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La figure de ces fortes d’ouvrages n’efl point
déterminée. On en confirait aufli dans les places
maritimes, à l’extrémité des jettées, ou dans les
lieux où ils peuvent fervir à défendre l’entrée du
port aux v 3idéaux ennemis. ( Q . ).
FEU. Décharge de moufqueterie ou d’artillerie.
Le s partifams de l’ordre profond & de la charge
l ’épée à la main ont avancé que le feu étoit la
chofe du monde la plus méprifable : ce propos
légèrement avancé pour foutenir un fyflème , ne
peut avoir lieu fur ceux à qui l’efprit de parti n’a
point fait oublier ce qui fe paffe à la guerre. Touts
ceux qui l’ont vue , & qui n’ont aucune prévention,
fçavent & diront que dans une attaque médiocrement
vive , un tiers des troupes qui la forment efl
tué ou bleffé ; & q ue , lorfqu’elle èfl très vive , il
y en a la moitié. Il faut obferver que dans
nos armées, il n’y a prefque jamais qu’une partie
des troupes qui chargent ; que, lorfque l’armée ,
par exemple, efl de foixante mille hommes , il
n’y en a pas quelquefois vingt mille qui forment
l ’attaque , & qu’il n’efl pas rare qu’il y ait huit
ou neuf mille hommes tués ou bleffés, & quelquefois
davantage. Il faut ajouter encore que la
perte efl ordinairement beaucoup plus grande que
les états* publiés ne l’annoncent. Voilà ce que
l ’expérience nous apprend , & c’eft de ce maître
univerfel du genre humain que l’on doit dire :
ttvToç g<pet, : s’il y a des efprits qui n’y croyent
p a s , il n’y a plus rien à leur dire. PafTons aux
détails.
F e u . Décharge d’armes pyroballiftiques•
Le mot feu fe dit abfolument parlant des coups
que l’on tire avec les différentes armes à feu ;
aufli, foit que l’on tire un coup de canon , de fufil
ou de piflolet, on fait feu : on doit cependant
obferver que le mot feu efl particulièrement con-
facré à exprimer l’explofion des armes à feu de
moyenne portée, comme le moufquet, le fufil,
le moufqueton & la carabine.
Parmi les nombreux articles qui compofent le
diâionnaire raifonné de-l’art militaire , il n’en efl
aucun plus important que celui qui nous occupe,
il n’en efl aucun qui exige des développements
aufli confidérables , & qui offre un aufli grand
nombre de problèmes intéreffants à réfoudre. Cet
article devrait faire connoître touts les earaélères
d’une bonne manière de faire feu ; offrir toutes les
efpèces de feux qui ont été imaginées ; les comparer
au modèle intelleéluel qu’il aurait formé ;
indiquer quel efl le meilleur, abfolument parlant >
& quel efl celui qui mérite la préférence dans telle
eu telle circonflance particulière : après avoir
rempli cette première tâche longue & peu agréable,
il faudrait que l’auteur parlât des feux rafans,
fichants, perpendiculaires & obliques ; indiquât les
occafions où l’on doit faire ufage de chacun d’eux,.
& la manière de fe les procure/. Il deyroit entrer
ênluite dans une carrière plus vafle & plus difficile
à parcourir ; il devroit prouver qu’on doit
plutôt s’occuper à faire un feu bien ajufté , qu’un
feu vif & bruyant ; enfeigner la manière de Amplifier
les feux y tant relativement à l’ordre général,
qu’à la pofition individuelle des hommes ; per-
fuader aux chefs qu’il faut faire connoître aux
foldats la différence des portées & des tirs, &
par conféquent les différentes manières d’ajufler mr
indiquer bien diflinélement les occafions où 1 on
doit faire feu, &. celles où l’on doit marcher à
l’ennemi ; jetter un coup d’oeil rapide fur le caractère
des différents peuples de l’Europe, &. dire a
chacun quel efl l’ufage qu’il doit faire du feu , &C
quel efl le feu dont il doitfe fervir ; leur apprendre
l’art de ménager le fe u , tant pour raffurer leurs-
foldats, que pour contenir ceux de rennemi- leur
prouver que le feu efl moins terrible qu’on ne le
croit communément, & par conféquent qu’il ne
doit ni arrêter l’attaquant, ni donner trop de confiance
à l’attaqué ; leur démontrer fur-tout qu oiï
ne doit jamais- faire feu en marchant ; & enfin
qu’il n’efl jamais avantageux d’effùyer le premier
feu de l’ennemi.
