
le Camp des Rutules ; le confeil le leur permet,
. Afcagne leur fait des promeffes. Euriale répond
ainfi au prince : « Seigneur, fi notre entreprife a
un fuccès favorable , fi je n’y fuccpmbe point,
ma vie ne fera employée qu’à vous montrer que
je ne démentirai pas l’opinion que vous avez de
moi. J’ai une grâce à vous demander, qu’il me fera
plus ienfible d’obtenir que toutes celles que vous
me promettez. J’ai ma mère , qui delcend de l’ancienne
famille de Priam ; fa tendreffe lui a 'fait
quitter fon pays pour me fuivre ; elle n’a même
pas voulu refter en Sicile : je la quitte'pour aller
braver les dangers de la guerre, fans l’avoir avertie,
fans lui avoir dit adieu. Je prends à témoin la
nuit qui nous environne de fes ombres, &. votre
main , que la crainte de voir couler les larmes
eft' le motif de mon filence ; daignez la confoler
de le voir abandonner par le feul appui qui lui
reliât. Que j’emporte du moins cette fortifiante
efpérance, elle m’affermira au milieu des dangers. »
Toute l’affemblée fut touchée des pleurs qui
eccompagnoient les paroles de ce jeune Troyeh.
Cet a£fe d’amour filial en fit verfer au jeune prince,
qui retrouvoit dans ce héros la tendreffe qu’il
fontoit pour fon père. N’ayez point , lui dit-il,
d’inquiétude ; attendez de moi ce que méritent
ÔL votre valeur & votre tendreffe ; votre mère
dès ce moment fera la mienne , il ne lui manquera
que le nom de Créufe. Quel que foit l'événement
de votre entreprife , il lui lera avantageux de vous
avoir pour fils ; j’en jure par ma tête , ferment
ordinaire à mon père ; tout ce que je vous_ ai
promis, en cas que vous reveniez, je le tiendrai
è votre mère & à votre maifon.
Les Romains portèrent plus-foin quç les autres
eûples leurs attentions fur .les enfants de l’état,
■ orfqu’un père déclaroit ne pouvoir nourrir fon
enfant, dans quelqu’état qu’il fû t, l’état en ir c it
chargé ; l’enfant de voit être nourri , élevé aux
dépens de la république. Conftantin voulut que
cette loi fût gravée fur le marbre , afin qu’elle fût
éternelle.
Comme je confidère la paye attribuée aux
troupes moins comme une rçcompenfe que comme
une des conditions d’un parti fe-nfé entre la nation
& celui qui la fert, je ne m’étendrai pas fur çet
article, je dirai feulement qu’en procurant à celui
qui fç confacre au feryjce les moyens de fubfifter
convenablement relativement à fon état, il feroit
bon qu’elle ne fût jamais auffi forte à l’égard de
1 officier que chez l’étranger , afin de conferver à
notre militaire la confidération que toute T Europe
a pour fon défintéreffement, & qu’il n’entrât jamais
rien de mercenaire dans les motifs qui porteront
la nation à fe confacrer au fervice , ce qui feroit
un vice contraire aux principes d’honneur qui ont
toujours animé les François, & que j’ai dit qu’il étoit
fi néceffaire de conferver & même d’aeçroître,
$’il eft poffible, dans notre militaire.
Cependant, çet objet eft de nature à demander
foulent des changements, parce qtië quoique
notre monnoie foit de toutes celles de l’Europe la
plus fixe dans fon titre &. dans fon poids , il n’y
en a point qui varie plus dans la valeur ; & que ,
pour que les troupes euffent toujours une même
paye , il faudroit, qu’avec la même quantité d’argent
, elles euffent toujours la même quantité de
choies qui leur font riéceffaires. Si fous Louis X I I ,
où un mouton ne coûtoit que cinq fols , un foldat
eût eu cette fomme pour paye , il eût eu trente
ou quarante fois davantage que fous Louis X V ,
où ce même mouton coûte neuf ou dix livres,
ÔC quelquefois davantage»
Mais fi la paye eft fixée fur le pied que je dis ,
les retraites devroient être plus favorables , & ces
objets mériteroient une attention particulière ;
comme j’en parle encore en traitant de ce mot,
je ne m’y arrête pas davântage.
.Far tout ce que nous avons dit fur la difeipline ,
on voit qu’elle a pour objet ;
i 9. La régularité des moeurs; 2°. l’ôbéiffance
parfaite de l'inférieur au fupérieur, relativement
à chaque emploi ; 3®. la vigilance des chefs pour
faire exécuter les ordonnances du prince ; 4°. les
châtiments dont on punit ceux qui manquent.
