
befoin de les développer. Le mépris des loix
militaires, qu’on voit fans ceffe contredites les
unes par les autres; l’ignorance des troupes, qui
n’ont le temps de s’affermir dans aucune méthode ;
leur dégoût, leur mécontentement, & ces épidémies
fi fréquentes de défertion : voilà une partie
des maux qu’enfante l’abus d’abandonner à un
fecrétaire d’état la légiflation de la guerre. ».
Les quatre écrivains dont nous venons de faire
connoître les penfées, ayant prouvé évidemment
la néceffité d’un confeil de guerre, nous allons
paffer avec eux aux fondions qu’il devroit remplir.
Devoirs du confeil de guerre,
M. de Saint-Germain dit : que le confeil de
guerre devroit être divifé en fept départements, &
s’occuper i ° . de l’infanterie, des milices, des invalides
; 2,0. de la cavalerie , des troupes lég è re s ,
de l’école militaire ; 3° . de l’artillerie, des arfe-
naux , des fonderies , des fabriques d’armes de
toute e fp è c e , des falpétrières, des fabriques à
p ou dre; 40. de tout ce qui a rapport au génie &
aux fortifications ; 5Ç. de tout ce qui concerne les
finances fournies au département de la guerre par
' l e contrôleur général ; 6 °. des hôpitaux & de
toutes les fournitures à faire aux troupes ; 7 0. de
tout ce qui eft aujourd’hui compris dans nos états
militaires, fous le nom d ’affaires contentieufes ;
enfin de la révifion des fentences des confeils de
guerre. En lifant ce que M. de Saint-Germain a
écrit fur la révifion des procès des fo-ldats condamnés,
on fe fient attendrir jufqu’aux larmes;
« la v ie des hommes eft fi précieufe ; il eft fi trifte
& fi douloureux de la leur ô te r , que l’on ne peut
prendre affez de précautions pour pouvoir la leur
conferver autant qu’il eft poflible; les loix militaires
font trop fév ères; il n’y a pas une jufte proportion
entre les délits & les peines ; ne feroit-il
pas digne de la clémence d’un ro i, d'ordonner que
touts les confeils de guerre qui portent fentence
de mort, fuffent en v o y é s , avant qu’on procède à
l’ex écution , au tribunal de la guerre qui les feroit
revoir & examiner par le bureau de ju ft ic e , pour ,
après avo ir v u fon fentiment, le porter à la déci-
fion du roi. On fauveroit par-là la v ie à bien des
malheureux, qui fouvent périffent bien légèrement.
C e bureau pourroit aufli travailler à adoucir les
ordonnances, q u i , étant moins rigoureufes , en
feroient mieux obfervées. T o u t le monde répugne
à faire périr un homme ; cette répugnance fait
fermer les y e u x fur quantité de fautes que l’on
feroit p u n ir , s’il n’étoit pas queftion de peines
capitales. ».
L ’officier général qui aidoit M. de Saint-Germain
de fes confeils, lui propofa deux plans relatifs
aux fondions du confeil de guerre ; par le
premier de ces plans, le département de la guerre
reftoit entre les mains d’un fecrétaire d’état , &
le confeil devoit être chargé feulement de juger
définitivement les plaintes que les officiers auroient
à former contre des fupérieurs tyranniques ou
injuftes, de punir les prévarications & les contraventions
aux loix & aux ordonnances, & de donner
fon avis fur les plus petits changements à faire à
la conftitution militaire, aux lo ix & aux ordonnances
; ce premier p lan , de l’aveu même de fon
auteur, ne fuffifant pas à prévenir touts les abus ,
il préféroit le fécond. Par celui-ci, le fecrétaire
d’état au département de la guerre étoit fupprimé ,
&. le confeil réuniffoit toute fon autorité; il devoit
difpenfer les grâces, infliger les punitions, nommer
aux emplois, répondre a toutes les queftions, réfoudre
toutes les difficultés, & c .
Ce s deux projets font touts deux bons , dit
M. de Saint-Germain dans fes mémoires : « cette
fage détermination confoleroit le militaire fran-
çois de touts les maux paffés, & en le raffurant
fur fon fort à v e n ir , elle feroit peut-être renaître
l’émulation, & le goût du fervice qui n’eft que
trop affoibli maintenant. ».
