
pru n té s, ainfi que les chofes mêmes , de la langue
Espagnole ou de la Celtique ; les Romains ayant
préféré pour le combat les ufage.s de la cavalerie
C e lte . S’ils paroiflent dignes^ d’éloges , c’eft principalement
en ce que l’amour d'e la patrie ôc de
leurs coutumes ne les a point empêchés de choifir
par-tout ailleurs celles qui étoient utiles Ôc de fe
les approprier. Ainfi nous trouvons qu’ils ont emprunté
de quelques nations des armes qu’on nomme
aujourd’hui romaines, parce qu’ils en ont fait unplus
excellent ufage. Ils ont pris chez d’autres peuples
leurs exercices militaires, les lièges de leurs magistrats
, les vêtements ornés de pourpre , ôc même
des dieux qu’ils honorent comme ceux de leurs
pa ys. O n dit que le culte de ces divinités étrangères
eft tiré des cérémonies feligieules de l’Achaïe,
ou en général de celles des Grecs. Us en o n tau lii
quelques-unes dont l’origine eft Phrygienne. La
‘déefle Rhea leur eft venue de Peffinunte. A ty s
eft pleuré dans Rome comme en Phrygte. Et dans
c e d e u il, on lave Rhéa fuivant le rite Phrygien.
11 en eft de même des loix dont ils formèrent douze
tables. O n trouve que la plupart font priles de
ce lles ' d’Athènes.
- C e feroit un long travail que celui de rechercher
tout ce qui concerne ces divers ufages, & de qui
les Romains les ont empruntés. U eft temps que
j.e revienne aux exercicesd e la cavalerie.
O n ne choifit pas feulement un terrein uni pour
y faire ces exercices : mais on .le prépare en"- remuant
le milieu de l'emplacement à une profondeur
fuififante , brifant les mottes de forte que la
terre devienne fine & molle ; & féparant ainfi de
toute la plaine , pour cette efpèce de manège , un
eipace de figure quarrçe. C eu x qui doivent y
paroître portent des calques de fer ou de cuivre
doré , 'fu ivant qu’ils font ou diftingués-par le gradé
ou par la différence des troupes , afin d’attirer fur
eux le regard des fpe&ateurs. C e s cafques ne font
pas faits comme ceux qu’on porte à la gu e r re , &
qui ne couvrent que la tête & les joues : ceux-là
garantiffent de plus tout le vifage , & font ouverts
ieulement devant les y e u x , autant qu’il le faut
pour les défendre fans en empêcher l’ufage. Us
portent des jubés de crins teintes en jaune, moins
pour l’utilité que pour l’ornement. Lorfque pendant
la courfe un vent léger vient à s’é le v e r , le
moindre fouffle les a g ite , & les déploie avec
grâce.
iL&s cavaliers' ont des bouc liers , non pour le
com b a t, mais d’un moindre po id s , ôc peints de
différentes couleurs 3 parce qu’ils n’ont égard dans
ces exercices qu’à la célérité ôc à l’agrément. Us
portent , au lieu de cuiraffes, des fayons cimbri-
q n e s , de même forme ôc grandeur que les cui-
raffes, écarlate ou pourpre , ou de diverfes couleurs.
-Leurs botines ne font point larges comme
celles dgs Parthès ou des Arméniens , mais juftes
à là jambe. Le s chevaux ont la tête bien couvert«
p i t des frontaux,j mais ils n’ont pas befoin de
| garde flancs , parce que les javelots employés dans
| ces exercices n’ont aucun fer. Il luffit de garantir
j les y e u x du cheval' ; fes flancs, défendus en grande
partie par les cou ve rtu res, font allez à l’abri des
traits.
D ’abord les troupes de cavalerie parcourent le
champ d'exercice dans' le feul defléin d’y frapper
les y e u x par l’éclat & la beauté du fpeélacle.
