par le defir de fecourir les peuples mécontertts de
léurs iouverains ÿ' que par ambition de les conquérir.
Comme ces motifs apparents ne hiffent
pas de faire impreflion fur l’efprit du peuple ,
les perfonnes qui vous font affidées en doivent
femer le bruit , &. votre conduite doit y faire
ajouter foi.
Annibal, après avoir gagné la vi&oîre de T r e p i,
mit en liberté les prilonniers qui h’étoient pas
Romains de nation, pour mieux perfuader, ainfi
qu’il le publioit, que fon unique intention étoit
d’affranchir les peuples de la tyrannie de Rome ;
& lorfqu’il eut gagné la bataille de Trafimène, il
difoit avec le même artifice , aux prifonniers des
troupes auxiliaires de Rome, «qu’il n’étoit pas
venu en Italie pour faire la guerre aux Italiens,
mais pour combattre contre les Romains pour la
liberté de l ’ I t a l i e » .
Chriftierne, roi de Danemarck, fe préparant
pour la conquête de la Suède , où il avoit un
parti, publioit-qu’il n’avoit d’autre intention que
de protéger les Suédois contre les infultes que le
roi Charles V I I I , chaffé du trône, avoit deffein
de leuF faire avec une nouvelle armée qu’il affem-
bîoit, ainfi que Chriftierne en faifoit courir le
bruit,
Si le fouverain du pays que vous avez conquis
Ta voit auparavant chargé d’exceffives contributions,
s’il avoit dérogé à les privilèges, & altéré,
au préjudice des peuples, les coutumes & les
îoix , s’il avoit mis dans le gouvernement des
hommes intéreffés & cruels, ou fait quelque autre
chofe j dont le fouvenir peut irriter les nouveaux
fujets de votre prince, vos perfonnes affidées en
rappelleront la mémoire à leurs concitoyens, afin
que leur affection envers leur ancien maître »venant
par-là à fe refroidir , il foit plus aifé de gagner leur
amour en faveur de votre prince.
Cæfar ayant mis le fiège devant Athega , la gar-
nifon de la place , fous un léger foupçon , fit paffer
par le fil de l ’épée le plus grand nombre des
habitants. Les députés de Burfavola, qui étoient
entrés dans Athega, pour y conférer fur les me-
fures à prendre pour pouvoir réfifter à Cæfar,
furent témoins de ce maffacre. Après la prife de
cette place, Cæfar envoya ces députés dans leur
pay s , afin qu’en y racontant la cruauté exercée
par ceux du parti de Pompée, Burfavola n’eût
plus le defir de s’allier avec des troupes qui,
bien loin de foutenir les peuples , les écorchoit
cruellement.
'Pendant que Charles Ier, roi d’Angleterre , traitait
de la paix avec le parlement, le prince Frédéric,
neveu du r o i , furprit un corps confidérable
de parlementaires. Le parlement fit alors un mani-
fèfte , pour faire voir que l’a&ion qui venoit de fe
paffer était un effet de la mauvaifè foi-du roi , &
qu’on ne pouvoit plus fe fier à fa parole. Par-là les
parlementaires réuffirent à irriter de nouveau les
Ânglois , & particulièrement les habitants de
Londres, qui demandèrent qu’on rompit toutes
fortes de négociations de paix.
Marc-Antoine, en expolànt aux yeux du peuple
Romain le vêtement enfanglanté de Cæfar, forma
un puiffant parti contre Brutus & Caffius. Ce fpec-
tacle pitoyable fervit infiniment à augmenter,
dans l’efprit des Romains , la noirceur de l’ingratitude
& delà cruauté de deux hommes, qui, de
favoris de Cæfar, étoient devenus fes affaffins.
Edouard IV , roi d’Angleterre , fit la même
chofe en montrant en public le coeur de Henri
fon coufin, affaffiné par Gui Montlort, pour exciter
le peuple à la vengeance.
Ce fut de la même manière qu’Harold & Henri i
rois de Danemarck , fe firent un puiffant parti
contre le prince Magnus, en faifant voir au peuple
le vêtement tout teint de fang du malheureux
Canut que Magnus venoit de tuer en traître.
