
il loin une retraite fure : mais il fe peut aufli que
vous foyez fupérieur en troupes, ou qu’il y ait
une place de votre prince auprès de ce pofte,
qui affure votre retraite.
Faute d’un terrein propre à cather toutes les
troupes néceffaires pour oppofer à celles qui pour-
roient furvenir -, afin de délivrer celles que vous
avez furprifes dans Yembufcade, vous cacherez l’infanterie
à deux ou trois lieues plus en arrière de
l’endroit où votre cavalerie eft en embufcade,
& fur le chemin par où elle doit fe retirer : car
l’infanterie ennemie, qui aura marché jufques-là,
ne fçauroit fuivre le pas de la vôtre qui eft dé-
lftlïee; & fi la cavalerie des ennemis fe détache,
elle fera battue par vos deux corps, s’ils la chargent
de la manière que je le dirai bientôt.
Difpojîtion des embufcades.
Le chevalier Melzo veut qu’avant de rompre
les rangs , pour entrer dans Y embufcade, ou avant
d’y poler les armes, on ne connoiffe s’il n’y auroit
point aux environs quelque embufcade de.. ennemis.
Le même Melzo demande que les troupes l'oient
diftribuées fans confufion dans Y embufcade, afin
qu’elles puiffent fortir en ordre, fans fe pouffer
les unes fur les autres.
Dès qu’on eft arrivé au lieu de Y embufcade , le
commandant de chaque troupe doit la paffer en
revue. S’il manque quelque foldat, quelque valet,
ou autre perfonne, il en donnera fur le champ
avis au chef de l’expédition, afin qu’il examine
quel parti il doit prendre. On peut de temps en
temps faire la même revue.
J’ai dit en traitant des furprifes, par quelles
précautions on peut remédier à la défertion des
foldats dans la marche. Pour éviter cette défertion,
lorfqu’on eft dans Y embufcade, ou pour empêcher
que les maraudeurs qui s’écarteroient pour
aller voler dans les maifons de campagne, ou pour
enlever les troupeaux de la contrée , ne faffent
découvrir Y embufcade, vous défendrez à toute perfonne
, fur peine de la v ie , de s’avancer jufqu’en
droiture des fentinelles, dont vous aurez entouré
toute Y embufcade. Ces fentinelles, que vous pof-
terez doubles, & très proches les unes des autres,
arrêteront touts ceux qui voudroient paffer au-
delà. Vous ne choifirez pour ces fentinelles, que
des foldats d’une grande confiance.
Annibal dans Y embufcade où il s’étoit pofté pour
venir furprendre Tarente, prévint les officiers de
ne pas permettre qu’aucun foldat quittât fon pofte,
ni même fon rang.
J’ai déjà dit qu’il faut faire défenfe de mener
des chiens, des chevaux qui henniffent, de tirer
ou de courir après quelque gibier, & de laiffer
des chevaux détachés. J’ajoute , que fi nonobftant
ces ordres vous voyez quelque chien dans Y embufcade
, il faut fur le champ le faire attacher ou
le faire tuer avec l’arme blanche , & faire attacher
les chevaux qui ne le feroient pas, A l’égard de
ceux qui henniffent, il y a des officiers qui affurent
qu’un cheval ceffe de hennir en lui mettant une
baie dans l’oreille. Il y a encore un autre moyen :
mais la décence ne me permet pas de le dire.
Chacun fçait que pour voir venir les ennemis
de plus loin, & pour obferver tout ce qui peut
furvenir , il faut pofter les fentinelles dans des
endroits d’où elles, découvrent de touts côtés une
plus grande étendue de terrein ; mais afin qu’on
n’apperçoive pas de loin la couleur voyante dont
les foldats font ordinairement vêtus, ni la lueur
de leurs armes , &. de leurs boutons de métail, ces
fentinelles auront des habits d’une couleur obfcure ;
elles poferont leur fufil à terre , & fe cacheront
elles-mêmes à travers les feuillages & les arbriC*
féaux de l’éminence fur laquelle elles font poftéest
car un homme fur le fommet d’une colline, à la
faveur de la clarté de l’horifon , fe voit de plus d’un
quart de lieue loin. En défaut d’un terrein élevé
vous pouvez placer les fentinelles au haut des
arbres bien touffus , ou derrière un peu de brof*
faille , qu’on fait porter pour les cacher.
