
•fans adopter aucune des règles des archite&es que
je viens de citer , nous fuppoferons qu’un mur
de 20 pieds de hauteur fera parfaitement affuré
fur fa b afe, quand on donnera à fes fondements
quatre pouces d’épaiffeur de plus de chaque côté
que n’en a le mur , c’eft-à-dire , que s’il avoit deux
pieds d’épaiffeur , fes fondements auroient deux
pieds huit pouces. Préfentement , voulant fçavoir
quelle épaiffeur il faut donner aux fondements
d’un mur qui auroit 50 pieds de hauteur , je fais
abftraôion pour un moment de l’épaiffeur de ce
mur , pour n’avoir égard qu’aux retraites qu’on
doit donner de chaque côté , pour faire cette proportion
; fi à un mur de 20 pieds de hauteur , il
faut donner quatre pouces de retraite de chaque
côté, combien en faudra-t-il donner à un mur de 50
pieds ? Faifant la règle , on trouvera que chaque
retraite doit être de dix pouces ; par conféquënt,
fi le mur avoit trois pieds d’épaifleur, il faudroit
à fes fondements quatre pieds 8 pouces ; de même
s’il étoit queftion d’un mur de 80 pieds , on fuivra
toujours la même proportion , en prenant 20 pieds
pour premier terme , quatre pouces pour le
fécond.
Quand on voudra élever des murs qui ont
quelque pouffée à foutenir , il n’eft pas néceffaire
de les affeoir fur le milieu des fondements ; il
vaut beaucoup mieux , après en avoir trouvé
l’épaiffeur , donner plus de largeur à la retraite
qui répond aux points d’appui, qu’à l’autre ; je
voudrois même la faire double , c’eft-à-dire
qu’ayant trouvé , par la règle précédente, qu’il
faut donner dix pouces de retraite de chaque côtéj
aux fondements d’un mur de 50 pieds de hauteur ,
& qui eft chargé d’un grand comble, & de plu-
fieurs planchers, ayant ajouté enfemble les deux
retraites , qui font 20 pouces , on en donnera 13
ou 14 à la retraite du dehors, & ftx ou fept à
celle du dedans, Ainfi le bras de levier qui répond
à fa puiffance réfiftante fe trouvant allongé par
rapport au centre de gravité de la muraille ; le
tout fera beaucoup plus affuré, & il n’arriveroit
pas le . défaut que l’on remarque dans la plupart
des bâtiments.
Manière dont on doit employer les matériaux qui
compofent la maçonnerie.
La meilleure de toutes les maçonneries, e f t ,
fans difficulté j celle qui eft faite de pierre de
taille ; mais comme cette pierre eft affez rare, il
p’eft pas ordinaire de faire des bâtiments qui en
foient tout compofés ; on fe contente feulement
de les employer pouf les foubaffements des gros
murs, aux encoignures des édifices , & aux angles
des revêtements des ouvrages de fortifications.
Pour la mettre en oeuvre , on en prépare de deux
efpèces ; la première , que l’on nomme carreau
ou panereffe , eft celle dont la largeur excède la
longueur ; la féconde, que l’on nomme bçutiffe,
eft celle dont la longueur excède la largeur. Les
panereffes font parement de toute leur largeur ,
6c les boutiffes de leur tête feulement, leur queue
faifant partie de lepaiffeur du mur’; c’eft ainfi
qu’on les, diftribue dans chaque aflife , obfervant
de placer une boutiffe enfuite 6c une panereffe ,
fucceflivement une boutiffe 6c une panereffe ,
pofées plein fur joint, c’eft-à-dire que les joints
perpendiculaires de la fécondé aflife répondent
au milieu des pierres de la première , ainfi des
autres qui font au-deffus. Pour cela l’on fait les
aflifes bien réglées , en forte cpaë les carreaux 6c
les boutiffes ayent la même hauteur, afin que les
joints horifontaux qui régnent fur toute la longueur
du mur , faffent des lignes parallèles & de niveau.'
A mefure que l’on pofe une de ces aflifes , on
garnit le refte de l’épaiffeur du mur de brique ou
de moellon maçonné avec de bon mortier, &
quand il n’eft que d’une médiocre épaiffeur, on
tâche d’avoir des boutiffes affez longues pour
qu’elles puiffent le traverfer & faire parement
des deux côtés, ce qui rend la maçonnerie beau-*
coup plus folide , par la liaifon qui fe fait du parement
avec le refte du mur ; quand cela fe pratique
ainfi, les boutiffes qui font parement des deux
côtés fe nomment pierres de parpin ou parpeignes.