On fent aifément que ce n’efl point dans un-
efpace aufli- étroit que celui qui nous efl defline
que nous pouvons entreprendre d’exécuter le plan
que nous venons de tracer "y mais euflions-nous-
le terrein néceffaire pour donner aux differents
objets leurs développements, on ne verrait pas
pour cela fortir de nos foibles mains un édifice
aufli vafle ; nous devons nous borner a en raffem—
bler les matériaux ; trop heureux fi nous en dégrof-
fiffons quelques-uns, fi nous en façonnons quelques
autres, & f i , en indiquant les endroits où
l’on peut en trouver d’excellents, nous parvenons
à épargner au génie les recherches & les foins de
détail toujours défagréables y en ce qu?ils confu-
ment un temps précieux.
§ . i " .
Des différentes efpèces de feux qui ont été ufitècs en
France.
Lorfqu’on arma , pour la première fois , quelques
foldats de l’infanterie françoife avec de longues
& lourdes arquebufes , on étoit bien loin
d’imaginer qu’on parviendrait un jour à faire tirer
enfemble tout un régiment, & qu’on éffayeroit de
faire tirer jufqu’à fix coups par minute ,■ charger
avec foin , aj-ufler avec attention,- & tirer quand on
étoit prefque fûr de fon coup, fans attendre ni ordre
ni fignal ;tels furent, fans doute, les premiers pas de
l ’art des feux , & peut-être, dès «»premiers pas
ils étoient arrivés, à la plus haute perfe&ion. Cependant
des militaires avides.de nouveautés , ou plutôt
avides du bien car pourquoi prêter des intentions
frivoles ou mauvaifes à des hommes qui confièrent
leurs loifirs à l’étude de leur art? Des
militaires amis de la perfeélion, dis-je, croyant
qu’il falloit mettre de la promptitude & de l’enfem-
ble clans la manière de tirer , tournèrent toute leur
attention vers cet objet, & imaginèrent, en con-
féquence , un nombre infini de feux différents. Le
feu de rang avec mouvement ou fans mouvement
dût, fans doute, être le premier ; celui de deux
rangs dût lui fuccéder ; ils trouvèrent eqfuite le
feu de leélion, de peloton, de divifion , de demi-
rang , de bataillon , le feu de file , le feu en avançant
, le feu en arrière , le feu 4e chauffée , le feu
de billebaude, & un fi grand nombre d’autres qu’on
peut prefque aflùrer que toutes les combinaifons
font épuifées ; aujourd’hui il ne s’agit donc plus de
■ créer , mais de choifir parmi ce qui exifle. Pour
éviter que les feu x , que nous avons vu faire le
plus long-temps , ne viennent, aidés par l’habitude
, entraîner notre opinion , & pour empêcher
que notre manière de voir perfonnelle ne nous
égare, établiffons bien clairement, d’après l’expérience
& les confeils des meilleurs écrivains, le
caraélère que doit avoir une efpèce de feu pour
être bonne. Ce typ e , ce modèle intellectuel étant
confirait, nous n’aurons plus , pour juger les feux
exiflants, & ceux qu’on pourra imaginer à l’avenir,
qu’à les préfenter à ce modèle, & s’ils diffèrent
en quelque partie effentieîie, nous pourrons conclure
, fans crainte de nous tromper, qu’ils ne
font point bons.
§• i i .
Çaraélère que doit avoir la manière défaire feu.
