
de cette natiott ont combattu hors de leur pays ;
par exemple, à Barcelone , torique M. le duc de
Vendôme attaqua cette place, elles n’ont pas'fait
jparoître autant de valeur.
Les Napolitains ne paflent pas pour être de
bonnes troupes lorfqu’ils fervent dans leur pays, &
ce font de fort bons foldats quand ils font transplantés
en Efpagne, en Lombardie & en Flandres.
Cafaubon , parlant des différents génies des
hommes, dit « que fouvent celui qui donne des
preuves de beaucoup de valeur en fe défendant,
fait paroître de la lâcheté lorfqu’il eft obligé d’attaquer
». J’ai déjà rapporté plufieurs autres exemples
fur cette matière.
Examinez fi les foldats qui çompofent vos régiments
défertent en plus grand nombre de leur pays
que de celui qui eft plus éloigné. Dans ce dernier
cas la guerre offenfive vous cpûtera beaucoup pour
les recrues , jufqu’à ce que votre nation s’accoutume
peu à peu à vivre hors de fon pays.
Cette différence s’éprouve en Efpagne, où il
eft rare que les foldats d’Andaloufie & d’Eftra-
madure défertent pendant que leurs bataillons font
dans leurs provinces ; mais ils défertent en grand
nombre dès qu’on les fait palier en Catalogne , en
Arragon, ou en Valence. Tout le contraire arrive
à l’égard de ceux de Caftille, des Afturies 6t de
Galice , dont on ne fçauroit arrêter la défertion, fi
on les faille dans leur pays, ou dans le voifinage ;
mais ils ne quittent jamais les régiments fi on les
éloig ne de quatre-vingt lieues de leur patrie.
Il ne faut jamais porter la guerre dans un pays &
en une faifon où le climat, oppofé à celui de vos
troupes, vous fait périr plus de monde par les
maladies que par les bleffures, & vous oblige
d’abandonner la campagne aux ennemis, pour ne
pas perdre entièrement votre armée, qui ne fçauroit
réfifter au mauvais air, à la trop grande chaleur,
ou au froid trop excefïif, tandis que les
ennemis, qui y font accoutumés, peuvent fup-
porter ces incommodités, ainfi que je l’ai prouvé.
Il eft dangereux de faire la guerre à une nation,
que vos troupes appréhendent, parce qu’elles en
ont été plufieurs fois vaincues ; il eft dangereux de
la porter dans un pays où l’on ne fçauroit autant
gagner que l’on s’expofe à perdre ; dans celui qui, ;
par fa fituation , par les traités , ou par les alliances
du fouverain avec d’autres princes, peut
efpérer de grands fe cours ; & dans les provinces
dont la conquête eft capable de donner de la
jaloufie à de puifTants princes neutres, ou aux
alliés .du conquérant.
Toute guerre en faveur d’une chofe odieufe eft
abominable. Celle qui fe fait dans un pays où
toutes vos provifions doivent venir de fort loin ,
expofe à de gros frais.
Il y a auffi. beaucoup d’inconvénients à porter
la guerre dans un pays où fe trouvent plufieurs
rivières navigables, quand vous êtes inférieur en
bâtiments fur ces rivières ; & de faire la guerre fur
des côtes maritimes, fi les ennemis font fupé-
rieurs en vaifïeaux. Enfin vous ne devez pas pen-
fer à conferver un pays qui n’eft pas contigu au
vôtre, à l’exception des îles , quand vous êtes
. maître de la mer.
Des divijîons qui naijfent parmi les ennemis.
Si vous apprenez que la divifion règne parmi les
principaux miniftres des ennemis , ou entre les
commandants de leur armée, profitez de cette
occafion pour former quelque entreprife, parce
qu’alors l’avis ou le projet de l’un détruit ce que
fautre propofe.
Ceftius Gallus, gouverneur de Syrie pour l’empereur
Néron, fe mit en marche pour aller attaquer
les Juifs foulevés contre Rome , dès qu’il
apprît qu’il y avoit de la difïention parmi eux ;
& cette divifion facilita leur défaite.
Vous tirerez encore plus d’avantage de cette
divifion, fi elle eft' parmi les généraux de plufieurs
princes ligués contre le votre ; car comme
chaque général dépend de fon fouverain , qui peut
avoir différentes vues & des intérêts divers, il
fera néceffaire d’attendre un certain temps pour
avoir réponfe de leurs cours, afin de prendre
d’un commun accord un expédient fur les avis
des commandants : d’où il fuit que leurs réfolu-
tions feront très-lentes. D ’ailleurs, comme l’armée
eft compofée des troupes de plufieurs princes,
il y a aufli un plus grand nombre de généraux;
& comme il y a autant de fentiments différents
que d’hommes, cette diverfité d’hommes & de
fentiments rend l’union plus difficile.
' Guichardin accufe de négligence Charles VIII,'
roi de France, pour n’avoir pas repaffé les monts ,
tandis que les alliés de l’Italie étoient en dçfu-
nion & en foupçon les uns des autres.
Le continuateur de Foréfti, rapporte que toute
la foibleffe de l’armée. Ecoffoife, qui -faifoit la
guerre à Edouard IV ’, roi d’Angleterre , étoit venue
du grand nombre des chefs , & que les disputes
qui furvinrent entre Guillaume Walis,
Jean Stuard , & Jean Cumin , commandants des
troupes, furent eaufe de la viéloire qu’Edouard
remporta, Cumin s’étant retiré pendant le combat.
