
& chaloupes d’ordonnance| que lui donneront les
commandants de l’armée navale & de la.place0
pour envoyer fur les vaille aux chercher les aides,
& autres perfonnes dont il peut avoir befoin.
Quiconque aura fait attention à la conduite de
don Patigno, dans le debarquement des préparatifs
de guerre pour le dernier fiège de Barcelone ,• &
dans les embarquements pour le Levant, pour
Majorque , pour la Sardaigne & la Sicile , aura pu
apprendre infiniment davantage qu’il ne Içauroit
faire par mes avis dans une profeliion qui m’eft
abfolument étrangère > mais auffi ce feroit trop
prétendre , que de vouloir avoir fa pénétration &
imiter fa réfiftance à la fatigue. A Cadix, je l’ai
vu , pendant des mois entiers , ne dîner & ne
louper que dans la chaloupe dans laquelle il alloit
continuellement à Puntales , & dans les canaux,
afin de ne pas perdre fur terre ce peu de moments
néceffaires à la vie ; il étoit touts les jours expofé
à toutes les injures du temps , pour faire avancer
les ouvrages fur les vaiffeaux ; il partoit le matin
& ne fe retiroit que de nuit chez lu i, non pas
pour s’y repofer à proportion? de. la fatigue qu’il
avoit foufferte., mais afin d’y donner les ordres
néceffaires pour le jour fuivant ; ce qui l’occupoit
jufqu’à minuit, & très Couvent jufqu’au jour,- &
alors il dormoit deux heures fur une chaife : je,l’ai
vu auffi à Barcelonne, pendant les. mois de juillet
& d’août, endurer l’ardeur du foleil depuis le
matin jufqu’au foir, & y manger un morceau de
viande froide, de peur qu’il n’y eût du retardement
& de la confufion' dans le débarquement
de nos; préparatifs -de guerre , & dans les autres
importantes expéditions dè la marine, pour la prife
de cetté place : enfin, je l’ai vu , dans le mole de
cette même v ille , donner fes ordres continuellement
, matin ôc fo ir , pour l’embarquement de
Sicile , traitant en un même temps avec cinquante
perfonnes de différents métiers , fans que cette
diverfité de chofes & cette multitude de perfonnes
miffent aucun embarras' dans fon efprit, tant il
avoit, dès le commencement, pien formé fon plan
& pris toutes fes mefures, chargeant différentes
perfonnes dé divërfés commifîïons, à l’exécution
defquelles elles devoiënt veiller & lui en rendre
un compte fidèle. Cependant ce grand homme
pou voit à peine y fuffire. Qu’on juge après cela
fi la furintendançe d’un embarquement doit être
donnée à toute forte d’intendant.
' Je fuppofe qu’avant que dé chercher des bâtiments
de tranfport, vous aurez donné vos ordres
dans différents ports , pour y faire, avec tout le
fecret poffible , les préparatifs néceffaires pour
rembarquement que vous méditez, & que, par
les premiers navires frétés , vous les ferez conduire
au port du rendez-vous. Mais quand une
fois votre projet a tranfpiré , & qu’on peut agir
ouvertement, il n’y a pas un moment à perdre
pour hâter ces préparatifs, parce qu’ils demandent
toujours plus de temps que l’on nç fe J’imagine ?
à caufe de cette grande & nombreufe diverfité de
chofes en quoi ils confiftent, fçavoir, en troupes,
artillerie , munitions, vivres , bois de charpente
& clous pour les foyers, pour les commodités,
les mangeoires, les lits de planches des foldats,
pour les râteliers de leurs armes, fangles d’embarquements
& autres, anneaux & cordes pour
fo.utenir les chevaux avec ces dernières fangles,
greffes planches & gros clous pour doubler l’endroit
du bâtiment quirépond aux pieds des chevaux,
peaux de moutons, pour éviter que leur
poitrail & leur queue ne s’écorchent; filets à mettre
de la paille, féaux pour faire boire les chevaux,
pompes pour tirer l’eau ôt le v in , poids & me-
lures pour répartir les rations, fi les patrons, par
les conventions faites avec eux, ne font pas obliges
de les fournir ; ponts pour embarquer la cavalerie ,
chevaux de frites- pour couvrir la première infanterie
qui débarque , chaloupes, telles que je les
décrirai ci-après , pour accélérer le débarquement.
