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partager entr’elles la perte qui peut arriver .Lorfqu’ils
font de deux ou trois mille homme s , c ’eft un lieutenant
général qui les commande , ou un maréchal
de-camp ,.ou un brigadier. S’ils font de huit c en ts ,
c’eft un c o lo n e l, & c . Un capitaine ne marche
jamais en détachement fans cinquante foldats. Un
lieutenant commande ordinairement trente hommes
, & un ferg en t, dix , douze ou quinze. Dans
la ca va le r ie , les meftres - de - camp ou colonels
commandent des détachemens de trois ou quatre
cents cavaliers. Les capitaines 6c les lieutenants
commandent le même nombre d’hommes que dans
l ’infanterie. Les cornettes commandent vingt hommes:
les maréchaux des logis quinze , 6c les brigadiers
dix ou douze. (Q ) .
D é ta c h em en t . O n fait de.s détachements dans
une armée pour connoître le p a y s , en avant & •
en arrière du camp , pour la fureté ; fur les flancs
de la marche , pour les couvrir ; pour reconnoître
le camp 6c la marche de l’ennemi ; pour aller
aux nouvelles ; pour attaquer ou furprendre une
p la c e , un pofte , un c o n v o i , un fourrage , ou
quelque corps de troupes campé ou cantonné ;
pour occuper ■ un paflage , un défilé ; pour fe
porter fur les derrières de l’en n emi, y faire une
diverfion , ou y lever des contributions ; pour
garder une communication , porter un fecou rs ,
faciliter ia jonélion d’un corps de troupes qu’on
attend ; pour l’efcorte d’un c o n v o i, d’un fou rrage,
d ’une colonne d’équipages ; pour empêcher l’ennemi
d’établir des contributions ; pour affurer des
qua rtiers, & c .
Un détachement eft dompofé tantôt tout d’infanterie
, ou de cavalerie , ou de dragons, ou de
troupes lég ère s, & tantôt de deux , de t ro is , ou
de ces quatre efpèces de troupes a v e c l’artillerie ;
la deftination 6c les circonftances doivent” en régler
la compofition 6c la force. Mais on ne doit
jama is, fans nécefljté , ou fi ce.n’eft pour quelque
deflein imp ortant, faire de détachement confidé-
rable de cavalerie fans y mêler de l ’infanterie ou
des dragons qu’on p e u t , au befoin , faire combattre
à pied. O n a vu tant de fois des détachements
de cavalerie attaquer fans fuccès des détachements
de ca va le rie, compofés de cavalerie &
d’infanterie , même d’infanterie feulement, mieux
armée à la vérité que ne l'eft celle de nos jours,,
& être battue par ceux-ci , qu’on ne ; fçauroit trop
obferver la maxime que je viens d’établir. A y an t
déjà rapporté ailleurs plufieurs de ces exemples ,
je me difpenferai de les répéter ici. ( Voyeç P iq u e )
En vo ic i pourtant encore un qui vient trop à propos
pour ne pas le comprendre dans cet article.
En 1 7 0 4 , le maréchal de Schullembourg, fe,
retirant par les plaines de Pologne a vec un corps
d’infanterie d’environ 5000 hommes , fe v it tout
d’un coup attaqué dans fa marche par 8000 chevaux
de cavalerie Suédoife , & l’intrépide roi de
Suède , Charles X I I à la tête. C e t habile général
Saxon ne fe déconcerta p o in t , & fit vo ir tout
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ce que peut un efprit é c la iré , fécondé d’un grand
courage & de la confiance de fes troupes. Il fe
range en colonne , fe fraife de tout ce qu’il a
d’armes de longueur , 6c fe prépare à une v ig ou -
reufe réfiftance. Il eft bientôt jo in t , 6c dans Tint-
tant attaqué : il foutient le choc de cette cavalerie,
avec tout l’ordre 6c la valeur poflibles. La
cavalerie Suédoife eft repouffée j le roi ne fe
rebute pas ; il étend fes efcadrons, & environne
cette colonne de toutes parts ; elle fait face partout
: le combat recommence a vec la même fureur ;
le Monarque s’abandonne fur les Saxons , 6c les
charge à différentes reprifes. Il trouve un courage
& une obftination égales à la fienne. Il fe laffe
enfin de tant de- charges inutiles 6c fans effet ; &
Schullembourg continue fa marche jufqu’à un ruif-
fe a u , qu’il paffe à la faveur de la nuit &. du feu
d ’un moulin , où il avoit jette quelqu’infanterie.
