
que de diverfes places conquifes •> ïl avoit fait
porter dans fon pays.
Je parlerai ailleurs de la manière de mettre
bientôt en état de défenfe les places que vous
venez de prendre, & je ferai voir comment en
peu de temps vous pouvez ruiner les fortifications
de celles que vous n’avez pas deffein de conferver.
Je dirai auffi dans la fuite avec quel art on peut
avoir des otages fi fecrets, que ceux même qui le
font , ne connoiflent pas qu’ils en fervent : mais
comme je ne traite à préfent que des otages connus
ouvertement pour tels, je vous confeille, à mefure
que vous pénétrerez dans le pays ennemi pour y
conferver la tranquillité & le paffa-ge libre de vos
convois, de prendre pour otages les habitants les •
plus riches, &. qui ont plus d’autorité fur le peuple.
Traitez-les bien : mettez-les pourtant en lieu de
fureté.
Annibaî, qui avoit befoin de fe conferver le paf-
fage des Alpes libre , prit des otages de touts lesx
lieux voifins, & par-là il maintint tout ce pays
dans Tobéiffance ^ fans y laiffer aucunes troupes ;
quoique fon armée fe fût éloignée, & que plufiéurs
de ces peuples ne lui fuffent pas affectionnés.
Les peuples d’Efpagne qui fuivoient le parti des
Carthaginois, l’abandonnèrent dès que les Romains
eurent réuffi à leur faire renvoyer les otages Espagnols
qu’ils avoient pris : car alors les Efpa-
gnols , qui avoient été maltraités des Carthaginois,
fur-tout en la perfanne de leurs femmes , embraf-
çèrent avec ardeur le parti de Rome.
Choififfez pour ôtages des jeunes gens , & remplacez
ceux qui meurent ou qui déferrent, par j
d’autres d’un moyen âge, parce que les vieux ne '
peuvent pas porter autant dé préjudice que les ;
jeunes , lefquels peut-être , s’ils étoient en liberté.,.
prendroient les armes contre vous : d’ailleurs les
vieux doivent naturellement mourir plutôt, &,
ainfi vous vous verriez en peu de temps avec un
beaucoup plus petit nombre d’otages,
Xénophon rapporte qu’il avoit lui-même donné
çe confeil au roi de Seuthe , lorfqu’il étoit à fon
fervice dans la guerre de Thrace , & il en donna
les deux raifons que je viens de toucher.
Quand Scipion l’Afriquain demanda des ôtages
à Carthage , il s’expliqua ouvertement qu’il les
voiiloit à fon choix, ni plus jeunes de 14 ans ,
ni plus âgés de 30 ans.
Le fénat romain demanda aux Etoliens des
ôtages qui n’euffent ni moins de 12 ans , ni plus
de 40, avec condition que , s’il en mouroit quelqu’un
. l’Etolie le remplaceroit.
Cneius Manlius, général de l’armée Romaine,
faifant la paix avec Antiochus, roi dé S y r ie , lo -
bligea à lui donner 20 ôtages , qui feroient changes
touts les trois ans , &. dont l’âge feroit depuis 18
jufqu’à 45.' -
J)es confirmions & des courfes dans le pays ennemi«
£n traitant plus bas de la manière de conferver 7
par l’art & l’adreffe , des pays conquis par les intelligences
ou par les armes , je propoferai le
moyen de lever des contributions qui foi.erit juftes ,
abondantes, en même-temps douces à ceux mêmes
qui les payent.
Si vous n’avez pas deffein de conferver le pays
conquis , tirez - en de groffes contributions , foit
pour laiffer ce pays hors d’état de pouvoir fecourir
le prince votre ennemi, foit pour augmenter le
tréfor de votre fouverain.
En 1643 , les François, obligés d’abandonner le
pays conquis fur les Hollandois, l’épuisèrent auparavant
par les groffes contributions qu’ils en
exigèrent.
11 faudroit demander de petites contributions 8c
fouvent, de peur que la demande d’une groffe
fomme à-la-fois ne porte les peuples à prendre
les armes, ou ne donne à croire aux habitants ,
qu’il vaut mieux pour eux abandonner leurs mai-
fons, que de payer cette contribution ; au lieu
qu’en ayant déjà donné quelques-unes, ils s i-
magineront toujours que chaque nouvelle qu’on
exige fera la dernière , ils croiront que les contributions
précédentes les exempteront d’en payeç
d’autres à l’avenir.
