
de guerre & de bouche, faits dans les derrières, ou
pour la conduite de la groffe artillerie , & des
munitions devant une place affiégée, ou pour le
tranfport des malades & des bielles, ou pour l’apport
des matériaux deftinés à des travaux.
Les importions de bois fe font, ou pour des
palidades, ou pour la conftruélion des cafernes
& écuries, ou pour le chauffage des.troupes pendant
l’hiver.
On affemble des pionniers, ou pour fortifier
des polies deftinés à hiberner des troupes, ou
pour faire promptement des lignes de circonvallation
autour d’une place affiégée, ou pour la réparation
des chemins & ouvertures des défilés, ou
pour la conftruélion des lignes que l’on fait pour
couvrir un pays & l’exempter dés contributions,
pu pour combler les travaux faits devant une place
qui aura été prife.
L’uftenfile pour les troupes pris fur le pays
ennemi, fe tire de deux manières. Les lieux oh
elles hivernent effectivement ne là doivent point
foui *nir , autant qu’il fe peut, que dans les commodités
que le foldat trouve dans la maifon de fon
hôte , fuppofé qu’il n’y ait ni ne puifte y avoir de
cafernes dans ce lieu. Mais en cas qu’i r y ait des
cafernes, il faut que la contribution en argent foit
compofée avec fes commodités, & par conféquent
moindre que celle qui fe lève fur le plat - pays ,
ou dans les villes ou il n’y a point de troupes
logées.
La contribution en argent doit s’étendre le plus
loin qu’il eft poffible.
On l’établit de deux manières : volontairement
fur le pays à portée des places, & des lieux deftinés
pour les quartiers d’hiver : par force , foit par
l’armée même pendant qu’elle eft avancée , foit
par les gros partis qui en font détachés pour pénétrer
dans le pays qu’on veut foumettre à la contribution.
Elle s’établit même derrière les places ennemies
&. les rivières, par la terreur ; foit par des incendiaires
déguifés, qui sèment des billets ; foit par
les différentes manières dont on peut faire palier
les rivières à de petits partis, qui doivent s’atta-
çher, ou à enlever quelques perfonnes confidéra-
bles du pays , ou à brûler une groffe habitation.
En général, il doit être tenu des états de toutes
les efpèces de contributions qui fe lèvent ; & le
prince doit avoir une attention bien grande fur les
gens qu’il en charge, parce qu’il n’eft que trop ordinaire
qu’ils en abufent pour leur profit particulier.
• Une réflexion générale à faire fur ce fujet, eft
de dire , que lorlque les contributions ne font pas
judicieufement établies & demandées -, on peut
prefque toujours s’affurer , que l’intérêt particulier
de ceux qui.les impofent ou les reçoivent, prévaut
fur l’intérêt du prince; parce,que c’eft dans
cette confufion, que l’on trouve aifément à faire
des profits illicites ; auquel ca? le. prince ne peut
trop rigoureufement punir ceux à qui l’efprit d’avarice
a pu faire commettre de pareilles fautes.
J’ai dit que l’on impofoit deux fortes de contributions
; l’une en nature, l’autre en argent. Voici
quelles font les friponneries qui fe peuvent commettre
dans l’impofition &. la levée des contributions
en nature.
On demandera , par exemple , vingt mille pa-
liffades en un lieu , qui n’en pourra commodément
fournir que dix mille. Les habitants furchargés viendront
repréfenterl’impoffibilité défaire cette fourniture.
On traitera en argent avec eux du prix de ces
dix mille paliffades, dont on ne tiendra pas de
compte au roi; pat ce que dans l’impofition totale
des paliffades dont on a befoin , on fe fera régler
pour leur nombre, en faifant la répartition générale.
On aura peut-être même demandé des paliffades
à des communautés fort éloignées , & dont
la voiture leur feroit onéreufe. On traitera encore
de ces voitures en argent, ôc. ainfi des autres répartitions
de contributions en nature.
Voici quelles font les fripponneries les plus cachées
, qui fe font fur les contributions en argent.
