
portant de les occuper, afin que les convois, les
labours & le commerce journalier de la place ne
l'oient pas incommodés par les garnifons de ces
portes, après que votre armée fe iera éloignée;
\c’eft pour cette raifon qu’Alexandre Farnèfe prit
Caudebec après avoir fecouru Rouen.
S’il y a lieu de craindre que les ennemis ne fe
mettent en peu de temps en campagne , avec des
forces fupérieures, foit parce qu'ils attendent un
gros renfort de troupes , foit parce que vous vous
voyez obligé de conduire celle de votre fonve-
rain fur une autre frontière , vous avez aufîi à
appréhender qy’ils ne reviennent faire le fiège de
la place que vous avez fecourue. Dans ce cas,
réparez promptement les parapets, les palifïades
& la brèche ; nettoyez les ruines tombées dans
le fofle ; applaniffez les tranchées , les batteries,
la ligne de circonvallation ; fourniflez les magasins
de vivres , de munitions, d’armes, & de
toutes les autres chofes néceflaires ; enfin, rafez.
la ligne de circonvallation, fi vous ne prévoyez
pas de pouvoir maintenir votre armée en-dedans
de la circonvallation, afin d’empêcher le nouveau
fiège.
11 fe peut que le temps ne permette pas d’exécuter
tout ce que je viens de propofer ; il fe peut'
encore qu’il foit peu important à votre prince de
conferver cette place , pourvu qu’elle ne foit pas
utile aux' ennemis , qui veulent s’en rendre les
maîtres. Dans l’un & l’autre de ces deux cas, dé-
xnoliffez-en les fortifications de la manière que je
l’ai dit en traitant des Ji'eges.
Lorfque l’armée ennemie ne peut fe retirer de
devant une place qu’elle affiége que par une feule
étroite avenue, tâchez d’aller occuper ce porte,
par force ou par furprife, fans vous embarrafler de
fecourir la place, fur-tout fi elle a des vivres
pour un plus long temps que les ennemis n’en ont,
parce que vous ferez afluré de ruiner leur armée
par la famine, fi elle s’obftine à demeurer enfermée
dans fon camp , ou de la faire périr par le
fer, fi elle veut s’ouvrir un partage dans un porte
où vos troupes ont tant d’avantages par^la fitua-
tïon forte du terrein, par leurs retranchements &
leurs batteries.
Le comte Maurice de Naflau , faifant le fiège de
Nieuport, avoua qu'il fe feroit trouvé extrêmement
embarraffé, fi l’archiduc Albert, fon ennemi,
au lieu de lui livrer la bataille , s’étoit contenté de
lui fermer cette unique étroite avenue que l’armée
Hollandoife avoit depuis Nieuport jufqu’à Ortende,
ainfi que Gafpard Zapena le lui confeilloit ; car
malgré la reffource que Maurice avoit de pouvoir
s’embarquer, il couroit rifque d’être battu dans
ïe défordre de l’embarquement, ou du moins de
perdre la dernière partie de fes troupes, lorfque
les premières auroient déjà ete furies eaux.
Le confeil que je viens de vous donner feroit
fort dangereux, fi les ennemis pouvoient fe retirer
par deux ou Jttoîs avenues fort éloignées les
unes des autres, parce qu’ils tom.beroient aveè
toutes leurs troupes fur une partie des vôtres
ainfi féparées, qui ne pourroient être fecourues
par les autres, parce que les ennemis , en marchant
par le diamètre , auroient eu le temps de
finir l’aélion avant que le refte de votre armée,
qui marche par la circonférence , fût arrivée au
fecours.
Quoique les différentes avenues, par où les ennemis
ont à faire retraite, foient étroites & éloignées
les unes des autres, on peut s’y fortifier , s’il
ert ailé de défendre touts ces partages avec peu
de troupes, ou les réduire touts à un feul, en rendant
les autres inacceflibles ou impraticables , ainfi
que je l’ai dit en traitant des fiègës.
Lorfque vous tiendrez les ennemis enfermés de
la manière que nous venons de le fuppofer, un peu
auparavant, augmentez les fortifications de votre
retranchement , & redoublez votre vigilance à
inefure qu’ils manqueront de vivres & de fourrages.
