
e& grande, plus les leçons font né-
ceffaires. ( Voye^ D r a p e a u x . )
Commandez a un tambour de battre telle ou
telle batterie. Demandez à beaucoup de foldats
ce qu il faut qu ils faffent à ce lignai , & ils ne
fçauront que vous répondre : la difficulté qu’ils
éprouveront viendra , & du défaut à!exercice , &
du vice de nos batteries. ( V. B a t t e r i e s . )
Comment nos troupes ne murmureroient-elles
point des exercices qu’on leur fait faire pendant
quatre mois de la belle faifon ; on les laiffe pendant
les huit autres mois de l’année, croupir dans
une honteufe ina&ion.
Liiez l’hiftoire de la Grèce, lifez celle de la
France, fous le règne de la chevalerie, & vous
verrez que les jeux étoient des exercices militaires ;
aujourd’hui les exercices ne font au contraire que
des jeux.
Voulez-vous avoir une idée de la quantité de
chofes effentielies qu’on omet dans nos exercices :
faites battre, pendant la nuit, la générale à l’im-
provifte ; vous entendrez un bruit, un vacarme
affreux ; aucun foldat ne fçaura où fe placer, nul
ne reconnaîtra fa file , fon efcouade, &c. Il y a
quelques années qu*un ancien lieutenant colonel,
perfuadé de la néceffité d’apprendre au foldat à
reprendre fes rangs avec ordre, vivacité & filence,
faifoit battre la brelogué toutes les fois qu’il faifoit
repofer fon régiment, &. il faifoit punir avec fé-
vérité le foldat qui, au ralliment, prenoit un autre
fufil, ou fe plaçoit dans un autre rang que le fien.
A u lieu de cet exercice utile, & qui devient pour
le foldat’ un jeu amufant, lorfque nous faifons
repofer nos régiments, nous exigons que le pied
gauche de chaque homme ne bouge point, &c. &c.
Le roi de Pruffe fait mieux encore, à chaque repos
les drapeaux .changent de place. On les porte à !
trois'ou quatrè cents pas de l ’endroit où ils étoient,
& au ralliment chaque foldat va à la courfe reprendre
fon rang, fa file, &c.
On fe plaint de ce que le_foldat ne s’empreffe
point à s’inffruire , qu’il eft longtemps avant d’être
admis au bataillon, que lorfqu’il y eft il fe néglige,
qu’il faut chaque jour lui donner les mêmes leçons,
lui répéter les mêmes chofes ; cela eft-il étonnant ;
il n’a aucun intérêt à s’inftruire ; divifez vos compagnies
en cinq claffes ; que la première ne foit
exercée qu’une fois par femaine; que la fécondé
le foit deux fois; la . troifième, d’un jour entre
autre; la quatrième, touts.les jours, & la cinquième
deux fois par jour; & vous verrez l’émulation
renaître. S i , au lieu de ces récompenfes
négatives, vous pouviez en diftribuer de pofi-
îiv e s , vous réuffiriez plus furement; mais notre ,
conftitution militaire femble s’y oppofer. Ce que
je dis des foldats eft • également applicable aux
bas-officiers & aux officiers ; mais il faut que l’impartialité
la plus exaâe préfide à l’admiffion dans
les différentes claffes. Les Romains en ufoient
comme je viens de le dire.
ToutsJ#s écrivains confeillent d’exercer l’armée
d une meme nation fur les mêmes principes : en
France, les ordonnances le prefcnvent expreffé-
ment, & cependant j ’ai vu, il n’y a pas deux
ans, deux régiments (fe la même arme, être fi
Pem M Cj 0rd les mêmes objets, qu’il fût im-
polnble de les faire manoeuvrer enfemble, & qu’on
tut obligé de les renvoyer touts deux aux pre-
; principes. D ’où provient cette différence ?
Lï abord du goût naturel que chaque chef de corps
j a pour l’innovation , & puis de la liberté que les
i ordonnances femblent leur donner de faire des
i c aiïg^nents. J’ai vu plus : j’ai vu un infpe&eur
aiiembler, au moment de fa dernière revue, un
certain nombre de bas-officiers & de foldats de
cinq régiments de fon infpeélion ; là , en préfence
des chels de ces cinq régiments , je l’ai vu régler
le port de l’arme & quelques autres objets de cette
nature. Je l’ai entendu demander à chaque meftre-
. de-camp ; eft-ce compris? eft-ce entendu? & c .