Il eft fur-tout néceffaire de faire à temps des provisions
de tonneaux pour l’eau, qui eft ce que j’ai
toujours vu manquer dans les embarquements,
principalement quand il y a beaucoup dé cavalerie.
Je fuppofe auffi que vous aurez fait provifion de
médicaments , & de tout ce qui eft néceffaire pour
les vaiffeaux qui doivent fervir d’hôpital, & que,
fur chacun des autres, il y aura quelque réferve
des chofes les plus utiles, telles que font, fur les
vaiffeaux qui portent la cavalerie, les planches, les
clous, les anneaux, les fangles & les cordes.
Une :des prévoyances les plus, effentielles eft
d’a.voir des pilotés expérimentés, qui connoiffent
bien la côte par laquelle vous devez faire route,
& celle où vous devez débarquer ; car, indépendamment
de la hauteur, il importe fouvent de
fçavoir certaines menues particularités de la plage,
de la rade o^ du port, qui ne fe trouvent pas juftes
fur la carte ou fur le portulan,
L’armée navale de Rome., commandée par les
confuls Servilius & C. Sempronius, courut grand
rifque.de fe perdre près de l’île de Menningue ,
parce que leurs pilotes , qui ne connoiffoient pas
la côte, donnèrent fur des bans de fable ; de forte
que, pour mettre les vaiffeaux à flot, il fallut jetter
la charge en mer.
Les premiers bâtiments de tranfport qui arriveront,
&. qui feront propres à tranfporter la cavalerie
, feront deftinés pour elle , parce qu’il y a
plus à travailler. L’on commencera d’abord par y
faire les commodités, les gardes - mangers , les
mangeoires, les doublures ,■ & à y attacher les
anneaux. Les grands navires ne font pas fi bons
pour tranfporter la cavalerie que les petits, & que
les barques & les tartanes , affez hautes pour que
les chevaux ne donnent pas de leur tête contre le
pont, & allez larges pour que les hommes puiffent
paffer librement entre deux rangs de chevaux;
parce que ces petits bâtiments s’approchent de plus
près de terre, & J’on peut par çgnféquent plus
aifément;
aifément embarquer les chevaux , q u i, dans le
débarquement, ont un plus petit trajet à faire à
la nage : d’ailleurs , dans ces petits bâtiments ,
1 écoutille eft proche de touts les côtés , &. les
chevaux par conféquent prennent plus facilement
leur refpiration.
Lorfque la petiteffe des bâtiments qui n’ont
point de pont, ne laiffe de place que pour les
chevaux , l'eau, les vivres & les hommes , on
porte le foin ou la paille dans des filets attachés
aux côtés du bâtiment, dans des endroits où ils
ne puiffent pas empêcher d’amarer les écoutes ou
les autres cordages.
Il faut choifir pour les hôpitaux de grands !
vaiffeaux, où l’air puiffe librement entrer par plu-
fieurs ouvertures ou portes qu’on y peut faire ; &
outre leurs écoutilles ordinaires, ils auront le pont
ouvert & grillé, parce qu’on fe fert de toile cirée
contre la pluie.
A mefure auffi que les bâtiments qui doivent
fervir pour l’infanterie arrivent , on ,y fait les
commodités , les lits de planches pour les foldats,
& les garde-mangers ou armoires pour mettre les
vivres, dont quelquefois le patron de la barque
ou du navire fe charge , & quelquefois un officier
de la troupe qui s’embarque.
En diftribuant les bâtiments aux troupes, il faut
avoir attention à ne pas porter préjudice au roi ,
en^ îui/faifant payer le fret de plus de bâtiments
^ n e^ n®ceEaire ; mais auffi il faut, d’un autre
côté, prendre garde de rre pas tellement les charger
de monde, qu’on y foit incommodé & fuffoqué,
ce qui caufe beaucoup de maladies, fur-tout quand
le voyage eft long & en été.
Avant de faire la répartition des bâtiments ,
faites précéder une revue , en avertiffant qu’on.
en paffera une fécondé fous la voile , & qu’on
retranchera à chaque capitaine deux places pour
un homme effeâif qu’on trouvera de moins que
dans la revue de terre.
