des chevaux de frife , il fera néceffaire d’avoir de
l’infanterie pour les battre.
Je crois qu’il ne fe trouvera pas des ennemis
affez téméraires pour ofer entreprendre un débarquement
à la vue d’un retranchement bien garni
d’hommes ôc d’artillerie , principalement fi .ce retranchement
eft à l’épreuve du canon, avec un
foffé, afin, qu’on ne puiffe pas y monter facilement,
ôc fi fon parapet eft un peu haut, afin de
préfenter un moindre objet à ce grand nombre de
pièces d’artillerie des ennemis, Ôc de donner plus
de force à vos coups, lorfqu’ils feront tirés hori-
fontalement.
Je fuppofe que le retranchement aura un épau-
lement dans le flanc , par où les vaiffeaux ennemis
pourroient l’enfiler. Je fuppofe encore qu’entre
le retranchement ôc les eaux on laiffera !é plus
petit efpace que le terrein pourra permettre, afin
que les tires de votre artillerie foient plus rafans
ôc que les ennemis ayènt moins de commodité
pour fe ranger en bataille. Pour mettre les hommes
Ôc les chevaux à couvert du canon des ennemis ,
fans être obligés de trop élever le parapet, on
prend , pour former ce parapet, la terre de la
partie intérieure la plus proche, ôc l’on jette du
côté de la mer les terres qui relient du foffé ou
du front.
Les petites îles ôc les- côtes, où la nature a
formé une chaîne de rochers, pour les défendre
contre la fureur des mers , peuvent être fortifiées
dans les plages les-plus accelfibles , en efcarpant
les fentie'rs par où l’on pourroit monter d’un
rocher à l’autre ; mais il eft prefque impoflible
d’empêcher le débarquement, fi la côte eft extrêmement
étendue, parce que , par.un bon vent, les
vaiffeaux feront plus de chemin en une feule nuit,
que les troupes de terre ne fçauroient faire en
plufieurs jours, & alors les ennemis débarquent
dans un endroit où ils ne trouvent point d’oppo-
fition. Il faut néanmoins confidérer que fi le trajet
a été long , les ennemis auront un grand nombre
de malades, qu’une bonne partie de leurs armes
leur fera devenue inutile par les roulis & par
l ’humidité , ôc que plufieurs de leurs chevaux
feront morts , & les autres extrêmement affoiblis.
Par conféquent, fi vous avez un corps de troupes,
à-peu-près égal en nombre à celui du gros de
l’armée ennemie, vous devez éprouver le fort
d’une bataille, avant que les hommes ôc les chevaux
des ennemis foient rétablis , Ôc que leurs
armes' foient raccommodées.
Aftor Bollani, qui commandoit en 1570 les
troupes Vénitiennes en Chypre, fut du fentiment
de livrer bataille aux Turcs , auflï-tôt qu’ils auroient
mis pied à terre. Pour foutenir fon opinion, il
alléguoit les raifons que je viens de prepofer , ÔC
que les Vénitiens reconnurent trop tard la faute
qu’ils avoient faite de ne pas avoir fuivi l’avis de
te fage général.
Un des crimes dont Théodore de Syracufe
I accufa publiquement Denis, fut que ce tyran
n’avoit pas attaqué les Carthaginois aufii-tôt qu’ils
eurent débarqués auprès de Palerme , ôc qu’ils
étoient encore affoiblis par tout ce qu’ils avoient
fouffert dans leur navigation.
De Vétabliffement des magasins d'une armée qui fe
tient fur la défenfive ; des places qu il faut démolir
ou fortifier & munir ; des cireonfiances dans lef-
quelles on doit renforcer fon armée par les garni
fons , ou difiribüer toutes fes troupes dans les
places.
