
nière ordinaire, il arrivé -, cm que les corfaires font
dû côté oppofé , ou qu’ils reftent caches entre les
îles ou à l ’embouchure des rivières ; ou bien enfin
qu’ils s’eiquivent en rangeant la>côte ôc les écueils,
parce que les frégates tirent plus d’eau.
C ’eft pourquoi je porterois alternativement une
frégate 8c une corvète , pour que 1 une des deux
pût toujours fuivre ôc combattre 1 ennemi : 1 expérience
vérifie malheureufement ce que je dis , ôt
prouve la néceflité de fubftituer la méthode que
je propole. A préfent le cabotage n’eft plus.défolé
que par de petits bâtiments pareils a ceux qui le
fon t, ôc qui échappent à la croifière par les raifons
que j’allègue.
Pour les batteries flottantes, je les mettrons en
ftation à l’entrée des ports & des rivières principales,
telles que la Vilaine, la Loire 8c le Morbihau :
elles pourroienten interdire l’entrée juiqu aux vaif-
i'eaux de ligne : en cas de néceflité , elles pourroient
fe ranger lous le feu des batteries de terres, fi
l’ennemi tentoitune defcentevPlacees fur fes flancs
elles l’écharperoient : refte à parler d un autre
moyen de défenfe , celui des batteries de cote.
Elles ont deux objets , l’fln de défendre les
mouillages , les rades , les baies, les atterrages ,
■ l’entrée des ports 8c des rivières , celles - ci
peuvent fe nommer batteries de défenfe ; 1 autre,
de protéger les vaiffeaux marchands contre les
corfaires en leur offrant un refuge fous leur
canon : on peut les appeller batteries de cabotage.
' ^
Puifque les premières font oppofées a des vaif-
féaux de ligne , il faut que leur épaulement foit
afîez fort pour réfifter à leur boulet, & allez eleve
pour mettre ceux qui les fervent à l’abri de la
moufqueterie ; mais pour les fécondés , leur nom
feul indique que la portée de leurs, pièces , 8c
l ’effet dè leur calibre, fuffifent pour remplir leur
objet ; car la nature ou la profondeur des rivages
où elles font fituées n’admettent fous leur protection
que des bâtiments qui calent peu, ou moins
qu’un corfaire , dont l’échantillon 8c le calibre font
trop foibles pour qu’il ofe pourfuivre fa proie a la
portée d’une batterie qui, d’un feul boulet, pour-
roit le couler b as , encore moins tenter de s’em-
boffer devant elle j & fi on ajoute à cela l’élévation
prefqué toujours fupérieure des batteries
& l’incertitude du tir d’un vaiffeau fous voile fur
une étendue auffi petite , on jugera qu’un epau-
lement leur eft fuperflu , & cette épargne n’eft pas
un objet méprifable , tant pour le roi que pour les
nabitants des côtes.
Pour les vraies batteries de défenfe, elles ne
fçauroient être trop bien faites : on'doit les entretenir
pendant la paix, afin que la guerre furvenant,
on ne foit pas furchargé de travaux & de dépenfes;
alors plus coûteux , & que la côte , dès l’irftant
du p éril, fe trouve en état d’y réfifter. On ÿ joint
quelquefois une enceinte murée ôc creacelee. Je
pe peux en découvrir la raifon, puifqu’on fuppofe
que l’ennemi peut la battre du canon de fes vrfifc
féaux, ôc qu’un mur de pierre ne peut être alors
que très funefte au pofte ; un parapet à banquette
eft ce qui convient.
Le nombre des pièces , ainfi que leur calibre ,
peuvent fe fixer fur la largeur & la profondeur des
paflages, parce que ces deux points décident de
la force des bâtiments qui peuvent fe préiènter, 6c
s’ils en peuvent pafîer au-delà de la demi - portée de
fon canon, il eft indifpenfable d’y joindre des mortiers
; rien, comme on fçait, n’épouvante autant les
vaiffeaux , faute de quoi ce fera au hafard s’ils ne
forcent le paffage.
La capacité de l’enceinte des batteries fermées
eft relative au nombre des batteries qui peuvent
les défendre , à l’efpace néceffaire pour le fervice
de la batterie. Celle des corps de garde 8c des
1 magafins dépend de celui-ci & du nombre des
bouchesyà feu.
