
volontairement ce général, le princePerfeles en
récompensa, en ne les Soumettant jamais à l’autorité
d un Satrape. Il les laiffa Sous le gouvernement
de leurs rois , mais il en.exigea un tribut, 6c un Service
militaire.
La Carie étoit alors divifee en deux partis. L’un
& l’autre offrit Ses villes au Perfe, afin d’augmenter
Ses forces 6c d’affoiblir le parti contraire. Adule
reçut également leurs députés , recommanda le
Secret, les lia par un Serment, & dans la même
nuit toutes leurs fortereffes reçurent Sa cavalerie.
Le lendemain il établit Son camp au centre du
p a y s , 8t manda leurs députés, qui, en Se voyant,
reconnurent leur méprifè. Il exhorta les deux factions
a vivre en paix, à cultiver leurs champs , 6c à
s unir par des mariages, s’ils, nê vouloient avoir
pour ennemis Cyrus 6c les PerSes.
En même temps HyftaSpes Soumettoit laPhrygie,
voifine de l’Hellefpont, & les Grecs voifins deda
mer s’obligeoient à un tribut, ainfi qu’au Service
militaire, à condition qu’ils ne recevroient dans ;
leurs murs aucun barbare.
Cyrus ayant laifle dans Sardes une garniSon nombreuse
, quitta Sa ville , 6c crut que pour éviter les
déferions & les troubles, il étoit plus sûr d’emmener
Craefus. Il partit, Suivi de plufieurs charriots
richement chargés , 6c d’un affez-grand nombre de
Lydiens, qu’il trou voit les plus diSpofés à le Servir,
& les plus Soigneux d'avoir de bons chevaux , de
beaux chars 6c de belles armes. Ceux qui paroif-
foient le Suivre avec peine étoient armés de
frondes par Son ordre, 6c leurs chevaux donnés à
Ses PerSes. L’uSage de la fronde étoit regardé comme
Servile. Jointe aux autres armes, elle'étoit d’une
grande utilité ; employée Seule , d’une grande foi-
bleffe. Ainfi, en punilSant les mécontents , il les
forçait a lui être utiles, & les mettoit hors d’état
de lui nuire. Il traita de même touts Tes peuples
qu’il Soumit, 6c porta Sa cavalerie PerSe juSqu’à
quarante mille hommes. Après avoir Subjugué la
grande Phrygie, la Cappadoce & les Arabes , il
arut devant Babylone avec une cavalerie nom-
reuSe, une multitude de gens de trait, 6c un
nombre immenSe de frondeurs.
Après avoir déployé Son armée Sur un grand
front, il en fit la reconnoiffance avec quelques-
uns des Siens & de Ses alliés. Un transfuge vint lui
dire que les Babyloniens le voyant formé Sur un
ordre fi mince 6c fi foible , Se préparaient à l’attaquer
dans Sa retraite. Alors Cyrus Se plaçant au :
centre de Ses troupes doubla la phalange, ën lui
faiSant faire une contre-marche Sur l’arrière par
Ses ailes, dë Sorte que les deux flancs vinrent
Se réunir vis-à^-vis de lui. Comme dans Sa première
diSpofition les peSamment armés formoient les
premiers rangs , il y en eut dans ce doublement
une moitié qui formèrent les derniers. Ainfi, tandis
qu’il s’exécutoit, le centre de la phalange faifoit
face à l’ennemi ayec plus d’affurance , parce qu’il
yçyQÏt doubler lç$ rangs, Les d?ux ailes qui jnarchoient
à couvert du centre exécutoient tranquille-
ment leur manoeuvre. Quand elle fut achevée,
les plus braves foldats Se trouvèrent à la tête ôt
a 1 arrière ; les médiocres aux rangs du milieu j
difpofition propre pour le combat oc pour empêcher
la fuite. A mefure que le front devenoit
moindre , la cavalerie 6c les gens de trait qui
étoient fur les ailes ferraient vers le centre. Dans
cet ordre, 6c faifant toujours face à la v ille , ils
marchèrent en arrière. Lorfqu’ils furent hors de
la portée du trait, ils firent demi tour à gauche,
marchèrent au petit pas, lé remirent faifant face
aux rem'parts par le même mouvement ; 6c ,
plus ils s’éloignoient , moins ils répétoient ce
changement de pofition. Lorfqu’ils fe virent en
fureté , ils marchèrent à leur camp.
Figure 166.
A . Place de Cyms au centre.
BB. Flancs de la phalange qui viennent par la
contre- marche fe réunir au centre devant
Cyrus.
