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de même des bayes , des buiffons , Sic. Quant j
à la forme des ouvrages , on fe conduit d’après
les principes établis dans la fuppofition précédente
; on doit employer ici les redoutes fermées,
parce que les redoutes ouvertes ne font bonnes,
que lorfque leur gorge eft fermée par une mon-«
tagne , une rivière , &c. autour des ouvrages
qu’on a élevés 8c difpofés ^ ainfi que nous l’avons
dit dans la fuppofition précédente, on forme un
abatis des plus fourrés.
Un marais, au milieu duquel pafle un chemin ,
forme encore une efpèce de défilé. Le marais peut
être impratiquable ou ne l’être point : il peut être
allez large pour que l’ennemi ne puiffe pas incommoder
l’ouvrage , ou il peut ne pas le mettre à
l’abri du canon ennemi ; avant d’agir , comme fi
le marais étoit impratiquable , vous prendrez la
précaution de le fonder vous-mêmes dans toutes
lés parties , 8c , fi vous reconnoiffez qu’il eft
réellement impoffible de le traverfer, vous pourrez
vous borner à couvrir vos flancs par un parapet
léger ou un éventail. ( Voye^ Ma r a is . ). Vous
conftruirez vis-à-vis le débouché du défilé un fort
parapet, auquel vous donnerez la forme la plus
propre à multiplier votre feu. En avant de ce
parapet vous creuferez autant de foffés que vous
le pourrez, 8c vous prodiguerez les moyens d’aug-
nventer la force d’un ouvrage. Voye[ le paragraphe
I I I de l’article O u v r a g e en t e r r e .
Quand le marais fera pratiquable en quelques
endroits, on conftruira, vis-à-vis les avenues,
un parapet femblable à celui dont nous venons
de nous occuper ; dans touts les cas on prendra
la précaution d’augmenter, autant qu’on le pourra,
le volume des eaux. ( Voyeç I n o n d a t io n s . ) .
Quand on gardera pendant l’hiver, Ôc dans un
pays froid, un défilé formé par un marais, on
conftruira fes ouvrages comme fi l’on étoit affuré
que l’ennemi pourra, à la faveur d’une forte
gelée , arriver aifément au pied des retrache-
ments.
Quand le marais fera peu large, mais impraticable
; on fe mettra à l’abri du canon ennemi,
en élevant un bon parapet.
Un chemin qui cotoye une rivière, peut encore
être confidéré comme un défilé. Si la rivière
eft guéable, vous employez, pour défendre le
côté que vos ouvrages doivent prêter a la rivière ,
les moyens dont nous parlerons dans l’article
G u é ; fi l’ennemi peut pafler dans des bateaux ,
on lui oppofe ceux dont nous avons parlé dans
l’article D éba rqu em ent ; fi l’ennemi peut vous
incommoder avec fon canon, vous élevez un
épaulement ; fi c’eft uniquement avec de la mouf-
queterie qu’il peut vous forcer à abandonner vos
ouvrages , vous conftruirez un éventail ou un léger
parapet. Quand à la forme 8c à l’emplacement
des ouvrages, on fe conduira relativement à ces
objets, ainfi que nous l’avons dit dans la première
fuppofition que nous avons faite.
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Si le défilé eft formé d’un coté par un marais,
de l’autre par un bois ou une montagne, on
emploie, pour défendre chaque côté, les différents
moyens que nous avons indiqués dans nos
différentes fuppofitions.
Nous nous occuperons dans l’article V il l a g e
de la manière de mettre en état de défenfe un
défilé formé par un village.
Un chemin qui traverfe une vafte plaine,
peut être confidéré comme un défilé, toutes les
fois qu’il eft très avantageux à l’ennemi de le
fuivre ; dans ce cas où rien ne favorife le dé-
fenfeur du défilé, ce n’eft qu’à force d’art qu’il
peut fauver fon honneur 6c fa gloire. S’il n’a
que. le temps 8c les bras néceflaires pour conf-
truite une redoute , 6c les foldats qu’il faut pour
la garder 8c la défendre, il tracera au milieu du
chemin,une redoute à crémalière à côtés brifés
ou à faillants : s’il a le temps 6c les moyens
néceflaires pour conftruire , garder 6c défendre
deux redoutes, il tracera à droite 6c à gauche du
chemin, environ à quarante-cinq toifes de fon milieu
6c fur la même ligne, une redoute à côtés
brifés ou à faillants ; il liera ces deux ouvrages par
un parapet, un abatis ou un fimple foffé : s’il peut
conftruire 6c garder trois redoutes, il en élevera
une à crémalière dans le milieu du chemin, 6c
deux à côtés brifés ou à faillants fur les flancs
8c à quatre-vingt-dix toifes de celui-ci.