Quand on conftruit quelqu’édifice militaire dont
les murs doivent être d’une épaiffeur confidérable ,
comme de 5 o u 6 pieds, on employé de la graifferie
au parement jufqu’à une certaine hauteur, de la
brique pour le parement intérieur, & le refte de
l’épaiffeur fe fait de moellon. O r , pour que le tout
-foit en bonne liaifon , on employé la graifferie
comme on vient de le dire ; à l’égard de la brique,
on commence par pofer une première aflife de
deux briques '6c demie d’épaiffeur, une fécondé
de deux briques, 6c une troifième d’une & demie ,
chaque aflife bien arrafée avec du moëllon; après
quoi on recommence tout de nouveau une aflife
de deux briques & demie, une fécondé de deux
briques, & une troifième d’une brique & demie,
toujours bien liées &arrafées avec le moellon & la
graifferie. Quand on eft parvenu à la dernière aflife
de graifferie , & qu’on veut faire de briques le refte
de la hauteur du parement, on la pofe par aflife
réglée, comme on vient de le voir pour l’intérieur ;
& , afin de rendre la liaifon plus parfaite, on peut,
de trois en trois aflifes, faire une chaîne de deux
briques d’épaiffeur fur toute l’étendue de l’oùvrage,
pofées plein fur joinf.
Les foubaffements d’un mur étant faits , fi ©n
élève le refte du parement avec du moëllon , on a
foin de le bien éboufiner & de le tailler jufqu’au vif.
On fe fert encore de boutiffes & de pannereffes, en
obfervant toujours de ne les pofer que plein fur
joint; car ce feroit un défaut groflier de voir deux
ou plufieurs joints perpendiculaires fur un même
alignement, parce que le mur n’en feroit pas fi
folide, 6c choqueroit le coup-d’oeil. Dans les ouvragés
que l’on veut faire proprement, on a égard
nçn-feulemeq{
«ôfi-feulertient de donner la même hauteur a toutes
les pierres qui doivent compofer les aflifes, mais
encore de les tailler de façon que la largeur des
pannereffes foit double de celle de la tete des bou-
tiffes , afin d’obferver une bonne liaifon & un cer-
ain ordre de fymétrie qui fait un fort bon effet.
Les anciens étpient extrêmement attentifs a travailler
les parements des édifices confidérables ; ils
çn rendoient les joints prefque imperceptibles ;. ce
qui a fait croire , comme il y a toute^apparence,
qu’il leur arrivoit quelquefois de bâtir fans mortier,
ainiant mieux tailler les pierres fi juftes , que leur
fituation 6c leur poids puffent fuffire pour donner à
Fouvrage toute la fermeté poflible. Ils avoient
encore recours à une pratique affez ingénieufe pour
rendre les parements polis : ils tailloient bien proprement
les faces des pierres qui dévoient être
unies les unes contre les autres,&laiffoivnt 1 pouce
de velu à celles qui dévoient compofer ie parement..
Quand l’oayrapge étoit entièrement achevé , on
recoapoit ces pierres en ravalant ; ainfi, quand
ils fe fèrvoient de mortier, il ne paroiffoit prevue
point, & le tout ne fembloit être compofé que
d’une feule pierre.
Outre les pierres de parements dont on. vient
de parler , & que l’on nomme de grand appareil,
çn en diftingue.encore de deux efpèces. Le premier
eft lç libage , qu’on employé pour les fondements ;
la fécondé eft le moellonnage ou le petit moëllon ,
dont on fe fert pour garnir le milieu des gros murs.
Ç ’eft ici ou les entrepreneurs n’oublient pas leurs
intérêts : quand on n’y prend point garde , ils ont
grand foin de faire le parement bien conditionné,
pour furprendre le coup-d’oe il, tandis que le refte
n’eft compofé que de boue & de plâtras : il eft
yrai que cela n’arrive guères dansfcles ouvrages
de fortifications 3 parce que M™. les ingénieurs
y apportent tant d’exaétitù.de 6c de foin, qu’il eft
affez difficile de leur en impofer , ceux qui font
accoutumés à faire travailler , fçaehant combien
il eft dangereux de s’en rapporter à la bonne-foi
des ouvriers : mais , comme j’écris principalement
pour ceux qui commencent, & qui n’ont pas une
grande connoiffance des travaux, voici en peu de
mots ce que l’on doit obferver pour faire faire un
bon ouvrage.