Lorfqu’ils paroiflent fur le te r fe in , iis ne font
pas une iimple courfe , mais ils la varient en plu-
fieùrs manières. Us s’avancent formés en troupes
diftinguées , l’une par les enfeignes romaines > &
l’autre par les fcythiqnes, afin que le fpeélacle foit
plus varié ôc plus impofant. L ’enfeigne fcythique
eft une figure de dragon d’une grandeur médiocre ,
fufpendue au Jiaut d’une hampe ; elle eft faite d’un
morceau de drap teint de différentes couleurs ÔC
couius enfemble. La tête eft femblable à celle
d’un ferpen t, ainfi-que tout le corps ju fq u ’à la
queue , afin que l’afpeéi en foit plus terrible , &
voici quel en eft le jeu &■ l’effet. Tant que- les
chevaux font en repo s , vous ne v o y e z ’ que les
bandes de drap de couleurs diverfes, pendantes le
long de la hampe ; mais quand ils courent le
dragon rempli d’air fe gonfle , & reflemble à
l’animal même. Et lorfqu’un vent impétueux les
agite , le mouvement doublé en tire une efpèce
de fiffleroent. Ce s enfeignes ne caufent pas feulement
du plaifir ou de l’étonnement ; elles fervent
à diftinguer les troupes qui- courent l’une contre
l’autre , Ôc à les empêcher de fe confondre. O n
les confie’ aux cavaliers les plurhabiles pour les
• contre-marches , les converfions., les couries di?
reéfes & circulaires, T ou ts les autres n’ont d’autre
foin que celui de lùivre chacun fon enfeigne. O n
exécute ainfi différentes converfions , contremarches
, ôc plufieurs attaques , en différents fen s ,
fans que les troupes fe confondent. Si le- cavalier
heurte le porte-enfeigne , fi le porte-enfeigne fè
jette fur le cavalier, le défordre fe met dans toute
la troupe , & non-leulement la beauté des mouve^
men ts, mais leur utilité s’évanouit.
Lorfque cette courfe fin it , les cavaliers s’arrêtent
fuccefiivement à la gauche du terrein , en
tournant les. têtes des chevaux vers l’arrière , ôc
fe couvrant de leurs boucliers, de manière.qu'on
donne à cette difpofition le nom de tortue'',
comme au fynafpime de l’infanterie.-( U faut ob-
ferver , pour l’intelligence de ce qui fu it , que
cette t ro u p e , formée à la gauche du terrein., eft
celle qui a les enfeignes S c y t h i q u e s & que celle
qui a les enfeignes Romaine? fe forme vis-à-vis Sc
à la droite du terrein d'exercice. C ’eft ce que. la
fuite fuppofe néceffaire ment ; cette obfervation la
rend facile à entendre , & elle a pu en effet paroître
inintelligible à ceux qui n’ont pas faifi. cette
première difpofition. ).
Fig. 178.
T . Terrein $ exercice.
■ A. Arrière.
D . Droite.
G . Gauche.
R . Troupe Romaine.
S. Troupe Scythique.
C . Cavaliers placés devant la corne droite de
la troupe Romaine , ôc devant la corne
gauche de la troupe Scythique.
L L . Ligne parcourue par les cavaliers.
D eu x cavaliers fortant du rang , ôc s’éloignant à
la diftance néceffaire pour les courfes de leurs
camarades , vont fe placer devant la corne droite
de la tortue ( c’eft-à^dire la moitié de la phalange. ),
( Le mot Ki^as employé i c i , n’y fignifie. pas ce
que nous appelions aile , mais ce que les Grecs
appelloient corne , ou moitié de la phalange. O b -
fervons que c’eft la corne droite qui eft à la gauche
du terrein , & la corne gauche qui eft à la droite,
pour fervir comme de but aux traits des. cavaliers
qui forment l’attaque par une courfe dire «fie. Alors
une moitié des cavaliers refte couverte de fes
boucliers ; l’autre moitié , au fignal de la trompette
, attaque à la courfe en lançant le plus de
Javelots qu’il eft p o flib le , avec toute la célérité
qu’elle peut y mettre. L e plus habile commence ;
le fécond le fuit , ôc après lui touts les autres ,
chacun à fori rang. L a perfection de cet exercice
confifte à lancer fur les cavaliers placés devant la
corne gauche de la tortue (formée à la droite du
terrein ) plus de javelots qu’il eft poflible avec la
plus grande vitefle , ôc à frapper le plus fouvent
leurs boucliers. Après cette courfe dire d e , ils
prennent une direction oblique , en tournant circu-
lairement. Ce tte converfion fé~ fait fur la droite ,
du côté de la pique. D e cette manière , ils n’empêchent
point ceux qui les fuivent de lancer leurs
traits j ôc ceu x -c i, pendant l’attaque , fe couvrent
de leurs boucliers. Chacun doit porter autant de
javelots qu’il en peut lancer. Ce tte émiflion continuelle
de traits , entremêlée, du bruit des coups-,
forme un fpe'dacle des plus terribles.
