de la permiffion ; fi chaque bas-officier a fatisfàit à
ï obligation de faire fortir le nombre d'hommes
nxe; ôc s’il ne fort pas toujours-avec les mêmes
foldats , il lignerait ces deux billets ; il en garderoit
un qu’il enliafferoifci ôc. il remettrait l’autre au bas-
officier conduéleur, qui, en paffant devant la garde
de la porte délignée, le remettront au fergent de
garde ; celui-ci enliafferoit auffi les billets, à mefure
qu’il les recevroit; ces lialfes feroient confervées
pendant un mois entier, ôc après ce temps, on les
brûleroit. Le papier, pour ces billets , pourroit
êjtre fourni par les petites malles des compagnies.
Quand il y auroit plufieurs régiments dans la même
garnifon, le commandant de la place déligneroit
les jours où chaque-régiment devrait fortir, ôc
le côté de la ville qui lui feroit réfervé. Toutes les
fois que les bas-officiers fortiroient, foit de plein
gre , foit pour obéir à l’ordonnance, ils feroient
refponfables de la conduite des hommes qu’ils
auroient menés avec eux. Si quelque foldat étoit
trouvé feul, même fans commettre de défordre,
Je bas-officier, avec lequel il feroit forti, feroit
puni par la prifon. Ôc par la perte de fon privilège ;
§’il fe commettoit quelque maraude, ou quelque
autre délit, touts les bas-officiers qui feroient fortis
çq jour là , feroient condamnés à réparer le dommage,
à moins qu’ils n’en puffent produire l’auteur.
S’il défêrtôit un des hommes, fortis. pour
prendre l’air, le conducteur feroit caffé, mis en
prifon, oq puni plus févèrement. S i, par fon peu
de vigilance,il avoitfavorifél’évallon dudéferteur,
chaque régiment fqurniroit, pour veiller à l ’exécution
de ces différens. ordres, deux patrouilles,
çompofées de quatre appointés chacune, & commandées
par un caporal. Ces patrouilles fortiroient
immédiatement après l’ouverture des portes ; au-
foient leurs ftations a une lieue de la ville. Le
caporal fgroit tenu de‘ faire , avec deux -de fes
foldats, un çertain nombre de patrouilles d’une
ftation à l’autre, & pour les forcer à l’exaélitude,
il feroit porteur d’un certain nombre de marons,
qu’il dépqferoit aux ftations indiquées à droite ôc à
gauche de la fienne. S’il renconrroit quelque mili- !
taire conduit ou eondu&eur, en contravention aux
ordonnances, il l’arrêterpit ' ôc il. le conduiroit à
l'heure de la retraite, au corps de garde de la place
d'armes. Il aurçit attention, en fe retirant, de faire
marcher devant lui, les foldats qu’il trouverait fur
fa route, ôc de fouiller touts les cabarets qu’il
rencontreroit fur fon palTaee.
Ces moyens font-ils fuffifants ? ne gréveroient-
jls pçrfonne, & produirqien^ils des çffe;s heureux ?
E F F E T S .
L’état du fçldat ordinaire feroit amélioré, par
J’affurancë d’aller dans une efpèçe de liberté, ref-
pirer un air pur deux foi§ par femaing ; le vétérant,
l’appointé, acquérerçfient de la confédération & de
l’agrément par la permiffion de. fcrtjr touts les
ioprs? ôc de mener ^yeç eu?c un .on deu$ d,e leurs
amîs; îl en feroit de même du caporal. L’homme
qui a feize ans de fervice, ôc qui eft aujourd’hui
confondu avec celui qui n’a fervi que feize jours ,
obtiendroit une récompenfe agréable pour lui ÔC
utile pour l’état, en ce qu’elle favoriferoit les rengagements.