L’officier qui eft chargé de défendre la fortie-
d’un défilé, ne peut pas, comme celui qui eft
chargé d’en défendre l’entrée, élever fes ouvrages
dans l’endroit qui lui convient le mieux; il eft forcé
de les placer très proche de la fortie du défilé qu’il
veut garder, pour empêcher l’ennemi de déboucher
dans une plaine, en paflant par une
gorge étroite de l’entrée de laquelle il eft maître ;
on conftruira en dehors du défilé, vis-à-vis de fon
milieu ôc hors de la portée du moufquet, une
redoute à crémalière ou à faillants : cette redoute
ainfi placée, battra, avec fon artillerie , les
troupes qui voudront déboucher ; ôc avec fa mouf-
queterie, celles qui fe formeront dans la plaine.
On tâchera d’embarraffer le défilé avec des abatis ,
6c de le couper par de larges foffés. Si on a beaucoup
de temps 6c de grands moyens ; on conftruira
en avant ôc fur chaque côté de la redoute
à crémalière ou à faillants un autre ouvrage de
même genre , q u i, par fon feu , puiffe empêcher
l’ennemi de fe former dans la plaine , ôc de venir
attaquer la redoute du milieu. On liera, autant
qu’on le pourra, ces trois redoutes par des lignes,
des foffés ou des abatis.
Les principes fur la manière de garder, de défendre
Sc d’attaquer un défilé, font femblables à
ceux que nous avons donnés pour garder, défendre
ou attaquer les ouvrages en terre. (Poyeç
ce mot.).
Nous n’avons point parlé ici des précautions
que l’on doit prendre quand on a foi-même à
travèrfer
D -É G
ïraVerfet un défilé qui ne paroît point gardé par
l’ennemi : nous nous en occuperons dans l’article
M arche ; nous ferons connoître encore dans l’article
Stra ta g èm e quel eft le moyen d’engager
l’ennemi à abandonner un défilé qu’il garde.
L’ordonnance , pour régler l’exercice des
troupes , indique plufieurs manoeuvres pour le
paffage des défilés ; ces manoeuvres nous paroiffent
remplir parfaitement leur objet. ( G. ).
D É G U I S E M E N T . Tout officier qui n’eft
point dans un exaft uniforme eft cenfé ^être dé- j
guifé : les ordonnances veulent que, pour cette j
faute, il foit puni pour la première fois par '
quinze jours de prifon, 6c qù’en cas de récidive |
il foit privé du premier fémeftre qu’il devroit
avoir. ,
• Cette loi eft infiniment fage ; ce n’eft jamais
qu’aux dépens de fa fortune que l’officier fait des
changements à fon uniforme ; ce n’eft jamais
qu’aux dépens de fes moeurs , qu’il fe permet de
fe dégüifer'quand la nuit eft arrivée.
Les bas-officiers 6c les foldats qui fe travef-
tiffent ou qui', fous quelque prétexte que ce foit,
quittent les marques de leur uniforme , font punis
par trois mois de prifon. ( C. ).
DÉFILEMENT. (Fortif.Mé t hode pourpré-
ferver un ouvrage de l’enfilade.
D É F I L E R . Marcher fur un front de peu de
files. Une troupe, quelconque défile par un e ,
d eu x, trois, quatre files, ôcc. Une compagnie
défile par demi-feélion, feâion , efcouade ; un bataillon
, par demi-feélion, feéfion, compagnies, &c. '
Une troupe quelconque défile par l’aile , par
le centre , ôcc.
Il en eft de même de l’efcadron.
Un régiment eft cenfé défiler lorfqhil marche
par fon flanc ou rompt par divifions, dont le front
•eft peu étendu.
Les détachements qui montent la garde vont
ordinairement défiler fur la place d’armes, devant
le lieutenant de roi ou le commandant de; la
place. 'Elles défiloient autrefois à rangs ouverts ;
aujourd’hui elles doivent défiler à rangs ferrés. Si
c’eft pour infpeâer les gardes qu’on les oblige à
défiler , il eft utile qu’elles défilent à rangs ouverts.