Quelquefois on embarque fur le même bord les
enfants & les femmes des officiers & des foldats
qui y font ; mais pour l’ordinaire cela ne fe pratique
pas, & le roi les affiftent, dans quelques
pays où l’on vit à bon marché, en leur donnant
le tiers ou la moitié de la folde de leurs pères ou
de leurs maris.
p | 1 e§arld des domeftiques & des chevaux des
officiers, on a coutume de faire un réglement :
on accorde un domeftique pour deux fubalternes,
un a chaque capitaine, deux à chaque major ou
lieutenant-colonel, quatre à chaque colonel, cinq
a chaque brigadier , fix à chaque maréchal-de-
camp & fept a chaque lieutenant général ; deux
vivandiers par chaque,régiment de cavalerie ôç
par bataillon.
Dans l’infanterie, on ne donne rembarquement
qu a trois chevaux, un pour ie colonel, un pour le
lieutenant-colonel &. un pour le major : les autres
placiers qui veulent en avoir, fe joignent plusieurs
A n militaire, Tpw, //,
! enfemble, & frètent une tartane, une barque ou
une pataclie.
On ne fçauroit, dans la cavalerie, refufer un
cheval à chaque capitaine , à chaque officier fubal-
terne , deux au major & au lieutenant-colonel, &
trois au colonel & au brigadier.
Après ce réglement, fait fur cfe „pied ou fur
un autre , on deftine un bâtiment à tant de compagnies
, en tâchant qu’elles ne foient pas de deux
differents corps. Le colonel, après avoir nommé
les compagnies J donne ou envoyé par fon major,
au furintendant général de l’embarquement, les
noms de leurs commandants, avec les noms du
batiment fur lequel chacun d’eux s’embarque, &
celui du patron de ce même bâtiment, & il reçoit
en même temps du furintendant l’état des vivres
& des tonneaux d’eau qui doivent leur être remis.
Il faut auffi avoir attention d’embarquer touts
fes corps d’une brigade dans les vaiffeaux qui
doivent fuivre une même divifion d’efeadre, &
même toutes les compagnies d’un même corps
~dans les bâtiments deftinés à être accompagnés
par chaque, vaille au1 de guerre • car l’armée navale
le diftribue ordinairement en trois efeadres, qui
font l’avant-garde , le corps de bataille & l’arrière-
I garde : chaque efeadre forme deux ou trois divi-
fions de trois ou quatre vaiffeaux, & chacun de
fes bâtiments eft fuivi de bâtiments de tranfport
qui luf font.affignés, à proportion de leur.nombre
&. de celui des vaiffeaux de guerre, dont les commandants
fçavent le pofte qu’ils doivent tenir entre
eux , félon les ordres de leur général, en chacune
des différentes manières de navigations que les
vents ou les ennemis pourroient les obliger de
tenir.
On ne charge d’aucun tranfport les frégates légères
que vous deftinez pour être détachées vers
1 avant-garde , les ailes ou l’anière-garde , afin de
reconnoître les vaiffeaux. qu’on découvre.
L officier d’infanterie ou de cavalerie qui commande
fur chaque bâtiment, examinera les vivres
qu’on met dans fon bord , & l’eau , qui eft la
dernière chofe qu’on embarque, afin qu’elle ait
moins le temps de fe corrompre. S’il trouve qu’il
y ait quelque chofe qui ne foit pas d’une bonne
qualité, il en donnera avis au furintendant, qui,
après l’avoir fait vifiter , la fera changer ? fans
attendre ce que pourroit alléguer celui qui a été
chargé de la fournir, ou ce que pourroit alléguer
le patron , qui peut-être aura vendu à bon marché
des vivres gâtés qui étoient dans fon bâtiment,
& des tonneaux d’eau où il y avoit eu du v in ,
de l’huile , du poiffon , de la viande fâlée, ou
; .quelqu’autre de ces chofes qui corrompent l’eau ,
parce qu’il n’eft pas concevable combien les
hommes & les chevaux fouffrent quand l’eau eft
mauvaife. Il eft ailé de comprendre à quels dégoûts
& à combien de maladies feront expofées
les troupes., fi on leur donne du bifeuit gâté, de
la viande falée , du ton ou du bacaliau pourri.