, 1,74 D t S
-convenus avec ceux reftés dans, la ville , qu’à un
certain lignai la garnifonferoit une fortie , & qu’eux
, attaqueroient dans le icamp ceux qui fer oient .à leur
portée. Heureufement pour les, Romains lec'omplot '
. tut découvert j & Cæfar fit décimer -ôc .mettré i à ;
mort ces Soldats, r
Dans la dernière guerre entre les Anglois & les
Américains, le général Lée furprit le polie de
Paiilus-Hook fur la rivière de Newyork , par le
-moyen de douze foldats qui.s’annoncèrent déferteurs
dés troupes américaines , & que la fentinelle
jaiffa paffer ' & approcher du polie.
11 feroit inutile de citer un plus grand nombre
d’exemples , pour prouver combien il ëft effentiel,
en accueillant les déferteurs étrangers , de ne jamais
s’y fier , & de ne s’en fervir qu’après ayoir pris
les précautions, les plus fages.
■ En temps de paix on croit qu’il ne faudroit jamais
laifl'er feryir. les défèrteurs dans' les troupes nationales
, & qu’il ne faudroit les mettre dans les
troupes étrangères qu’après s\être alluré que ce
ne font pi des embauçheurs, ni de mauvais lujets,
dans la crainte qu’ils ne répandiffent l’efprit df
(défertion dans les corps où on les mettroit.
En temps de guerre il feroit prudent d’envoyer
d’abord les déferteurs fur les derrières de l’armée ,
ou dans les villes de guerre, afin de les connoître
avant de les faire palier dans les corps de volontaires
ou de troupes étrangères. Qn po.urroit auffi
tirçr parti des déferteurs, eu les employant dans
des corps de pionniers &drouvriers, qu’on lèVeroit
pour le temps de la guerre.., & qui feroient occupés,
qu à remuer la terre pour la fortification
des camps & des polies, ou à charrier des fardeaux
pour les différents fer-viçe& de l’armée . foit
au parc , foit aux vivres , .foit aux fourages , ou
£ moudre du bled , du riz.■ pour la nourriture des
troupes ; qu à charrier, du bois pour des fafcànes
le chauffage , ou enfin à tout eë qui exige?l’adreffe
&. la force des hommes , dè manière à pouvoir
les employer, en les ifolant. les uns des autres.
Qu’on veuille réfléchir fur-tout'que le dèferteur
étranger eft plus- expofé qu’un autre à la.maladie
de la défertion , d’aùtant qu’ayant quitté fa patrie
il doit fouvent être tenté de déferter une fécondé
fpis pour y- retourner.
. DÉSERTION ; A filon par laquelle un .foldat
abandonne la troupe dans laquelle il ell enrôlé.
Si dès l’origine des fo ci étés les hommes furent
obligés de fe lier aux loix par des peines , -8c. à
leurs devoirs fociaüx par des contrats ; fi l’hiftoire
ne celle de nous tracer les tableaux de l’inconftançe,
de la légérçté des hpmmes& de leur penchant ir-
réfiftible à n’aimer qu’eux , qui femble quelques
fois s’accorder fi maLayec les égards mutuels &
néceflaires dans toutes les affociations. politiques ;
on ne doit plus être étonné que la défertion ait été
connue dès l’inftant qu’ort leva des armées 8c qu’on J
lps tint longtemps en campagne pour faire la guerre 1
fiveç plus de fpccès. Cette maladie .qui tient au l
D É S
| cara&ère de l’homme dut être d’autant plus forte
■ qiiç l’on détient plus longtemps les citoyens lôus les
; armes , d’autant plus, commune qu’elle, gagna telle
’ ou telle nation , dans telle ou telle circonftance ,
fous tel où ttel climat, tels dû tels chefs, & je
parcours touts l^s états de l’antiquité 8c des temps
modernes, je veux connoître leurs loix fur la milice,
J ouvre les faites des peuples gouvernés par le
defpotifme, ainfi que ceux des républicains y & je
trouve par-tout des peines portées contre les déserteurs.
La défertion n’eft dont pas une maladie
epidemique , elle eft une épidémie qui avoit gagné
avant nous chez tous îles peuples, connus , & qui
ruine encore actuellement la milice des différentes
puiffançes belligérantes du monde ; autant donc il
leroit inutile de vquloir s’obftiner à la détruire,
autant il feroit effentiel de s’appliquer à la diminuer.