Si le pofte propre pour ces fentinelles eft fi
éloigné de l’embufcade, que les avis qu’elles don-
neroient ne puffent être entendus , ni qu’un foldat
ne pût les apporter , fans courir rifque de fe faire
appercevoir en traverfant quelque campagne découverte
, entre Yembujcade & ces premières fentinelles
les plus éloignées, mettez-en d’autres à
une moindre diftance , qui foient bien cachées à
la faveur de quelque ravin, de quelque rocher-
ou de quelque broffaille ; afin de faire paffer ainu
de l’une à l’autre les avis que donnent les plus
avancées.
De peur que des avis qui ne feroient pas clairs ,
ou qui feroient peu conformes ne vous jettent dans
quelque confufion, je voudrois que vous choififfiez
pour ces fortes de fentinelles, des officiers, des
fergents, ou des caporaux intelligents. Cela me
paroît fur-tout néceffaire à l’égard de la fentinelle
la plus avancée ; c’eft-à-dire de celle qui découvre
le plus.
«JJn bon auteur confeille, pour la fureté des
places , de pofer quelques fentinelles fur des éminences
, &. quelques autres à leur w u e , afin que
celles - ci avertiffent du fignal que font les premières
, lorfqu’elles découvrent quelque chofe de
confidérable dans la campagne. 11 ajoute : « qu’on
ne doit pas prendre pour ces premières fentinelles
des perfonnes au hafard ; mais qu’on doit choifir
des hommes habiles dans la guerre, de peur que
par ignorance , s’étant figurés quelque chofe, ils
n’en faffent le fignal, ou n’en envoient porter la
nouvelle à la v ille , &. alarment fans fujet les har
bitants ».
Les fentinelles laifferont paffer toute perfonne
par qui elles croiront qu’elles & Y embufcade n’ont
pas été découvertes : mais elles arrêteront touts
ceux quelles pourroient foupçonner de s’être ap-
perçus de quelque chofe. Si elles ne peuvent y
fréuflir, elles en donneront d’abord avis , afin qu’on
détache un des partis dont je vais parler : ce qui
fe doit aufli entendre à l ’égard d’un déferteur , qui
s’échappe à travers des fentinelles.
Vous auriez à la droite, au centre, & à la gauche
de votre embufcade , trois petits partis de cavalerie
; afin que fur l’avis des fentinelles , ils foient
prêts de courir après les déferteurs ou après les
payfans qui auront découvert Yembufcade.
On aura la précaution de faire habiller en payfans
les foldats de ces partis, afin que fi quelqu’un les
découvre de loin, on les prenne pour des voleurs ,
des chaffeurs ou des bergers.
Ne faites fortir de Y embufcade que le nombre de
foldats néceffaires , à proportion des déferteurs ou
des payfans. Que ces foldats , en revenant à \*embufcade
y prennent un tour convenable ; afin que
les partis & Jes payfans des ennemis , qui les auraient
obfervés , ayent moins de foupçon de l’endroit
de Y embufcade.
Comme les ennemis peuvent furvenir de nuit
d’un moment à l’autre , vous ferez tenir toutes les
troupes éveillées. Vous obferverez la même chofe
de jour, dès que les fentinelles auront averti qu’elles
découvrent les ennemis : car des foldats qui viennent
de s’éveiller , font peu en état, dans la frayeur
d’une alarme , d’entendre & d’exécuter les ordres.
Dans Yembufcade qu’en 1710 nous dreffames
de nuit contre nos ennemis, auprès de Mora de
Ebro , on n’eut pas le foin d’empêcher les troupes
de dormir. Elles étoient dans un profond fommeil,
lorfqu’un peu avant le jour,un cheval de don Jofeph
de Miranda, alors capitaine de grenadiers au régiment
des Afturies, fe détacha ; &. à peine fe fût-il mis
à courir par la campagne , que les foldats à ce
bruit s’étant éveillés, les uns commencèrent a crier
aux armes , les autres à tirer fans fçavoir où ; les
autres à fuir , & plufieurs à fe prendre entre eux
pour ennemis : enforte que Y embufcade fut decouverte
avant le temps & n’feut aucun fuccès.
