
qui s’avançât fuffifamment pour tes dominer. En I
ce dernier cas, ayez foin que ce morceau de fortification
ait fa communication couverte avec la
place, & qu’il en foit flanqué par fon feu.
Montécuculi d it, dans fes mémoires, que , fi à
la portée du canon de la place , on trouve une
colline qui la commande , il faut examiner s’il
ne feroit pas poflible d’en bailler 1e fommet, ou
d’en ruiner les chemins & l’efcarper, afin qu’il ne
foit pas aifé aux ennemis d'y pouvoir conduire
des pièces.
Lorfqu’aucun des expédients que je viens de
pTopofer, ne peut fe pratiquer , confidérez fi la
colline & les ravins ne pourroient point être commandés
par des cavaliers qu’on élèveroit, ou par
des tours qu’il y 1 a dans la place , & qu’on renforcerait
de la manière que je l’ai dit en traitant
des lièges , afin d’y pouvoir placer de l’artillerie.
Par-là vous aurez l’avantage d’empêcher les enne-
jnis de s’approcher à couvert; les batteries de la
place deviennent fupérieures à celles qu’ils pourroient
dreffer pour la commander, & ils mettront
plus de temps à ouvrir leur tranchée, parce qu’ils
feront forcés dé l’enterrer davantage. 11 peut aufli
•arriver qu’en creufant ils trouvent d’abord le roc ,
l ’eau, la pierraille ou le fable volant, & alors ils
font expofés à touts les inconvénients dont j’ai
parlé auparavant.
Je ne fçais fi j’ai d it, dans quelque autre endroit
de cet ouvrage, que pour faire monter au haut
d ’une tour les canons, principalement ceux d’un
petit calibre, ou qui font chambrés, qui, quoique
courts, ne laiffent pas de porter fort loin ,
on tes élève avec de groffes cordes attachées
aux dauphins de la pièce , avec des chèvres bien
arrêtées fur le fommet de la tour : pour éviter que
3e canon ne batte contre la muraille, on met à
une diftance raifonnable du pied de la tour une
autre chèvre, d’où fortent des cordes qui s’attachent
au canon, & qu’on lâche p eu -à -p eu , à
mefure que la pièce monte par la force; fupérieure
,de la chèvre pofée fur la voûte de la tour.
Deville, pour fe délivrer des enfilades, propofe
l’expédient ordinaire, qui eft d’élever des épaule-
ments à répreuve du fufil ou du canon, félon qu’il
eft néceffaire de fe garantir de l’un ou l’autre de
ces feux ; car quelquefois les ennemis ne pourront
pas faire conduire de l’artillerie fur une
montagne fort rude, d’où néanmoins, avec 1e
moufquet & la carabine, ils enfileront une partie
d’un pan de muraille. Chacun fiçait que , pour fe
mettre à couvert du fufil & du moufquet , il fufïit
de clouer de groffes planches contre des madriers
plantés en terre , ou de lier un double rang de
fafcines à ces mêmes madriers , ou enfin de pofer
d e doubles fafcines. fur de hauts chandeliers.
Comme les ennemis ne tirent pas ordinairement
fur des hommes qu’ils ne voyent pas, il y a des
écrivains qui veulent que ce foit affez de couvrir
’^enfilade par une toile, qui., dans la peinture,
reprêfeflte un fafcinage. Moi je crois que, quand
on a des matériaux & le temps, le meilleur eft de
faire quelque ouvrage folide , parce que les déserteurs
& les efpions peuvent donner avis aux en-
I nemis que votre fafcinage n’eft qu’un mafque, &.
1 alors l’affiégeant, au hafard de perdre fes munitions
, tirera continuellement contre cette enfilade
mal couverte.
Les épaulements font encore néceffaires pour fe
garantir des batteries à ricochets dans les rues que
les troupes de la garnifon & les habitants font
obligés de fréquenter, & dans les endroits ou l’on
travaille aux mines & aux coupures ; car le boulet
.à ricochet, lors même qu’il eft tiré d’un terrein
bas, fait plufieurs bonds, s’il ne rencontre aucun
empêchement ; mais comme il n’a pas beaucoup
de force, le moindre épaulement l’arrête.
