
:eUe conferve auffi le’ fouvenir des petites taches
qu’elle a remarquées en eux. Ce n’eff pas la- noire
envie qui dirige alors fon bilan , mais le deiir
d’inftruire les fiècles futurs , 8t de corriger les
hommes par de grands exemples.
g. X X .
De la politejjè.
[ & nofent fe défendre. 11 fe rappellera fans ceffé
que la hauteur i de Paufanias le Lacédémonien fit
1 perdre à Sparte l’empire de la mer; que l’orgueil
de Perdicca lui caufa la mort ; & que le célèbre
connétable de Montaiorenci reconnut dans le camp
d’A-vignon combien i l . lui importoit de quitter lê
ton froid &. févère qu’il avoit affe&é jufqu’alors.
Q u’il-fe fo il vienne auffi qu’on parle encore avec
: mépris de la fierté de Lautreç , de l’orgueil du
duc d’Epernon & de la vanité du duc d’Albe. Q ue
les hauteurs de Bannier avec Guébrïant auroient
j été funefteé à la Suède & à la France, fi ce dernier
Perforine ne doute -que la politeffe , la derniere
des vertus dont il nous refte à parler , ne prodtnfe
les effets les plus heureux dans le monde , «c lur-
tout à la cour des rois ; mais les généraux n ont
pas toujours paru allez convaincus quil împortoit
à leur bonheur & à leur -gloire de montrer fous
la-tente cette qualité précieuie: On ne peut trop
fouvent remettre fous les yeux du commandant
en chef d’une armée , que le premier & le plus
sûr garant des fuccès eft l’amour de fes troupes,
& que l’eftime de fes compatriotes eit la recoin-
-pente la plus douce qu’il puiffe obtenir. Qui peut
mieux lui concilier ces fentimems’ que la poh-tefle,
l’affabilité , un -caraflère doux , une humeur égale
&- des manières obligeantes ? Les peuples lont
plus fouvent réduits & enchaînés par cet exterieiir
d’honnêteté & de douceur, que par les qualités
les. plus éminentes & les vertus les plus ellen-
tielles. Touts les hommes célèbres qui ont change
la face des empires , & qui ont produit les^ révolutions
lés plus grandes &. les plus fubites étoient
■ bien perluadés de la puiffance de ces qualités „
.& ils en ont fait l’expérience la plus heureuie.
Le général qui a befoin , -comme ces hommes audacieux,
de gagner touts les efprits, de captiver
touts les coeurs , d’enchaîner toutes -les volontés ,
ne négligera donc aucun des moyens qu ils ont
employés ; il obligera même fes principaux fpboi>
donnés , & tout ce qui l’entoure , a imiter les
exemples ; il fe fouviendra que des dehors flatteurs
’embelliffent la' vertu & les -talents, & quils es
-font pardonner , parce quib -les^ rendent . plus
aimables. Qu’il n’imagine pas paraître plus eleve
en rabaiffant ce qui l’environne , ou briller dun
éclat plus vif en obfcurciffant ce qui 1 entoure. Qu d
ne craicme pas que fon affabilité diminue le refpeû
dû à fa°place j que la politeffe dont feront accompagnés
les ordres qu’il donnera, en rendront 1 exécution
moins prompte ou moins 1ère . s il diflingue
les hommes par-leurs talents plutôt que par leur
naifiance par leurs vertus plutôt que par leurs
richeffes, rien de.ee qu’il fera n e iera perdu ni
-pour l’état ni pour fa propre gloire. Il évitera donc
avec un foin extrême la hauteur dans le ton, la
fierté dans les manières & la dureté dans le dil-
cours; il ne fe permettra jamais avec les lubor-
donnés la raillerie la plus innocente ; les traits
même les plus légers font des bleffures P e n d e s ;
puand ils tombent de très-haut, & ;il n y a pas.
.^e générofité à accabler des hommes qui ne peuvent
eût eu moins de grandeur d’ame & de mo-
dération.
S’il eût été néceffaire d’ajouter à ces exemples.J
nous aurions parlé fie la politeffe de Henri II ;
;• duc de Montmorenci, de l’affabilité de Turenne,
! de Vendôme & de Luxembourg ; mais dans le
■ ; fiècle fie l’urbanité , . & chez les François ,
! qui portent la douceur & . i ’amenité au plus haut
! degré, il eft inutile d’infifter plus longtemps fur
' les avantages de ces qualités , qu’on regarde avec
j raifon comme un .vernis fait pour donner du luftre
aux vertus, du prix aux qualités heur eu fes , Si., un
voile heureux aux vices les plus difformes.