L ’auteur de l’examen critique du militaire fran-
ço is , parle ainfi des fondions du confeil de guerre.
« Le confeil de la guerre feroit chargé de maintenir
la difcipline dans toute fa v igu eu r, d’examiner
les nouveaux projets , & la réforme des
abus, de tenir le tableau des grâces, & de l’avancement
des officiers, pour propofér au roi les fujets
dignes de fes bontés, & capables de remplir les
emplois à mefure qu’ils viendroient à vacquer.
T o u t y feroit mis en délibération, l’unanimité des
v o ix feroit la feule proteéfion. Les commandants
de divifions , les infpeéteurs , les colonels ren-
droient leurs comptes au confeil, formeroient leurs
demandes, mais ces.demandes ne feroient pas des
ordres. ».
L ’ouvrage intitulé de Yefprit militaire , dit en
deux mots que le confeil feroit l’inftituteur & le
confervateur des loix militaires.
Quoique aucun des écrivains que nous avons
c ité s , n’ait expreffément parlé des fon d ion s • que
le confeil fuprême auroit à remplir pendant la
guerre, on devine aifément qu’ils lui ont attribué
tout ce qui eft compatible a v e c l’autorité abfolue
que les généraux doivent avoir.
Formation & compofition du confeil de guerre,
Dans le mémoire que M. de Saint-Germain
remit au ro i, mémoire qui l’éleva au miniftère, on
v o it que le confeil de voit être compofé d’un prés
id e n t militaire, d’un vice-préfid ent, homme de
lo i ; qu’il devoit être divifé en fept départements ,
dont le premier auroit pour chef un officier d’infanterie
, & en fous - ordre un commiffaire des
guerres; le fécond , un officier fupérieur de cava-?
le r ie , & un commiffaire des guerres en fous-ordre ;
le troifième, un officier fupérieur d’artillerie, &
deux hommes intelligents pour le détail; le quatrième
, un officier fupérieur du g én ie, a vec les.
fous-ordres néceffaires; le cinquième, un bon
financier, a vec les aides néceffaires; le fix ièm e ,
un chef intelligent, & le feptième , un avocat
habile.
L ’officier général qui avoit aidé M. de Saint-
Germain de fes confeils, vouloit que le premier
tribunal dont nous avons parlé d’après lui , fût
compofé d’un maréchal de France préfident, d’un
lieutenant général vice-préfident, d’un lieutenant
général ou maréchal de camp rapporteur, de quatre
autres lieutenants généraux, de quatre maréchaux
de camp, qui touts auroient vo ix délibérative.
Il y fera étab li, difoit-il, aufli un commiffaire
ordonnateur, fous le titre de greffier, fecrétaire,
garde des archives, & dont les fondions feront
de rédiger les arrêts, & de tenir les regiftres.
Dans fon fécond .plan le confeil de guerre étoit
compofé d’un maréchal de France président, d’un
lieutenant général vice -pré fid ent, d’un fecrétaire
d’é ta t , rapporteur , de quatre autres lieutenants généraux,
de huit maréchaux de Camp, d’unconfeiller
d’é ta t , d’un intendant des finances , qui touts
avoient v o ix délibérative, & d’un fecrétaire pour
tenir les regiftres.
M. le B. D . B. compofé fon tribunal de la manière
fuivante ; elle eft , comme on le v e r r a ,
prefque femblable à celle de M. de Saint-Germain.'
« Le confeil ou tribunal de la guerre feroit compofé
de fix lieutenants généraux , dont un entrant
au confeil du r o i , feroit préfident'du confeil de
la gu ë rre, de deux maréchaux de camp , d’un
confeiller d’état , intendant des -armées , choifi
parmi les anciens intendants de province s, & de
fix chefs des départements , ayant touts v o ix délibérative
; il y auroit de plus un fecrétaire du
tribunal n’ayant point vo ix.
L e premier département ou bureau feroit celui
de l’infanterie, des bataillons de garnifons , des
bataillons provinciaux , des gardes-côtes & maré-
chauffées , ayant pour chef un officier fupérieur
tiré du corps de l’ infanterie.
