
la découvrent, avant que le gros de leur armée
fe fôit engagé.
Les fentinelles qui ont été pofées près du chemin
par ou viennent |les ennemis qui chargent
votre parti , fe retireront avant qu’elles foient
découvertes , & le parti continuera fa fuite affectée
jufques bien au-delà de l’endroit de Yembufcade,
pour obliger les ennemis d’avancer davantage ; car
vos troupes ne doivent charger les ennemis que
lorfque le gros eft vis-à-vis de votre front, pour
les attaquer par le flanc , afin que l’aéiion foit
complette & moins dangereufe.
Pour éviter que Yembufcade ne foit découverte
avant je temps , vous préviendrez vos troupes de
fe tenir tranquilles & cachées jufques à un certain
lignai, quand même elles entendroient quelques
coups de fufil ; ce qui fouvent peut arriver,
parce que le reffort d’une arme à feu s’en eft allé
de fon repos, ou parce que des officiers"ou des
foldats des ennemis fe feront divertis à tirer fur
du gibier qu’ils ont fait partir.
Le lignai fera , par exemple , d’arborer des
etendarts fur quelque ‘éminence défignée , qui
peut être vue des troupes ; de faire fonner
la charge par plufieurs trompettes & tambours
reunis enfemble , ou tel autre bruit de guerre
que vos troupes puiffent aifément diftinguer dans
leur marche. On peut auffi , pour fignal de l’at-
taque, tirer un certain nombre déterminé de
coups de fufil d’une hauteur voifine de Yembuf-
tade, ou faire mettre le> feu à de la paille qui à
cet effet aura été portée dans un endroit qui peut
etre vu de vos troupes. On deftinera des perfonnes
intelligentes pour faire ces fignaux précifément au
temps qu’il faut.
Lorfque les troupes de Yembufcade font beaucoup
fuperieures en nombre à celles des ennemis qu’on
attend, vous pouvez divifer les vôtres en deux
corps que vous pofterez plus ou moins éloignés
1 un de l’autre , à proportion du terrein que les
ennemis , félon la largeur du chemin , peuvent
occuper depuis l’avant - garde jufqu’à l’arrière-
garde , afin que ces deux corps fortent de Yembufcade
pour charger dès que les ennemis fe trouveront
au milieu.
Quand même vous n'auriez pas affez de troupes
pour les divifer en deux corps égaux , & dont
chacun fut fupérieur en nombre aux ennemis ,
leur déroute fera toujours plus grande , fi vous
chargez leur avant-garde avec- le gros de vos
troupes , & leur arrière-garde avec un détachement.
Si le terrein vous donne la facilité d’attaquer
avec le front de votre embufcade tout le
flanc des troupes ennemies qui défilent ; en ce cas,
il eft inutile de divifer vos troupes , puifqu’il vous
fera encore plus avantageux de charger les ennemis
en flanc.
Agéfilas, roi de Sparthe , ayant pofté une nuit {
en embufcade treize cents hommes commandés par |
JCénocles, fit retraite le lendemain matin avec 1-e I
refte de l'armée. Tiffapherne pourfuivit Agéfilas?
qui continua fa marche & fa retraite , jufqu’à ce
que les ennemis euffent paffé l’endroit de Yembufcade.
Agéfilas failant alors volte-face , attaqua les
Perfes ; & , ayant donné un certain fignal convenu
, ces treize cents hommes de Yembufcade for-
tirent & chargèrent avec de grands cris l’arrière-
garde de ces barbares qui prirent la fuite, & furent
entièrement défaits.
Les autorités & les exemples du Prince d’Orange
de Scipion, de Quinte-Curce & d ë Manlius, que je
rapporte , en parlant des occafons ou II faut éviter
le combat, font voir que vous ne devez pas enfermer
les ennemis entre les deux détachements dont
je viens de parler, excepté que vous ne foyez beaucoup
fiiperieur en troupes ; fur-tout quand, par la
fituation du terrein, les ennemis ne fçauroient
prendre leur retraite par l’autre côté : car on
vend bien plus chèrement fa v ie , quand on n’a
point d’efpoir de pouvoir la fauver par la fuite.
