
envoyé au régiment, qui doit faire un mouve- |
ment, ion ordre de marche, on en expédie un 1
double aux intendants, dans la généralité defquels
le régiment doit paffer : l'intendant fait prévenir
auiinot l’entrepreneur général des étapes de fon
departement ; celui-ci, les différents étapiers de la j
généralité, & il leur ordonne de préparer pour
tel jour les vivres &, les fourrages néceffaires. Le
régiment qui va fe mettre en route eft pafle en
revue la veille de l'on départ par le commilTaire
des guerres chargé de fa police , ou, à fon défaut,
par le trélorier des troupes du lieu du départ du
régiment; la revue pâfl'ée il en tranfcrit l’extrait
au dos de la route, & cet extrait fert de règle
pour la fourniture de Y étape. Dans cet extrait on
fait mention en toutes lettres du nombre d’officiers,
de bas officiers &. de foldats qui fuivent les
drapeaux, & de ceux pour lefquels Y étape doit être
réfervée. Le régiment part, il arrive à fa première
ftation, il fe met en bataille dans un endroit commode
pour cet objet ; on diftribue aux foldats
leurs billets d etape, qui font en même-temps des
billets de logement ; ils vont dépofer chez leurs
hôtes leurs effets & leurs armes, fe mettent en
vefle & en bonnet & vont à Yétape recevoir les
vivres qui leur font deftinés. Ces vivres font pour
le foldat fantaffin , vingt-quatre onces de pain cuit
& raffis, entre bis & blanc ; une pinte de vin, me-
fure de Paris, ou un pot de bière ou de cidre, auffi
mefure de Paris; une livre de viande de boeuf, de
veau ou de mouton,,au choix de l’entrepreneur.
La ration du cavalier eft de trente-fix onces de
pain , de deux livres de viande & d’une pinte &
demie de vin. Celle du dragon eft de vingt-quatre
onces de pain, d’une livre & demie de viande &
d’une pinte de vin.
Avant d’aller plus loin, qu’on nous permette de
demander pourquoi cette différence dans les ratio,
ns. Si celle du fantaffin fuffit à unhomme, pourquoi
donner aü cavalier un fupplément qui lui de- ■
vient inutile, puifqu’il ne peut pas le vendre? Si ;
la ration du fantaffin ne lui fuffit pas, pourquoi ne ,
pas l’augmenter, & . ne pas la porter au même taux j
que celle du cavalier ? Le cavalier , dira-t-on, eft
plus grand & plus fort que le fantaffin ; cela eft
communément vrai ; mais les grenadiers ne font-ils
pas d’une taille auffi haute que les cavaliers ; &
d’ailleurs un homme fait, quelque petit qu’il foit,
qui voyage à pied, ne confume-t-il pas autant
qu’un homme, quelque grand qu’il foit , qui
voyage à cheval. Ne nous y trompons point, cette
différence dans la ration ne provient que d’un ancien
uiage. Le gendarme, auquel le cavalier a fuc-
cédé, étoit mieux payé que le fantaffin, parce qu’il
étoit obligé de nourrir fes valets; & par habitude
on a laiffé fubfifter la différence de paye, quoique
la différence de compofition n’exiftât plus.
La ration de fourrages pour touts les chevaux
de l’armée Françoife eft compofée de vingt livres
de foin & d’un boifleau d’avoine, mefure de Paris.
Pourquoi cette unité entre les rations de fourrages
& la différence que nous avons remarqué entre les
rations de bouche ? Eft-ce qu’il n’y a pas une plus
grande différence entre un cheval du corps descarabiniers
& le petit bidet d’un officier d’infan-
terie, qu entre un loldat fantaffin & un cavalier ?
Mais ici l’ufage n’a point prévalu.
Il eft expreffément défendu aux chefs de corps
de prendre l'étape pour des officiers abfents &
pouç les emplois vacants. Pour que les hommes,
que leur fante empêche de fuivre leurs drapeaux,
puiflent avoir l’étape lors de leur rétabliffement
on laiffe pour chacun d’eux, entre les mains'da
commandant de la place dans laquelle ils reftent
un certificat moulé, appellé certificat de conva-
lefcence. V oy e^ C o n v a l e s c e n t s & C o n g é .