C C . Gens de trait, & D D , cavalerie qui ferrent
fur le centre à mefure que la phalange
leur cède la place.
EE. Terrein que viennent de quitter les gens
de trait 6c la cavalerie.
Soit que Cyrus crût pouvoir prendre Babylone
par famine, ou en impofer aux aflïégés par l’apparence
d’un blocus , il entoura cette ville d’une
ligne de circonvallation, fit élever fur les bord#
de l’Euphrate des tours à bafe de palmier, longue
' d’un plethre ou environ cent pieds. Il en fit construire
auffi plufieurs fur fe ligne, afin d’avoir un
grand nombre de gardes. Les aflïégés pourvus de
vivres pour plus de vingt ans , rioient de fon
projet. Le prince Perfe ayant fait douze divifions
de fon armée, afin que chacune fervît pendant
un mois , les Babyloniens rirent encore plus ,
parce qu’ils ne doutoient pas que les Phrygiens.,
Lyciens , Arabes 6c Cappadociens ne leur iuflent
plus attachés qu’ils ne l’étoient aux Perfes.
Cyrus informé que dans la célébration d’uiie
de leurs fêtes, ils dévoient fe livrer toute la nuit
I à la joie 6c à l’ivrefïe des feftins, employa , dès
que le jour difparut, un grand nombre de travailleurs
à couper les intervalles laiffés entre la
rivière & les extrémités du foffé de fa ligne. Il
lui avoit fait donner allez de profondeur pour
que les eaux y entraffent à une grande élévation.
Les digues étant coupées , elles s’y jettèrent, &
l’Euphrate fut guéable. Alors le général exhorta
fes troupes, en leur difant qu’elles alloient trouver
dans la foibleffe de la débauche ces mêmes Ba*
byloniens qui n’avoient pu leur réfifter avec toutes
leurs forces, Pour les raffurer contre la crainte d’être
expofés aux traits lancés des • maifons , il leur
recpmmanda de mettre en ce cas le feu aux portes
qui étoient de bois de palmier enduit de bitume :
il avoit fait préparer un grand nombre de flambeaux
6c beaucoup de poix 6c d’étoupes. Gada-
tas & Gobrias connoiffoient le chemin. Ils con-
duifirent l’armée par le lit du fleuve, droit au
palais, égorgèrent la garde , ôtèrent la vie au roi
lui-même. Quelques Babyloniens furent tués dans
les rues, les autres fuyoient en jettant de grands
cris. Cyrus fit annoncer par des cavaliers qui parv
ien t Syriaque , que touts ceux qui fortiroient
de leurs maiîbns feraient mis à mort. Au jou r,
les troupes de la citadelle apprenant que la ville
étoit prife , 6c le roi fans vie , la rendirent. Cyrus
ordonna que touts les habitants livraffent leurs
armes , fous peine de mort. Il fit donner aux
mages les prémices du butin , avec partie des
maifons & des terres , diftribua les autres aux liens,
les principales à ceux qui s’étoient le plus distingués
, ordonna aux habitants de cultiver les
campagnes, de payer le tribut, d’obéir aux chefs
qu’il établiffoit fur eux. Après ces premières dif-
pofitions, il exerça dans Babylone l’autorité royale
de la manière la plus propre à éviter l’envie 6c
s’attirer la vénération des peuples d’Afîyrie , de
L y d ie , 6c des autres contrées qu’il avoit rendues
tributaires. (Andu M. 3466, av. J. C. 538.).
La mort de Cyaxare , arrivée peu de temps
après, joignit à fies états l’empire des Perfes. Alors
il put mettre fous les armes fix cents mille hommes
d’infanterie ., deux cents mille de cavalerie, deux
mille charriots armés de faulx. ï E t , comme l’ambition
travaille fans ceffe à reculer fes limites ,
la mer rouge & l’Ethiopie devinrent au midi celles
de fion empire. Ce fut alors qu’il brifa les chaînes
portées par les Juifs pendant foixante & dix ans.
Il leur permit de retourner en Judée 6c d’y rétablir
leur temple 6c leurs villes.