Les nouveaux affûts n’exigent que quatre hommes
par pièces ; mais dans ces batteries-ci, il faut
les approvifionner de cinquante , coups , 6c de
foixante ou quatre-vingt cartouches à balle an
moins par homme, parce que ces polies, v a leur
éloignement 6c leur importance , ne doivent
pas être forcés de fe rendre ou. de refter inutiles
faute de munition*
11 me femble que vingt coups par pièce, &
vingt cartouches à balle par homme, peuvent
fufhre pour celles de cabotage. Les munitions fe
gâtent dans ces petits magafins. A l’égard dur.
nombre de ces batteries néceflaires , il eft relatif
à la nature des côtes ; c’eft-à-dire en raifon de
celui des bayes, des anfes ou de petits ports de
caboteurs. Cependant la proteriion des vaiffeaux
côtiers étant aétive, tandis que celle des batteries
n’eft que très paffive , elle peut fuppléer , fi non
en total , du moins en grande partie à cette dernière,
6c pour mieux dire je n’en voudrois points
On objeâera que l’ennemi, maître abfolu de la
mer, croifera fi bien, qu’il parviendra bientôt à
intercepter ou à détruire vos bâtiments : je répondrai;.
i° , qu’ils font toujours en fur,été oirà même
de fe réfugier ; i° . que fi cela’ arrive, le cabotage
ceffe , 6c la proteéfion des batteries devient inutile.
On peut infifter 6c dire , qu’elles s’oppofent au débarquement
des corfaires 6c des chaloupes ; cet
avantage eft illufoire, car, fi c’eft de jour , -a»
moyen de l’ordre établi , il eft impoffible qu’ils-
s’exécutent, ou qu’ils ayent des fuites ; fi c’eft de
nuit, ce ne feront ni les pièces, ni les hommes
qui lés fervent qui les empêcheront, parce q u e ,
outre qu’on ne fçauroit compter toute l’annee fur
la vigilance de tant de poftes à-la-fois, c’eft que
pendant la nuit le feul bruit des vagues empêche
de difcerner celui des rames, quoiqu’au bord de
la mer ; à plus forte raifon lorfqué la côte eft rocail-
leufe, très élevée, ou que la batterie s’y trouve
perchée , 6c qu’en un mot, fi l’on vouloit garder
touts les points acceffibles, il faudroit donc border,
la mer d’hommes 8c de canons ; cependant fi 1 on j
ne le p eut, qui empêche l’ennemi de defendre j
par ceux qui font libres, la defcente de Belle-lfle ; j
celle de Saint - Euftache, en font dés preuves, j
Auffi n’eft-ce pas la difficulté de la defcenté qui
l’en détourne, mais bien l’incertitude d’un butin 1
capable de contrebalancer les rifques de la retraite. J
Ainfi , tout confidéré , il s’en fuit que ces bat- I
teries font infuffifimtes pour parer aux defcentes j
6c inutiles-au cabotage ; que cependant elles coû- |
tent beaucoup au roL, tant pour la conftruéfion
que pour l’armement, ôc-qu’elles occafionnent des
corvées 6c un fervice très onéreux au peuple :
d’où j’ai droit de conclure, qu’elles font prefque
uniquement nuifibles dans ce iyftême de défenfe.
Néanmoins, ce n’eft que dans celui-là où elles
paroiffent de quelque utilité ; car , avec une maxime
capable de foutenir la défenfive , on a infiniment
moins à craindre les defcentes, 8c votre foin
journalier le borne à protéger, finon votre commerce
, au moins vos caboteurs , 6c avec une
marine lupérieure , on a peu ou point a redouter
pour fon commerce ni pour fes côtes.
La France ne s’eft jamais, trouvée dans le cas du
premier fyftème que par fa faute. Dans les dernières
guerres elle étoit dans le fécond ; oc dans
celle-ci elle eft dans le troifième. 11 femble cependant
qu’elle craigne prefque autant que fi elle étoit
dans le cas des précédents. L’Angleterre a toujours
mis fa confiance dans fes flottes ; mais a prefent
elle a fenti la néceflité de fe garder fur terre*
Toutefois fi.l’on en veut, il faut, quant à leur
pofition , qu’elles découvrent au loin la mer 6c les
côtes, 6c qu’aucun corfaire ne puiffe fe fouftraire a la
portée de fon canon. Le nombre de la pièce fe fixe
fur la fréquence du paffage, £c fur le nombre de
pointes à battre à- la - fois, ou fur lefquels. la même
pièce ne peut pointer ; la longueur des affûts aâuels,
joint à l’efpace qu’occupe l’épaulement, empêchent
de s’approcher des bords, 6c de profiter de cette
pofition plus avantageufe ; de façon que fi l’on
fupprimoit les épaulements de ces batteries , ou
qu’on pût y employer des affûts qui tinffent moins
de place 8c décriviffent un arc de la valeur de la
demi-circonférence 6c au-delà , une pièce pourroit
fuffire où il en faut à préfent deux , bien entendu
que le fervice fût auffi facile qu’avec les affûts
nouveaux.