L année d’après, je l’ai entendu fe plaindre, avec
radon , de ce que les cinq régiments différoient
dans le port d’armes, le ton de commandement, &c.
.Quelques bons efprits voudroient qu’on cherchât
à faire fentir au foldat la raifon phyfique on
morale des changements qu’on fait dans les exercices
* & jamais on ne daigne lui donner ces explications.
Ils prétendent aufli qu’on devroit faire
part.aux foldats des fuppofitions que l’op eft cenfé
taire chaque fois qu’on va exécuter une manoeuvre ;
& jamais je n’ai vu planter de jalon bu placer
quelques bas-officiers qui représentent le front
de l’ennemi.
Qui n’a pas lu vingt fois que les exercices militaires
devroient être analogues à l’efprit de la
nation pour laquelle ils font deftinés : & qui n’a
pas remarqué encore plus fouvent que les exercices
des différentes nations de l’Europe ont touts
été calqués fur ceux du roi de Pruffe ? -
i Une infinité de batailles prouvent que la cavalerie
eft fouvent obligée de combattre à pied, &
elle n’eft ni armée, ni exercée pour cet objet.
L’infanterie doit quelquefois monter en croupe
derrière la cavalerie, & jamais on n’exerce à cela
ni le fantaffin, ni le cavalier, ni le cheval.
Il faut, difent touts les auteurs militaires, accoutumer
le cheval à la lueur, à l’odeur & à l’éclat
de la poudre, au cliquetis des armes & aux cris
des foldats ; mais leurs confeils font oubliés ; dans
une de nos grandes garnifons, j’ai vu la cavalerie
attendre pour aller s’exercer que l ’artillerie
eut fini fon école > que l’infanterie fe fut retirée ,
ou au moins qu’elle eut fini de confumer la poudre
qu’elle avoir portée.
On a bien dit qu’on devoit exercer le cavalier à
manier fon fabre, à parer, à porter des coups
fans bleffer fon cheval ; & cependant touts les
exercices en ce genre fe bornent à faire tirer le
fabre enfemble & à le placer avec grâce contre
1 épaule» Je n’ai jamais vu le cavalier s’élever fur
fes étriers & eflayer de pointer, ou de fabrer,
au galop, un mannequin placé proche de lui.
Avant la paix de 1762, le cavalier manioit moins
bien fon cheval, le fantaffin étoit moins bien
placé, mais ils étoient exercés plus militairement
qu’aujour d’hui.
Voyez défiler un régiment d’infanterie dans une
.prairie bien rafe, fur une efplanade bien nivelée,
l’emboîtement &. l’alignement des rangs vous fur-
prendra agréablement; faites paffer la même troupe
dans un champ nouvellement labouré; faites-la
gravir contre une petite monticule , placez feulement
fur le chemin de la colonne quelques pierres
groffes comme la tête d’un homme, & vous verrez
les files fe confondre, les rangs s’ouvrir, l’alignement
fe perdre ; quand au pas, il n’en faut plus
demander. D ’où vient cette confufion ? du peu
d’habitude de marcher dans des terréins difficiles.
Cependant chacun répète qu’il faudroit exercer
les troupes dans toute'efpèce de terrein. Qu’apprend
on à nos régiments, dit l’auteur de l’efprit
militaire, « à exécuter fur une efplanade quelques
manoeuvres individuelles & élémentaires : voilà
tout; & c’eft pour parvenir là-deffus à une per-
feéïion auffi impoffible que frivole, qu’on excède
le foldat d’ennui & de, dégoût', qu’on lui fait
prendre fon état en averfion ; tandis qu’on le tient
dans une inhabitude abfolue de touts les travaux,
de toutes les pratiques de la guerre ; qu’on néglige
même de lui enfeigner l ’ufage utile de cette
arme qu’il a continuellement dans les mains.
L ’officier vit dans une égale ignorance de ce
qu’il lui importe le plus de connoître. Tirez-le à
la guerre de cette ligne où il eft enchaffé avec
fa troupe , il tombe des nues. Qu’il foit chargé
d’un pofte, il n’a pas la plus légère idée de fortification
; c’eft de lui ^pendant que peut dépendre
le fort d’une armée ».