Dans les nuits de pluie ou de rofée , les foldats
de Yembufcade doivent tenir leurs armes couvertes
de leurs cafaques. Dans les nuits froides , il faut
leur permettre de fe promener, & de battre des
pieds contre terre , ou des bras contre leurs corps j
afin que les fufils & les hommes puiffent être
en état de fervir , lorfque les ennemis arrivent.
Nouveaux avis, lorfque vous êtes inforbièdu chemin
que les ennemis doivent tenir dans une marche.
Comment un de vos partis peut attirer dans Pzm-
bufcade un de leurs détachements. En quelle manière
, & en quel temps vos troupes doivent fortir
pour charger. En quel cas elles doivent fe retirer,
avant meme que les ennemis arrivent à /’embufcade.
J'ai d it, en traitant des furprifes, ce qu’il eft
à propos de faire , lorfque vous êtes inftruit du
fhemin que les ennemis doivent prendre. J’ajoute
que , fi leur marche eft par votre propre pays »
vous devez, du côté oppofé à vos fentinelles ,
jetter quelques troupeaux difperfés fur les montagnes
&. les coteaux qui font à la vue de Yembufcade
, afin que le defir de les enlever faffe du
moins détacher des partis q u i, en affoibliffant le
gros de leurs troupes , vous donnent la facilité
de les attaquer avec moins de rifque.
On ne laiffera point de bergers à ces troupeaux,'
parce que fi on les faifoit prifonniers , la crainte
les obligeroit peut-être de découvrir votre embufcade
; à leur place vous mettrez des foldats dé-
guifés en bergers qui, en voyant venir les ennemis
, feront femblant de fe retirer avec leurs
troupeaux ; & , lorfque les ennemis feront arrivés
bien près, ces foldats, à qui on aura eu foin de
donner d’excellents chevaux, s’échapperont comme
ils pourront.
Les exilés de la Baftriane l’exécutèrent de la
forte. Ils fortirent de Yembufcade pendant que les
troupes d’Attinas , gouverneur de cette province
pour Alexandre , étoient en défordre , embar-
raffées de la prife qu’elles venoient de faire ;
elles furent taillées en pièces , & Attinas lui-même
y perdit la vie.
Scipion l’Africain voulant attaquer avec quelque
avantage Indibile , prince Efpagnol, fit conduire
des beftiaux dans un vallon qui étoit entre
les deux armées, & ordonna à Lelius d’être
prêt à charger avec la cavalerie les Efpagnols ,
lorfqu’ils s’avanceraient pour enlever le troupeau :
la chofe arriva comme elle avoit été imaginée ,
& Indibile fut défait.
En traitant des efpions, je fais voir qu’on peut
faire donner les ennemis dans une embufcade , en
gagnant des guides qui font parmi e u x , & qui,
de concert avec vous , leur propoferont un chemin
pour les faire tomber dans votre embufcade•
On peut aufli attirer les ennemis jufques à l’endroit
où eft votre embufcade , en détachant un
parti qui enlève des beftiaux, ou qui faffe quelques
prifonniers près des ennemis. En ce cas, détachez
ce parti avant que les foldats qui le com-
pofent, puiffent foupçonner votre deffeinpar quelque
ordre que vous aurez donné , ou par quelque
mouvement que vous aurez fait faire aux troupes ,
afin que , fi des foldats défertent , ils ne puiffent
pas donner avis aux ennemis de l ’entreprife que
vous méditez. Les officiers du parti en auront
feuls connoiffance. Vous leur prefcrirez l’heure à
laquelle ils doivent commencer à fe montrer , de
peur que les ennemis n’arrivent au lieu de Yembufcade
, avant que vous vous y foyez pofté.
Ce parti fe retirera par un chemin différent de
celui que vous avez tenu en venant a Y embufcade ;
excepté que vous ne jugiez à propos de le faire
retirer par la même route , afin d’effacer les traces
que les troupes de Yembufcade ont laiffées.
C e parti ne fera pas retraite fi proche de Yembufcade
t que les batteurs d’eftrade des ennemis