
ctine voiture à roues, & un plus grand nombre
de chevaux de monture ou de bât* que celui pour
lequel ils reçoivent du fourrage.
L.es officiers qui, a caufe de leurs infirmités, ne
peuvent (e tenir à cheval ou enfupporter la fatigue
obtiennent une permiffion du général pour avoir
une chaife roulante. Chaque bataillon peut avoir
un charriot ou une charrette pour un vivandier
qui campe avec le bataillon. Il en eft de même
pour un régiment de cavalerie de deux ou trois
efeadrons.
Les régiments de cavalerie, dragons, & infanterie
peuvent auffi avoir une charrette pour un boulanger.
Il eft défendu aux colonels d’avoir ces
charrettes à la place des vivandiers des boulangers*
auxquels elles font permifes pour les be-
foins du régiment ; elles doivent être attelées de
quatre bons chevaux. Voye{ fur ce fujet le code
militaire de Briquet, ou l’abrégé qu’en a donné
% d’Hericourt dans le livre intitulé éléments de
l'art militaire.
Il eft du devoir du général de veiller à la con-
fervation des équipages de fon armée, parce que
leur enlèvement met les officiers qui les ont perdus
dans de grands embarras, & qu’il leur ôte d’ailleurs
la confiance qu’ils peuvent avoir au général ;
attendu que cetinconvénientne peut arriver, félon
M. de Feuquières* que par la faute du commandant
* au moins les enlèvements généraux ; car il
en arrive touts les jours de particuliers par la faute
des valets qui s’écartent de la colonne des équipages,
& dont le général ne peut être refponfable.
Les équipages de guerre de Charles X I I , roi de
Suède, ne dévoient point être fort confidérabïes:
«fon li t , dit M. de Folard, qui l’avoit vu en
Scanie, confiftoit en deux bottes de paille, & une
peau d’ours par-deffus. Il couchoit tout habillé
comme le moindre des foldats. Le comte de la
Marck, ambafladeur de France, que ce prince efti-
jnoit infiniment, lui perfuada de coucher dans un
lit pour la première fois depuis la guerre ; mais
quel étoit ce lit I un feùbmatelas, des draps, & une
couverture* fans rideaux.....Toute fa vaiflelle étoit
de fer battu, jufqu’à fon gobelet». {Note fur Po-
lybe. tome p. 484. ).
L'hfage de la vaiflelle d’argent pour les généraux
n’eft pas ancien dans nos armées. On prétend que
le comte d’Harcourt, (Hènride Lorraine mort
le 2.5 juillet 1666), qui commandoit les armées
du temps de Louis X I I I . & dans la minorité de
Louis X IV , eft le premier qui s’en foit fervi. Suivant
l’ordonnance du 8 avril 1735 , ^es colonels,
capitaines, officiers fubdternes ou volontaires,
ne peuvent avoir dans leur équipage d’autre vaiffelle
d’argent que des cuillères» des fourchettes,
& des gobelets. M. J e Marquis de Santa-
Cruz ayant prouvé dans [es réflexions militaires,
tome 1 * pages 417 & fuiv. les inconvénients
des équipages trop nombreux, obferve que leur
excès vient de la dive.rfité des mets, que de cette |
diverfite naît l’intempérance, & que de l’intempérance
viennent les maladies. « Les trop grands
équipages, dit ce fçavant &illuftre officier, font des
fuites des foins honteux qu’on fe donne pour contenter
fa bouche. Peut-on fans indignation, ajoute-
t-il, entendre des généraux de certaines nations,
qui ne parle jamais que de iaufles & de ragoûts,
& font de leurs entretients une converfation de
cuifiniers ? Combien de fois arrive-t-il qu’un général
occupe fon imagination des plats qu’on doit fervir
fur fa table, quand il ne devroit penfer.qu’aux devoirs
importants du fervice de fon prince» ? (Q .) .
Les Romains nommèrent les équipages, impedi-
-menta, c’eft-à-dire embarras. Iis font cependant
d une neceffité indifpenfable. Deux chofes feulement
font a obferver_; leur qualité , 6c leur ordre
dans les marches.
