
lettres circulaires dans le pays qu’on veut mettre I
à contribution : qu’on annonce dans ces lettres
qu’après tel temps, il fortira des partis qui mettront
le feu aux villages ôc aux autres lieux qui J
ne feront pas pourvus d’une quittance de contribution,.
Au terme fixé par ces lettres, le général
doit faire fortir des partis de 25 à 30 hommes
commandés par des officiers intelligens ; ces partis
marchent feulement pendant la nuit ; ils ne font
aucun dégât : à leur arrivée proche des villages
ou des bourgs, ils envoient un fergent avec deux
hommes chez le principal habitant, pour fçavoir
s’il eft pourvu d’une quittance ; s’il n’en eft pas
pourvu , celui qui conduit la troupe , la fait pa-
roître fur-le-champ, incendie une maifon, ôc menace
de revenir en brûler davantage, fi fous un
nouveau délai , on ne conduit pas au lieu défigné
les denrées exigées ou l’argent demandé. Il doit
être- défendu à ces détachements de fe charger
des contributions , quand bien même on voudroit
les leur payer.
Le maréchal de Saxe veut encore qu’avant de
faire rentrer les foldats dans leurs quartiers on les,
fouille avec foin. Il prétend enfin que cette méthode
de lever les contributions ne fa^ u e point
les troupes, fait contribuer un pays très confidé-
rable, & fans aucun rifque , parce que les petits
partis ne fçauroient être découverts. L’exemple
ôc l’autorité du vainqueur de Fontenoi perfuade-
ront, je penfe, touts les militaires.
Quant aux moyens indiqués par quelques écrivains
, moyens qui confiftent à envoyer des. incendiaires,
ou des hommes qui fement des billets
menaçants , & c . nous penfons qu’un général jaloux
de fa réputation ne doit jamais s’en fervir , & qu’un
prince fage , qui aime fes fujets ôc, la vraie gloire,
doit en prohiber l’ufage.
§ . V I I I .
Manière dont les officiers particuliers doivent fe
conduire dans la levée des contributions.
Le pays que l’on veut faire contribuer eft proche
de l’armée dont on eft détaché, ou il en eft éloigné
; il eft à portée de celle des ennemis, ou il
en eft féparé par une diftance confidérable.
Quand le pays que l’on veut faire contribuer
eft proche de l’armée dont on eft détaché , l’opération
n’offre aucune difficulté ; elle en offre peu
quand lé pays eft éloigné de l’armée, fans être à
portée de l’ennemi. Les feules circonftances épi—
neufes font donc celles ou l’on entreprend de faire
contribuer un pays fitué fur le front, les ailes ou
les derrières de l’ennemi.
Pour faire contribuer un pays fitué fur le front,
les ailes ou les derrières de l’ennemi, il faut de la
valeur, fans doute , mais il faut encore plus d’art
ôc d’adreffe. Tous les officiers dont une armée eft
compofée , ne font, par conféquent, point également
propres à remplir cet emploi : auffi le conffe-
t-on d’ordinaire à un partifan habile , ou À un bon
officier de troupes légères.
Parmi les qualités que doit réunir celui qui eft
chargé de lever des contributions , on doit principalement
placer le défintéreffement. (V o y e z le
paragraphe i v de cet article. ).
Mais la probité n’eft pas la feule qualité morale
neceffaire à la perfonne chargée de lever les
contributions; les manières dures & hautaines que
quelques officiers employent , les violences dont
ils ufent envers les contribuables , les mauvais
traitemens qu’ils leur font effuyer , aliènent le
coeur du peuple bien plutôt que la contribution
même ; il faut donc que celui à qui on confie ce
foin , joigne à la probité la plus auftère , un
caraftère doux , une ame fenfible ôc compatiffante
aux maux des infortunés ; ainfi , tandis que la voix
du devoir lui prefcrira d’être inéxorable , celle de
l’humanité pénétrant jufqu’au fond de fon coeur ,
le forcera à partager les maux dont il n’eft que
l’innocente caufe, & à les adoucir au moins autant
qu’il dépendra de lui.
