
que Tefcorte d’un convoi foit confiée à un officier
qui joigne l’expérience à la capacité. Par cette
raifon on n’en doit jamais donner le commandement
qu’à un officier intelligent & au fait du
pays , parce qu’on eft alluré qu’il fera de meilleures
difpofitions que celui qui ne les connoît pas.
Si on peut v fans rifquer une bataille , on doit
toujours aller au-devant du convoi, fi le falut de
l’armée dépend de fon arrivée.
Les commandants des petites efcortes qu’on
donne de polie en polie à un tréforier ou à-un
courrier , ou à quelque perfonne de diftinélion ,
doivent le conduire en hommes de gu e r re , &
marcher avec les précautions convenables pour
leur fureté , & pour celle de ce qu’ils efcortent.
Attaque d'un convoi.
L e même motif qui doit obliger à mettre en
oeuvre toutes les relTources de l’art pour conduire
furement Tefcorte d’un convoi, doit engager à
employer ces mêmes relTources pour enlever à
l’ennemi fes fubfillances , & pour le forcer de
reculer s’il eft avancé dans le pays. En lever les
convois à l’ennemi & le mettre hors d’état de fub- :
lifte r , c’eft le vaincre , pour ainfi dire , fans combattre.
Sans v iv re s l’armée, la plus nombreufe fe
détruit par elle-même ; fans fourrage les chevaux
périffent & la cavalerie eft inutile ; fans munitions '
de guerre le général le plus intrépide eft fans ref-
fources , & fans argent le foldat le décourage. Le
plus b rave homme , qui s’expofe fans crainte à
tout ce que la guerre a de plus effra yant, ne fou-
tient pas les apparences mêmes de la difette.
I l y a plufieurs manières d’attaquer un convoi,
qu’on peut employer fuivant le nombre d’hommes
qu’on a à fes ordres , & fuivant la fituation d’un
pa ys ferré ou de plaine.
Qu and un détachement eft m éd iocre, & qu’il
eft feulement deftiné pour inquiéter la marche
d’un convoi , & pour tâcher de l’écorner par
quelques endroits , il faut alors que cette troupe
foit conduite par un officier prudent & fage , parce
qu’ayant à craindre des forces fupérieures aux
Tiennes, il pourroit fort b ien lui arriver d’ être pris
dans le temps qu’il voudroit prendre, s’il n’era-
pîoie pas les précautions néceffaïres.
Le parti le meilleur eft celui d’attaquer l’arrière-
garde a v e c une partie du détachement, & de faire
brufquer en même temps par l’autre l’efcorte qui
cô to y é les derniers charriots , pour en enlever
autant d’attelages qu’il le peut. I l doit enfuite fe
retirer avant qu’on ait le temps de ven ir au fecours
de ce qui eft attaqué. C e qui doit engager à attaquer
préférablement l’arrièré-garde qu’une autre
p a r t ie , c’eft qu’on eft beaucoup plus fur de fa
retraite de ce c ô té - là , n’ayant pas à craindre d’y
être en v e lo p p é , comme il pourroit a r r iv e r , fi
l ’attaque fe faifoit par le centre. D ’ailleurs , en
attaquant par le centre , la file des charriots forme
une haie prefqu impénétrable pa rd evan t, & donné
la facilité aux troupes de Tefcorte d’en former
une autre par derrière.
Lorfqu’on eft en état de faire une attaque à force
ouverte & fupérieure, à celles de Tefcorte , on
peut mettre les pelotons d’inlanterie a vec les
troupes de cavalerie , ou faire foutenir les unes
par les autres, & charger en même temps la tête ,
le centre & la queue , obfervant fur-tout de faire
ces trois attaques à la fois & de former la vraie
attaque du côté où Ton croit trouver le. plus grand
avantage ; en attendant, les deux fauffes attaques
contiendront l’ennemi, & l’empêcheront de porter
du fecours aux troupes réellement attaquées.
Dans un pa ys couvert on peut fe fervir de la
même méthode d’attaquer un convoi, mais le détachement
doit être cpmpofé alors de beaucoup plus
d’infanterie que de cavalerie ; parce qu’elle fe cache
plus aifément, & peut fe retirer plus promptement.