En traitant de la guerre offenfive ôc des fiéges, j’ai
fait v o ir , par l’autorité du prince d’Orange , ÔC
par lël exemples de Cæfar ôc du prince Eugène ,
que c’eft agir fagement , quand on fe tient fur la
défenfive, de mettre les magafins dont l’armée
doit fublifter , dans une place qu’il ne fera pas
aifé aux ennemis de prendre, ni d’en couper la
communication , parce qu’autrement vous ferez
forcés d’en venir à une bataille pour feceurir la
place, ou fi vos magafins font perdus, il faùdra
abandonner une grande étendue de pays, pour
s’approcher de celui où votre armée pourra trouver
une facile fubfiftance. Faites attention à la
campagne de 1712., où le maréchal de Villars prit
à Saint-Amand les magafins des alliés, qui, dès-
lors , ne fe trouvèrent plus en état de rien entreprendre,
ni même d affurer leur frontière. Si vous
ne voulez point en venir à une bataille , ni abandonner
du terrein, à quels frais ne ferez - vous
pas obligés, pour faire, tranfporter de lo in , ôc
à la hâte , du pain ôc de l’avoine pour toute
une armée ? C ’eft pour éviter cette trop grande
dépenfe des longs tranfports que Louis X IV fit
la paix avec la Savoye , avant de la conclure à
Rifwic avec l’Empire, l’Efpagne, l’Angleterre ôc
la Hollande.
. Si vous n’avez aucune place qui ne foit en danger
d’être alfiégée ou bloquée , féparëz vos magafins
de vivres & de munitions en plufieurs différentes
places, afin que fi les ennemis vous ôtent la communication
avec une vous puiffiez librement tirer
des. autres vos provifions de bouche & de guerre.
Cette précaùtion fervira auiîi pour chaque place
de la frontière, parce qu# fi les ennemis en attaquent
quelqu’une , elle fe trouvera abondamment
fournie de vivres & de munitions pour foutenir
le blocus ou le fiège.
Quand on établit les magafins de l’armée , on a
attention que, de-là à l’endroit où l’on a deffein de
camper longtemps , les chemins foient commodes -
pour les charriots.
11 feroit beaucoup plus avantageux fi les vivres
pouvoient être conduits par eau , fur-tout quand
les courants., font favorables & vont des magafins
à l’armée, parce qu’alors le tranfport fur des bateaux
coûte moins , & tout arrive plutôt. Si l’on
a à combattre fur les eaux, le courant donne le
meme avantage , que l’on a par le deffus du vent
dans un combat fur mer.
En Flandres, les rivières & les canaux donnent
la commodité de faire fublifter deux armées de
cent mille hommes. En Efpagne , quoique fes provinces
foient extrêmement abondantes, on a de
la peine à fournir des vivres à de petites armées
de vingt mille hommes , fur-tout dans certaines
contrées, où les chemins ne font pas propres
pour les charrois , Ôc où il faut tout tranfporter
fur des mulets.
Un grand avantage pour les Allemands, dans
h guerre contre les Turc s , eft qu’ils ont le courant
du Danube favorable pour leurs convois, ôc
que les troupes l ’ont contraire. S’il y a à craindre
que les troupes ennemies pénètrent jufqu’à quelque
endroit où font les archives du prince, donnez
ordre qu’on en retire les chartes ôc les titres de
1 état, parce que fi les ennemis enlevoient ces
papiers , il feroit difficile à votre fouverain de
juftifier les droits qu’il a fur ce pays ou fur un
autre. -
Depuis que Richard, roi d’Angleterre, eut, en
V1941 enlevé les papiers des archives de Philippe-
Augufte 5 roi de France, les rois, fuccefl’eurs de
Philippe, ont ignoré le fervice que chaque pays,
chaque duc, chaque baron ôc chaque comte dévoient
a^ la couronne ; ôc , malgré touts les foins
que Philippe - Augufte fe donna pour recouvrer
ces papiers, si ne put jamais y réuflïr.
Prenez a propos le temps de munir, le mieux
^ pourra , les places qui font en danger
■ d etre invefties, ôc q u i, par leurs fortifications,
font en état défaire une défenfe qui vous donne
le ioifir d affembler une armée pour leur fecours,
ou du moins qui confume aux ennemis une partie
des fours, des munitions, des troupes ôc de
1 argent quils vouloient employer à faire'de plus
vaftes conquêtes.