Un officier à qui l’on a confié la conduite d’un
détachement pour quelque expédition que ce puiffe
être t ne fçauroit apporter trop de foins à prévenir
les furprifes de l’en n emi, & à fe trouver tou-
jpurs en état de le recevoir. Il faut qu’il fçache
choifir un terrein propre à fe défendre avantageu-
fem en t , 6c fe ménager en cas de b e fo in , une retraite
affurée.
Ç ’eft à lui à fe confulter d’après l’inftru&ion
qu’il a reçue du général en c h e f , pour avancer
fur l’ennemi, ou fe retirer devant lui , félon que
les circonftances lui paroîtront l’exiger ; mais il
faut qu’il fe replie toujours contre des forces fu-
périeures, 6c qu’il profite des fiennes , lorfque
celles de l’ennemi lui font inférieures.
Quelquefois il fe retirera dans la nuit à l’approche
de l’ennemi ; & , lorfqu’il aura affez marché
pour lui donner une faufle perfuafion de fon
de flein, & lui faire négliger les précautions qu’on
ceffe de p ren dre, lorfqu’on croit l’ennemi éloigné
, il reviendra brufquement le charger 6c le
repouffer.
Il s’attachera à former des entreprifes fur üenne-
m i, à l’inquiéter , à le harceler de toutes les manières
, afin de l’obliger à fe tenir fur la défen-
f i v e , & à fe procurer du repos à lui-même.
L ’intelligence ou le peu de capacité des officiers
auxquels on donne des détachements à conduire ,
décide ordinairement du bon ou du mauvais
fuccès qu’ils peuvent avoir. La défaite d’un corps
pa rticulier, l’enlèvement d’un c o n v o i, d’un fourrage
, & autres accidents femblables , pouvant décourager
les troupes ., leur faire perdre la confiance
qu’elles avoient en leur c h e f , mettre l’ennemi en
état de former des defleins auxquels il n’auroit
peut-être jamais penfé , faire manquer les plus
beaux projets , & quelquefois tout le fuccès d’une
campagne. Un général ne fçauroit être trop attent
if à ne confier des détachements qu’à des officiers
dont les talents lui foient bien connus. En un
m o t , il f a u t , pour ces fortes de commiffions ,
dont la plus grande partie eft d’une exécution
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très difficile , des hommes habiles nourris dans I
la guerre. ,
Une ancienne règle de guerre , dit le roi de
Pruffe , ( inftr. milit. art. A ) , que je ne fais que
répéter i c i , eft que celui qui partagera fes forc e s ,
fera battu en détail. Si vous voulez donner bataille
, tâchez de raffembler toutes vos . troupes ;
on ne fçauroit jamais les employer plus utilement.
Ce tte règle eft fi bien conftatée , que tous les generaux
qui y ont manqué , s’en font prefque toujours
mal trouvés.
j? L e détachement d’A lb e rm a le , qui fut battu a
Denain , fut caufe que le grand Eugène perdit
toute fa campagne. Le général Staremberg s étant
féparé des troupes Àngloifes , perdit la bataille
de Viilayieiffa en Efpagne,
3» Dans les dernières campagnes que les A u trichiens
ont faites en Hongrie , les détachements
leur furent très funeftes. Le prince de Hildburg-
haufen fut battu à Banjalu ka, St le général Wallis
reçut un échec fur le bord de la T im o k . Les
Saxons furent battus à Keffelfdorf , parce qu’ ils
ne s’étoient pas fait joindre par le prince Cliarles
comme ils auroient pu faire. J’aurois mérité d’être
battu à S o h r . fi l’habileté de mes généraux & la
valeur de mes troupes ne m’euffent p réfervé de ce
malheur »,
Si , d’après cet exemple & tant d’autres dont
je pourrois les accompagner , il ne faut pas
conclure qu’on ne doit jamais faire de détache- 1
ments, il en réfulte du moins que ç’eft une manoeuvre
fort délicate , qu’on fera bien de ne jamais
hafarder que pour des railons très importantes, 6c
de ne faire qu’à propos.
Lorfqu’on agit offenfivement dans un pays ouv
e r t , 6c qu’on ëft maître de quelque p la c e , il
ne faut détacher d’autres troupes que celles qui
font néceffaires pour affurer les convois 6c les
fourrages.