Comme dans un tel pays il fe trouve communément
des défilés , où il n’y a précifément que le
paffage d’un charriot, on y laiffe entrer tant de
charriots qu’il peut contenir, pour charger enfuite
l’efcorte de toutes pa ris , foit qu’on attaque la queue
ou la t ê t e , & qu’on faffe de fauffes attaques à
l ’autre' partie , & dans toute la longueur du convoi.
L e paffage étant bouché alors par les charriots ,
l’efcorte ne pourra plus s’entre-fe courir , & s’ils
viennent malgré cet o b ftac le, ce qui ne peu t être
qu’à la file , il fera aifé de les repouffer. O n peut
mêm e, pour les empêcher d’y venir ,'fàire occuper,
des deux côtés du défilé , les hauteurs par des fùfi-
liers qui tiendront toujours les troupes ennemies
en a la rm e, pour la partie qu’elles font chargées
de garder.
Quand on prévoit qu’on ne pourra pas enlever
les charriots en fu re té , on y met le feu & on coupe
les traits des chevaux qu’on emmène avec foi ; &
fi on craint d’être pourfuivi de l’ennemi pour les
reprendre, on leur coupe les jarrets pour les m ettre
hors d’état de fervir.
O n peut encore former fon attaque d’une autre
man ière, lorfque le convoi marche en plaine , c’eft
de tomber fur l’avant-garde & fur l’arrière-garde
pour Jes contenir & pour engager , s’il fe p e u t ,
les troupes du centre à fe partager pour courir à
leur fecours ; alors la troifième embufcade fortira
pour attaquer le centre , & tâcher dé couper le
convoi en d e u x , avant que le commandant de Tef-
corte ait eu le temps de le faire partir ou doubler.
Un convoi qu’on a occupé eft à moitié p r is , dès
que le détachement du centre eft battu , parce
qu’on peut partager les troupes v iélorieu fe s , en
mettre une partie à la pourfuite du corps battu, &
emp loye r l’autre à renforcer celles qui trouveroient
encore de la réfiftance.
Il ne faut pas donner le temps au convoi de fe
pa rtag e r, mais faire tomber la cavalerie à bride
ab a ttue, fabre à la main , fur l ’efcorte , avant
j qu’elle s’y foit enfermée, pour profiter vite du
défordre où elle eft ordinairement en pareil cas.
L ’attaque du convoi eft toujours prompte &
rapide ; ç’eft la première charge qui décide du
fuccès. Q u ’on l’enlève ou qu’on le manque , il faut
fe retirer avec promptitude, par la crainte des
fecours qui pourroient lui arriver.
Une attaque im p ré vu e , v iv e & foutenue , ne
peut manquer de réuffir, fur-tOut quand les troupes
attaquées font féparées fans pouvoir fe fecourir ;
& fi on n’enlève pas le convoi en en tie r , on eft
comme affuré d’en enlever une bonne partie, ou.
du moins d ’en priver l’ennemi , en y mettant le
feu & en coupant les jarrets aux .chevaux , fi on
n ’a pas le temps de les emmener. -
O n ne rifque jamais beaucoup à attaquer un
convoi, quand on eft même plus foibie que fon
e fco rte, parce que l’objet de celui qui le commande,
eft de le conduire , & d’ éviter plutôt le combat
que de fe battre. Il en e ft de Tefcorte d’un convoi
comme d’une chaîne de fourrage , dont le but eft
de le finir. T ou ts les deux font bien différènts d’un
fimple détachement à la guerre ; ils ont une defti-
nation fixe & un point où ils doivent aboutir, au
lieu qù’un détachement n’a d’autre o bjet que de
chercher l’ennemi & de le combattre , à moins
qù’il n’ait ordrè de porter un fecours ou de s’emparer
.de quelque pofte.
O n ne rifque encore, rien , quand on veut atta- ;
. quer un convoi, de partager fes troupes pour divi-
fer celles de l’ennemi. Plus les troupes de l’efcorte
font divifées , plus celui qui attaquera aura de
facilité à les battre.
C e lu i qui veu t attaquer doit connoître la force
de Tefcorte, régler le nombre de fes troupes fur
celui de l’en n em i, & être plus fort à proportion.