. Lorfque le ciel , favorable à un empire lui
accordera pour commander fes armées un général
qui réunira les connoiffances ,' les qualités Scies
•vertus dont les hommes célèbres de touts les âges
nous ont fourni les modèles, fa patrie entaffera 3
fans doute , fur la tête de ce héros, les diverfes
couronnes que les différents fiècles ont décernées
aux généraux qui les ont illuftres. Apres qu il
[aura porté le feeptre des guer rierson fera revivre
: pour lui des dignités éteintes-, ou bien on en créera
de plus brillantes encore. Appellé auprès de fon
prince, devenu l’ami de fon coeur , 1 arbitre de
fes confeils , le difpenfateur de fes grâces , il arrar
cheraaux courtifans des louangesfincères ; le peuple
fe précipitera en foule dans les temples, & les
■ fera retentir fies voeux les plus ardents, i etre fur
prême, s’écriera-t-il , béniffez le mortel v.ertueux
à qui nous devons la douce.paix dont nous j.ouifr
fions, & dont le nom fieul affure notre tranquijité ;
prolongez fies jours aux dépens des nôtres , qu’il
a fi généreusement défendus ; prenez fur nos plaifirs
pour ajouter aux liens ; ces facrifices ne coûteront
rien à nos coeurs 1 Ce peuple enchanté volera
au-devant de fes pas ; la marche du héros fera
! annoncée par de. grandes acclamations.; Jes çhe-
] jmin.s fieront jonchés de fleurs ; le laboureur abandonnera
fia charrue. ; touts les citoyens voudront
vpir un héros vivant ; touts. feront; joyeux de
l’âyoir vu ; &. réunis., ils exprimeront leurs plaifirs
pàr de vives chanfons &c des danfes animées. Au
fei^de la capitale, fiâns un lieu; des pins fréquentés ,
on découvrira là ftatue de ce général adoré; les
provincè$~fes plus éloignées, voudront auffi que
leurs principales villes loient embellies par fon
image-; & tandis .que l'homme riche :lui 'confa.çrera
dans
dans fes jardins un temple de verdure , le fimple
citoyen placera fon bufte au milieu de fes foyers ;
on voudra du moins qu’une gravure fidelle lui rappelle
les traits de ce grand homme ; les canons
& les drapeaux qu’il aura enlevés aux ennemis
annonceront fa demeure ; les lieux témoins de fes
viéloires feront ornés de fuperbes arcs de triomphe ,
& de hautes pyramides chargées des inferiptions
les plus glorieufes.
Les puiffances alliées^ dont il aura fauve la
gloire & défendu les poffeflions , viendront avec
empreflement lui témoigner leur vive reconnoif-
fance, en lui offrant les préfents les plus magnifiques
, accompagnés des decrets les plus honorables
; les ennemis dont il aura triomphé lui rendront
aulfi des hommages flatteurs. Si le defir de
s’inftruire le conduit jamais au milieu d’eux , s’il fe
montre dans une place publique, fi fon nom eft
proféré , touts les y e u x , quoique fixés vers un
objet de la première importance , fe tourneront
vers lui ; des applaudiffements répétés fe feront
entendre ; touts les citoyens voudront le voir ;
touts oubliant les humiliations qu’il leur a fait
éprouver, lui rendront des honneurs auffi grands
que nouveaux, & lui adrefferont de fincères remerciements
pour la générofité dont il a ufé avec
eux , & les malheurs qu’il leur a épargnés , en fai-
fant régner dans fon armée la difeipline & le bon
ordre.
Les enfants d’Apollon voudront lui élever des
monuments plus durables encore ; l’un chantera
fes hauts faits ; l’autre , armé du burin, s’occupera
à les tranfmettre à la poftérité. Au théâtre
de la nation, il recevra des applaudiffements &
des couronnes. Favoris des mufes, vous pourriez
néanmoins vous difpenler de prendre foin de fa
g lo i r e ; fes vertus , fes grandes aâions pafferont
irîans votre fecours aux fiècles à venir. Le vieillard
en cheveux blancs en racontera l’hiftoire à fa famille
attentive, & fes defeendants les plus éloignés
la rediront à leurs enfants ; fon nom remplacera
dans les hymnes guerrières le nom imaginaire de
Roland. Nos foldats l’invoqueront avant le combat;
ils l’invoqueront encore dans le fort de la mêlée ,
& ils le chanteront au fein de la viétoire.