Evitez de fortir de ce porte fort pour les
charger, quoiqu’il vous paroifle qu’ils fe retirent
en défordre, après une attaque qu’ils ont inutilement
donnée à votre retranchemenr.Ten ai rapporté
dans un autre endroit les raifons & les preuves.
Des diver(ions»
Si vous trouvant en état d’entreprendre un fiège,'
vous allez faire celui d’une place des ennemis „
dont la prife leur feroit d’un grand préjudice, il
ert à préfumer qu’ils abandonneront la vôtre qu’ils
affiégeoient, pour aller fecourir l’autre.
Henri I I I , qui, avant d’être roi de France, avoit
commandé les troupes de Charles IX fon frère,
étant allé faire le fiège de Châtel-Herault, obligea
les rebelles , commandés par l’amiral de Coligni, à
lever le fiège de Poitiers pour fecourir Châtel-
Herault.
L’armée d’Efpagne, fous les ordres de don Juan
d’Autriche, f it , en 1656, le fiège de la place de
Saint-Guirtain. Le vicomte de Turenne, qui com-
mandoit les troupes de France, afliégea d’abord
après la^Capelle , ce qui obligé^ les Eipagnols de
lever le fiège de Saint-Guirtain pour aller ^u fe-
coùrs de la Capelle.
Si les ennémis s’opiniâtrent à vouloir prendre
,1a place dont ils ont fait l’invertiture, tâchez de
vous rendre au plutôt le maître dé celle que vous
afliégez , & de compenfer avantageufement la
perte de celle qu’ils vous prennent, par la prife
d’une autre qui eft plus importante.
M. de Savigny, meftre-de-camp général de
l’armée de Philippe I I , roi d’Efpagne, confeilla
au cardinal archiduc Albert, fous les ordres de qui
il fervoit en Flandres, de laiffer perdre la Fère,
dont Henri I V , roi de France , faifoit le fiège ,
afin de prendre fur les François la place de Calais,
qui dédommageroit abondamment de la perte de
la F ère, fuppofé qu’Henri IV, «e levât pas le fiège
pour aller fecourir Calais. L’archiduc , ayant fuivi
le confeil de Savigny, prit cette importante place,
& les François reconnurent un peu trop tard qu’il
auroit été plus avantageux pour eux de la conferver
que de prendre l’autre.
Je fuppofe que vous ne vous engagerez pas à
artiéger une place fi forte par elle-même , ou par
un_détachement que les ennemis feront en état
de faire de leur armée, que fans craindre de perdre
cette place ils puifient pourfuivre le. fiège qu’ils ont
entrepris.
Les Romains continuèrent le fiège de Capoue,
nonobftant qu’il parût qu’Annibal menaçoit Rome,
parce que cette dernière ville étoit bien approvisionnée
Ôl en un bon ctat de défenfe , depuis que fa
garni fon avoit été renforcée par un détachement
de quinze mille hommes que l’armée Romaine,
qui étoit devant Capcue, y avoit envoyé. Par
conféquent on ne crut point que cette place pût
être prife Annibal , qui avoit efpéré parafa
diveriion d’obliger l’armée d’Appius de fe retirer
de devant Capoue , fut trompé dans fon attente;
les travaux du fiège furent continues , &. la ville
fut enfin forcée de fè rendre.
Je fuppofe encore que vous n’artiégerez pas une
place , qui naturellement doit fe défendre plus
longtemps que, celle dont les ennemis font le
fiège , parce qu’après avoir pris la vôtre , ils marcheront
au fecours de l’autre ; au contraire, attaquez
en une, que vraifemblablement vous pourrez
loumettre avant que la vôtre fe rende, afin
.d’accourir enfuite au fecours de celle qu’ils affié-
gent; fuppofé que pendant ces entrefaites vous
ayez reçu uïl renfort fuffifant de troupes, ou
que l’armée ennemie ait perdu tant de monde ,
qu’elle foit devenue plus foible que celle de
votre prince.
