
munitions raffemblées dans les places , furent données
aux principaux officiers François, pour être
vendues à leur profit ; la nobleffe Italienne fut maltraitée
; les grâces furent accordées aux baffeffes
de 1 intrigue : touts les emplois, & même les biens
de quelques particuliers, furent donnés à des François.
A la violation du droit civil & politique des
habitants on joignit celle du droit naturel : ils furent
infultés, humiliés. Le penchant qu’ils avoient
pour la domination françoife , fit place à la ruine
la plus profonde : ils le .liguèrent contre elle.
Charles , forcé de quitter l’Italie, n’y laiffa que peu
de troupes commandées par des hommes incapables
de réparer le mal. Naples confpira. MonV
penfier en fortit imprudemment, & cette ville lui
ferma fes portes pour les ouvrir bientôt à Ferdinand.
Les François renfermés dans les châteaux, &
regrettant les vivres abandonnés par la foiblefl'e
du roi à l’avidité de fes flatteurs, fe trouvèrent
heureux d’échapper à leurs ennemis. Les fautes fe
fuccederent, & la conquête fut abandonnée.
Louis X I I , ayant conquis le Milanois , confirma
les libertés & privilèges du peuple , lui remit une
partie des impôts & des redevances , rendit d’anciens
droits a la nobleffe. Une feule faute détruifit
l ’effet de cette conduite : Louis voulut flatter fes
nouveaux fujets, en leur donnant pour gouverneur
un de leurs concitoyens. Le deffein fut fage & le
choix mal. fait. Trivülce, méprifé des grands fei-
gneurs qui fe trouvoient humiliés d’être à fes
ordres, altier, impérieux, violent, opiniâtre, révolta
touts les efprits. La jaloufie italienne irritée
par la licence françoife , fomenta ces femences de
foulèvement. Les troupes du roi étoient difper-
fees , fes généraux divifés entre eux ,1a plus grande
partie des places occupées par les François furent
promptement reprifes, & la conquête ne fut con-
fervée que parce que les ennemis de Louis firent
auffi de grandes fautes. L’hiftoire offre fans ceffe
de pareils exemples : elle enfeigne par-tout cette
vérité eternelle , que le vice détruit & que la
vertu conferve.
CONSEIL. On connoît en France quatre ef-
pèces de confeils militaires : trois font nommés
confeils de guerre, & le quatrième eft appellé
confeil d’adminiffration.
On donne le nom de confeil de guerre à un
tribunal affemblé pour juger des crimes & des
délits dont les gens de guerre font accufés.
On appelle confeil de guerre une affemblée
compofée de pliifieu'rs militaires qui fe font réunis
par l’ordre du roi, ou par celui du commandant
en chef d’une armée, pour délibérer fur quelque
entreprife militaire.
Les écrivains militaires & quelques adminiftra-*
teurs ont donné le nom de confeil de guerre à un
tribunal qu’ils ont defiré qu’on érigeât à Verfailles :
ils voudroient qu’avant de prendre les ordres du
roi , ce confeil eût examiné les objets militaires
ious toutes leurs faces, & qu’il fût chargé de conferver
& de faire obferver dans toute leur intégrité
les ordonnances que fa majefté auroit promulguées.
Le confeil d’adminiftration établi de nos jours
dans chaque régiment de l’armée françoife, e.ft
chargé de l’adminiftration des finances de chaque
corps.
Occupons-nous quelques inftants & dans l’ordre
que nous venons de fuivre , de ces quatre efpèces
de confeils militaires.
Pour ne pas expofer nos lecteurs à confondre
les différents confeils : Quand nous parlerons du
premier ,, nous nous fervirons des mots tribunal
militaire ; le fécond fera appellé cour martiale ; le
troifième confeil fuprême, &. le quatrième confeil
d’ adminif ration.
§• i Ir.
Des confeils de guerre que nous avons appelles
tribunaux militaires.