On aura , par exemple » demandé des contributions
en argent à un pays éloigné , & il fera depuis cette
demande furvenu des difficultés, pour contraindre
les peuples au payement de cette contribution. On
fe fervira du prétexte de ces difficultés » pour paffer
ce pays en non-valeur dans un état de recette,
quoique l’on ait trouvé le moyen d’être payé d’une
partie , ou peut-être même du tout, par la terreur
que l’on aura fait donner à ce pays par des incendiaires
fecrets que l’on paye graffement.
Que fi pour mieux couvrir fa fripponnerie , on
tient compte d’une partie de ce qu’on a touché,
on paffe pour être d’une exaéte fidélité, quoique
l’on faffe un profit fort confidérable.
Voici encore d’autres^fripponneries, qui fe commettent
fur les retardements dans les payements
de ce à quoi on a été impofé. On demandera,
par exemple , la contribution en argent dans le
temps de la récolte , ou dans celui que l’on laboure
ou sème. Dans ces temps-là le peuple eft
trop occupé , pour pouvoir aller dans les villes
vendre fes denrées , pour avoir de l’argent : il
demande du temps pour payer , ôc on lui fait
acheter ce temps.
Je pourrois rapporter préfque autant d’exemples
de ce que je viens de dire-, que j’ai vu faire d’im-
pofitions , mais ces citations ne feroient rien à
mon fujet : ainfi je n’en parlerai pas , & me contenterai
d’avertir les gens fidèles , qui font chargés
des commandements du prince , & à qui il aura
confié cette conduite, de veiller avec une grande
exactitude fur ceux auxquels ces contributions auront
été commifes par le prince ou par eux-mêmes ;
& en cas de contraventipn, les dénoncer &. en
demander la. punition.
Comme , j'ai dit ci-defius , que le prince avoit
des mefures raifonnables à prendre avec fon gé*»
néral ,
îiêral, pour foulager fes finances dans le cours d’une
guerre , & pour faire tomber une partie de la de-
penfe fur les états des puiffances contre lefquelles
il eft en guerre , je crois devoir parler des attentions
qui ont été prifes ou négligées fur cette matière,
& faire voir que dans cette dernière guerre
qui dure encore , l’incapacité ou la négligence du
miniftre font en partie caufe qu’elle eft fi onéreufea
foutenir , que les finances du roi s’en trouvent
épuifées & l’état entier aux abois’. .
La guerre qui a commencé en 1701 , étoit purement
auxiliaire pour le ro i, qui donnoit au nouveau
roi d’Efpagne , 'Philippe V , toutes fes .troupes
pour le maintenir fur- fon trône , contre les prétentions
injuftes de la maifon d’Autriche &. de fes
alliés.
La première armée qui fut formée fut eèllé
d’Italie, où Philippe V poffédoit le royaume de
Naples & celui de Sicile., le duché de Milan,
les places maritimes de Tofcane & la Sardaigne.
Les deux couronnes avoient pour alliés le duc de
Savoye , celui de Mantoue , & celui de Parme.
Le pape , le grand duc , les républiques de Vé-
nife , de Gènes & de Luques, le duc de- Mo-
dène, & les feudataires paroiffoient vouloir être
neutres , & ne prendre aucune part dans cette
guerre;
Pourquoi donc n’avoir pas tiré de ces puiffances
des contributions en argent, capables de fournir à
la folde de nos armées, ou du moins aux dépenfes
extraordinaires , fous prétexte que leur neutralité
apparente étoit plutôt une marque dé leur bonne
volonté pour nos ennemis, qu’un defir fincère de
conferver leur repos i
M. le prince Eugène encore au pied des Alpes,'
ne nous a-t-il pas montré qu’il ne conduifoit l’armée
de l’empereur en Italie, que dans le deffein
qu’elle y fubfiftât, & qu’elle fut payée aux dépens
des puiffances qui âffedoient la neutralité à. notre
égard.
Cet exemple ne devoit-il pas nous fuffire pour
faire de même ? & ne nous étoit-il pas plus aifé de
le faire qu’à M. le prince Eugène.