On confeilla au comte de Mansfeld, gouverneur
du Pays-Bas pour Philippe I I , roi d’Efpagne,
d’aller artiéger Breda, pour obliger le comte Maurice
de Nartëu de lever le fiège de Saint - Gertru-
dimbergh. Mansfeld refufa <Fe fuivre ce confeil,
parce que Breda étoit une place trop forte, qui
pouvoit fe défendre jufqu’à ce que Maurice eût
pris Saint-Gertrudimbergh, pour venir enluite avec
l’armée Hollandoife fecourir Breda.
Pendant que Denis Ier, tyran de Syracufe , afïié-
geoit Egefte, Himilcon fon ennemi invertit Motya
avec les troupes de Carthage. Il s’en rendit maître
& marcha enfuite contre Denis, qui fut contraint
d’abandonner le fiège d’Egefte.
Vous m’objeéterez fans doute que les ennemis,
qui ont commencé les premiers leur fiège, le finiront
avant que votre armée eût achevé le fien, ou
bien la place que vous prendrez ne vaudra pas
celle que vous perdez. Je réponds que fouvent
les places les~plus importantes ne font pas les
plus fortes. Aujourd’hui c’eft moins par le grand
nombre de troupes , que par la quantité d’artillerie
qu’on force la place à fe rendre , & il n’ert pas
importible d’ être fupérieur en artillérie, quoique
inférieur en troupes.
Il peut encore arriver que votre place foit mieux
approvifionnée que celle des ennemis , que vous
ayez des intelligences qu’ils n’ont pas , ou qu’il
vous fôit aifé d’ouvrir une brèche avec l’artillerie
de vos vaifleaux dans le front le plus foible qui
regarde la mer. C e font ces circonftances , &
plufieurs autres , dont j’ai parlé en traitant des
Jîèges, qui doivent déterminer à entreprendre un
fiège plutôt qu’un autre. J’ajoute feulement ici ,
qu’au moment que vous vous mettez en marche
pour aller faire l’invertiture d’une place des ennemis
, vous en devez donner avis au gouverneur de
la vôtre qui eft aflîégée, afin de ramener la gar-r
nifon , qui diminueroit de fon ardeur & de fon
opiniâtreté à fe défendre , en voyant votre armée
s’éloigner, fi elle n’efpéroit pas par votre diverfion
un fecours équivalent à celui qu’elle s’attendojt de
recevoir directement.
Polybe nous apprend que ce fut pour cette raifon
qu’Annibal fit fçavoir à fes confédérés afiiégés
dans Capoue, que l’armée Carthaginoife alloit
invertir Rome, & que cet avis anima les aftiégés à
une confiante & opiniâtre défenfe.
Quelquefois , en entreprenant le fiège d’une
place importante des ennemis, vous les obligez
à fe retirer de votre pays, o ù , à la faveur des
intelligences &du terrein avantageux, ils n’avoient
rien à.redouter de votre armée.
L’empereur Léopold Ignace chargea le comte
de Walftein de mettre tout en ufage pour charter
de la Bavière les troupes de Gurtave Adolphe ,
roi de Suède. Pour y réuflir , Walftein fit le fiège
de Nuremberg, place très importante pour Guf-
ta v e , qui, pour aller à fon fecours, abandonna la
Bavière.
Il femble que je devrois dire ici de quelle manière
il faut agir., lorfque l’armée ennemie fe prépare
à fecourir îa place que vous afliégez; mais
comme j’ai traité de cette matière en traitant des
J îège s , j’y renvoyé le lefteur..
Il fe peut auffi que vous n’ayez pas les préparatifs
néceflaires pour faire un fiège; mais que
votre armée foit allez forte pour entrer dans le
pays ennemi, ce qui peut obliger les ennemis à
abandonner votre pays, ou à lever le fiège de la
place qu’ils attaquoient , principalement fi vous
entrez dans une province qui fournit aux ennemis
beaucoup de vivres , d’argent , de munitions,
d’hommes & de chevaux.
Agathocle, roi de Syracufe, fit fortir de fon
pays les Africains par une guerre de diverfion qu’il
porta en Afrique. Le grand Annibal chafla de la
même manière les Carthaginois de Tltalie. Les
Vendales abandonnèrent la conquête de la Sicile ,
qu’ils avoient entreprife, pour accourir à la défenfe
des terres qu’ils avoient en Afrique, où
l’empereur Valentinien II avoit envoyé une armée.
Les Vénitiens forcèrent les Florentins de f#