Flavius Joleph , gouverneur des deux Galilées
offrit à ceux de Tibériade de leur pardonner leur
révolte paffée, pourvu qu’ils lui envoyaflent des
députés pour lui faire fatisfaétion. Ayant reçu dix
députés , il les retint &. demanda cinquante féna-
teurs des plus confidérables de Tibériade pour lui
engager leur parole ; il les retint auffi, & fous divers
autres prétextes, il demanda jufqu’a deux
mille habitans de cette ville , & toùts les féna-
teurs, qui étoient au nombre de fix cents. Alors
Joféph fe trouva maître d’entrer dans la place, de
difpofer de tout à fon gré , & de s’y faire obéir.
Cet exemple fait voir que Jofeph n’avoit pas cru
pouvoir obtenir tant d’otages, s’il les avoit demandés
touts à-la-fois ; mais les habitants de T i bériade
, s’étant engagés infenfiblement à en donner
quelques-uns , s’étoient mis dans la_péceflité de ne
pouvoir pas refufer les autres , pour ne pas perdre
les premiers , ni la faveur de leur gouverneur.
Si les ennemis vous forcent d’abandonner le
pays avec tant de hâte , qu’il ne vous foit pas
poflible. d’exiger les contributions , enlevez de
touts les lieux en un même-temps les habitants
les plus riches , qui, pour fortir des places où vous
les ferez conduire & arrêter, vous faciliteront le
recouvrement de la fomme à laquelle vous aurez
taxé leurs lieux.
J’ai v.u , au mois de feptembre 1709 , un détachement
de la place de Tortofe, qui, en 14 heures
qu’il s’arrêta dans le camp deTarragone, prit en
un même-temps des habitants de differents lieux,
qu’il emmena à Tortofe ; ce _ qui fuffit pour en
tirer une contribution de 16 mille piftoles, a laquelle
fomme ce détachement les taxa.
Si* en pénétrant dans le pay,s ennemi, vous
n’aves
«lavez d’autre intention que d’en enlever lés graîfis,
par le moyen d’une quantité de charrettes que
vous menez avec vous , outre celles que vous
prendrez chez les ennemis, & que vous remettrez
a des hommes qui auront foin de nourrir & garder
les chevaux &'les charretiers; attendez la faifon
où les bleds font en partie coupés, en gerbes dans
la campagne, & les autres déjà battus , parce que fl vous devanciez ce temps, il vous feroit impof-
fible de lés enlever, ou parce qu’ils feroient verds,
ou à caufe de l’embarras de les faire couper ; car
vous en trouveriez peu de l’année précédente dans
les maifons. S i, au contraire , vous tardez trop à
faire cette courfe , la plus grande partie des grains
fera déjà tranfportée dans les villes, dont plufiëurs,
fortes par le nombre de leurs habitants, par leurs
murailles ou par leur fituation vous coûteroient
une attaque.
Ce fut dans cette faifon que le conful Publius
Licinius^ Çraflus enleva des grains dans le pays
de Perfee, roi de Macédoine, fon ennemi, tandis
que Perfée , d’un autre côté , brûloir la campagne
de ceux qui fuivoient le parti Romain.
Polybe parlant des grains qu’Annibal enleva
dans les campagnes.de Gerune pour la provifion
de fon armée, dit : que comme c’étoit alors le
temps de la moïffon , il s’en tranfportoit touts les
jours une quantité prodigieule..
La faifon propre pour amaflerles légumes, lorf-
qu’ils fe trouvent dans le même état que je l’ai
m EE| Sra'ns > & à l’égard du vin & de l’huile ,
c eft lorfqu’ils font encore dans les caves ou dans
les magafms.de la campagne.
■ JQ faudra foutenir les partis qu’on détache pour
enlever les vivres, & ces partis doivent porter
les inftruments néceffaires pour forcer les barricades
& les murailles , ou les portes des lieux
fermés.