Guichardin obferve que la défenfe de la place
de Therouënne, qui, en 1574 ,' arrêta cinquante
jours 1 armee d’Angleterre , contribua beaucoup
au falut de la France. Les provifions de bouche ôc
ae guerre 3 dont les Spartiates avoient pourvu leur
v ille , leur donnèrent lieu de fe défendre longtemps
contre P y r rh u sô c d’attendre le fecours du
roi Antigonus , qui, s’étant joint à Areé ôc aux
Candiots, fit lever le fiège.
Demoliffez les vieux châteaux ôc les autres
poftes un peu forts où vous ne pouvez mettre
garmfon faute de troupes., ôc que vous ne fçau-
1 iez fecourir, a caufe de la fituation défàvantageufe
c>u ils fe trouvent, parce que fi les ennemis, que
je luppofe fupérieurs en troupes Ôc maîtres de la
campagne, viennent à s’en faifir, il ne vous fera
pas aifé de les en déloger, ôc les garnifons de ces
poites feront de continuelles incurfions dans votre
pays ; au lieu que , s’ils n’ont point de places ,
ils ne feront maîtres que du terrein que leur armée
occupe.
I Simeon Macchabée, ne j croyant pas pouvoir ré- fifter a l’armée d’Antiochus Sidete,, roi de Syrie ,
fit démolir la fortereffe de Jérufalem, afin qu’elle
ne fervît pas a Antiochus pour pouvoir mieux
ravager le pays.
Louis XIV, roi de France , fit ruiner les fortifications
de toutes les villes Ôc même des plus
petits lieux d’À lface , à l’exception feulement de
Scheleftat ôc de deux autres places, qu’il crut en
état de faire une bonne défenfe, de peur que
Charles V , duc de Lorraine, qui alloit entrer dans
ce pays avec une armée fupérieure, ne fe cantonnât
dans ces villes.
Zampefchi, général des Vénitiens, propofa à
fa république de démanteler Girapietra ôc Sithia,
parce que ce n’étoient pas des poftes qu’on pût
bien défendre , Ôc d’ordonner aux habitants de
ces villes de fe retirer, avec touts leurs effets,
en Candie, fuppofé que l’ile fût inveftie par les
Turcs.-
| 11 faut fortifier certains poftes convenables pouf
établir vos magafins ôc vos hôpitaux, pour couvrir
vos convois, pour conferver la communication
ouverte avec votre pay s , ôc empêcher celle des
ennemis avec le leur ; pour commander les ponts
de certaines rivières , ôc les chemins abfolument
néceffaires pour votre commerce ôc celui des ennemis
, parce que touts les autres de cette contrée
font impraticables , à caufe des montagnes qui
1 environnent. On doit aufli fortifier les ports de
mer, quand ils font en petit nombre, conftruire
des citadelles dans les grandes villes dont la fidélité
eit fufpecle , faire garder les paffages par où l’on
entre dans le pays neutre ou ennemi, afin d’em-
pecher que les mécontents n’en tirent des provifions
de guerre. r
, H ” ’®?. P f aiff « d d e r fi'eeSa qui fe tient
lur la defenfive doit employer une partie de fon
armee pour renforcer les garnifons des places, ou
tirer une partie des troupes des garnifons pour
renforcer fon armée. Avant de fe déterminer fur
ce point y il faut examiner s’il eft à. propos de
niquer une batailleou s’il faut l’éviter, parce qu’il
y auroit de l’extravagance à affoiblir les garnifons,
“ J ° n ” ~,dl» « P “ 'faire combattre l’armée, ou à
affaiblir 1 armée-, fi elle doit rifquer le combai •
mais en fuppofant que vous vouliez hafarder une
bataille, lorfqu’une occafion favorable pourra fe
preienter, il n y a point d’inconvénient de renforcer
votre armée d’une partie des garnifons des
places ou vous êtes .moralement affure de pouvoir
fetter du fecours , quand même vous feriez battu •
vous y laifferez néanmoins les troupes fuffifantes
pour les defendre contre un foulèvement des habitants,
ou contre un coup de furprife des ennemis-
je pente même que non - feulement vous pouvez:
prendre ce parti, mais que vous y ères abfolument
oblige, fi vous prévoyez que- le leu l fuccès
de la bataille peut décider de cette guerre , ou
fi vous vous trouvez dans des circonftances qui