Un régiment qui vient de palier une revue de
commiffaire défile devant lui ; il eft cenfé que le
commiffaire a appelé chaque foldat, 6c qu’il les a I
comptés : à quoi fert donc cette dernière cérémonie
? .
A la fin des grands exercices, les troupes défilent
devant l’infpecteùr'ou l’officier général, pour qui
elles ont pris les armes. Si l’officier devant qui un
régiment défile faififfoit ce moment pour dire
. quelques mots flatteurs au capitaine dont la compagnie
auroit le mieux manoeuvré, défiler feroit
une manoeuvre infiniment utile. Les chefs de corps
.'fe fervent .de la manoeuvre dont nous parlons pour
témoigner aux dames leur refpect ou leur attachement.
La galanterie françoife ne perd jamais
Art militaire* Tome I I ‘
D È G
fes droits. Défilons devant les.dames dont le rang
& les vertus méritent nos hommages, baillons nos
drapeaux devant elles; mais gardons-nous de prodiguer
cet honneur, il ne flatteroit plus celles qui
le méritent ; fur-tout ne faifons point faire a nos.
troupes des exercices bizarres 6c uniquement de
parade, ils dégoûtent le foldat, 6c lui infpirent
des idées frivoles, qui ne peuvent s’allier avec le
bien du fervice. ( C. ).
D É G Â T . Deftruéfion des biens.
Il eft inconteftable que le cruel état de guerre
permet d’enlever à l’ennemi fes biens , fes poffef-
fions , fes domaines , de les endommager, de les
ravager , ôc même de les détruire ; parce que, fui-
vant la remarque de Cicéron, il n’eft point du
tout contraire à la nature de dépouiller de fon bien
une perfonne à qui l’on peut ôter la vie avec
juftice : Neque ejl contra naturatii fpoliare eum Jl
pojfis , quem honeflum efl necare. ( De ojfic. Lib. 111. .
cap. vj. ). ( Mais il eft contre la nature éclairée de
le faire fans néceflité. ).
Les dégâts que la guerre occafionne font un mal
néceffaire , dont le peuple eft la vi&ime. Un fou-
verain qui ‘fait une guerre injufte , eft refponfable
à Dieu de touts les dégâts que fouffrent fes fujets ôc
fes ennemis ; 6c c’eft bien ici le cas de dire , Qiùd-
quid délirant reges , pleShintur Achïvi. Puiffent ap- 9
prendre les rois ce que vaut le fan g des hommes!
Le fameux connétable Bertrand du Guefclin re-
commandoit en mourant aux vieux capitaines qui
l’avoient fuivi pendant quarante ans, de fe fou venir
toujours, qu’en quelque lieu qu’ils fiffent la
guerre, les femmes, les enfans, 8c le pauvre
peuple n’étoient point leurs ennemis. M. de Tir-
renne, digne imitateur de ce grand homme , gémif*
foit comme lui de ces maux* inévitables que la
guerre traîne après foi , 8c que la néceflité oblige
de diifimuler, de fouffrir , & de faire.
Mais le droit des gens, véritablement t e l , 8c
mettant à part les autres règles de nos devoirs ,
n’excepte-t-il pas du dégât les chofes facrées, c’eft-
à-dire les chofes confacrées ou au vrai Dieu , ou
aux fauffes divinités , dont les hommes font l’objet
de leur, culte ? Il eft d’abord certain que les1 nations
ont eu des coutumes différentes 6c oppoféès fur ce
fujet ; les unes fe font permis le dégât des chofes
facrées , 8c les autres l’ont envifagé comme une
profanation criminelle. Il faut donc recourir aux
principes de la nature 6c du droit des gens, pour
décider du droit réel que donne la guerre à cet
égard; 6c cependant les avis fe trouvent encore
ici partagés.
Les uns font convaincus que la confécration des
chofes au fervice de Dieu , leur donne la qualité
de faintes 6c de facrées , comme un cara&ère intrinsèque
8c ineffaçable dont perfonne ne. peut les
dépouiller ; que ces chofes par une telle deftinà-
tion changent, pour ainfi dire, de maîtres, n’appartiennent
plus aux hommes en propriété, ôc font