Ce n’eft pas affez de gagner l’affe&ion des-
peuples conquis , il faut encore leur ôter cette
crainte qui peut les empêcher d’entrer dans le
fervice de votre prince. Pour cela, les perfonnes
qui font dans votre parti, doivent leur exagérer
la fupériôrité de vos forces ; la néceffité où font
les ennemis d’accourir vers une autre frontière ;
l’impoffibilité où ils fe trouvent de continuer la
guerre faute de moyens ; enfin tout ce qui peut
lervir à faire voir la difficulté de pouvoir recou-,
vrer le pays que vous leur avez pris.
Tacarinus, pour animer les Africains contre
Tibère , leur repréfentoit que Rome , fe trouvant
embarraffée dans unq guerre contre d’autres nations,
retireroit peu-à-peu toutes fes troupes de l’Afrique.
Ayant ainfi gagné l’inclinatioiï des peuples conquis
, & banni leur crainte touchant les forces des
ennemis, engagez-les adroitement dans quelque
aftion qui choqu'e ouvertement leur fouverain précédent
, afin qu’une offenfe fi bien marquée leur
ôte tout efpoir de pardon : comme ce feroit, par
exemple, de former de touts les lieux de ce paya
quelques compagnies, à qui l’on donne des armes ,
le pain de munition, & une certaine folde pour
incommoder les fourrages & les conyois des ennemis
; de lever des régiments , dont les brevets
d’officiers fe donnent gratis aux enfants des mai-
fons les plus connus ; de faire rendre, par les con-
feils de ville' ou par les tribunaux, des décrets ou
déclarations en faveur de votre fouverain. Pour y
réuffir, mettez dans les judic,atures & dans les
charges municipales des perfonnes qui vous foient
dévouées, mais j’entrerai plus particulièrement dans
tout ce détail dans la fuite de cet ouvrage.
Le duc de Guife rapporte que,fuivant cette
maxime, il avoit porté les Napolitains à faire
paroître ouvertement que leur deffein étoit de
s’ériger en. république, & par conféquent de ne
vouloir plus être fous la domination de l’Efpagne.
Guftave Vafa n’approuvoit pas les extorfions
que fes troupes exerçoîent à l’égard des Danois qui
avoient été fyirpris dans un château fous }e règne
wk
c e Chriftiente II cependant il ne lès empêcha
pas, parce qu'elles rendorént q uVJttw . Auutc.it les ^D.aulécccaaruliieennss,, qquuii-
les exécutaient* irréconciliables- avec Chriftierne „
contre qui Guftave les avoit fait foulever.
Pour éviter que les ennemis n’infpirent aux
peuples conquis de l’averfion contre votre prince ,
fin tachant de lui faire un crime de quelqu’une de
fes aérions, vous la juftifierez en publiant les motifs
qui l y ont porté ; & fi le bruit que les ennemis
répandent n eft qu’une pure invention, de leur
part, faites connoître leur artifice.
Le duc d’A lb e , prévoyant que les ennemis
feroient paffer comme une grande cruauté des
Espagnols davoir, en 1572., donné Malines au
pillage, & que ce bruit répandu pourroit attirer
contre les troupes d’Efpagne la haine générale de
tout le pays » fit imprimer un manifefte, où il
allégua pour motifs du pillage de Malines, que
cette ville avoit levé des troupes pour s’oppofer
a lentree de la garnifon ; qu’elle avoit envoyé dé
J argent au prince d’Orange, & qu’elle avoit fait
tirer fon canon fur quelques Efpagnols, qui avoient
te tues. L intention du duc étoit de faire voir par
ton manifefte , que le châtiment de cette ville
avoit été jufte, & que le bruit que les ennemis
tepandoient n’étoit qu’un effet de leur artifice &
ce leur malice.
Eernand Cortès blâma beaucoup don Pierre
C Alvarado , un de fes capitaines , de ce qu’il
n avoit pas fait publier le motif pour lequel il
avoit furpris St fait paffer au fil de l'épée une
grofle troupe de Mexicains qui, fous prétexte de
jolemmier une fête de leurs idoles, s’étoient affem-
bles pour faire main-baffe fur les troupes d’Alva-
rado, ce qui fut caufeque les autres Indiens, n’étant
pas inftruits du crime de leurs camarades , fe per-
fuadèrent que les Efpagnols ne s’étoient portés à
cette efpèce de cruauté , que pour leur enlever
les bagues & les joyaux dont ils s’étoient parés
pour la célébrité de cette fête.