Si les ennemis ont un peu loin un parti confi-
dérable pour faire leur arrière-garde , il eft nécef-
faire que vous en conferviez un en bon ordre
pour oppofer à celui-là ; fuppofé qu’il s’avance
pour charger vos troupes , qui ont attaqué l’arrière-
garde du^ gros des ennemis.
Lorfque le terrein, parce qu’il eft inégal ou couvert
de bois, ou par quelqu’autre obftacle, ne permet
pas d’obferver fi les ennemis ont après eux un
parti détaché , on ufera de la précaution de confer-
ver dans Y embufcade un petit corps de réierve ; les
troupes poftées plus avant dans Yembufcade feront
la même chofe, fi un détachement des ennemis
précède leur corps principal ; puifqu’ils y auront à
craindre que ce détachement ne fît volte-face pour
tomber fur vos troupes, lorfqu’elles feront aux
mains avec les ennemis.
Dans une embufcade mettez les meilleurs tireurs
au premier rang, & prévenez-les de tirer fur ceux
qu’ils diftinguent pour officiers : car vous trouverez
peu de réfiftance, fi au dqfordre & à la confu-
fion que votre attaque inopinée • caufera d’abord
parmi les troupes furprifes , vous ajoutez la perte
de leurs officiers vous pouvez donner le même
ordre à ceux de vos officiers qui font armés de
fufils.
Si ces officiersque je vous ai confeiilé de
mettre en fentinelle, vous donnent avis qu’ils découvrent
plus d’ennemis que vous n’en attendiez r
& que vous ne pouvez battre, tranfportez-vous
vous-même à ce pofte ; & f i , avec de bonnes lunettes
d’approche, vous connoiffez que cela eft
ainfi, hâtez-vous de faire retraite : car vous devez
préfumer que les ennemis, ayant eu connoiffançe
de votre deffein , viennent avec plus de monde
pour vous furprendre dans votre embufcade.
Vous devez aulfi vous retirer d’abord, fi les ennemis
ont des troupes fupérieures aux vôtres à
portée de pouvoir venir tomber fur vous, lorfque
malgré les précautions que yous aurez prifes, i l
^oils a déferté quelque foldat , ou quelque v a le t,
que vous n’avez pu faire arrêter ; ou lorfque votre
marche &. votre embufcade ont été decouvertes
par des partis des ennemis , qui en auront porte
la nouvelle à leurs places , à leurs quartiers ou a
leur camp.
Si après vous être retiré avec toute la promptitude
que je viens de confeiller , les ennemis ne
laiffent pas de vous pourfuivre avec un nombre
fupérieur de troupes , vous verrez quelles précautions
il vous conviendra de prendre parmi celles
que je propofe en traitant des Retraites des troupes.
Pour ne pas laiffer perdre le parti, dont j’ai parlé
un peu plus haut, vous détacherez cinq ou fix cavaliers
qui, par le chemin le plus favorable, iront
lui donner avis de votre retraite ; & afin qu’ils le
rencontrent, vous aurez eu foin de déterminer aux
officiers du parti le chemin qu’ils ont à tenir pour
aller & pour revenir.
Les payfans, qui fçavent touts les fentiers &.
touts les endroits où ils peuvent fe cacher dans les
ravins & les bois , échappent ordinairement, quoiqu’ils
découvrent de loin une troupe fupérieure
d’ennemis. Les payfans, excepté qu’ils ne voyent
qu’on fait des détachements pour les couper, ont
.coutume de fe tenir cachés dans Yembufcade , & de
laiffer paffer les ennemis, pour enfuite en faire
prifonniers quelques-uns, qui feront reftés derrière
par laflitude ou pour aller en maraude.
Huit miquelets prirent en Catalogne un aide-
major de mon régiment, qui marchoit avec cinquante
hommes, &. qui s’écarta de fon arrière-
garde de deux portées de fufil, pour faire de l’eau ;
& lorfque île détachement s’apperçut que cet
officier manquoit, les miquelets étoient déjà à
demi-lieue loin.
Des embufeades contre une garnifon, un camp-
volant , une armée.