. S’il étoit permis de fouiller dans les regiftres
du bureau-de la guerre ; fi on po.uvoit y examiner
les tableaux effrayants de la défertion ; on y verroit
peut-être pourquoi/,on a perdu tant de .foldats
chaque mois. a chaque année, fous tel ou tel mi-
niftre, d’après telle ou telle ordonnance , fous tel
ou tel infpefteur', tel ou tel colonel, dans tel ou
tel régiment* S’il étoit facile de fuivre avec une
fcrupuleufe exaflitude les différentes ramifications
de c-e grand tout; fi on pouvoit examiner quelles
font les provinces de France qui fourni-ffent le plus1
de déferteurs ; quelles .font les villes de garnifoi*
defquelles il déferte conftamment le plus de foldats ÿ
quelles en ont été les caufes , &c. Aidé de ces
j obfervations , ou parviendront peut-être aifément
: à trouver les moyens de diminuer les trop fré*?
quents effets de cette-épidémie ; mais effrayé de
la grandeur du mal, o n . cherche à fe le cacher en
le çaçhant aux.autres ; o.n s’étourdit, on va même
julqu’à fe flatter, & on lui laiffe- faire des progrès
qui, quoique,lents, deviennent touts les jours plus
I grands.
Ofons cependant examiner i° . les caufes qui
ont rendu le mal avant nous , & qui rendent bien
plus actuellement la défertion fréquente, 8c quelques
fois prefque néçeflair.e. Nous chercherons enfuite ,
2°. les moyens de diminuer les mauvais effets.de
ces mêmes caufes , ou de détruire plufieurs de
ces caufes elles-mêmes.
jpes caufes qui ont dû rendre avant nous , & qui
rendent ençoje actuellement la défertion plus fré
queute|
-Les premières guerres ne durent pas être longues 1
; &; parmi des peuples encore barbares les querelles
durent fe terminer fouvent dans un feul combat :
mais l’art militaire fe perfectionna, il y eut plus
de reffourçe dans la défenfe , plus de timidité dan$
la viéloire ; les campagnes fe multiplièrent , les
. guerres furent prolongées , 8c il fut néceffake dans
: chaque état de deftiner un certain nombre d’hpmmes
à fa fureté çhçix pç fuf
D É S
sas difficile, on convint qu’au mqment .de la guerre
chaque citoyen , depuis tel âge jufqu’a tel autre ,
lèrviroit fa patrie : dans les commencements il
y eut fans doute très peu d’infrafleurs contre des
loix auffi fages ; mais bientôt linegajUe,
cheffes, celles des conditions,. les tes difle-,
rentes profeffions qui s’établirent fu cc effîv entent,
dans les fociétés 9, durent rendre ,peniblè 1 obl^ga.-
tion du fervice militaire , occafionner la défection,
& néceffiter à cet égard des loix févères 8c fages.
Ces loix furent fans doute obfervées aveç.exac-
titude pendant l’efpace, de temps, où à la fini de,
chaque campagne on ,eut,foin de lie entier lesLoi- j
dats &c de les rendre à leurs .familles. ,Mais, bientôt,
l’ambition de^ chefs retint les. armees raffembiees ,
fouvent elles étoient trop éloignées, dans certaines
occafions , .il étoit néceffaire d entrer en campagne
de bonne heure ; quelques, fois, apres avoir kaftu
l ’ennemi, il falloitle pourfuivre , & il,étoit effentiel
de profiter de la victoire ; enfin les droits des
peuples & les libertés nationales fe perdirent in-
fenfiblement ; chaque état prit des maîtres , ôc les
citoyens: devinrent leurs efclaves : .dès-lors, les
armées relièrent prefque toujours fur pied ; de&-
lors pour les completter on devint moins difficile
fur le choix des recrues., les gens riches ne voulurent
plus fervir -, & la pqlitique fut forcée de
reftraindre à une, portion mercenaire du peuple
l ’honneur de défendre la caufe commune, & même
de chercher chez les étrangers des foldats qu’on ne
trouvoit pas chez foi en allez grand nombre ; avec
des caufes auffi deftruélives de la liberté, le foldat,
plus expofé à être dégoûté d’un état quil avoit
pris fans le connoître, & dont les peines excédoient
fouvent fes forces , n’étant retenu ni par l’honneur
ni par l’amour pour la patrie, lut encore plus enclin
à l’indifcipline & à la défertion.
