
ce rang, les vaiffeaux de guerre doivent s’étendre
fuffifamment.
On défendra à tout officier, fous peine d’être
privé de fon emploi, & à toutfoldat ou marinier,
fur peine de la galère, de retourner à terre ; & le
gouverneur de la place aura foin de faire arrêter
prifonnier & d’envoyer fur l’amiral touts ceux qui
auront contrevenu à la défenfe.
L ’amiral diftribuera à fes lieutenants généraux,
chefs d’efcadre & capitaines des vaiffeaux de guerre
les ordres & les fignaux de navigation, dans un
papier fermé & cacheté , avec ordre de ne l’ouvrir
qu’après que la flotte aura mis à la v o ile , & en
préfence des officiers de leurs navires.
Il y a pour les bâtiments de tranfport un pareil
papier, qui d’abord eft donné au commandant de
, la troupe, lequel, après qu’on a mis à la voile
& qu’il n’y a plus de chaloupe étrangère à bord,
le remet entre les mains,du patron, fans permettre
enfuite qu’aucun bâtiment s’approche de terre, ou
que l’efquif de fon navire y retourne ; précautions
qui fe doivent obferver , de .peur que quelque
patron, d’intelligence avec les' ennemis, ne leur
donne avis de vos ordres.
On remettra un autre papier fermé & cacheté
aux commandants de terre , de chaque vaifleau
de guerre ou de tranfport, avec ordre de l’ouvrir
en préfence de témoins, lorfque , par quelque
tempête ou quelque autre accident, ce vaifleau
a perdu l’armée de vue. Par cet écrit, on leur,
marquera en quels ports, en quels caps & en
quelles côtes ils doivent aller fucceffivement s’informer
de la flotte, pour chercher à la rejoindre.
Quelque temps avant qu’on donne l’ordre pour
l’embarquement, on fermera le port où il fe doit
faire, & touts ceux de la côte voifine, afin que
les efpions ennemis ne donnent pas avis par avance
de votre, départ ; & quatre ou cinq jours après ce
départ, on ne laiffera fortir aucun bâtiment de ces
ports , non pas même les pêcheurs. Les vaiffeaux
de guerre auront eu foin auparavant de faire mettre
fous les canons des places touts les bâtiments qui
avoient jetté l’ancre hors du canon de ces places.
Comme je viens de parler des ordres & des
fignaux de navigation , je commencerai par dire
un mot des fignaux ; je toucherai enfuite quelque
chofe des ordres.
Perfonne n’ignore que quelque armée navale
que ce foit ne met en mer, lôrs même quelle n’a
point d’ennemis, qu’elle ne foit prévenue fur la
lignification de divers fignaux , q u i, fur mer,
tiennent lieu d’ordres, parce qu’il y auroit trop
de retardement, trop de danger, & fouvent de
l’impoffibilité de les faire diftribuer d’un vaifleau
à l’autre.-
Chacun fçait encore que ces fignauxf fe font la
nuit par des fumées de poudre battue & mife
dans de petits tuyaux , afin que fon feu dure
davantage ; par des coups de canon , par des
fufées 'volantes & par des fanaux ÿ qui ont un >1
lignification différente, fuivant leur nombre & les
diverfes fois qu’on les baiffe ou qu’on les é lè ve ,
& félon l’endroit & l’ordre dans lequel on les
met, c’eft-à-dire , de front ou l’un au-deffus de
l’autre, aux huniers, aux haubans ou au mât de
pavillon, &c. La fignification des fumées, des
coups de canon & des tufées, varie par leur nombre
& par leur intermiffion de l’un à l’autre, ou par
un lignai différent entre un coup de canon &
l’autre. Ces fignaux par le canon font les meilleurs
les jours de brouillards ; & dans les jours clairs,
outre les coups de canon, on fe fert, pour fignal,
des pavillons, qui, par leur couleur & par l’endroit
où on les arbore, fignifient des chofes différentes.