Lorfqu’il n’eft pas néceffaire que les épaulements
du chemin couvert foient fort hauts, & qu’il convient
d’y conduire des coupures,un même ouvrage
fert pour les épaulements & les coupures : on fait
alors, au pied des épaulements, quelques degrés
pour monter fur la banquette, & l’on donne un
J peu de talus à ces mêmes épaulements du côte que
les ennemis doivent venir.
Si de quelque montagne voifine on découvre
par derrière une partie du parapet, Deville veut
que fur te^terre-plein on faffe un fécond parapet
intérieur, affez haut pour que les foldats, qui font
entre deux, ne foient pas vus , & affez éloigné
du parapet extérieur pour qu’il ne nuife pas au
recule des pièces. Si le terre-plein fe trouve un
peu étroit pour tout cela , on y monte fur des
affûts marins les canons qu’on croit néceffaires.
Si cette précaution ne fuffit pas encore, on relève
les plate - formes par derrière un peu plus qu’à
| l’ordinaire, afin que la pièce recule moins.
On doit avec des pierres, fermer à chaux &
à fable, les ouvertures des grottes qui regardent
la campagne, lorfque les mineurs ennemis peuvent
par-là s’introduire aifémènt.
Afin de fe mettre à couvert d’une furprife, il
faut faire la meme chofe à l’égard des poftes de
la place qui ne font pas néceffaires pour les forties
ou pour recevoir des fecours ; il faut encore plus
particulièrement fermer les portes des maifons des
habitants qui ont vue fur la campagne , comme
cela fe trouve dans certaines places qui ne font
pas {huées fur la frontière, & dont les gouverneurs
n’ont pas eu la prévoyance de remédier à
l’abus que les habitants en peuvent faire.
On doit démolir les maifons attachées à la
muraille d’un front qui peut être attaqué, afin
que les ruines de la face extérieure de ces maifons
ne fervent pas pour aider à monter à la
brèche, & que celles des murailles intérieures
n’embraffent pas la coupure.
Ayez attention que les grilles de fer des aqueducs
& des ruiffeaux , qui ont leur débouchement
à la campagne , foient bonnes , &. qu’il y ait
toujours des fentinelles. On pçut éviter, par cètte
précaution, un coup de furprife.
Faites vifiter les contre-mines, les portes, les
barrières, les orgues , les herfes & les ponts-levis,
afin de les mettre en bon état de fervir durant
le fiège.
Donnez ordre qu’on ouvre des puits dans les
endroits où par avance on n’a pas fait des contre-
mines , afin que , du fond de ces puits, il foit aifé
-de reeonnoître le mineur ennemi, &. de conftruire
des fourneaux pour taire fauter ceux qui monteront
à l'affaut, de quelque côté que l’affiégeant
faffe brèche. On tient ces puits couverts, pour
éviter que l’eau de la pluie ne les jrende inutiles.
Si le foffé de la place n’eft pas dans terre, ou
s’ il n’eft pas plein d’eau, ouvrez au fond de ce
foffé une cunette profonde dans les endroits les
plus expofés aux minés de l’aftïégeant, afin que
les mineurs ennemis ne puiffent pas conftruire
une galerie fouterraine.
Le général Montécuculi, dont les réflexions font
toujours juftès, dit dans fes mémoires, que puifque
une place n’a jamais fur terre autant d’hommes que
tes alîiégeans, elle doit chercher fa défenfe fous
terre, où les ennemis ne peuvent pas employer
plus de monde que la garnilon de la place.
La cunette, que j’ai propofé de faire dans le
foffé , fert aufli, en ce qu’une partie des ruines
de la muraille venant à y tomber, la brèche ,
que le canon des ennemis fa it , ne fçauroit être fi
acceflible.
L’artillerie de la place eft mutile dans l’ouvrage
tjue les ennemis battent, parce qu’ils la démon-
teroient bientôt .; par conféquent, c’eft à droite &
à gauche de l’endroit où les aflïégeants couvrent
la brèche, qu’on doit mettreles canons de la place :
les gros, pour fervir de contre-batterie, & les
.petits., pour tirer contre ces partis de tranchées
de batteries de l’afliégeant, qu’ils enfilent ou qu’ils
commandent , contre les logements fur le glacis, le
.chemin couvert, & dans le foffé., contre les toits
& les fenêtres des maifons où les ennemis ont
mis des fufiliers , & dans les rues des fauxbourgs
qu’ils occupent, & que vous n’avez pu démolir.