Dans l’Afie , dans l’Afrique, on punit de mort
ceux qui défertoient, on notoit d’infamie, ceux qui
avoient abandonné leurs armes dans la mêlée ; chez
les R.,omains ceux qui quittoient iimplement leurs
enfeignes, étoient punis à coups de verges, attachés
à un poteau, & vendus enfuite unfefterce;
ceux qui défertoient chez l’ennemi payoient ce
crime de la vie,
Caufes de la défertion che^ les modernes.
Dans le nouveau fiftème politique de l’Europe
on vit s’introduire , avec rapidité dans la milice ,
des abus dangereux qui occafionnèrent & entretinrent
la défertion on affure cependant que le
foldat Ruffe déferte très rarement ; mais on doit
fans doute cette efpèce de phénomène à fa patience
dans les revers } à fa dqcilité , à fon apathie,
.& à fon .attachement pour fa religion, qui n’eft
pratiquée ouvertement qu’en Runie. Les autres
peuples font un peu différents.
En Pruffe , où une grande partie des régiments
eft compofée de près d’un tiers d’étrangers, fou,-
DÉS 175
yent déjà déferteurs, il n’eft pas étonnant qu’on
foit expofé à perdre des foldats. par la défertion;
auffi y a-t-on pris, contre cette maladie , & pour
la prévenir, des moyens fi multipliés, quil eft allez .
difficile à un foldat.d’y déferter. Quant aux foldats
nationaux ils doivent être peu testes de lé faire ,
parce qu’ils ne font retenus fous les armes que trois
ou quatre' mois chaque année, & que le relie du
temps il font rendus à leur famille, ou a leur,
ville ou village.
11 en eft à-peu-près de même en Autriche,'
rigidité & vigilance exceffive pour s’oppofer à la
défection des foldats étrangers , & chez cette , puif-
fancè , dont, les états font fi divifés & fi éloignés
dp chef lieu de l’empereur, prefqu’aucun foldat
ne. doit fe regarder comme national. En effet les
Vàlaques, lès Hongrois , les Tranfilvains, les
Bofniaques , ceux du Tirol 9 du Milanois, des
Pays-Bas, doivent fe regarder comme très étrangers
au cercle d’Autriche , & être expofés à cette
maladie,.de,(la défertion, qui femble n’être que la
fuite du . befoin de chaque individu de jouir de
la liberté, &• de fe retrouver au milieu de fes dieux
pénates.
En Angleterre il devroit y avoir peu de défertion
dans lès troupes nationales ; en temps de paix
les Anglois. tiennent prefque toutes leurs troupes
dans leurs colonies ou leurs villes fortifiées , 8c
liçqntient celles, qu’ils avoient été obligés de lever
pour faire la guerre ; d’ailleurs le foldat Anglois,
auroit bien de la peine à s’accoutumer chez l’étranger
s à un genre de vie , des habitudes,, des
moeurs , & une façon de penfer fi différente de la
tienne ;,heureufe néçeffité à laquelle il étoit plus
aifé de foumettre des infulaires 8c que doit augmenter
la conftitution de cette nation : quant aux
troupes étrangères que les Anglois ont quelquefois
à leur foide, on fçait , & ils l’ont cruellement
éprouvé. dans leur dernière guerre, en Amérique
, qu’elles ne iont pas exemptes d’être attaquées
par la maladie delà défertion. On fçait auffi
que dans cette occafion plufieurs Anglois ont abandonné
leurs drapeaux; mais la raifon en étoit
unique , & ne peut pas entrer au nombre des
caufes qu’on doive ni combattre ni détruire.
En Efpagne on prétend qu’on y voit allez peu
de déferteurs. depuis qùe les coupables font -.condamnés
aux travaux publics, 8c que la crainte
de-la peine prolongée eft plus terrible que celle
du moment.
En France, le foldat, plus que ceux des autres
nations, eft fu jet à cette malheureufe maladie
qui a fes temps 8c fes crifes : on l’a trop négligée
jufqu’à préfent, 8c au lieu' de remédier au m a l,
il femble que les moyens violents qu’on a employés
n’ont fervi qu’à l’augmenter.
L’inconftance 8c le. caprice du coeur humain ÿ
l’efpèce d’hommes dont on compofe les armées,
la manière dont on les enrôle, la fübfiftance qu’on
leur donne , la conftitution auxquels on les fou