L’homme négligent, peu propre, inattentif,
pour pouvoir à fon tour, jouir quelques
inftants d’une heure de liberté, deviendroit a&if,
foigneux & vigilant ; le foldat de recrue voudroit
être admis au bataillon , ôc le prifonnier feroit
doublement puni ; comment l’émulation féconde
en vertus, ne renaîtroit-elle pas bientôt ? Le fer-
vice des caporaux feroit à la vérité un peu augmenté
, les devoirs des bas-officiers de garde le
feroit auffi, il en feroit de même de celui des
fergents-majors, mais aucun d’eux ne fe plaindroit
de cette augmentation, à caufe des avantages qu’il
en retireroit ; les fergents feroient les feuls qui
auroient droit de faire des réclamations. Nous ne
ferons plus les maîtres, diroient-ils tout bas, de
diriger nos promenades vers les endroits qui nous
plairont le plus : nous ferons privés trois fois par
lèmaine du plaifir d’aller joindre nos compagnons
de bouteilles, ou nos amies. Cela eft vrai; mais le
mal eft-ril grand, leur répondrai-je tout haut ? Si la
loi que je propofe pouvoit vous donner ou des
moeurs, ou l’apparence des moeurs, elle devroit
être mife au nombre des plus heureufes.
Quant à la défertion , il eft prouvé qu’une
liberté honnête la détruit plutôt qu’elle ne la favo-e
rife; en coiypulfant les regiftres de défertion , que
le miniftre envoyé chaque mois aux différents
corps, on voit que les places o.ù les foldats font
confignés, font celles qui , proportion gardée,
fourniffeni le plus grand nombre de déferteurs :
j’ai vu le même régimçnt, dans la même place,
libre & configné, perdre malgré les verroux ôc
les grilles, ôc fe maintenir les portes ouvertes.
Quant à la maraude, il ne faut qu’avoir été
garnifon dans le plat-pays, pour être convaincu
que le foldat, quand il eft abfolument libre, donne
peu fouyçnt lieu à des plaintes.
§• V I I ,
p e la punition militaire appellée configné.
Le foldat qui eft configné ne peut point fortir
de fon quartier ; il eft obligé de porter fon bonnet
de police ; un bas d’une couleur, ôc un bas de
l’autre, ou bien une guêtre & yn bas ; il fait
l’exercice avec fa compagnie*, fon fervice comme
le refte de fes camarades ; il eft de plus exercé
avec les fécondés claffes ; obligé de faire toutes
les corvées de fa chambre; de fe rendre dans la
cour du quartier, toutes les fois qu’une certaine
batterie, appellée marche de'nuit, fe fait entendre ;
quand il eft defeendu dans la cour, il eft appelle
ôc inipeété par un fergent-major, à qui on a remis,
au rapport du régiment, ( voyez rappo.RT , )
un état de touts les foldats .confignés,
En commençant cet article, nous avons dit que
le châtiment de la configné devoit trouver place
dans notre code pénal ; pour le prouver , pofons
quelques principes généraux fur les châtiments
militaires ; mais gardons-nous bien d’imiter ces
écrivains qui cherchent moins à dire la vérité ,
qu’à faire l’apologie . de leurs opinions.
On peut diftinguer les corrections que la légif-
lation criminelle militaire inflige, en trois clafies ,
en châtiments, en punitions, ôc en peines.
Nous parlerons plus bas des punitions , ( voyez
p u n it io n , ) ôc des peines, ( voyeç p e in e s . ).
Occupons-nous ici des. châtiments.
Principes généraux fur les châtiments militaires.
I er. Principe. Le but diftinétif des châtiments,
eft de rendre meilleurs les fujets qui les reçoivent.
II. Les degrés de l’échelle des châtiments ,
doivent être très multipliés ôc très rapprochés les
uns des autres.
III. Le pied de l’échelle des châtiments , doit
pofer' précifément contre celui de l’échelle des
récompenles.
IV. Il eft bon que les châtiments infligés aux
foldats coupables , foient une récompenle pour
ceux- de leurs camarades qui ont mené une
conduite régulière.
V . Les châtiments militaires , ne doivént ni
abaiffer l’ame, ni affoiblir le corps de ceux qui
les reçoivent.
VI. La multiplication des devoirs militaires, ne
doit jamais être mife au nombre des châtiments.
VII. Une conduite longtemps régulière , doit
mettre un foldat à l’abri des premiers, châtiments
qu’il mérite.
VIII. Les. châtiments militaires , doivent être
publics , pour faire une impreffion durable fur
l ’efprit de ceux qui en font les témoins , fans être
trop durs pour le coupable.