Au refte , il faut toujours faire précéder aux
fignaux un coup de canon, pour avertir qu’on va
faire quelque fignal , afin que touts les vaiffeaux
foient attentifs'à l’obferver ; j’excepte pourtant les
voyages de furprife, quand on eft à une certaine
diftance de la terre. Ce lignai général pour avertir y
félon l’intermiffion & le nombre des coups de
canon, & des autres fignaux entre l’un & l’autre,
fera différent pour chaque efcadre, ou pour toute
l’armée, & pour chaque vaifleau de guerre 3[uppofé
que l’ordre ne regarde que ce vaifleau; comme,
par exemple, s’il arrive, pendant la navigation,
qu’il faille donner ordre à un vaifleau dé faire
force de voiles pour reconnoître ou pour donner
la chaffe à un bâtiment qu’on découvre par un tel
vent, ou pour fe retirer.
Une flotte a aufli fes fignaux pour fe ranger en
bataille, pour commencer ou finir un combat, pour
donner ordre à une efcadre d’aller au fecours d’une
autre qui fe trouve en danger, & pour avertir les
capitaines de venir à bord du vaifleau amiral pour
y recevoir de nouveaux ordres.
Quand on touche à quelque port où les capitaines
des bâtiments de tranfport pourroient remettre aux
efpions ennemis une copie de l’ordre des fignaux,
on doit les changer, fur-tout lorfqu’il y a fur mer
des efcadres des ennemis qui pourroient en profiter.
J’ai cru devoir donner ces petits avis fur
cette matière, afin que , fi quelqu’un de mes lecteurs
ne fçait pas comment on navigue, il ne
trouve pas étrange de trouver faire fignal 3 au lieu
d'envoyer ordre > ce qui, au fond, eft la même
chofe.
Les fignaux néceffaires pour le débarquement
fe comprendront aifément par ce que je dirai en
parlant du débarquement.
Ayant déjà traité de la diftribution ordinaire
d’une armée navale en efcadres , d’une efcadre en
divifions, & de la manière, de joindre à chaque
efcadre, à chaque divifion & à chaque vaifleau
de guerre...une partie refpe&ive des bâtiments de
tranfport, j’ajoute que , fi l’on fait route par une
côte amie , les bâtiments de tranfport vont entre
la côte & les vaiffeaux de guerre, à l’exception
de quelques galères & frégates, qui peuvent marcher
fur la colonne ou les colonnes de bâtiments
de tranfport, ou même plus près de terre, de
peur que quelque petit corfaire, pendant la nuit,
ne 1e mêle parmi les bâtiments de charge , & n’en
emmène quelqu’un, avant qu’un vaifleau de guerre
puiffe'le lecourir.
Si la route le fait par une côte ennemie, le plus
grand nombre des vaiffeaux de guerre la forment,
& fait le contraire , fi les ennemis donnent plus
lieu d’appréhender pour l’arrière-garde.
Si le péril eft égal de touts les cotés, on forme
deux colonnes des vaiffeaux de guerre, & le convoi
fe met entre elles, afin que , de quelque part qu’on
découvre les ennemis, le convoi arrivant, & la
colo ;ne de deffous vent allant à la bouline , les
deux colonnes fe trouvent entre le vent & les
ennemis.
Comme, pour un débarquement dans un pays |
ennemi , il y a toujours plus de bâtiments de
tranfport que de vaiffeaux de guerre 3 les navires
de guerre ne doivent pas être fi féparés les uns
des autres , q ue , s’ils venoient à 1e trouver le
matin près d’une efcadre ennemie, ils euffent.de
la peine à fe joindre pour le combat. Afin-d’éviter
cet inconvénient , on fera , des bâtiments de
charge, autant de-colonnes ou de lignes qu’il eft
néceffaire , pour que leurs colonnes ou leurs lignes
ne s’étendent pas plus que celles que les vaiffeaux
de guerre forment.
On met toujours à l’avant-garde, à l’arrière-
garde & aux ailes, des frégates détachées , pour
donner avjs , par leurs fignaux, de tout ce qu’elles
découvrent de nouveau, & pour remettre en route
les bâtiments du convoi, qui l’ont perdue pendant
la nuit, ou qu’un temps rude a laiffé fous
vent. ,
Si le matin on découvre plufieurs bâtiments qui
ont dépaffé les autres, on leur fera fignal d’attendre
; fi quelques autres font reftés en arrière,
on leur ordonnera, par un autre fignal, de faire
..force de voiles, & alors le, gros du convoi ne va
qu’avec les huniers , pour leur donner le -temps
de joindre. Si ces batiments fe trouvent féparés
par le deffus du vent, on leur fait fignal d’arriver,
& fi c’eft par le deffous du vent, le convoi arrive!