^Cependant , au milieu de fon triomphe , un
cr) ^ ^ugufire fe fait entendre ; les jours du
héros font menacés on fè reffouvient que fa gloire
feule eft immortelle ; une morne trifteffe empreinte
fur touts les vifages annonce bientôt que le grand
homme n’eft plus. Alors les ennemis de l’état ,
dont^ on avoit bravé les forces , commencent à
paroître redoutables ; on ne fe croit en fureté
ni dans le fein des villes les plus fartes , ni dans
les provinces les plus éloignées du foyer de
la guerre ; le laboureur ne 'croit plus recueillir
fes grains qu’il a femés ; dans les villes, le peuple
fe raffemble ; chacun demande en pleurant des détails
fur la mort du héros ; quand on en eft inftruit,
fes pleurs redoublent encore, car on aimoit à dou-
Art militaire. Tome 11,
ter de fa perte ; les courtifans , à l’exea^ele du
prince , regardent fa mort comme une gTafcd’è défaite.
Les ennemis de ,l’é tat, eux à qui il a fait
tant de m a l, que fon nom feul faifoit trembler ,
mêlent leurs larmes à celles de la nation qu’il ren-
doit vi&orieufe. Que fera cette nation ? Elle ne
peut rien pour la gloire de fon héros ; mais elle
peut laiffer au monde des témoignages éclatants
de fa reconnoiffance : elle voudra qu’on porte
l’effigie de fon défenfeur à fes funérailles ; touts
les citoyens y affifteront en habit de deuil. Pour
la première fois le farouche foldat verfera des
pleCfrs ; il ne voudra plus quitter les marques de
trifteffe dont il fe fera revêtu, & tandis que les
chefs de l’armée fe difputeront les armes de ce
héros, les hommes les plus éloquents célébreront
fa mémoire ; les temples & les lycées retentiront
de fes éloges ; les artiftes réunis lui éléveront
un f u p e r b e maufolée ; on y dépofera fa dépouille
mortelle ; fes cendres confondues avec celles des
rois , y partageront éternellement les regrets &
les hommages de l’univers, &: ce monument fera
l’autel où les guerriers partant pour les combats
iront confacrer leurs armes à la viâoire. ( C. ).
G É N É R A L E . Batterie de caiffe qui fert de
lignai à toutes les troupes dont un corps eft cora-
pofé pour fe tenir prêtes à marcher. Voyeç Ba t -;
t e r ie .
G É N I E . Science des ingénieurs , ou fcionce
de la fortification , de l’attaque , & de la défenfe
des places. Ce mot fignifie auffi le corps des ingénieurs
, ou des officiers chargés de la fortification ,
de l’attaque & de la défenfe des places.
C ’eft à M. le maréchal de Vauban que l’on doit
l’établilTement du .génie ou du corps des ingénieurs,
« Avant cet établiflement, rien n’étoit plus rare
en France, dit cet illuftre maréchal, que les gens
de cette profeffion. Le peu qu’il y en avoit fub-
fiftoit fi peu de temps, qu’il étoit plus rare encore
d’en voir qui fe fuffent trouvés à cinq ou fix fiéges.
Ce petit nombre d’ingénieurs, obligé d’être toujours
fur les travaux, étoit fi expofé , que prefque
touts fe trouvoient ordinairement hors d’état de
fervir dès le commencement ou au milieu du fiége ,
ce qui les empêchoit d’en voir la fin, & de s’y
rendre fçavants. Cet inconvénient, joint à plusieurs
autres défauts dans lefquels on tomboit ,
ne çontribuoit pas peu à la longueur des fiéges ,
& autres pertes confidérablès qu’on y faifoit ».
(.Attaque des places par M. le maréchal de Vauban.)
Un général qui faifoit un fiége avant l’établif-
fement des corps des ingénieurs , choififfoit parmi
les officiers d’infanterie ceux qui avoient acquis
quelque expérience dans l’attaque des places pour
en conduire les travaux ; mais il a r r i v a i t rarement,
comme le marque M. de Vauban, qu’on en trouvât
d’affez habiles pour répondre entièrement aux
vues du général, & le décharger du foin & de
la direélion de ces travaux. Henri IV avoit eu
cependant pour ingénieur Errard de Bsrleduc â