ifraélite qui mangeroit, avant de s’être venaé
des Philiftins, jufqu’au foir de cette journée, feroit
mis à mort. Jonathas, ignorant le ferment du ro i,
mangea un peu de miel. Quelqu’un l’ayant averti :
qu’a fait mon père, dit-il?Voyez comme le peu
que j’ai pris m’a rendu de vigueur, 8c jugez combien
la perte de l’ennemi feroit plus grande , fi
les troupes euffent réparé leurs forces avec le«
vivres qu’elles lui ont enlevés.
Le fort ayant découvert à Saül que fon ferment
avoit été violé par Jonathas , il crut devoir en
préférer la fainteté à celle de la nature. Son fils ,
obéiffant, préfentoit fa tête : heureux, difoit-il,
d’abfoudre fon père, & que fes derniers regards
euffent vu les Philiftins tomber fous les coups des
Ifraélites. Mais le peuple reconnoiffant délivra fon
libérateur.
Saül attaqua les Amalécites avec une armée de
deux cents dix mille hommes. Tantôt il les com-
battoit à forcé ouverte, 8c tantôt par des ernbuf-
cades. Il afliègeoit leurs villes, les unes avec des
machiné!, les autres par, des galeries fouterreines
8c des murs de circonvallation, quelques-unes par
la famine. Us y exterminoient touts les citoyens
jufqu’aux femmes' & aux enfants. Le roi d’Amalec
fût pris. Il étoit d’une grandeur & d’une beauté
fingulière. Ni Saül, ni le peuple, ne pût fe ré-
loudre à lui ôter la vie. Us confervèrent même des
troupeaux 8c des vêtements de l’ennemi, contre
le confeil de Samuel ; qui, les rappellant à l’ancienne
politique, avoit exigé la deftruérion des
vaincus 8c de leurs biens.
Les Ifraélites s’emparèrent de tout le pays juf-
qu’à la mer Rouge & à Pélufe, fur la frontière
d’Egypte. Jüs n’épargnèrent que les Sichémites,
peuple allié d’Ifraël par Raguel ou Jethro, beau-
père de Moyfe.
A fon retour, Saül, monarque 8c vainqueur
fût réprimandé au nom de Dieu par le prophète
Samuel. Sur l’excufe que les troupeaux étoient
réfervés comme vi&imes, il répondit que l’obéif-
fance étoit préférable aux holocauftes ; il réprouva
Saül, afin que déformais tout vainqueur en Ifraël
fût fans pitié. U fe fit amener A g o g , roi d’Amalec
8c lui dit : comme ton épée enleva des enfants à leur
mère, ta mère vivra fans enfants, & il le maffacra.
La guerre fût continuée entre Ifraël & lès Philiftins.
Les deux armées occupant chacune le fom-
met d’une colline, avoient la vallée entr’elies. Un