S’il eût été poffible aux légiflateurs de prévoir
touts les crimes que les hommes peuvent commettre
, & toutes les ,circonfiances faites pour
rendre les délits plus ou moins graves, on auroit
pu confier le foin de rendre la juftice à touts les
citoyens : mais comme le génie de l’homme pervers
doit néceffairement avoir plus de fécondité r
que celui des légiflateurs ne peut avoir de pénétration
; la juftice criminelle eft entourée de plu-,
fieurs écueils, qu’on ne peut éviter qu’avec l’aide
d’une longue étude des loix, & d’une connoiffance
approfondie du coeur humain.
Nos fouverains perfuadés de ces vérités, veulent
que ceux.de leurs fujets qui afpirent à l’augufte
fonéfion de rendre la juftice, fe livrent à l’etude
des lo ix , pendant un; longtemps ; qu’ils prennent
des licences ; qu’ils donnent de grandes preuves
. de* leur afliduité au travail , & de l’étendue de
leurs connoiffances ; qu’ils fréquentent en filence ,
pendant quelques années les temples de la juftice ;
qu’ils s’y nourriffent des exemples & des difcours
des magiftrats vieillis dans ce redoutable emploi ,
qu’il ne leur foit permis * enfin , de prendre la balance
qu’après avoir atteint un âge mûr.
Pourquoi après avoir modifié des ordres/ auffi
%fages, les légiflateurs militaires ne les ont-ils pas
adoptés? Pourquoi l’homme de guerre prononce-
t-il en fortant du collège fur l’honneur & la vie de
fes femblables , tandis que l’homme de robe n’a
voix délibérative qu’à v ingt-cinq ans? Celui-ci
a étudié les loix pendant dix ans , celui - là n’a
peut-être jamais^ entr’ouvert le code criminel :
l’un eft. obligé de fuivre le barreau , l’autre n’ufe
jamais de la permiffion qu’il a d’affifter aux co/z-
feils de guerre ; le premier ne juge qu’après avoir
fubi des examens ; le fécond juge parce qu’il
eft commandé à tour de rôle ; le magiftrat rend
chaque jour des arrêts, le militaire ne juge que
de loin en loin ; il faut au moins dix juges pour
décider de la vie d’un citoyen , fept décident
de celle d’un foldat. "La vie de celui - ci eft-elle
donc moins précieufe que la vie de celui - la ?
Et l’honneur des militaires eft-il moins facre que
celui du refte de la nation ? Pourquoi le tairions-
nous'? C ’eft en avouant fes torts , & fur-tout en
cherchant à les réparer, qu’on en efface le fou-
venir. Convenons-en donc, la plupart des militaires
prononcent fur le fort des foldats accufés ;
d ’après la leélure rapide d’une information faite a
la hâte; d’après une procédure aux formes de laquelle
ils ne comprennent rien ; d’après une ordonnance
qu’on leur cite ou qu’on leur montre,
fans qu’ils fçachent s’il n’exifte pas une loi pofte-
rieure, qui annulle ou interprête celle qu’ils ont
fous les yeux. Les objets fur lefquels les militaires
ont à prononcer, fon t, il eft v ra i, moins contentieux
que ceux dont les magiftrats ordinaires
•décident ; les ordonnances font moins nombreufes
que les loix ; elles font naturellement plus claires,
& n’ont pas été obfcurcies par des commentateurs ;
mais parce que les juges militaires ont-moins de
difficultés à vaincre que les juges civils , doivent-
ils négliger les moyens d’arriver à leur b u t , &
femblables au lièvre de la fable , fe laiffer devancer
par là tortue ?
Etonnés par toutes ces contradiétions , nous nous
propofons de chercher, les moyens de les faire
difparoître.
A mefure que nous rapporterons les différents
articles des ordonnances relatives aux confeils de
guerre, nous nous permettrons d’offrir quelques
doutes fur la manière de les perfectionner. En fui-
vant cet ordre1; nous préfenterons à l’officier qui
devra affifter à un confeil de guerre les règles de
la conduite qu’il doit tenir , & à l’homme de génie
qui entreprendra quelque jour de travailler à cette
partie"de notre légiflation criminelle , des maté-
■ riaux dont il pourra tirer quelque utilité ; notre
travail lui indiquera, au moins , quelles font les
parties de cet .édifice qui demandent d’être entièrement
refaites , & celles qui ont feulement befoin
d’être retouchées.