La difficulté e ft , lorfqu’il fe lève un gros vent
contrarie , parce que , dans les grands convois, il
y a toujours plufieurs bâtiments qui ne fçauroient
le foutenir a. la cape ; & dans les bordées, comme
les uns vont mieux à la bo*uline que les autres ,
tout l’ordre prefcrit pour la navigation fe confond :
ainfi, pour ne pas caler, & pour ne pas trop
s eloigner de la route qu’il faut faire , il n’y a
d’autre expédient que de prendre les bordées bien
longues afin qu’elles foient en plus petit nombre ;
& lorfqu’jl faut abfolument faire vent arrière, on
ne met précilèment que les voiles néceffaires.
Il eft bon de naviguer Lé long d’une côte amie,
lorfque cela n’oblige pas à un trop grand circuit,
oc quil y a de bons ports fur cette côte ;• car
l’armée pourra s’y mettre à l’abri, lorfque le’vent
j traverser ou le vent debout fera violent; elle y
i pourra laifler les bâtiments maltraités par la tem-
p ête, y débarquer les malades , & y rafraîchir
d eau & de vivres , fi la navigation a été longue
I à caufe des calmes. Si l ’on ne trouve pas ces
I commodités pour pouvoir naviguer le long d’une
j côte amie, on doit charger des navires d’eau de
réferve pour la cavalerie, fuppofé que les bâti—
J ments de tranfport n’ayent pu en contenir une
j affez grande quantité.
Quoique l’on navigue par une côte am ie ,.il
; s’éloigner de quelques lieues de plus des caps
| pour pouvoir les doubler.
S’il eft important de ne pas donner à connoître
! pour quel- endroit la flotte eft deftinée, il faut
naviguer à dix ou douze lieues loin de la côte,
ôc prendre, en fortant dü port, un rumb de vent
différent, jufqu’à ce qu’on ne puiffe plus découvrir
dé' terre l’arrière-garde.
Quelques heures auparavant le débarquement,
les foldats auront foin de nettoyer ’& de frotter
. d’un peu d’huile les platines de leurs fnfils, d’y
j ajufter les pierres , de brûler un peu de poudre
I dans les canons , de les charger de nouveau ; enfin
i de raccommoder leurs armes Je mieux qu’il leur
fera polfible, autant que le temps & le lieu pourront
le leur permettre; car les roulis des navires
fauffent une partie des armes, & l’humidité de la
I mer rouille les platines & empêche les refforts
daller. Les foldats s’habilleront enfuite , & un
1 peu avant le débarquement, ils mettront leurs
j cartouches , leurs fourniments & leurs baïon-
j nettes de la manière que je le dirai ci-deffous,
j afin qu’en l'autant à terre, leurs munitions ne fe
j mouillent pas.
Sur chaque vaifleau on féparera. les troupes q u i.
! doivent entrer dans les chaloupes ; les premières
I flui doivent débarquer feront fur le tillac, & les
j autres fous l’écoutille, afin d’éviter la confufion ,
| j dans un lieu aufli étroit, peut fi aifément
i naître de'la multitude. Je dirai bientôt félon quel
rang ce débarquement fe doit faire.
C’eft ordinairement la cavalerie qui vient fondre
I fur les troupes débarquées; car, quoiqu’elle fe foit
| tenue, jufqu’au débarquement, hors de la'portée
du canon des vaiffeaux, elle tombe tout d’un coup
fur les premières troupes qui ont pris terre , Sc
alors Je feu de l’artillerie des vaiffeaux ceffe, de
peur de tirer fur les troupes débarquées.
Par confequent, s’il y a lieu de craindre que les
ennemis n’ayent dans ce voifinage une partie conlivrab
le de cavalerie, je crois que votre infanterie
doit fe munir de chevaux de frife , pour couvrir
fon front & fes ailes , puifque l’arrière-o-ârde eft
en fûreté par la mer. En ce cas, l’infanterie doit -
prendre le temps néceffaire pour armer fes chevaux
de frife avant de s’embarquer dans les chaloupes.
Si le premier rang de chaque troupe étoît
I de piquiers, on pourroit fe , pàfier de chevaux de
; frife;