Il faut fur-tout garnir de beaucoup d’artillerie
tes flancs collatéraux à la brèche , pour tirer à
•cartouches contre les ennemis qui montent à
l’affaut. On éprouva à la dernière défenfe de la
citadelle de Turin., que les pièces qui fe chargèrent
par la culace, & qui., dans un même efpace de
temps, tirent beaucoup plus de coups , font préférables
aux pièces ordinaires.
| Après avoir déterminé les poftes où l’on doit
placer l'artillerie,on y conftruit des plates-formes ,
& l’on renforce les parapets jufqu’à l’épaîffeiir de
2-5 pieds. Ce ne doit point être pour tirer à barbette,
parce que de cette manière les ennemis démontent
trop facilement les pièces.
Les nouvelles embrafures fe tiennent fermées
par dehors jufqu’à ce qu’il faille s’en fervir, afin
que l’afliégeant, ne connoiffant pas où elles font,
laiffent quelqu’endroit de la batterie ou d’un boyau
de tranchée expofé à l’enfilade de la place, &
foit ainfi obligé a perdre une feconde fois du temps
& des munitions pour réparer fon ouvrage, ou à
contre-battre vos pièces qui l’incommodent. Quand
on a du gafon, on en conftruit touts les merlons ;
car cette manière réfifte mieux que toute autre au
canon des ennemis ; & les boulets, par les éclats
qu’ils font fauter, ne maltraitent pas tant tes canonniers
de la place, que fi les parapets étoient de
pierres ou de briques.
On augmente le terre-plein de touts^les endrcÆts
où l’on doit placer de l’artillerie, afin que te canoa
ait le terrein néceffaire pour fçn recul.
J’ai dè.ja parlé, dans un autre endroit, de la manière
de conftruire les batteries, & de les fervir.
de jour & de nuit ; je dois ajouter ici qu’afin que,
dans le cas dont nous parlons, l’alfiégeant ne ruine
pas celles des flancs qui vont aux deux côtés de
la brèche, on doit baiflér ces flancs autant qu’il
faut, pour qu’ils ne foient pas incommodés par
les boulets, qui, par la face du baftion, rafent la
brèche ouverte auprès de l’angle de l’épaule. Cette
précaution fert auffi pour éviter que les ennemis
ne battent de loin les flancs , ainfi que je l’ai prouvé
en traitant des fièges. C ’eft-là que je crois avoir,
déjà dit, conformément au fentiment de Monté-
cucu-fi, que tes flancs font à l’égard d’une place,
ce que les bras font à l’égard du corps humain ,
qui ne peut fe défendre fans bras , non- plus qu’une
place fans flancs. Par conféquent , fuppofé que les
flancs d’une place foient courts , ou que la ligne
de défenfe foit fort longue., conftruifez devant
cette partie de muraille un ouvrage avec de la
terre que vous tirerez de fon propre foffé.
On peut aufli remédier au défaut d’une trop
longue défenfe pour le fufil, en ayant dans la place
une bonne provifion de moufquets, que l’on garnit
de platines comme celles des fufils, afin de tes
délivrer des inconvénients de la mèche, qui, par
des étincelles, peut mettre feu aux munitions du
foldat, q u i, dans un temps de pluie, ne communique
pas fon feu à l’amorce, ou qui, avant que
le feu prenne , laiffe emporter l’amorce par le
vent, lorfqu’on ouvre le baflinet.
Il eft encore d’ufage de faire un ouvrage extérieur
dé terre dans les endroits où la muraille fe
trouve foible &. où le terre-plein n’eft pas bon*
fur - tout lorfque tes édifices voifins empêchent
d’augmenter le terre-plein.
Il eft toujours effentiel d’ajouter au glacis la
terre qui lui manque, afin d’éviter que les affligeants
ne 1e rompent de loin , & qu’ils ne puiffent
par conféquent, par fon ouverture, faire place à
la muraille , fans être obligé de former de feconde
batterie au haut du même glacis. Il feroit aufli
important qu’il y eût à fes angles Taillants des
rameaux & des chambres pour des fourneaux Ôr
des fbucafles * afin qu’il en .coûtât d.u temps