IX. Les châtiments militaires doivent être
prompts ôc voifins des fautes. ,
X. Les châtiments militaires doivent être certains
ôc inévitables.
XI. Les châtiments militaires doivent pouvoir
être facilement proportionnés aux crimes.
XII. Les châtiments doivent être arbitraires.
Les principes que nous venons de pofer, n’auxoient.
pas beïoin d’être juftifiés devant un tribunal
compofé de militaires inftruits ; mais nous devons,
pour ainfi dire., nous commenter nous-mêmes,
afin de ne laiffer aucun doute dans l’efprit des
guerriers qui -font encore à l’entrée de la carrière
militaire.
Jufiificaticn des principes généraux fur Us châtiments
militaires.
i . Celui qui inflige des punitions ou des peines,
un juge fév ère, qui veut offrir à la fociété
un exemple propre à lui infpirer de l'éloignement,
de l’horreur même pour le vice ; il ne voit point
le coupable, il lé facrifie au falut général : celui
qui ordonne un châtiment, ne voit prefque au
contraire que celui qu’il châtie ;c ’eft un père tendre,
c’eft un gouverneur jaloux de l’honneur de fon
élève il veut empêcher celui qu’il guide , de
retomber dans la même, faute, ÔC de mériter à
l’avenir des peines plus,graves.
; 2.. Le magiftrat n’eft que le juge de fes concitoyens
, l'officier eft le juge , ôc le cenfeur de
fes foldats : comme juge , il leur inflige des peines
graves quand ils ont commis des délits ou des
crimes : comme cenfeur, il ne doit leur laiffer
commettre impunément .-aucune faute , même légère
; il doit étudier leurs penchants pour les rectifier;
il doit faifir les nuances les moins tranchantes
de leur conduite , pour, les fondre ôc les
affimiler au ton général du bon ordre. S’il n’avoit
point à fa difpofition une foule de petits moyens
il ne pourroit y parvenir ; ôc femblable au propriétaire
négligent d’un grand édifice , il feroit
obligé de faire enfin des réparations qui ébran-
leroient fa maifon , ôc qui le ruineroient lui-même.
• 3. On peut dans la vie civile laiffer, fans inconvénient
,. un éfpace confidérable entre les ré-
compenfes ôc les punitions : mais dans l’état militaire
il faudroit, s’il étoit poffible , que chaque
; aélion fût récompenfée ou punie; en effet , aucune
n’eft indifférente : la manière .même dont
on s’y porte eft toujours intéreffante ; il ne s'agit
| point uniquement de s’acquitter de fon devoir ,
il faut plus,. il faut le remplir avec zèle , ôc montrer
une ardeur qui foit en même temps , ôc le pré-
fage affuré d’une volonté confiante , ôc un vif encouragement
pour ceux qui en font les témoins.
4. Le châtiment de l’homme qui a commis une
faute , ou fait fon devoir avec nonchalance, doit
par une fuite de notre troifième principe , tourner
au profit de celui qui a rempli le fien avec joie
ôc avec ardeur ; ainfi on met un degré de plus
dans l’échelle des récompenfes ; échelle qui doit
être conftruite fur le modèle de celle des châtiments.
( Voye1 RÉCOMPENSES. ).
5. L’homme que vous châtiez aujourd’hui, peut
demain vous être néceffaire dans une aélion dé-
cifive ; de fa force phyfique , ôc de l’état de fon
ame, peuvent dépendre votre honneur ôc votre
gloire : fi fes membres font meurtris par les coups
dont vous l’avez accablé ; fi fon corps eft exténué
par le jeune auquel vous l’avez fournis ; fi
fon ame eft dégradée à fes yeux par le châtiment
que vous lui avez infligé, il ne fera rien d’heureux
; vous aurez beau lui dire : c’eft un faux
préjugé que celui qui te fait regarder tel châtiment
comme déshonorant, vous ne le perfuaderez pas ;
changez d’abord ropinion , ôc puis ordonnez ce
que vous voudrez ; mais fi vous commencez par
| ordonner, en taillant au temps le foin de changer,
les efprits, jamais la révolution ne s’opérera.