Les commiflaires des guerres qui fe trouvent
dans les lieux du paflage de's troupes, doivent en
faire la revue en préience des officiers munici-f
paux ; c’eft cette cjernière revue qui règle la fourniture
de l'étape. Les magiftrats municipaux peuvent
auffi taire une revue des régiments auxquels
ils doivent faire fournir Yétape.
Les officiers abients par femçftre on par congé
n’ont point d’étape, & ils confervent leurs appointements
; il en eft de même des foldats abfents
par congé, ils confervent leur paye.
Le commandant d’un régiment qui a reçu Yétape,
doit ligner le certificat du. nombre de rations de
vivres & de fourrages que fon corps a reçues ;
: c’eft fur ce certificat que les étapiers font payés.
| L’étapxer qui falfifieroit ce certificat, feroit puni
; comme fauffaire.
Il eft expreffément défendu de convertir Yétape
en argent; on rie peut que la prendre en nature , ou
la revendre à l’étapier.
Nous ne rapporterons point ici touts fes autres
articles des ordonnances relatives aux étapes; ce
detail nous méneroit beaucoup trop loin : on peut
confulter fur cet objet le tome troifième du code
militaire de Briquet ; nous ne donnerons point non
plus le dénombrement des rations attribuées aux
différents grades, dans lés différentes armes , dans
les différents corps, on le trouvera dans l’ouvrage
que nous venons de citer. Mais nous demanderons
pourquoi l’on donne Yix rations de bouche
& quatre rations de fourrage à un capitaine d’infanterie,
qui ri’a tout au plus qu’un valet & un
cheval ; c’e ft, dit-on, pour le dédommager de îa
perte de fes appointements : cet arrangement eft
diâé par la juftice ; mais l’officier ne profite point
de l’attention bienfaifante du gouvernement;
ce font uniquement les entrepreneurs , les traitants,
les fous-traitants. Quelle foule de réflexions
cet objet ne préfente-t-il point : laiffons parler
MM. de Servan & le B. D. B.; ils vont mettre
dans tout leur jour les abus des étapes.
L’auteur du foldat citoyen, M. le chevalier de
Servan, avance que les étapes font également à
charge au foldat qui les reçoit, & au roi qui-les paye.
Pour prouver la première partie de fa propo-
fition, M. de Servan dit : « qu’on fe peigne un
foldat qui vient de marcher pendant neuf ou dix
heures, obligé de chercher en arrivant un logement
fouvent très mauvais & très éloigne ; force
quelquefois de revenir a la m-aiion de ville fol-
liciter un autre billet, faute d’avoir pu trouver
fes hôtes, ou d’avoir pu trouver du logement chez
eux. Eft-il logé? il faut qu’il aille à Yétape. La
diftribution des vivras ne peut fe faire que fùc-
ceffivement, & homme à homme. Combien de
temps fe pafle-t-il avant que les derniers aient eu
leurs rations ? Souvent elle eft très mauvaife ; quelquefois
il eft trop tard pour la faire ' cuire ; quelquefois
les hôtes n’ont pas même les uftenfiles
néceffaires. Alors le foldat vend fa ration de viande
pour acheter d’autres aliments bien plus propres
à nuire à fa fanté qu’à réparer fes forces. On eft
obligé de s’arrêter, par la trop grande quantité
de chofes qu’on auroit à dire, & on laiife aux
officiers inftruits par l’expérience, à juger combien
il feroit effentiel de remédier aux maux fans nombre
qui font attachés à la manière dont on fait
voyager les troupes dans le royaume ».
Pour prouver la fécondé partie de ce qu’il a
avancé, M. de Servan cite les fortunes immenfes
qu’ont faites les particuliers qui ont eu l’entre-
prife des étapes; fortunes qui ont été produites
ou . par des marchés trop avantageux ou par la
mauvaife qualité des fournitures.
Afin de mettre l’état à l’abri de la rapacité des
entrepreneurs, & pour aflurer le bien-être du
foldat, l’auteur propofe de donner aux troupes
une paye de route indépendante de la paye ordinaire;
il voudroit que cette paye fût de dix
fols pour le foldat & de quarante fols pour l’officier;
il entre enfuite dans les détails relatifs à
la manière de fournir des vivres aux foldats; tout
ce qu’il dit à cet égard eft vu avec aflez de fagefle
pour être également praticable dans l’ordre actuel
des chofes &. dans la conftitution militaire qu’il
propofe.