« Que dirai-je des officiers généraux, dont
l’impéritie entraîne des conféquences bien plus
funeftes ? Ni notre conftitution , ni nos. ufages,
ne leur ménagent aucun moyen d’inftruâion ; du
moment qu’ils quittent leur régiment, ils ceffent
de voir des troupes; ou s’ils lont maintenus en
exercice, c’eft pour paffer une revue, & faire
défiler une parade. Eft-ce donc ainfi qu’on peut
fe rendre capable du commandement des armées ».
« Les camps exigent des dépenfes énormes auxquelles
la détreffe de nos finances ne permet pas
au gouvernement de fe livrer. Il ne refte donc
aux officiers généraux pour s’inftruire, que l’étude
du cabinet. Mais des’ fpéculations qui ne font pas
aidées de la pratique, ou s’effacent promptement, i
ou ne forment que des principes vagues & incer- i
tains ».
« Je viens de montrer le mal ; effayons d’indiquer
le remède. Je commence par rinftruéHon
particulière des corps. Ce n’eft ni dans la cour
d’un quartier, ni fur une place publique qu’ils peu-
yent apprendre ce qu’ils doivent Ravoir; &. d’ail- |
leurs, ces exercices momentanés laifient les troupes
à leur oifiveté» V o ic i, je crois, comme on pour-
roit remplir le double objet de les occuper &
de les inftruire ».
« Chaque ville militaire devroit avoir à fa portée
un terrein acquis ou loué par le ro i, pour fervit
de théâtre continuel aux divers exercices de la
garnifon. C ’eft-là que le foldat apprendroit à
elever un retranchement, à conftruire une redoute,
à creufer une tranchée. C ’eft à cette école-pratique
, dirigée par un ingénieur habile, que l’officier
acquerroit dans l’art de la fortification, la
portion de connoiffances néceffaire au genre de
îon fervice. C ’eft-là qu’officiers & foldats feroient
inftruits à l’attaque & à la défenfe de toute efpèce
d’ouvrages. C ’eft fur ce local, mêlé d’inégalités,
d’obftacles , & , s’il étoit poffible, terminé par une
forêt, une rivière, que feroient fimulées toutes
les opérations de guerre. C ’eft enfin fur ce terrein
que, pendant toute l’année, les troupes de la garnifon
ieroient occupées aux différents objets qui
doivent entrer dans le plan d’une inftruéfion bien
entendue ».
« Un établiffement de ce genre feroit moins
brillant fans doute , que celui de l’école militaire ;
mais certainement plus utile & beaucoup moins
difpendieux ».
A-t-on appris à un feul foldat à planter une
échelle, a y monter ? Leur apprend-on à border
un retranchement ? Leur fait-on voir tout l’avantage
qu’ils ont lorfqu’ils défendent une redoute?
Sçavent-ils la conftruire cette redoute ? Sçavent-ils
tracer, élever, revêtir un redan, une flèche ?
Conftruire un pont avec des fafeines? Faire un
gabion, une claye? Ont-ils vu & fait un abatis,
taillé & planté des fraifes ou des paliffades, creufé
des puits, planté des vignes, des piquets ? Sçavent-
ils ce que c’eft que des chevaux de frife ? Ont-ils
vu des chauffe - trapes ? Ont-ils entendu parler
d’une fou gaffe ? Et dans la défenfe des- maifons
leur ignorance n’eft-elle pas encore plus grande.
Comment barricaderoient-ils une porte, une fenêtre,
perceroient-ils des crénaux, conftruiroient-
ils des tambours,des mache-coulis? & c . &e. & c .
Le grenadier fçait-il jetter des grenades? Le chaf-
feur tire-t-il mieux que le refte des fufiliers ? Le
cavalier & le fantaffin fçavent-ils qu’ils doivent
plutôt bleffer le cheval que l’homme ? Un régiment
de cavalerie a-t-il effayé, depuis la paix, de paffer
une petite rivière à la nage ? A-t-on montré à
l’infanterie comment elle doit paffer un' gué ?
Les ordonnances militaires n’ont prefquè rien
prononcé fur la faifon où l’on devoit faire Y exercice’,
elles n’ont rien dit.fur les jours que l’on devoit
y confacrer ; elles n’ont point parlé de l’heure
que l’on devoit choifir; elles n’ont pas preferrt
enfin la durée de chaque exercice ; pouvoient-elles
de voient-elles s’occuper de ces différents objets ?
Si elles avoient voulu réfoudre ces problèmes
d’une.manière abfolue, il auroitfallu qu’elles do