
la Puebla , qui fe réduifoient touts à faire enforte
que les miquelets ne ceffaffent pas de nous inquiéter
, tantôt dans un endroit, & un moment apres
dans l’autre; & .l’on éprouva alors que Je commandant
des troupes , qui n’étoit pas' accoutumé à
cette manière de faire la guerre, haraffoit inutile-
mentfon détachement, &. le ruinoiten peu de jours.
Quelques bons & fidèles que foient vos efpions,
ne vous fiez pas tant fur leurs avis que fur votre
prévoyance, contre ce que les ennemis oferoient
entreprendre ; car, outre que les efpions peuvent
le tromper, & de ne pas comprendre le deffein
des ennemis, un accident peut les empêcher de
venir vous porter une nouvelle à temps, &. fur
cette efpérance vous auriez tort de ne pas vous
tenir fur vos gardes.,
Cette réflexion , que Xenophon me fournit, fè
trouve autorifée par l’exemple de la première fur-
prife que le comte de Staremberg, dans la der-,
nière guerre contre les deux couronnes, tenta fur
Tôrtoie ; carie gouverneur de cette place avoit,
peu de temps auparavant, ôté les piquets, qui, la
-nuit , renforçpient les gardes, fur l’avis que fon
efpion venoit de lui donner , que les troupes des
ennemis, qui s’étoient réunies dans le camp de
Tarragonne , s’étoient féparées ; & quoique le fait
fût v r a i, il n’en comprit pas le motif ; parce que
ce ftratagême du comte de Staremberg, que le
marquis de Bay avoit auffi mis en ufage* avant la
furprifc d’Alcantara, n’étoit qu’afin que la garnifon
fût moins fur les gardes ; dont les partis avancés
& les patrouilles de cavalerie fe tranquilisèrent
fi fort fur cet avis, que dormant paifiblement
dans leurs poftes.de la campagne , la plupart furent
furpris, fans pouvoir tirer un coup : & perfonne
ne fonna l’allarme, que lorfque les fentinelles
virent les échelles appliquées aux murailles. (Mém.
tnilit. de Santa-Crut. ).
E SPLANADE , Voye^ G laçis,
On donne auffi lé nom d'efplanade au terrein
qui eft entre le rempart & les maifons d’une place
de guerre. On le donne au terrein vuide laifïe
entre une ville & fon château ou fa citadelle ,
afin quon ne puiffe pas approcher de celle-ci a
couvert. G.<? terrein fert en temps de paix aux
affemhlées des gardçs , & aux exercices de la
garnifon. - *
E S P O N T O N . Efpèce de demi-pique; c’eft
l’arme principale des officiers d’infanterie, ou plutôt
une marque diftinàive. L ’efponton a fept pieds
& demi ou huit pieds de longueur ; le bois en,
eft foible, le fer petit & mal trempé ; c’eft un
bâton de commandement plutôt qu’une arme. On
pourroit le faire meilleur , mais ce feroit^en pure
perte. La pique ou la demi-pique ne peut-être d’un
ufage avantageux que pour' une troupe .; entre les
mains d’un hommefeul, quelque forte quellefoit9
c’eft une mauvaife arme ; un fimplç bâton feroit
préférable. # }
Qn a fouvent varié dans le choix de l’arme
convenable aux officiers d’infanterie. Tantôt le
fufil 8c la baïonnette leur ont été donnés pour
leur fureté dans certaines circonftances , & tantôt
Ve (p o n to n , afin qu’ils ne fuffent pas tentés de tirer
fur l’ennemi, au lieu de veiller fur leur troupe ,
& de la maintenir en ordre. Ce dernier point étant
le plus effentiel, il me femble que l’ëfponton eft
l ’arme qu’il faut préférer pour eux ; on pourroit
en même-temps leur permettre de porter un peu
de poudre 8c quelques balles. Dans une déroute,
ils trouveroient aifément un fufil fur le champ de
bataille.
ESPRINGALE. Efpèce de fronde. Il né faut pas
la confondre avec l’elpingale ou efpingardine , qui ■
étoit une arme à feu.~
E S P R I T D E C O R P S . Manière de penfer
commune à touts les individus dont un corps eft
compofé.
Chaque nation ayant fes intérêts particuliers ,
v iv a it fous des loix 8c des climats différents ,
doit avoir , & a en effet, un efprit particulier ,
qu’on appelle national.