M. le B. D. B. propofe auffi de réformer les
étapes & de les remplacer par une augmentation
de paye. « Que l’on ne foit point étonné, dit-il,
de la propofition que je fais de reformer les étapes.
Avant Louis X IV , les troupes voyageoient, &
n’en avoient pas ; mais, comme le militaire étoit ]
alors fans diicipline, le foldat pilloit pour éco- •
nomifér fa paye ; ce fut la raifon qui détermina j
Louis XIV à faire fournir aux gens de guerre la j
fubfiftance en pain, vin & viande. En 17 18 , le
marché des étapes fut fans doute, trouvé ruineux ;
le roi le fupprima, en accordant aux troupes une j
augmentation de paye , loriqu’elks feroient en
route. En 1727 , il y a vo it, fans doute, comme
aujourd’hui, beaucoup d’intérefles au défordre : ils
parvinrent à perfuader de’ la nécefîité de faire rétablir
un marché qui les enrichifloit, & ce marché
tient encore. Il faut le fupprimer une fécondé fois,
parce qu’il eft pour le moins auffi coûteux au roi
en ce moment, qu’il l’étoit il y a foixante-deux
ans.
Le marché des étapes eft vexatoire pour les
officiers, & il favorife la mauvaife foi & l ’ufure
de l’entrepreneur. Les ordonnances de 1727 Sc
1737 » qui accordent un certain nombre de places
de bouche & de fourrages aux officiers, leur défendent
en même temps d’en difpofer, & laiflant
à l’étapier feul la liberté du rachat, celui-ci les
évalue donc toujours au plus vil prix ; car on ne
peut pas le forcer à les payer plus , & on ne peut
lés vendre à d’autres. C ’eft être indécemment à
fa difpofition.
Une ordonnance de 1763 prévoit le cas où
des troupes viendroient à marcher fur des routes
où les étapes ne font point établies : elle accorde
un fol par jour à chaque foldat, trois fols pour
chaque appointé, quatre fols pour chaque caporal,
& huit fols pour chaque fergent. Que l’on fe ferve
de cette loi générale, en changeant pourtant le
tarif. Que l’on accorde deux fols d’augmentation
au foldat, cavalier, appointé, caporal & brigadier
, & quatre fols au fergent & maréchal-deslogis.
Je réponds que les chambrées, vivant dans
l’ordre prefcrit, fe procureront une nourriture auffi
ample que celle qui eft diftribuée en nature par
l’étapier. r
Pour accroître encore ce bien-être, pendant les
jours de route , il ne feroitfait aucune retenue pour
la malle de linge & chauffure. Le. foldat le
cavalier mettroient au prêt leur paye entière ; fça-
v oir , l’un, neuf fols, & l’autre, dix fols quatre
deniers. *
Lorfqu’un régiment devroit voyager, fon arrivée
feroit annoncée dans touts les lieux de fon
logement, afin que le maire ou fyndic principal
avertît les bouchers, boulangers, marchands de
foin, pailles & avoines. L’attention de cet officier
municipal feroit feulement de s’affurer que la
quantité néceffaire des denrées eft à vendre &
d’en maintenir le prix égal aux calcabots des mar-
chés précédents.
I Un capitaine, uni lieutenant & un tnaréchal-
des-logis précéderaient de deux, jours la marche
du régiment, pour s’affurer/des proviiionsde toute
efpèce : enforte qu’à l’arrivée du régiment la
diftribution en feroit auffi prompte que celle'qui
le fait aujourd’hui. 4
Dans la diftribution des logements, on ne fé-
pareroit jamais les chambrées, & pour éviter les
défordres qui pourraient réfulter des diftributions
ou des achats individuels , le chef de chambre
& deux foldats ou cavaliers iraient feuls chercher
les provifions.
| En ajoutant à ce projet quelques loix que les
I circonftances rendraient peut-être néceffaires
j’o ft affirmer que les troupes voyageraient tout
I auffi commodément que pat la méthode aéiaelle