, Quand même vous auriez l’intention de payer
a un jufte prix les vivres que vous enlevez de
force aux habitants , la faifon que je propofe
elt toujours la meilleure, parce qu’immédiatement.
apres les récoltes toutes chofes font moins chères.
• c k partifans , pour ne pas rendre leurs courfes
inlruétueufes, n’alarment point le pays ennemi ,
a h n q u o n y foit moins fur fes gardes; mais dès
quils Içavent par quel chemin doivent paffer,
ou dans quel lieu ouvert fe doivent arrêter des
etrangers en nombre, des tnarchandifes ou des
troupeaux de-beftiaux, par rapport à quelque
foire, a des fetes , à une affemblée générale de
la province , ou à quelque autre occafion, qui
attire un grand concours de monde, alors ils
le . mettent en embufcade dans un lieu commode
pour taire une prife confidérable.
Ordinairement les pattifans, pour ne pas manquer
leur coup , ont de meilleurs efpions que le'
généra , foit parce quils ont beaucoup de relation
avec les gens du pays , foit parce qu’ils les payent
t ie n , ce qui fait qu’ils reçoivent à temps les avis
Art militaire• Torn, /ƒ.
de la marche des troupes, des convois de vivres ,
de munitions, ou de l’argent que l’on fait paffer
dune place dans l’autre : inftruits du chemin, du
jour & avec quelle efcorte , s’ils ne fe croyent
pas affez forts pour la battre, ils demandent quelques
troupes au général, qui les leur accorde, s’il
juge qu’il y a lieu d’en efpérer un bon fuccès. Les
parafants font encore fouvent avertis quand, par
quel chemin & en quel endroit un général ou un
prince des ennemis doit aller fe promener ou
chailer ; & fur ces avis, ils dreffent leur embufcade.
J ai traité de tout ce qui regarde les ernbuf-
cades ; & comme je n’écris pas pour les partifants,
je ne metendrai pas davantage fur ce fujet, par
rapport à eux : je ne fuis entré dans ce petit démit
que parce qu’il fait partie de la guerre offenfive 5
& quoique cette partie paroiffe fort petite, elle
peut quelquefois avoir des fuites très confidérables
non-feulement par le défordre que les partifants
caufent dans le pays ennemi, mais encore parce
qu un de leurs coups, fait à propos, eft capable
de terminer heurèufement la guerre. Nous n’avons
pas ete loin d’en faire l’expérience dans la guerre
des alliés contre les deux couronnes, puifqu’il s’eu
fallut très peu que le fameux partifant don Jofeph
fiallejo, aujourd’hui maréchal-de-camp , ne prît
.~C!“ <JUC t*ans un b ois , où ce prince fe diver-
tilloit a chafîer.
Du pays ennemi que Von ne peut garder. Milieu
entre conferver & détruire.
Lorfque vous n’avez pas le temps d’appauvrir |
par des contributions, un pays où vous ne pouvez
vous maintenir, il eft quelquefois à-propos de le
ruiner , afin que le prince, ennemi ne puiffe pas
en tirer des avantages & afliftances contre le vôtre
Les François^mirent, en 1689, cette maxime en
pratique, brûlant & faccageant Wormes , Spire
& autres places du Palatinat, qu’ils prirent fur les
i j - 1 < “ “ cnuiuit qui n elt
pas bien étendu, il eft à propos de prévenir lès
ennemis , & de faire avancer des troupes dans la
campagne , pour y.détruire tout ce qui ne pourra
pas etre tranfporté -dans vos places de défenfe
pour que rien ne fèrve pour la fubfiftance ou pow
le charroi des ennemis. En parlant de la guerre dé-
tentive , je dirai comment cela s’exécute. Voyons
a préfent de quelle manière une armée qui fait
une guerre offenfive, ruinera le pays ennemi
Le temps le plus propre pour brûler un pays
eft quand les moiffons approchent, ou que les
gerbes font encore dans l’air. n
n LejS-CO?,fu,Is, Q uintus Fulvius Flaccus & Appius
Claudius Pulchrus choifirent ce temps pour ruiner
le pays de Capoue, que les- Carthaginois poffé-
w a i & '»rique Sfimfon brûla les moiffons des
rnuiltins, <t il prit trois cents renards ; il les attacha
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