Il y en a qui penfent que les gens de guerre
ont plus de liberté que les autres de violer les loix
de la religion & de la vertu ; c’eft une erreur auffi
ridicule que funefte. Pour être bon. foldat, il'faut
néceffairement avoir d Iu s de vertu que les hommes
ordinaires , moins de foibleffe , plus de courage ,
& peu craindre la mort. Les vices font contraires
aux fentiments d’honneur , & à la valeur même
qui doit diftinguer le foldat. Le luxe , le vin", les
femmes, affbibliffent lefprit, ruinent' le corps ,
& amplifient le courage. Si l’efprit perd fa vivacité
, & le corps fa vigueur ; fi l’on de vient tendre
& délicat, où trouvera-t-on le foldat. & le'grand
capitaine ? Rien îf eît plus néceffaire que d'db-
ferver une exaéle difeipline dans les pays où les
troupes campent, où elles marchent, & où elles
font en quartier. D ’ailleurs la guerre-eft en elle-
même un ft grand mal, que 1-on doit faire tout
fon poffible pour en modérer les triftes effets ;
maltraiter les payfans , leur enlever ce qui leur
refte dans leur misère , débaucher leurs femmes &
leurs filles : quoi de plus horrible ? quoi de plüf
digne d’être puni?.
Le but de celui qui entreprend une guerre eft
de combattre fon ennemi en campagne, & de
gagner des batailles ; mais bien loin d’en gagner,
on ne doit pas prudemment en hafarder avec des
troupes fans difeipline. Il faut du tenap; pour discipliner
une armée, encore -plus pour l’aguerrir,
& beaucoup plus encore pour faire de vieilles &
de bonnes troupes ; au furplus, nous avons vu ,
dans le cours de cet article , qu’il eft plus difficile
de ramener des troupes fous la difeipline , quand
elles l’ont une fois perdue, que d’en former de
nç>uyellçs. Que de motifs.donc pour que le$ chefs*
de grade en grade , concourent à ce qu’elle foit
toujours en vigueur, & n’éprouvent pas la moindre
altération, puifque les fuites en font fi graves. ■-
DISPOSITION. Ordonnance d’un corps de
troupes , relative à une aélion.
D isposition de guerre. C ’eft un plan
• général ou particulier que l’on fe propofe pour
agir offenfivement ou défenfivement, fuivant les
forces que l’on a , & celles que l’on a contre foi.
L’art militaire n’a aucune partie plus étendue , ni
plus importante que celle de fç avoir faire la difpo-
Jition de toute une guerre ou d’une campagne ;
il n’en eft pas qui exige des connoiffances plus
profondes & plus' générales, & dont les officiers
generaux qui veulent parvenir au commandement
des armées, doivent plus s’occuper. Voye£ Plan
DE CAMPAGNE. ( M. D. L. R. ).
La meilleure difpojîtion de guerre, félon Vègéce,
n’eft pas tant celle qui nous met en état de battre
l’ennemi, que celle qui l’affame & le ruine â la j
longue. C ’étoit auffi le (estiment de Céfar : ce j
faïiieux P.omain, dans la guerre d’Afranius, ayant j
coupé, les vivres à l’armée ennemie, & étant preffé
par fes foidats de profiter de l’occafion de combattre
, ne voulut pas hafarder de braves foidats ,
ni fe mettre au pouvoir de la fortune ; parce quil
n eft pas moins du devoir d’un grand capitaine de
vaincre fon ennemi par a dreffe que par force. ( Comm.
de Cæfar , par </’Ablancourt. ) (Q-).
D ISTAN C E . Intervalle laiffé entre des troupes,
ou entre certaines parties d’une troupe. Voyez
T actique.
DIVERSION. Attaque faite dans un point pour
empêcher l’ennemi d’agir dans un autre avec des
fo rces fupériêures.