Parmi les connoiffances néceffaires à celui qui
eft chargé de lever des contributions , on doit
mettre au premier rang celle du pays qu’il doit faire
contribuer, & de l’idiome qu’on y parle.
Une petite troupe eft préférable pour la levée
des contributions:3 à un détachement confidérable y
nous l’avons prouvé dans le paragraphe VII. Celui
qui fera chargé de ce foin, fongera donc moins
à groffir fa troupe qu’à la bien compofer. Autant
qu’il le pourra, les deux tiers de fon détachement
feront tirés des troupes légères à cheval, 6c le
refte de l’infanterie.
Avant de fe mettre en marche , il acquèrera
toutes les connoiffances relatives aux chemins qu’il
doit parcourir ; nous parlerons de ces connoiffances
dans l’article C o n v o i .
Il fe pourvoira de guides ôc d’interprètes, ôc il
fe conduira avec eux comme nous le dirons dans
les articles confacrés à ces deux mots..
Il demandera qu’on lui remette un état des villages
qu’il doit faire contribuer : de l ’efpèce ôc de
la quantité de contributions que chaque éndroit
doit fournir : il fçaüra quelle eft l’époque à laquelle
les contributions doivent être payées, ÔC
l’endroit où elles doivent être conduites : il prendra
des ordres très précis relativement aux moyens
dont il doit faire ufàge pour - contraindre les contribuables
à payer leurs taxes.
Ces 'connoiffances acquifes , il affemblera fa
troupe ; il fera faire un contrôle exa& ôc il l’inf-
peéiera ; fon attention portera principalement pendant
cette infpeélion for les objets que nous indiquerons
dans l’article I n sp e c t io n .
Il formera enfuite fon détachement , 6c il fe
divifera en autant de feélions ôc de fubdivifions
qu’il aura d’officiers ôc de bas-officiers auffi fûrs
qu’intelligents.
S'il eft le maître de choifir un commandant en
.fécond , il le nommera ; fi fon chef ou l’ancienneté
lui en ont donné un, il le fera reconnoître par fa
troupe. 11 conférera avec cet officier , lui fera
part de tout le fecret de l’opération , 6c prendra
fes avis ; il affemblera enfuite les principaux officiers
6c bas-officiers de fon détachement , 6c il leur
donnera les ordres-généraux relatifs à la difcipline
6c à la police de leurs fubdivifions. Il fe gardera
bien de leur parler dè ce qu’il ne fera pas abfo-
lument néceflaire qu’ils fçachent. < Il combinera
l’inftant de fon départ, de manière à arriver pendant
la nuit proche du premier endroit qu’il devra
faire contribuer; il marchera jufqu’à cet endroit,
comme nous le dirons dans l’article Ma r c h e ; i l
s’y embufquera comme nous l’indiquerons dans
l’article Em bu scad e ; vers le milieu de la nuit il
enverra un bas - officier avec deux foldats pour ;
examiner files ennemis fe font emparés du village ;~|
quand. il apprendra qu’ils y font en force il fe
retirera, il n’eft pas venu pour combattre : quand
l’ennemi ne fera pas dans le village , il enverra
chez le bourguemeftre , le fyndic ou le maïeur,
un de fes bas-officiers ; ce bas-officier qui fçaura
bien l’idiome du pay s , qui fera accompagné , fi
cela eft poffible , par quelque notable d’un village j
voi'fin , ira en filence julqu’à la maifon du principal
magiftrat ; il demandera à lui parler ; il cherchera
à lui infpirer de la confiance , en fe faifant
paffer pour être détaché de l’armée -amie ; il lui demandera
des guides, ôcc. Quand le bourguemeftre
confiant, fe mettra à portée d’être faifi, on l’amènera
au commandant du détachement ; fi le bourguemeftre
fe tient dans fa maifon, on cherchera en l’intimidant
à la déterminer à fortir de chez lui ôc à venir
parler au chef du détachement. Auffitôt que le
bourguemeftre fera arrivé à l’endroit de l’embuf-
cade, il recevra ordre de s’occuper tout de fuite
des moyens de faire payer la contribution à laquelle
le village aura été taxé ; pendant ce temps
on s’emparera des iffues du village, afin qu’aucun
des habitants ne puiffe aller avertir l’ennemi; cela
étant fait, le bourguemeftre à qui on aura caché
la force de la troupe fera renvoyé avec une partie
du détachement, pour affembler les notables ôc
répartir la contribution ; des patrouilles par corneront
fans ceffe le village pour empêcher les citoyens
de fortir de leurs maifons ôc de s’attrouper.