Chleneas, ambaffadeur des Etoliens, ayant parlé
y ix Lacédémoniens avec beaucoup d’éloquence &
de force contre le procédé de Philippe, roi de
Macedoine, Lycifque, ambaffadeur des Arcana-
mens, répondit à fes artificièuies raifons, & fuf-
pendit par fon difcours l’effet de l’impreffion que
vmleneas avoit commencé de faire fur les Lacédémoniens.
Titus mit le fiège devant Jérufalem , & plufieurs
Ces habitants vinrent fe rendre. Les rebelles qui
defendoient la place, femèrent le bruit que Titus
les avoit fait mourir ; ce qui arrêta la défertion
et derruifit la bonne opinion qu'ils avoient de la
clemence de Titus. Cet empereur ayant eu con-
noiffance de 1 artifice de ces rebelles, envoya chercher
les habitants déferteurs qui étoient dans un
heu voifin & les fit paffer tout au tour de la ville
& des-lors les habitants de Jérufalem continuèrent
Ce le venir rendre au camp des Romains.
Mrt militaire. Tome U ,
TTe la religion des pays conspues.
, Je prouverai, en traitant des révoltes, qu-’un pays
ou régnent différentes religions, ne fçauroit fouir
dune longue tranquillité ; que c’eft un grand avan-
tage pour un prince, lorfque la catholique eft Ix
religion de fes fujets; mais qu’il ne faut pas l’introduire
par la force, fur-tout pendant une guerre
qui tient vos troupes féparées fur différentes frontières
, & dans un temps où les princes ennemis
feraient difpofés à favorifer les peuples conquis»
qui, pour le foutien de leur religion, imploreraient
leurs iecours. Peut-être même que les autres princes
voiùns pourraient leur accorder leur proteftion ;
parce que, s’ils ont vu d’un oeil d’indifférence vos
conquêtes, tout au moins ils ne fouffriront pas
qu’elles fervent à inquiéter ceux de leur feéle. A infi,
jufqu’à ce qu’il fe préfente une de- ces occafions
favorables dont je parlerai dans la fuite, n'mnoveE
rien par rapport à la religion du pays, conquis,
de peur qu’un délai hors de faifon ne rende dans
la fuite ce changement de religion plus difficile ,
Ci ne porte les autres peuples de la même feâe à
vous réfifter avec plus d’opiniâtreté ; u car le lé-
giflateur, dit faint Thomas, doit fouffrir certains
maux pour ne pas fe priver de plus grands biens n.
rernand Cortès, ayant nouvellement conquis la
province de Tlafcala, vouloit mettre en pièces
es idoles de ces Indiens, & introduire par la farce
la véritable religion ; mais il fe rendit enfin aux
reprefentatfons du père Barthelemi d’Olmedo, qui
toi ht comprendre que l’évangile & la violence
ne s’accordoient pas enfemble ; qu’employer la
force, c etort détruire tes autels & biffer les idoles
dan» le coeur; que Tentreprife de réduire les
gentils demandait & plus de temps & plus, de
douceur ; que la bonne vo ;e pour leur- faire con-
noitre leur erreur n’étoit pas de rendre la vérité
odieufe par la violence ; qu’auparavant d’introduire
le vrai Dieu, il était néceffaire de bannir
le démon,& que pour cette guerre ii falloir d’autres
armes & une milice différente.
Louis X I I I , roi de France , ne fe trouvant pas
en 1025 , avec des forces fuffifantes pour prendi©
fur les huguenots la place de la Rochelle, leur
promit non-feulement de les mettre fous fa protection
, mais encore de faire payer leurs min litres
des deniers du tréfor royal ; ce ménagement de
Louis XIII Uu facilita, en 1628, la reddition de
cette place, & nous voyons aujourd’hui fes habU
tants catholiques.
Don Fruela, premier roi d’Efpagne, ayant défendu
aux pretres le mariage, que l’impie Vitira
leur avoir anciennement permis , une grande partie
du clergé Efpagnol fe fouleva. Rome ayant
ete confultee là-deffus, fa réponfe fut, qu'avec
raifon le mariage devoit être prohibé aux prêtres •
mais qu’il falloit alors le tolérer par rapport, aux
fuites terribles que cette prohibition pourrait
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