Pour faire donner dans votre embufcade une partie
de la garnifon d’une place ennemie, cachez,
au-delà de cette embufcade, plus près de la v ille ,
un petit parti de cavalerie , qui, un matin , prendra
les troupeaux de la place & les chevaux des
officiers, qu’on mène paître ; ou qui, le foir à
l ’heurè ordinaire de la promenade, tâchera d’enlever
le gouverneur ou des officiers, des principaux
citoyens & des dames qui ont coutume de
fortir, afin de chercher le foleil ou le frais.
Pour cette dernière expédition, il feroit bon
d’attendre certain jour ou à l’occafion d’une fête ,
d’une foire, & autre chofe femblable, on va en
concours de la place à quelque lieu du voifinage :
car plus le parti enlèvera de perfonnes de dif-
tin&ion, plus de parents, d’amis de ces mêmes
perfonnes , plus il y aura d’inftance auprès du gouverneur
, pour l’obliger à faire un détachement
{contre ce parti. Si la fituation de la place ou des
lieux du Voifinage ne donne pas occafion à quelqu’une
de ces opérations, le parti s’avancera autant
qu’il pourra pour enlever les troupeaux de la
campagne : dans touts ces cas, fi la garnifon de la
place lort pour charger le parti, il le retirera vers
l ’endroit où vos troupes font en embufcade.
Philopæmen., préteur d’Achaïe, mit en embufcade
, une nuit, un gros de troupes près d’Efcotile,
&. détacha un parti pour faire des courfes dans la
Laconie, avec ordre, de fe retirer dès que les
ennemis le chargeroiept. La garnifon de Pelene
fit une fortie contre ce parti, & en le pourfuivant
elle vint donner dans Yembufcade de Philopæmen 9
& fut entièrement défaite.
Le parti ne doit pas fe retirer trop précipitamment
; parce que s’il s’éloigne d’abord, les ennemis
abandonneront peut-être la réfolution de le
pourfuivre : il ne doit pas néanmoins perdre de
temps pour envoyer la prife vers votre embufcade^
parce que file s ennemis venoient à la recouvrer»
ils ne fe foucieroient peut-être plus de courir après
le parti.
Vos troupes ne doivent pas fe mettre en embufcade
fort proche de la places, afin que la retraite
foit plus difficile aux ennemis , qu’elles auront mis
en déroute. Vous pouvez , fi le terrein en donne la
commodité, embufquer un corps de cavalerie »
pour couper le chemin à la garnifon qui aura été
battue. Je fuppofe que ces deux embufeades ne
feront pas fi éloignées l’une de l’autre que la plus
reculée ne puiflë venir au fecours de la plus
avancée ; fuppofé que la garnifon ennemie l’eût
par quelque hafard découverte, & qu’elle vînt en
droiture la charger. En 1709 notre garnifon de
Poto-hercole, commandée par Etienne reflet, alors
maréchal de camp, dreffa une embufcade aux Allemands
, qui étoient en garnifon à Orbitello. Ils for-
tirent au nombre de cinq cents pour venir charger
un de nos partis, qui parut au point du jour ,
& qui fit mine de vouloir enlever des troupeaux >
& ils furent entièrement battus. Il eft vrai que nous
leur fîmes peu de prifonniers, parce qu’ils étoient
très proche de la place j le terrein n’ayant pas permis
de former Y embufcade plus loin.
Les Ifraélites des tribus qui faifoient la guerre
à celle de Benjamin, envoyèrent une nuit un corps
de troupes fe mettre en embufcade près de la
ville de Gaba, & avec le refte de leur armée ils
parurent en ordre de bataille, & commencèrent
à faire retraite dès que les foldats de la tribu de
Benjamin fortirent de leur place. Lorfque les
troupes , forties de Gaba, furent un peu éloignées
de la ville , les Ifraélites attaquèrent par le front,
tandis qu’en même-temps Yembufcade chargea par
le flanc , &. ayant ainfi coupé la retraite aux troupes
de la tribu de Benjamin, elles furent taillées
en pièces.
Ce fut par un femblable ftratagême qu’Antio-
chus , roi de Syrie , défit la garnifon d’Atabira, &
fe rendit immédiatement après maître de la place »