Suppofons d’abord que la contribution foit en
argent; le bourguemeftre fait fon état de répartition
, Ôc il va accompagné d’une patrouille recueillir
chez les principaux habitants la fomme à
laquelle chacun eft impofé. Si on ne peut recueillir
la lomme entière , on prend autant d’otages qu’on
le juge néceflaire, pour enaflurer le payement ;
on les amène ainfi que le bourguemeftre ; on fixe
le jour auquel les habitants doivent ,.foqs peine de
voir leurs maifons brûlées, porter au camp le refilant
de l’argent. L’opération terminée on fait fa
retraite , ou bien on dirige fa marche vers un
autre endroit qui doive payer des contributions.
Quand le village peut payer la contribution , 6c
qu’il montre de la mauvaile volonté, on menace
les citoyens 6c leur bourguemeftre , du traitement
le plus févère ; on parle du feu, on défigne les
fermes par lefquelles l’incendie doit commencer:
ce feront toujours celles des principaux habitants ;
les menaces ne fuffifent-elles point ? On en vient
aux effets; on met le feu à une maifon : les habitants
nombreux 6c courageux prennent - ils les
armes ? On tire fur eux , on cherche à faire des
pnfonniers pour fervir d’otages ; la réferve s’approche
6c les citoyens fe foumettent. Si malgré
les fecours de la réferve , les citoyens font les
plus forts ; on fait fa retraite laiffant au général
le foin de venger l’honneur du détachement, ÔC
d’affurer par un exemple févère le payement des
contributions qui lui feront néceffaires à 1 avenir.
Dans les gros bourgs 6c les villages très peuplés
6c très voifins de l’ennemi, on doit agir avec
encore plus de ménagement : on arrive avant la
fin de la nuit ; on s’ embufque ; on envoie de petites
patrouilles roder dans les rues ôc autour du
village : à mefure que les citoyens, les femmes
6c les enfans fortent de leurs maifons on les enlève ;
on prend de même les beftiaux qui font dans les
-champs ou qui y vont; on fe retire à quelque diftance
du village , dans un endroit fort par fa nature ;
on renvoie un des principaux prifonniers avec
ordre de dire à fes compatriotes que f i, dans un très
petit nombre d’heures, le détachement n’a pas reçu
telle fomme , il mettra le feu au village , amènera
les ôtages 6c doublera la contribution, ôte.
Les contributions en grains ne font guères plus
difficiles à raffembler que celles en argent : le
bourguemeftre qui fçait quels font les citoyens
qui en pofsèdent la plus grande quantité , leur ordonne
d’en livrer tel nombre de facs ; il commande
en même temps le nombre de voitures néceffaires
pour le tranfport de ces grains. Les foldats
du détachement ne doivent être occupés qu’à hâter
le raffemblement des grains , 6c à tenir les citoyens
dans la crainte ôc le refpeéf.
Les contributions en viande font aifées à raffembler
ÔC à conduire ; on demande au bourguemeftre
l’état des boeufs , des vaches Ôc des moutons
qu’il y a dans le village, ôc on prend la quantité
portée par l’ordre du général. L’officier particulier
ne doit faire attention ni aux travaux de la
campagne, ni aux autres befoins des habitants ;
ces calculs d’arithmétique politico-militaire , font
uniquement du reffort du général.
Les contributions en fourrages font les plus difficiles
à raffembler , à caufe du temps confidérable
qu’il faut pourr charger les voitures ; à mefure
qu’elles font chargées , on les met en fureté dans
le milieu de l’embufcade : ( Voye^ F o u r r a g e s
au fec : ) : quand on a raffemblé toutes celles
qu’on avoit ordre de prendre , on met le convoi