Pour ce qui regarde leur qualité , il faut réduire
les charrettes au plus petit nombre qu’il eft poffible,
à caufe des embarras qu’elles font dans les chemins
: les mulets & les chevaux de bât peuvent
plus ailement marcher fans interruption , 6c fans
occuper les chemins.
Leur ordre dans les marches fe forme fuivant
la manière dont l’armée entière marche. Il faut feulement
obferver qu’ils ne fe mêlent point, & qu’à
la tête des bagages de- chaque corps il y ait des
gens prépofés 6c autorifé's, pour faire conferver
aux valets l’ordre de la difeipline, & pour les faire
arriver fur Je terrein où leur corps doit camper.
On peut ajouter ici un mot des charriots de
l’artillerie & des vivres, dont le nombre eft plus
ou moins confidérable, & fe proportionne à la
force de l’armée qu’ils doivent fournir de munitions
de guerre & de bouche.
La marche des charriots, autant qu’il fe peut,
doit former une colonne féparée de celle des gros
bagages de l’armée , 6c doit toujours être prife
par le chemin le plus ferme, à caufe que le poids
deA ces voitures creufe trop les ornières. Il faut
même que ce chemin qu’on fait prendre à l’artillerie
fo it, autant qu’il eft poffible, le plus voi-
fin des colonnes de l’infanterie ; & en général, il
faut que les colonnes des gros ’& menus bagages
foient couvertes dans la marche, & renfermées
par les colonnes des troupes, afin quelles foient
en fûreté. Le refte de ce qui regarde la marche
& l’ordre des bagages, fe trouve dans les ordonnances
militaires.
Des enlèvements ^/’équipages.
Les enlèvements de bagages font d’éclat & d’utiv
lité, parce qu’ils jettent les officiers qui les ont
perdus dans de grandes néceffités, & leur ôtent
la confiance en leur général, qui ne peut jamais
tomber dans cet inconvénient que par fa faute &
par- le manque de précautions dans les marches ;
foit pour n’avoir pas couvert les colonnes des
bagages de celles des troupes ; foit pour les avoir
laiffées, comme quelquefois une grande marche j
peut forcer à le faire * fans leur avoir donné une
efeorte fuffifante.
On ne fçauroit donner de maximes particulières j
pour cette forte d’expédition. Sa réuffite dépend
de la vigilance de celui qui la veut entreprendre*
& de la négligence ou du manque de précautions
du général ennemi * ou de l’officier chargé de la
çonduite defdits bagages.
On dira feulement, que ces enlèvements fe font,
ou proche , ou loin, 6i hors de portée de l’armée.
S’ils fe font proche, il fuffit d’enlever les chevaux
des charriots & les mulets; parce que les
charriots abandonnés feront très fûrement pillés,
& leurs charges perdues pour ceux à qui elles font;
& que lès mulets étant ordinairement chargés de
ce qu’il y a de plus précieux , ils feront aifement
pillés, pour peu qu’011 les éloigne du lieu où ils
auront été enlevés.
Si ces enlevements fe font loin de i’armée, 6c
hors de fa portée, comme, par exemple * lorfqu’elle
a une marche longue 6c vive à faire, qu’elle eft
débaraflee de fes gros bagages , & qu’on croit par
la marche les couvrir affez * on peut en ce cas
prendre la colonne de bagages par la tête * en détourner
la marche, garnir les flancs de la colonne
de petits détachements * pour empêcher que les
valets ne détellent les chevaux, & n’abandonnent
les charriots, ce qui cauferoit beaucoup d’embarras
dans la marche pour s’éloigner de l’ennemi; &
tenir à la queue defdits! bagages tout le gros du
corps qui a fait Y enlèvement, dont il nç faut point
permettre le-pillage aux troupes, qu’on ne foit en
lieu bien sûr.
Je fuppofe qu’on aura commencé l’aéfion par
battre l’efcorte de ces bagages, <?u au moins l’avoir
mife en fuite.