Cependant nos armées ont toujours été entièrement
payées de l’argent envoyé de France ,
même avec une fi grande négligence pour les intérêts
du^roi, qu’on lui a lait payer jufqu’à 12
pour cent de change , de l’argent qu’il envoyoit
en Italie, pendant que M. le prince Eugène fai-
fo it, non-feulement payer fon armée à ces puiffances
neutres , mais même en envoyoit à l’empereur,
parce qu’il en avoit de refte.
Ce feul exemple du bon ufage des contributions
fait par nos ennemis & de notre négligence , n’a-
t-il pas produit des effets affe? funeftes à la France ,
pour convaincre de la vérité de mes. maximes,
>îur les attentions que le prince qui veut faire la
guerre , doit exiger de fon jniniftre & de fon
général, pour en diminuer, autant qu’il eft poffible,
la dépenfe fur fes finances , 6i la faire retomber
Art militaire. Tome JJ,
fur fes ennemis ou fur les princes neutres , qui
n’ont point voulu prendre de parti dans la guerre#
A ces: maximes de M. de Feuquières^ ajoutons
les préceptes fuivants de nos plus célébrés au-,
teurs. : .. o..-»- • . .
Un général ne doit pas vivre aux dépens de
fon maître ; celui qui eft habile peut tirer par les
contributions de quoi.faire fubfifter fonarmee pendant
la campagne fuivante.
Le foldat fera à l’ajfe., joyeux & content, lorf-
qu’il fera biën logé , bien chauffe & alimente. (Rev,
du maréchal de Saxe , Liv. T r * C. 2. Ville tu T.
IL C. 26. p. 341 O*
Mais, pour'cela il faut fçavoir tirer les vivres &
l’argent de loin fans trop fatiguer les troupes. Si
on fait de gros détachements, ils; font en nfque
d’être attaqués. & enlevés ; cela exténue le foldat
& ne prqdjuit pas grand çhofe.
La.bonne façon eft d’envoyer des lettres circulaires
dans le pays qu’on veut faire contribuer^
faire fçavoir aux habitants qu’il fortira des partis
qui mettront le .feu chez ceux qui ne feront pas
pourvus des quittances de la taxe impofee , qui
doit ê,tre modique. .Enfuite on choifira des officiers
intelligents, qu’on enverra avec dés partis de vingt-
cinq à trente hommes , qui auront ordre de^ ne
marcher que de nuit, de ne faire aucun degat
fous peine de la vie ; en rendre l’officier refpon-
fable , & leur donner à chacun un nombre de
villages à vifiterv :
Quand ils feront arrivés fur les lieux, & qu’il
fera temps de fçavoir fi ces villages ont p ay é , ils
enverront le foir un bas-officier avec deux hommes
fçavoir du chef de ce fieu, s’il eft. pourvu d une
quittance * laquelle fera faite du feing & des armes
du général de l’armée : s’il ne 1 eft pas , 1 officier
qui conduit le parti doit fur le champ fe montrer
avec fa troupe & mettre le feu à une maifon
écartée, avec menace de revenir & d’en brûler
davantage ; ne point pillçr ni prendre la fomme
exigée, mais paffer outre.•
Avant de rentrer dans les quartiers ou dans le
camp ,.tou$ les partis doivent fe. rendre en un certain
lieu ou. il faut faire fouiller & pendre fans
miféricorde. ceux qu’on trouvera s’être emparés de
la moindre choie , & fi l’officier étoit convaincu
d’avoir pris ou reçu de l’argent des villages , il
doit être auffi puni de mort, ou tout au moins
chaffé. Si au contraire ils ont fidèlement fuivi les
ordres qu’on leur, aura donnes , ils doivent être
récompensés ; moyennant quoi cette méthode de
faire contribuer deviendra familière aux troupes,
& le pays à cent lieues à la ronde apportera v ivres
& argent. Une vingtaine de partis par mois
feront toute la befogne. Ils ne fçauroient être découverts
, quelque perquifition que l’ennemi en
faffe., & comme c’eft un mal que l’on ne fent &
que l’on ne fçauroit voir que loriqu’il fait fon
e ffe t, il augmente l’effroi , perfonne ne dort en
repos qu’il n’ait payé i & quelque ^éfenfe que