^Quelques auteurs lui ont attribué une expédition^
contre les Maffagetès. Ils difent que T o -
mÿris, reine de ce peuple barbare , défit fion
armée , qu’il périt dans le combat , 6c que la
te in e , pour venger la mort de fon fils Sparga-
p ife , fit plonger la tête de Cyrus dans une outre
pleine de fang humain , en difant ,- rajfajîe-toi du
f ang dont la fo i f t’a dévoré. D ’autres ont écrit
qu’il fut pris dans cette bataille, & que Tomyris
le fit mettre en croix. On a auffi raconté qu’il
fut bielle d’ün coup de flèche à la cuifle dans
un combat contre les Derbicans , peuple d’H yrcanie
, & qu’il en mourut trois jours après. La
différence de ces traditions , & de quelques autres
encore , en prouve l’incertitude.
Son fils Cambyfe fit la guerre à Pfamménitus,
loi d’Egypte , 6c s’empara de fes états. Les C y-
priots 6c les Phéniciens lui fournirent des vaiflëaux :
l’Jonie 6c l’Eolie des troupes, Phanès d’Halycar-
nafle, un fecours plus puiffant encore ; ce lurent
d’excellents confeils'. Il fit connoître au roi de
Perfe la nature du pays ou ce prince vouloit porter
la guerre, les forces de l’ennemi , 6c la néceffité
de faire alliance avec les Arabes, qui pouvoient
feuls lui ouvrir l’entrée de l’E gyp te, ce qu’ils firent
en effet en envoyant à fon paliage un grand nombre
de chameaux chargés d’outres remplies d’eau. Ce
fu t , dit-on, dans cette guerre que Cambyfe affié-
geant Pelule, place importante, St craignant d’être
arrêté longtemps devant cette ville , une des plus
fortes de l’Egypte, employa un ftratagême ex-»
traordinaire. La garnifon n’étant compofée que
d:’Egyptiens , il fe fit contre eux un rempart de
'leur religion^Des chats, des chiens, des brebis,
animaux facrés , qu’ils ne pouvoient bleffer fans
crime , furent mis à la tête des affiégeants. Les
Egyptiens n’ofant pas lancer un feul trait, abandonnèrent
leur ville aux Perfes conduits par ces
dieux bifarres ; mais il femble que ce récit foit
inventé en dérifion de la religion Egyptienne. Un
fait qui paraît plus certain , c’eft que parmi les
offements trouvés longtemps après au lieu .ou
Pfamménitus fut vaincu, on diftinguoit facilement
les crânes des Egyptiens. Ceux-ci étoient fi forts
qu’on avoit peine à les brifer : ceux des Perfes ,
! au contraire , cédoient à l’effort le plus léger. La
caufe de cette différence étoit que les Egyptiens
avoient la tête rafée dans leur enfance , &c ne
la couvroient pas même au foleil , au lieu que
les Perfes portoient des bonnets & des thiares.
Voila comme une vie dure fortifie le corps, 6c
comme le trop de foin l’affoiblit.
La conquête de l’Egypte effraya les Lybiens ,
les Cyrénéens & les Barcéens. Ils envoyèrent
offrir au vainqueur des préfients 6c un tribut. Cambyfe
les ayant acceptés , fe propofa d’affiijettir
l’Ethiopie. 11 envoya au roi de cette contrée quel-
; ques Icthyophages d’Elephantine , petite île voi-
fiine de Syene , chargés de lui offrir des préfents
& fon alliance. L’Ethiopien répondit aux ambaf-
fadeurs : « Le roi de Perfe ne .m’envoie pas ces
préfents parce qu’il defire mon alliance , & vous
ne dites pas la vérité , vous qui venez en effet
pour reconnoître mes forces. Quant à lui , c’eft
un homme injufte. S’il ne l’é toit, il n’ambitionne-
roit pas d’autre pays que le fiien ; il ne réduirait
pas en fervitude des hommes dont il n’a reçu
aucune offenfe. En lui donnant cet arc , dites-lui,
le roi d’Ethiopie çenfeille à celui de Perfe d’attaquer
les Ethiopiens avec une armée nombreufe ,
lorfque les Perfes pourront fe fervir auffi facilement
qu eux d’auffi grands arcs, & de rendre grâce aux
dieux qui ri’inïpirent pas aux peuples d’Ethiopie
le defir de pofleder un autre pays que le leur ».
A cette réponfe Cambyfe , femblable à un tigre
qui obéit a l’accès de la fureur animale, part fans
précautions , fans vivres, s'avance à Thèbes dans
la haute Egypte , envoyé contre les Ammoniens
pour ravager leurs terres , détruire le temple Ôc
1 oracle de leur Jupiter ; cinquante mille hommes
avant d’arriver, périrent dans les fables. Son armée
fe voit réduite à manger les bêtes de fomme ,
fans qpe la fureur du conquérant fie rallentiffe. Les
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