R e m a r q u e s .
Je parle, dans mes maximes, delà conduite à
tenir lorfque l’on veut enlever les bagages d’une
armée qui fe néglige fur les attentions néceffaires
pour leur confervation.
J ai vu beaucoup d’occafions, où * par la faute
des valets indociles, il y a eu des bagages enlevés
6c pris. Cet inconvénient fe peut éviter par
la bonne difeipline, d’une armée qui veut prendre
dans fes marches toutes les précautions néceffaires
pour leur sûreté, & dont j’ai parlé ci-deflùs.
Je me contenterai donc ici de rapporter quelques
exemples de bagages enlevés de différentes manières,
& dans des occafions de différente efpèce,
pour faire voir qu’elles ont été les fautes qui ont
été faites dans leur marche, ou dans leur difpo-
fition.
Le premier exemple eft celui où M. de Luxembourg,
encore attaché à M. le prince, enleva
touts les bagages de l’armée de M. de Turenne :
voici le fait.
M. de Turenne voulant faire faire à fon armée
une marche vive* pour venir au fecours d’Arras,
laifl'a touts fes bagages fous la conduite de M. de
Siron, lieutenant général, avec une efeorte qu’il
crut fuffifante pour leur sûreté.
Lorfque M. de Siron fe vit à la vue du camp
de M. de Turenne , & dans une grande plaine
fort»découverte, il crut les bagages en sûreté ;
& fe négligeant pour le refte de leur marche jufqu’à
ce qu’ils fuffent entièrement entrés dans le
camp* il prit les devants avec la tête de l’efeorte,
pour aller rendre compte à M. de Turenne du
lucces de fa marche. M. de Luxembourg, qui étoit
embufqué avec un corps de cavalerie, à portée
de la colonne des bagages, voyant cette négligence
* marcha diligemment à la tête de cette colonne
, en détourna la marche qu’il fit diriger fur
Saint-Pol, où il conduifit touts les bagages de
l’armée, fans qu’elle en fut avertie, finon lorfque
l’on vit que les bagages que M. de Siron aflùroit
entrer actuellement dan$ le camp , ne parurent
pas.
Cet exemple fait connoître combien il eft ordinaire
à la guerre d’y être châtié par fon ennemi
des moindres négligences fur les attentions nécef-
faires à avoir pour fa sûreté. Car dans cette occasion
M. de Siron ne perdit les bagages de l’armée,
que parce quil ne crut pas que l’armée ennemie,
enfermée dans fes lignes de circonvallation devant
Arras * ayant deux armées fi proches de fon camp,
& y étoient à deffein d’attaquer les lignes,
fongeât à en faire fortir un corps confidérabie de
cavalerie * pour une entreprife de cette nature.
s Le fécond exemple de la perte des bagages, eft
d’une efpèce différente. Dans l’article précédent,
j’ai fait voir les bagages d’une armée perdus par
la négligence de l’officier chargé de la conduite *
pendant une longue marche qu’il faifoit derrière
l’armée, dont il étoit même éloigné de ,plufieurs
journées.
Dans celui-ci * je parlerai d’une occafion où les
bagages d’une armée ont été enlevés à un décampement;
ce qui n’eft point ordinaire* parce que
dans cette circonftance on prend les mefures néceffaires,
pour débarraffer la marche de l ’armée
de fes bagages, en faifant précéder leur marche de
celle de l’armée , ou en les couvrant du corps de
l’armée même.
Les ennemis * en décampant de Senef devant
larmee de M. le Prince, négligèrent toutes ces
attentions pour la marche de leurs bagages, qu’ils
firent, a la vérité, derrière leur armée, mais qui
marchèrent trop peu de temps avant l’armée ;
de forte que les premières troupes de leur arrière-
garde , qui furent battues, découvrirent abfolument
la colonne des bagages de l’armée Hollandoife,
qui furent entièrement enlevés.
La troifième efpèce des bagages perdus, eft celle
de Ramillies * qui eft encore d’une efpèce différente
des deux premières, dont je viens de parler.