Un bon feu doit être d’une exécution fimple,
facile : il d oit, fuivant le befoin , être perpendiculaire
ou oblique ; rafant ou fichant ; mais toujours
très meurtrier. Il ne doit point faire craindre
aux hommes qui l’exécutent, d’être brûlés ou
bleffés par leurs camarades ; il ne doit exiger aucun
mouvement qui puiffe porter du trouble ou caufer
du. défordre dans la troupe qui tire ; il ne doit point
forcer à prendre un ordre qui puiffe nuire au combat
à l’arme blanche, & des pofitions qui ne
foient pas militaires & naturelles; il doit enfin
ceffer ou continuer à la volonté du chef.
Tels font les câraélères principaux qu’on doit
chercher dans la manière de faire les feux. Préfen-
tons fucceflîvement à ce modèle , ceux qu’on a
imaginés jufqu’à ce jour.
§ . I I I .
Du feu de rang fans mouvement.
Pour faire le feu de rang on faifoit mettre genou à
terre à touts,les rangs excepté au dernier. Ce temps
exécuté, le dernier rang commençoit par faire feu ;
aum-tôt qu’il avoit tiré , celui qui le précédoit immédiatement
fe le v o it , faifoit feu , &. rechargeoit
Ton arme, ainfi de fuite jufqu’au premier;
quand le premier rang avoit tiré, le dernier re-
commençoit.
Obfervations fur le feu de rang fans mouvementé
Le feu de rang, fans mouvement, paroît d’abord
d’une exécution aifée ; chaque homme pouvoit ajuster
aufli long-temps, qu’il le jugeoit à propos, &
diriger fon feu obliquement ou perpendiculairement
; les premiers rangs ne pouvoient guères être
bleffés par le dernier. Mais feroit-il aifé , fer oit-il
même poflible à un homme à genoux de charger
nos longs fufils ; la génuflexion n’efl-elle pas d’ailleurs
une pofition dangereufe : « Je n’admets point,
dit avec raifon l’auteur de l’effai général de ta&i-
que, je n’admets point la pofition du genou à
terre pour le premier rang ; je ne vois rien de fi
ridicule & de fi peu militaire que cette génuflexion ;
& aux approches de l’ennemi , c’efl une poflure
qu’on ne peut fouvent plus faire quitter au foldat.»
A ces obfervations morales contre la génuflexion ,
M. de Servan en a joint de phyfiques; elle donne ,
dit-il, de la lenteur au feu ; elle efl gênante.pour
le foldat, la jambe droite du premier rang em-
brafie le fécond & le troifième homme , après
avoir fait feu ; il efl difficile de fe relever promp-,
t^ment, parce que les deux bras qui foutiennent
larme ne peuvent pas aider à prendre l’équilibre.
Touts les écrivains militaires & les rédacteurs
des ordonnances ayant banni la génuflexion , nous
conclurons avec eux que tout feu qui la fuppofe
doit être proferit pour jamais.
§- i v .
Du feu de rang avec mouvement•
Le feu de rang , avec mouvement, s’exécjitoît
de la manière fuivante. Le premier rang tirôit
d’abord ; il alioit enfuite , en paffant par les files
de droite & de gauche de chaque troupe , gagner
la queue du bataillon ; le.deuxième en faifoit de
même, après avoir tiré , ainfi de fuite.
Obfervations fur le feu de rang avec mouvementé
Par cette manière de faire le feu de rang, oiC
évitoit la génuflexion. Chaque foldat pouvoit
vifer là où il vouloit, & aufli long-temps qu’il le
jugeoit à propos. Les différents rangs ne pouvant
prendre le même but , le même ennemi n’étoit
guères frappé que d’un feul coup , au lieu qu’en
faifant tirer plufleuts rangs à la fois , il peut arriver
que le même homme reçoive , en même
temps plufieurs coups également mortels. Le rang
qui avoit tiré le premier avoit la facilité de re-
charger-Ton arme ; voilà les avantages ; voici les
inconvénients. Je vois une perte continuelle âc
terrein, un feu■ fent foutent interrompu & peu