Pourquoi faire des changements à la forme de
nos conjeils de guerre , dira - t -o n peut-être? Les
jugements que prononcent les militaires, ne font-
ils pas diétés par l’équité? Pourquoi chercher le
mieux ? Il eft trop fouvent l’ennemi du bien. Sans
doute cela arrive quelquefois. Mais qui nous dira,
que nous avons atteint ce bien ? Qui nous affurera
que nos yeux ne font pas fafcinés par la pareffe
d’efprit, maladie bien plus opiniâtre & plus dange-
reufe.que la pareffe du corps. Si l’amour du mieux
nous égare une fois, il nous ramène fouvent dans
le chemin du vrai. Si unè inquiétude trop vive
eft condamnable, une fécurité trop grande l’eft
bien davantage.
de la folidité , & des formes agréables i un édifice
qu’il eft de notre intérêt & de notre gloire de
rendre auffi fûr.que commode.
Nota. Touts les alinéa de cette feCtion qui commencent
Méfions-nous de ces architectes qui veulent tout
détruire pour avoir la gloire de tout réédifier; mais I
pourquoi repouffer ceux qui nous montrent que I
fans frais & fans peines, nous pouvons donner &
& font terminés par des guillemets, font
extraits des ordonnances militaires.
Nous aurions donné en commençant ce paragraphe
un état des crimes , des délits & des fautes
dont la punition exige le concours d’un confeil
de guerre , fi notre code criminel militaire n’eût
pas été fur le point d’éprouver des changements
confidérables. Comme ces changements attendus
par les militaires , avec une vive impatience *
feront, fans doute , connus avant que nous foyons
arrivés au bout de la carrière que^ nous avons à
parcourir , nous renvoyons cet état ^a l’article
p u n it io n ; faifant connoître alors en meme-temps
les délits & les peines , nous donnerons une idée
jufte de notre jurifprudence criminelle militaire.
Occupons - nous donc uniquement ici de 1 affem-
blée , de la tenue du confeil de guerre , & de quelques
changements dont l’humanité, la raifon & la
juftice font également fentir la néceffite.
« Toutes lès fois qu’un officier de quelque grade
qu’il foit , a commis une faute grave , il doit etre
jugé par un confeil de guerre , mais il ne peut y
être mis fans un ordre exprès de fa majefte. Le
commandant de la place peut cependant, dans les
cas qui requièrent de la célérité, faire entendre
des témoins pour eonftater la vérité des faits , &
il doit enfuite rendre compte de fes informations
au commandant de la province, & au fecretaire
d’état ayant le département de la guerre. >>
Les ordonnances militaires relatives aux délits
& aux peines , ne devroient-elles pas déterminer
la compofition des confeils de guerre pour les
officiers de chaque grade ? Fixer quelle feroit la
manière dont ces confeïls devroient procéder ?
Prévoir touts les crimes & toutes les fautes dans
lesquelles un officier peut tomber, & faire con-
noître là peine qu’on devroit infliger à chacune ?
Si les ordonnances avoient prononcé fur touts ces
! objets , les accufés ne pourroient jamais dire qu’ils
ont été condamnés par des comtnijfaires & non par
des juges. La peine qu’ils fubiroient, pourroit leur
paroître dure;.mais ils ne s’en prendroient qu’à la
loi. Peut - être même y auroit-il moins de coupables
; chaque officier feroit certain de ne pouvoir
échapper à un confeil de guerre; au lieu qu’ils
efpèrent aujourd’hui en éviter les coups , en fe
couvrant du crédit & des follicitations de leurs
familles.
« Lorfqu’un foldat d’une garnifon ou il y a un
état-major , y commet un crime pour lequel il
doit être jugé par un confeil de guerre , l’officier
qui commande la compagnie dont eft l’accufé , &.
à fon défaut ou à fon refus, le major’ du régiment
rend fa plainte au commandant de la place pour
obtenir qu’il en foit informé. » (Voyeç P l a in t e .).
u Quand un régiment eft en garnifon daji? une
H ij