T ou tes les fois qu’on fait la guerre dans, un
pa ys entouré d e montagnes , on ne peut f e d i f -
penfer-de faire des détachements pour faire arriver
lurement les vivres. Les gorges 6c les défilés que
les convois font obligés de^ palier , exigent qu’on
y envoie des troupes qui y reftent campées
jufqu’à ce qu’on ait des fubfiftançes pour quelques
m o is , & qu’on foit maître d’un? ou de plufieurs
plac.es où Ton puifle faire établir des dépôts. T an t
que ces détachements dont néceffaires, on occupe
des camps avantageux jufqu’à ce qu’ils foient
rentres,.
Les détachements què font certains généraux §
lorfqu’ils vont attaquer l'ennemi pour le prendre
en flanc ou en queue , quand l’affaire s’engage
ou qu’elle eft engagée, font des manoeuvres qui
ne réuffiffent prefque jamais, .qui font même très
dangçreufes , puifque ces détac'hernents s’égarent
ordinairement, 6c arrivent ou trop tôt ou trop
tard. L e roi de Pruffe qui fait cette obfervation ,
y à joint plufieurs exemples que je vais rapporter.
D I A 1 9 j
« Charles XII fit un détachement la v eille de la
bataille de Pultawa : ce corps s’écarta du chemin ,
6c fon armée fut battue. L e prince Eugène manqua
fon coup , en voulant furprendre Crémone j
le détachement du prince de V au d em o n t , qui
étoit deftiné à attaquer la porte du Pô , arriva
trop tard.
»> Un jour de bataille , ajoute ce célèbre auteur
, il ne faut jamais faire de détachements, fi
ce n’eft comme fit Turenne près de C o lm a r , où
il préfenta fa première ligne à l’armée de l’électeur
Frédéric - Guillaume , en attendant que fa
fe co n ie fe portât par des défilés fur les flancs de
ce prince qui y fut attaqué 6c repouffé ; ou
comme fit le maréchal de Luxembourg à la bataille
de Fleurus en 1690. Il plaça , à la faveur des
bleds qui étoient fort grands , un corps d’infanterie
fur le flanc-du prince de Y a ld e c k ; par cette
manoeuvre il gagna la bataille.
s» Il ne faut détacher des troupes qu’après la
bataille gagné e, pour affurer fes convois ; ou il fau-
droit que les détachements ne s’éloignaffent qu’à
une demi-lieuë de l’armée.
33 Lorfqu’on eft obligé de fe tenir fur la défen-
fiv e f dit le même auteur , on eft fou vent réduit
à faire des détachements. C eu x que j ’avois dans la
haute Siléfie y étoient en fureté ; ils fe tenoient
dans le voifinage des places fortes , comme je l’ai
marqué ci-deffus.
» La guerre' défenfive nous mène naturellement
aux détachements. Les généraux , peu expérimentés
, veulent conferver tout ; ceux qui font fages
n’envifagent que le point capital , ils cherchent
à parer les grands co u p s , 6c fouffrent patiemment
un petit mal pour éviter de grands maux. Q u i
trop embraffe, m al étreint.
33 Le point le plus effentiel auquel il faut s’attacher
, eft l’armée ennemie. Il en faut deviner
les defleins, 6c s’y oppofer de toutes fes forces.
Nous abandonnâmes, en 1745 , la haute Siléfie
au pillage des Hongrois , pour être en état de
réfifter d’autant plus vivement aux defleins du
prince Charles de Lorraine , & nous ne fîmes
de détachement que quand nous eûmes battu fon
armée ; alors le général Naffau chaffa les Hongrois
en quinze jours de la haute Siléfie.
Soit qu’on agiffe offenfivement , foit qu’on fe
tienne fur la defenfive , deux raifons obligent de
ne faire que de gros détachements ; fi votre armée
eft i'upérieure , vous évitez le danger d être défait
en détail. La réputation d’une armée dépend
fouvent d’un détachement battu.
L e roi de Pruffe dit que les détachements qui
affoibliffent l’armée du tiers ou de la moitié , font
très dangereux 6c condamnables. (M . D. L . R . ) .
D IA N E . Batterie de caiffe. Elle fe fait le matin
au point du jour , aux portes dés places de gue rre,
avant l’ouveiture des portes. Voye£ P la c e s
{fcrvices des),
B b ij