Les batteries ne doivent être élevées que de. fix
à dix toifes au-deffùs de la pleine mer ; à cette’
élévation on profite des ricochets ; mais lorfqu’elie
paflè la plongée devenue trop forte, ( fi le vaiffeau
eft à une portée où il foit facile de l’atteindre ) ,
le boulet porte fur le pont ou contre le bord
oppofé au-deflùs de l’eau , ou bien fi c’eft contre
^extérieur 6c fous l’eau , comme il frappe contre le
plan incliné 6c fuyant, il en eft facilement réfléchi.
T e l eft l’inconvénient de la plupart des batteries de
Bretagne, leur grande élévation eft très favorable
pour les grandes diftanc.es, mais ce font auffi les
plus néceflaires, fur un but fix e, à plus forte raifon
qüand il eft mobile en tout fens.
. Enfin, pour leur établiffement on doit confulter
les gens qui habitent fur les lieux, fur-tout les
marins, afin de connoître les mouillages, les ater-
rages 6c la direéfion que les vaiffeaux tiennent en
rangeant la côte.
A préfent, réfumons ce fyftème.
i° . Deux fortes de bâtiments de guerre , les uns
à fond plat, chargés'de gros calibre, ftationnés à
l’entrée des ports 6c des grandes rivières , les autres
bons voiliers pour écarter les corfaires, toujours
prêts à partir.
2,'0. Quelques bonnes batteries à l’embouchure
des rivières 6c à l’entrée des ports, 8çc. mais
aucune de cabotage.
30. Des poftes de fignauxle long de la côte 8c
dans l’intérieur avec de bons gardiens. _
. 4°. Une quantité de troupes fuffifantes , diftri-
buées comme il fuit : un,corps d’armee compofe
d’infanterie 6c de cavalerie en proportion , relative
à la nature de la province ; une partie de cette
armée occuperoit les villes principales de la côte ;
; chacune des garnifons auroit des détachements ou
} des gardes dans les forts 6c les batteries ; la cavalerie
feroit des patrouilles fur les bords de la mer;
le refte de l’armée formeroit une ou deux ré-
ferves cantonnées vers le centre.
<°. Fortifier les poftes, garder les débouchés,'
ôc fortifier une ou deux places du centre.
6°. Les munitions de guerre ; le gros dans les
places du centre , ainfi que Téquipage d’artillerie ,
le refte dans les, poftes principaux de la côte , def-
quels on tireroit de quoi fournir aux petits magafins
des batteries;
70. Faciliter l’accès ôc la communication des.
poftes.
Syfilme de défenfe, quand on a une marine capable
de défenfive.
La défenfive confifte plutôt à garantir fes pof-
feffions qu’à attaquer celles de fon ennemi ; à ne
point s’expofer à recevoir des échecs confidérables,
êc à attendre patiemment, mais avec vigilance ,
les circonftances que le temps vous offre prefque
toujours, de tomber fur l’ennemi avec avantage.
On fe tient toujours armé 8c prêt à partir, ce
qui lui donne de l’inquiétude fur fon commerce ÔC
fur fes poffeffions lointaines, 6c l’oblige à divifer
fes forces. Comme vous ne quittez guère vos côtes,
vous pouvez facilement écarter ou prendre les
corfaires, Ôc employer la reflburce des bâtiments
côtiers. On peut donc dans ce fyftème diminuer
le nombre des batteries, même celles de défenfe,
6c fupprimer celles de cabotage. Quelques bataillons
répandus dans les villages fur les côtes, des
garnifons dans les poftes , 6c une réferve dans l’intérieur
, fuffiront pour la fureté.
Si votre marine reçoit quelque échec qui rem-
S i j