Pour attaquer un convoi pa rqu é, ce qui n’eft
pas une entreprife fort aifée , on peut difpofer les
troupes de plufieurs façons ; premièrement en
couronnade ; pour cet effet i l faut former un cercle
de pelotons d’infanterie & de cavalerie autour du
p a rc , & le faire attaquer en même temps de toutes
parts. L a fécondé manière eft de former trois ou
quatre colonnes p'our attaquer tout à la fois les
angles du p a rc , ou d’autres endroits qui pâroîtront
les plus foibles. Enfin on peut difpofer toutes lés
troupes fur deux lign es, & les faire charger l’une
après Tautré par un feul côté. En prenant ce parti ,
'il faut tenir quelques troupes de cavalerie à portée
de pouvoir arrêter ceux qui voudroient fe fauver
par. l’autre côté.
Quoique les trois difpofitions foient très bonnes,
la couronnade femble préférable , parce qu’on
embarraffe ainfi tout le parc , & que l ’expédition
eft plus prompte ; mais de telle manière qu’on
attaque , il faut être fort fupérieur , fans cela , fi
l’ennemi fçait profiter de fon avantage , il donnera
bien de l’ouvrage à ceux; qui l’attaqueront, & peut
même les contraindre de s’en retourner avec
honte.
L ’endroit le plus favorable pour attaquer un
convoi , eft lorfqu’il y a un pont à paflèr. Dans
cette occafion , il faut partager fes troupes en trois
corps ; deux feront embufqués au-delà du p o n t ,
& le troifième en-deçà. Lorfque TOfficier des
troupes embufquées verra la tete du convoi , il
biffera p after l’avant-garde ,l e s corps du centré^
& quelquès charriots ; alors les deux corps embufqués
au-delà du pont., fortiront & chargeront
les troupes , l’un celles de l’avant-garde , & 1 autre
celles du centre. O n laiffe paffer quelques charriots
après les troupes du centre , afin que le pont fe
trouve embarraffé. Le troifième corps qui eft
en-deçà doit marcher pour attaquer 1 arriere-garde ,
qui ne peut avoir de communication a v e c 1 avant-
garde & les troupes du centre ; parce que le paffage
du pont eft bouché par les charriots dont il eft
couvert , & que l’avant-garde & l’arrière-garde
font attaquées. Il eft à préfumer que ces trois
attaques , faites en meme temps par des forces
fupé rieu res, auront tout l’avantage de la é l io n ,
d’autant mieux que les troupes de Tefcorte font
occupées par-tout , & ne peuvent fe prêter de
fecours , fi les deux corps qui ont attaqué l’avant-
garde & le centre , les rompent & les mettent en
fuite.
I l Ier.
Des convois relativement aux officiers particuliers.
U n officier particulier ne p e u t , fans compromettre
fa fortune militaire, fa v i e , & mêmè Ion
honneur, ignorer quelle eft la manière dont il doit
fe conduire quand il e ft chargé d’efcorter un convoi :
il s’expofe de même à perdre ces biens précieux
quand i l ne connoît pas l’art d’attaquer avec fuccès
les convois des ennemis.
§. i i .
Des connoijfances nèceffiaires à l'officier chargé
d’efcorter un convoi.
Un officier particulier deftiné à efcorter un
convoi, d o it , avant de fe mettre en marche, fça -
v o i r , i ° . quel eft le nombre de charriots ou de
bêtes de fomme dont le convoi eft compolé ;
i°. quels font en général les objets dont les charriots
font chargés ; 30. comment ces différents
objets font répartis fur les différentes v o itu re s , ou.
fur les bêtes de fomme ; 40. quelle eft la diftance
qui eft entre l’endroit d’où le convoi p a r t , & celui
où il v a ; 50. quelles font les qualités du chemin
qu’il doit iùivre ; 6 °. quel eft le nombre & . la
qualité des hommes qui doivent être fous fes
ordres; 70. enfin quelle eft la pofition & la force
des ennemis.
V ous connoîtrez quels font les objets qui
compofent vo tre convoi, & la manière dont ils
font répartis fur les différentes v o itu re s , afin de