Chacune des grandes claffes dont une nation
eft"compofée, ayant des coutumes 8c des moeurs
différentes, doit avoir auffi un efprit différent ;
cet efprit eft connu fous le nom d’ej^rif^militâire',
à’efprit du clergé, de la magiftrature, 8cc. Quoique
Y e fp r it d e chaque claffe diffère de Y efprit des autres,
ils ont cependant entre eux une analogie allez
marquée ; on y reconnoît fenfiblement les grandes
teintes de Yefprit national.
La claffe générale étant divifée en plufieurs parties
, comme la magiftrature en parlement 8c en
jurifdiéfions inférieures, les gens d’églife en haut
8c bas clergé , l’état militaire en infanterie , cavalerie
, &c. chacune de ces divïfions a un efprit
particulier, compofé de Yefprit propre à la claffe
8c de Yefprit propre à la nation. Cet efprit peut être
appellé efprit général de corps.
Chaque partie des grandes'divïfions eft-elle fub-
divifée , chaque fubdivifion a-t-elle des coutumes
qui lui foient propres, chacune a néceffairement
un efprit différent, & c’eft ce qu’on appelle pomv
l’état militaire , efprit de régiment, ou proprement
efprit de corps. Ün militaire François eft donc mû
par Yefprit national, par Yefprit militaire , par
Yefprit de corps général & particulier. Si ces quatre
efprits, que l’on doit regarder comme des forces
phyfiques, ne "font pas d’accord, ils fe détruifent
mutuellement, 8c laiffent l’individu fur lequel ils
opèrent dans un parfait repos. S i, au contraire,
ils le pouffent dans" la même dire&ion , il avance
avec une grande rapidité.
Nous n’avons fuppofé que quatre efprits différents
, il en exifte cependant encore beaucoup
d’autres : tels font Yefprit de bataillon ou d’efca-
dron , Yefprit de compagnie , dé peloton, d’ef-
couade ou de brigade. Touts ces efprits exiftent
& ils font fournis à la même loi que ceux dont
nqu? ayons parlé. Le grand art du légiffateur
militaire confifte donc à faire que les differents
efprits foient parfaitement analogues, 8c qu ils ne fe
contrarient jamais.. Ce principe pourroit aider a
juger les nouveautés qu’on fe propolera d introduire
dans l’état militaire. -
Mais reftreignons-no.us à parler ici de Yefprit de
corps; en faifant connoître les effets; nous prouverons
fon utilité ; il ne nous reftera enfuite qu a •
indiquer les moyens d’entretenir cet efprit, ou de
le faire renaître.
Demandez à un ancien lieutenant-colonel, a un
vieux chef de bataillon , pourquoi beaucoup de
jeunes officiers fe déshonorent par leur inconduite;
pourquoi ils fe ruinent en folles dépenfes ; pourquoi
ils fervent fans zèle : ils 'fams répondront unanimement
que l’affoibliffement dé efprit de corps eft la
caufe de ces maux. S i , ne pouvant comprendre
comment l ’affbibliflement de Yefprit de corps nuit
aux moeurs, éteint le zèle 8c entraîne vers l’inconduite
, vous les interrogez encore ; ces militaires
refpeâables vous répondront : quand nous
fommes entrés au fervice , chacun de nous regar-
doit fon régiment comme fa famille , fes camarades
comme fes frères ; chacun de nousjaloux de l’honneur
du corps, eherchoit à prévenir par de fages
confeils, les fautes dans lefquelles les jeunes gens
tombent trop fouvent ; quand nous ne pouvions
prévenir les fautes , nous remédions aux fuites
funeftes qu’elles pouvoient avoir ; nous furveillions
en Mentors zélés ceux de nos jeunes camarades
que des paffions fougueufes maîtraifoient ; nous
puniffions en pères ceux qu’elles àveugloient ; nous
encouragions le zèle de celui - c i , nous retenions
celui d’un autre ; nous remplacions celui qui man-
quoit de force , nous inftruifions celui qui *man-
quoit de lumières. Aujourd’hui tout a changé de
face : un jeune homme arrive , il eft délaiffé ,
abandonné à lui - même ; s’il fait des étourderies ,
on en rit ; s’il fait des fottifes , on le blâme en
fecret, mais on ne l’éclaire point ; trop heureux
quand on ne le pouffe pas dans le précipice , fur
lé*bord duquel il eft arrivé ; en un m o t , chacun
s’ifole, 8c voyant avec indifférence tout ce qui
peut porter atteinte à fa tranquillité ou à fon honneur
individuel, attend avec impatience le moment
où il pourra abandonner un corps dans lequel
il trouve toutes lès charges des affociations fans jouir
des plaifirs qu’elles procurent. Si la guerre fe rallume
jamais , pourroient-ils ajouter , c’eft alors qu’on
verra combien l’extinéfion de Yefprit de corps entraîne
de maux. Quelle force peut avoir une
troupe d’hommes raffemblés qui ne font point
animés par un efprit général, qui font fans harmonie
entre eux ; & Yefprit de corps peut être confidéré
avec juftice comme ün lien qui unit enfemble les
différents membres , & qui de toutes les volontés
n’en fait qu’une feule ; cet efprit eft pour les corps
ce que l’amour-propre eft pour les individus ; fans
amour-propre on ne fait guères de grandes chofes ;
fans Yefprit de corps les régiments font fans énergie,
Art militaire. Tome 11.