Entre cette corne- droite ôc les deux cavaliers
placés pour b u t , d’autres, cava liers, fe détachant
tout-à-coup de leur propre troupe , courent en
a v a n t , ôc lancent leurs javelots fur ceux de la
troupe o p p o fé e , qui paffent devant eux. Enfuite
ils tournent fur leur gauche , & dans cette converfio
n , ils font plus à d é co u ve r t, ( parce qu’ils pré-
fentent le .flanc droit. ). C ’eft alors fur-tout qu’un
habile cavalier doit en même temps fçavoir lancer
le javelot fur leurs adverfaires, &. le couvrir le
côté droit en préfentant fon bouclier ; il'faut nécef-
fairement qu’il emploie dans cette courfe le jet
du ja v e lo t , qui fe fait en tournant le corps, vers
la droite. Dans la converfion entière le je t nommé
pétrine , en langue Celte", eft le plus difficile .de
touts. Il faut que le cavalier , tournant le corps ôc
les deux hanches autant qu’il eft poflible , lance le
ja y e io t en arrière,. Ôc amant qu’il le p e u t , dans
la dire&ion de la queue du cheval. E n fu ite , que
. fe retournant promptement , il fe cou vre en
! même temps de fon bouclier ; s’il fe tournoit feulement
fans présenter le b ou c lie r , il fe découvriront
en entier à l’ennemi.
Lorfque cette courfe eft finie , ceux qui ont fait
la première attaque fe reforment à la droite du
terrein , ainfi que ' les autres à la gauche. D eu x
cavaliers fe placent de même devant la corne
gauche à la diftance néceffaire, ôc ceux de cette
même corne courant entre les deux cavaliers placés
en a v an t , & toute la troupe lancent à leur tour
des javelots fur ceux qui paffent.
Comme on choifit pour cette courfe les cavaliers
les plus adroits , ceux qui font à la droite du
terrein ôc commencent l’attaque, .ne font que
lancer fucceflivement des traits , lorfqu’ils. courent
en avant ôc tournent fur leur droite. Ils ne donnent
pas d’autre fpe&acle aux afliftants. qui entourent
le terrein ; mais quand ils courent fur leur
gauche , tout le je t dçs traits devient plus remarquable
, ainfi que le maniement du b o u c lie r , &
le paffage v i f ôc prompt des traits de la main
gauche à la main droite ; celle-ci les prend , ôc
élevant plus haut que la tête celui qu’elle a fa if i,
le fait tourner comme une r o u e , ôc Je lance ;
elle eruprend enfuite un autre , Ôc le levant de
m êm e, le lance comme-le premier. Ici le texte
eft corrompu j on y lit : to AqtyS-iy l^qKçvrto-tv y ofÂi
otrêAas&y to Aqtp&ev , è rSro «v xicra. t^jKCVTurSV
U eft facile de le rétablir par une firnple tranfpo-
fition , en lifant : to \%*ixÀvtiq-iv ; ô^S J's
UTTiAafSiV «7 TiSTO 0,1 TO X ’/jÇ&W %CrO \%t]KOVTtG-tV.')~
Il faut que les cavaliers obfervent de garder dans
; ce je t rapide de. traits , une pofition droite Ôc
régulière , parce qu’alors on v o it l ’éclat des
armes de ceux qui cou rent, la vite fle des chevaux
, ôc la juftelïe des converfions. Ils doivent
conferver aufli dans les courfes des intervalles
convenables ; lorfqu’ils laiflent entr’eux de grandes
diftances, le jet dès traits ne peut plus être continu
; ôc , s’ils courent l’un après l’au tre, ils nuifent
au plaifir des fpeélateurs qui n e .p eu v en t juges
: alors de la précifion des mouvements. Un cavalier
mal-adroit, courant près de celui qui eft habile ,.
. l’empêche de montrer toute fon adrelïe ; au lieu
que celui qui eft habile , courant à une jufte. d is tance
de celui qui l’eft moins , attire fur lui-même
touts les regards , Ôc l’empêche d’être remarquée.
Cependant il eft'ju fte que l’honneur de la fuccef-
.fion continue des mouvements foit attribué au plus,
habile, ôc que le cavalier négligent ôc mal-adroit.
éprouve les reproches qu’il a mérités..
Lorfqu’ils ont ainfi alterné les troupes-, les
tortues , le je t des traits , les converfions ,.Ôc qu'ils,
font la. fécondé courfe par la gauche , ils ne courent
pas fimplement fur leur droite , le long de la
limite r ôc ne laiflent point aller leurs chevaux *,
mais lès phis habiles fe réfervent un javelot. . ôc
' ceux qui excellent, s’en réfervent deux, Lorfque.