Dans l’attaque d’une armée ou d’une place, on
fait diverfion en menaçant plufieurs points par des
attaques,’ foit feintes , foit réelles. Lorfque l’ennemi
affiege une vill-â , on fait diverfion en affiè-
geant une de fes places,. lorfqu’il eft plus avantageux
pour lui de la conferver que de prendre celle
quil attaque. S’il a pénétré dans une province ,
on fait diverfion en entrant dans fon propre pays ,
& le'rappellent à fa défenfe. Ce fut ainfi qu’Aga-
tocle . affiégé dans Syracufe , fortit de cette ville,
en portant toutes fes forces en Afrique , obligea
les Carthaginois de l’y fuivre; qu’Annibal fran-
chiffant les A lp e s , rappella toutes les légions
romaines à la défenfe de Tlialie ; que Scipion,
paffant en Afrique avec les principales forces de
Rome, délivra Titalie des entreprifes de Carthage.
Apres la défaite de Flaminius, Hiéron, roi de
-Syracufe, fit confeiller au fénat, par fes ambaf-
fadeurs , de faire porter en Afrique le préteur &
les troupes que Rome avoit en Sicile, afin que
les ennemis , ayant la guerre dans leur foyer , ne
puffent envoyer aucun fecours en Italie. ( Liv. L.
X X I1. C. 37. ).
Lorfque Cæfar & fon armée, après le combat
®e Dyrrachium,fe trouvèrent dépourvus de YÎvres?
Âfranïus confeilloit à Pompée de le faire pour-
fuivre par fes forces n a v a le s , très fupérieures à
celles de fon en n em i, de palier lui-même a v e c
fes légions en Italie , où il avoit un puifiant parti ,
& après s’être affuré de ce pays , de l’Efpagne &
de la Gaulé , d’attaquer Cæfar. C e grand projet ne
fut pas fuivi , & Pompée fut vaincu à Pharfale.'
(Appian. Bell. civ. L. II. p. 468. ). Les autres
dïverfions, dont l’objet a été moins g ran d , font
fréquentes dans l’hiftoire.
D IV IS IO N . Partie d’un corps de troupes.
Dans une armée, on nomme divifion une partie
de l’armée , qui eft aux ordres d’un officier général.
Dans un bataillon , deux pelotons forment une
divifion.
Les divifions des bataillons é to ien r nommées
anciennement manches, demi-manches , quarts de
manches , lorfque les bataillons étoient de piquiers
& de moufquetaires. ,Après la fuppreffion des
piques , ces noms furent encore employés pen -.
dant quelques années : mais ils ne font plus en '
ufoge. r
DIVISION. Séparation de troupes.
Toute puiffance eft foible, à moins que d’être unie»
Les fils du vieillard, jeunes gens vigoureux, firent
d inutiles efforts pour rompre le failceau qu’il leur
prefonta ; & lu i, l’ayant délié , brifa aifément, de
les loibles mains , chaque dard l’un après l’autre.'
C e précepte peut fervir à tout. Il eft excellent
pendant la paix ; il ne l’eft pas moins à la guerre.
1 outs les chefs qui l’ont négligé ont porté la peine
de leur imprudence. Thalès confeilla aux Ioniens
d établir un confeil commun à T é o s , centre de
leur pays. Us relièrent d iv ifé s , & Harpaee les
affervit. ( Hérodot. L. I. C. 170. ). Les deux S c i-
pions furent défaits en Efpagne par Afdrubal
parce qu’ils divisèrent leurs troupes. ( Liv. L . 2=?!
C 32. ). M. Porcius Caton , follicité par B iliftage
roi des Ilergétes . d ’en vo y e r une partie des légions
a la defenle de fon pa ys , répondit qu’il-é to it
touche du péril auquel étoient expofés les Ilergétes
& leur fouverain , mais qu’ayant près de lui une
armee ennemie , a v e c laquelle il s’attendoit de
jour en jour à en venir aux mains , il ne p ou voit
pas , en divifant fon arm é e, diminuer fes forces,
( Liv. L. XXXIV. C. n . ) . Cæfar attaqua les Gaulois
a v ec a v an tag e , parce qu’ils étoient divifés
en deux fâchons principales, (Bell. Gall. L. /.
C. 3 1 , ). & qu il y en avoit de particulières, non-
ieulement dans les villes & les bourgs, mais, pour
ainfi d i r e , dans chaque famille. ( ld. ib. L. VI.
C. 11. Oudendorp. ^ . ) . Tacite dit des Bretons ;
« L a reunion de deux ou trois cités , pour repou fler
” ie «angei' commun, eft rare. Ainfi , combattant
ieparém en t, ils font tcuts vaincus, n. ( Aericol
vita. ). Il en fut de même de la Grè ce ; parce que
chaque v ille affeéla la domination , toutes la perdirent.
( Jufiin, L , FUI, ) , Il ieroit inutile d’ac cu -