O u i, je ne héfite pas à le dire , s’il exiftoit un
peuple qui , entouré d’ennemis puiffants , neut
cependant pas , ou comme les Grecs, un violent
amour pour la liberté, ou comme les Romains,
celui de la patrie , ou comme les Turcs dans leurs
beaux ficelés, 8c les François pendant les croifades ,
un fanatiime religieux, ou , comme les François
modernes, l’enthoufiafme de l’honneur, ce peuple
feroit bientôt la proie de fes voifins , à moins que
Yefprit de corps ne vînt à fon fecours. Cet efprit
peut en effet remplacer , jufqu’à un certain point ,
le patriotifme , l’amour de la liberté, 8c la fuperf-
tition elle-même ; il peut ajouter une force nouvelle
à celle qu’ont déjà les refforts puiffants que
nous venons de nommer. Si'jamais il s’élève un
autre Montefquieu , fi ce génie ^éminent, planant
au-deffus des états modernes, entreprend de tracer
les caufes de leur grandeur 8c de leur decadence ,
il trouvera , j’ofe le croire, que Yefprit de corps a
eu une très grande influence fur les fuccès Sc les
défaites. Parmi les remarques qu’il fera fur cet
efprit, on trouvera peut-être celui-ci : Yefprit de
corps a cela de fingulier , qu’il devient plus fort
8c plus a&if â- mefure qu’il defeend vers les claffes
les plus nombreufes ; il-dira peut-être encore :
les militaires n’ont déclamé contre Yefprit de corps ,
que parce qu’ils ne l’ont pas connu ; ils ne fe font
élevés contre lui que parce qu’ils l’ont confondu
avec l’efprit de feétè’ & de parti ; rien cependant
ne diffère davantage que ces deux efprits ; ils
s’excluent même l’un l’autre : par-tout où il n’y
aura pas d’efprit de corps , on verra l’efprit de cot-
terie faire des ravages ; par-tout où Yefprit de
corps régnera, on verra l’efprit de parti difparoître.
On a dit encore que Yefprit de corps pouvoitfavo-
rifer l’efprit d’indépendance ou de révolte. Quelle
erreur ! Me fera-t-il poffible d’avoir l’intention
de m’élever contre mon chef & de porter atteinte
à l’honneur d’un corps duquel j’attendrai ma con-
fidération 8c mon bonheur. L’efprit de corps pourroit
, j’en conviens; effayer de planter des bornes
autour d’une autorité fubalterne qui voudroit
arriver jusqu’au defpotifme , mais jamais il n’a lutté
contre l’aulorité fuprême , quelque loin qu’elle ait
étendu fes droits. C ’eft une juftice qu’on doit lui
rendre. Si on avoit pu lui imputer des intentions
femblables, le maréchal de Saxe fe feroit-il occupé
des moyens de l’entretenir & de le-faire renaître ?
Nous même, la pureté de nos intentions nous
autorife p eu t-ê tre ‘ à nous citer, aurions-nous
ofé entreprendre fon apologie ? Que peut-on, en
effet , craindre de Yefprit de çorps? Que dit-il?
qu’infpire-t-il à ceux qui en font les plus pénétrés ?
Il leur dit : l’armée dans laquelle vous fervez eft la
plus utile ; le régiment dans lequel vous êtes inf-
crit eft le plus beau ; le bataillon dont vous faites
partie eft le mieux compofé ; la compagnie dans
laquelle vous êtes compris eft la plus inftruite ; les
officiers de votre corps font les plus valeureux ,
les plus honnêtes, 8cc. Pour conferver à votre