Il faut prendre garde de ne jamais laiffer travailler
les maçons qu’aux heures marquées , 6c qu’ilsaient,
toujours des cordeaux d’alignement devant 6c derrière
la muraille, ne permettant pas qu’ils faffent
leurs plombées plus hautes que d’un pied pu un
pied & demi ; de ne point laiffer employer de
mortier qui ne foit tiercé & vieux de deux jours ,
fans fouffrir qu’on maçonne à fe c , comme cela
arrive affez fouvent, ou que, tombant dans une
autre extrémité, on ne rempliffe .les trous de poi-
gnées.de mortier au lieu, de tuilleaux ou d’éclats de
pierre; •
. De faire laiffer des amorces qui ayent au moins
yn demi-pied aux endroits où il y aura reprife
Art militaire, tome
d’ouvrage ; 6c, quand on viendra à y travailler,
de ne pas laiffer recommencer fur les arrafes fèches
fans y jetter de l’eau. ■
De ne fouffrir jamais qu’on mette des calles de
bois fous les carreaux, cordons, tablettes & autres
pierres de parements , ni qu’on employé ces pierres-
fans qu’elles ayent un lit fuffifant pour être bien
aflifes ; de. ne pas laiffer mettre en oeuvre des pierres
trop fraîchement tirées de la carrière, 6c qui ne
foient déchargées de leur boufin, parce que le
mortier ne s’y attache pas, 6c de faire enlorte qu’en
les pofant, elles ne faffent point de boffes qui excèdent
le niveau de l’ouvrage ; mais, dur toutes
chofes, de ne pas fouffrir qu’on employé des. pierres
de grès, parce que le mortier ne s’y attache pas ,.
foit à caufe que leurs bords font trop' ferrés, ou
qu’elles ne fourni fient point de fel comme les autres
pour durcir 6c faire, fécher le mortier. Ainfi la
meilleure manière de garnir les murs, eft d’y employer
de la brique ou du moellon plat bien arrangé
6c entrelacé , de manière que le milieu des uns
réponde aux joints des autresobfervant toujours
de conduire , autant qu’il eft poflible, l’ouvrage.
de niveau fur toute la longueur & épaiffeur. ,
Quand on manque à toutes ces précautions , il
arrive que le parement n’étant pas bien lié avec le
refte de l’épaiffeur, eft proprement un mur appliqué
contre un autre qui, venant à fe dégrader par
la fuite, fe détache en peu de temps ; alors toute la
chemife tombe, 6c il ne refte plus qu’un maflif
informe qu’on a bien.de la peine à réparer foli-
dement. Pour remédier à cet inconvénient, on
pratique aux revêtements des fortifications une
conftruélion de maçonnerie qui eft la meilleure
( à ce que je crois ) qu’on puiffe imaginer ; elle fe
fait ordinairement de briques & de moëllonnage;
comme il y a- de l’art à bien lier enfemble ces
deux, matériaux, voici comment on les met en
oeuvre.
Après avoir tracé, les fondements de la muraille
6c ceux des contre-forts, relativement aux dimen-
fions des plans 6c profils , foit pour une face de
baftion, flanc ou courtine , 6c. bâti ces fondements
avec les précautions dont il eft parlé dans le chapitre
précédent, en un mot, après avoir élevé
l’ouvrage jufqu’au niveau du fond du foffé, on
commencera par faire faire trois mortiers différents ;
le premier , fera de ciment compofé de bons tuileaux
bien battus , 6c d’un tiers de -la meilleure
chaux pour remplir 6c garnir les joints des pare-,
ments de graifferie ; le fécond , fera suffi compofé:
d’un tiers de bonne chaux, 6c le refte de fable
fin pour la maçonnerie du parement ; fi l’on a
deux fortes de chaux, on prendra la moindre pour
le troifième mortier , qui fera compofé de petit
gravier , s’il y en a fur les lieux, pour la groffe
maçonnerie.
On préparera aufîi trois fortes de pierres ; la
première , pour les foubaffements 6c les angles ,
doit .être taillée dans fes lits & joints, cifelée 6c
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