L e deuxième département, celui des troupes à
c h e v a l, ayant pour ch ef un officier fupérieur,
tiré du corps des troupes à cheval.
Le troifième département, celui de l’artillerie ,
des arfenaux, fonderies , fabriques , falpêtreries ,
poudreries, ayant pour chef un officier fupérieur
d’artillerie.
^ L e quatrième département, celui du corps du
génie , des fortifications, des places , ports, galeries
des reliefs, ayant pour chef un officier fupérieur
du corps du génie.
Le cinquième département, celui des finances,
pour la re c e t te , la dépenfe & les économies d e .
touts les départements , ayant pour chef un homme
de finance, a v ec brevet de confeiller d’état.
L e f ix ièm e , celui des affaires de juftice , procès
, confeils de guerre , pafle-ports, fauf-conduits,
ayant pour ch ef un homme de lo i , av ec brevet
de confeiller d’état.
Chacun de ces chefs auroit fous lui un fecrétaire
de département , choifi dans les quartiers-
maîtres de l’armée , excepté dans les deux derniers
départements, oh ce feroit un homme de finance
& un homme de l o i , qui fût au moins gradué. ».
' A v an t de parler de la formation & de la compofition
du confeil de guerre ; l’auteur de Vefprit
militaire rappelle le but de fon inftitution , la fiabilité
& la fageffe des loix.
u Pour obtenir le premier avantage ? il eft évidemment
néceffaire que les membres de ce corps
foient invariables ; mais ils ne le feront pas fi on le
comp ofé, comme fait M. de Saint-Germain , des
mêmes officiers qui doivent être employés à la
guerre. A lo r s , av ec d’autres hommes s’introduiront
d’autres maximes. Ce tte vanité qui porte un
nouveau miniftre à fubftituer fes idées à celles de
fon prédéceffeur, excitera les nouveaux membres
du confeil législatif, à détruire l’édifice de leurs
devanciers pour établir le leur à la p la c e , & la
même inconftance régnera dans la conftitution.
Afin de prévenir cet in con vén ien t, fufpendra-
t-on les affemblées du tribunal de „légiflation pendant
la gu e rre, ou feulement pendant chaque campagne
? Comme il faut une autorité légiflative ,
toujours fubfiftante, ce fera alors le miniftre de
la guerre qui fera les loix nouvelles que les cir-
conftances pourront exiger , qui interprétera les
anciennes; & v o ilà encore la carrière ouverte aux
changements. Il y a plus. Si pendant un temps le
fecrétaire de la guerre remplit les fondions de
légiflateur , ne fera-ce point lui donner la tentation
& les moyens de fe les approprier ?
A l’égard de l’autre bien qu’on doit envifager
dans cette inftitution ; je v eu x dire la fageffe des
loix ; il ne me paroît pas devoir réfulter non plus
du plan de compofition offert par M . de Saint-
Germain. V o ic i fur quoi je fonde mon fentiment.
Dans cette h yp oth è fe , le tribunal ïégiflatif feroit
prefque uniquement compofé de maréchaux-de-
camp. O r , ces officiers, récemment fortis du grade
de co lon e l, & du cercle étroit des détails d’un
régiment, porteront-ils dans l’examen de la co n f t
itu tion , le coup d’oeil qui convient à des législateurs
? N e donneront-ils pas trop d’attention aux
petits o b jets, au préjudice des parties effentielles
& de l’enfemble ? D e p lus, peu ou nullement expérimentés
dans la guerre qui feule éprouve & rectifie
les connoiffances , quelques lumières qu’ils
aient d’ailleurs , ne prendront-ils pas fouvent le
fantôme de la vérité pour elle - même ? Ca r s’il
exifte une fcience oh la th éo r ie , dénuée de pratique
, conduife à de faux réfultats, c’eft incon-
teftablement la fcience de la guerre.
Ajou te z qu’il feroit bien à craindre qu’un corps
formé d’officiers .généraux , encore à l’entrée de
la carrière , & q u i , pour s’y avancer , ont befoin
de la faveur des miniftres , ne fût entièrement
dominé par leur influence. Et tant par cette raifon
que par celles précédemment déduites, il eft aif4