Les interrègnes donnent lieu aux divifions ,
parce qu’ordinairement ceux qui ont le gouvernement,
oublient le bien public pour ne penfer.
qu’à leur propres intérêts, & à remplir leur
coffres des contributions des peuples; & fe fer-
vant de leur pouvoir pour fatjsfaire leur inimitié
& leur haine, ils exerçent fouvent . leur vengeance
fur les fujets les plus fidèles. Alors chacun
tâche d’abattre fon concurrent pour avoir feul
le commandement abfolu : le peuple n’a pas le
même refpeâ ni la même obéiffance pour ceux
qui n’ont qu’un pouvoir accidentel & de peu de
temps, que pour le prince , qui a un droit durable
&• permanent ; & l’on peut dire aujourd’hui
des interrègnes, ce qui eft rapporté dans le livre
des Juges : « Dans ce temps-ïa il n’y avoit point
v de roi dans Ifraël, & chacun faifoit tout ce
v qui lui fembloit bon. »,
On voit dans l’hiftoire d’Italie combien, après
la mort du pape Léon X , la vacance du fiège fut
fatale aux domaines de l’églife, puifque ceux qui
dévoient penfer au bien de l’état, divifés entre
eux, & n’agiffant que pour leurs fins particulières,
eurent fi peu d’attention à la caufe commune,
que François Maria, duc d’Urbin, recouvra toutes
fes terres, dont l’églife étoit en poffeffion ; que lê'
duc de Ferrare rentra dans une partie de celles
de fon ancien état, & qu’à Bologne, à Peroufe*
& a Rimini il s’éleva plufieurs nouveautés fort
prejudiciables aux fouverains pontifes.
; 11 fera encore plus aifé de profiter de la mort
^ prince ennemi, quand fon royaume n’eft pas
héréditaire , parce que les fentiments différent»
pour l’éle&ion feront naître la divifion entre les
deux partis , qui même, peu de mois après cette
eleétion, feront mécontents l’un de l’autre : ceux
qui s’étoient oppofés à la proclamation du fouverain
, appréhenderont d’en, être maltraités par un
effet de fon reffentiment ; & ceux dont les fuffrages
ont prévalu, & qui pasrîà ont conçu de grandes
efpérances d’augmenter leurs fortunes, feront irrités
de voir leur crédulité trompée, .& que toute la
bienveillance que le nouveau prince Jeur : avoit
auparavant témoignée, avoit moins été une ré-
compenfe de leur mérite , qu’un moyen pour
obtenir leur fuffrage. C ’eft de-là, je penfe , que
viennent en Pologne ces guerres civiles prefqué
continuelles.
Les états., pendant 4a minorité-du prince , font
expofés-preique aux mêmes défordres. Perfonne
n’ignore combien en France, fous là minorité dé
fes rois, il s’eft élevé de partis & de guerres*civiles.
G’eft pour éviter ces malheurs, que les Anglois
couronnèrent Adelftan , fils naturel d’Edouard Ier,
s la place de fon fils légitime , qui étoit trop jeune ;
& qu’à caufe-de lalminorité d’Edvin & d’Edgard, ■
fils du roi Edmond , ils mirent fur ie trône'Edveîe
leur oncle. Les Ecoffois donnèrent le royaume à
Feritaire, parce que/ Fergus Ier, le u r ïo i, n’avoit
laifle à fa mort que des enfants dans le bas âge ;
& fous prétexte de la trop grande jeuneffe de
Reutere, fils du roi Donardila, ils appelèrent
Notât à la couronne. Par - là 4es Ecoflois, aufli
bien que les^Anglois y ne voulurent pas donner"
a leurs ennemis l’avantage qu’ils auroiem pu tirer
de la minorité de leurs princes. À u'refte, ti j’ai
rapporté ces exemples, ce n’eft pas que j’approüve
i>ne politique fi injufte ; mais c’eft feulement pour
faire voir que, pendant la régence'ou l’interrègne
fi un état ennemi, on trouve moins d’oppofttion
«ans les entreprises que l’on forme contre lui:
Aux exemples de ces deux nations, ajoutons ceux
fie quelques autres princes. »
Ce fut pendant la minorité de Louis I I , roi
de Hongrie, que Soliman II prit en peu de temps
Belgrade, cette place que plufieurs de fes prédé^.
cefïeurs avoient tant de fois inutilement attaquée.
Ce qui fervit beaucoup à Grégoire, roi d’E cofle,
pour faire touts les progrès qu’il fit fur l’Irlande,
fut qu’il trouva cette île gouvernée par Briène
& par Cornélîe , & que ces deux miniftres,
occupés de leurs divifions mutuelles , ne firent
pas touts les efforts qu’ils dévoient pour s’oppofer
à Grégoire.
Olaus I I I , roi de Danemârck, conquit en peil
de temps la Suède, parce qu’il faifit, pour latta-'
quer, la conjoncture de la pupillarité de Canut,
après la mort d’Eric I I , & celle des débats entre
les miniftres du royaume, qui prétendoient à la
tutèle.
De quelles divifions. des ennemis il faut profiter farii
• Verdre de i emp s& de quelle précaution il faut
ufer pour, ne pas rifque'r beaucoup»
Quand vous avez lieu de craindre que quelques
provinces ennemies, mécontentes dë leur fouverain
, ne fe déclarent pour quelquë/autre prince ,
fi vous ne leur accordez pas un prompt fecôurs ,
hâtezrvpiis de lui donner ; rexempl'ë fuivant en
fera voir la râifon. ,
■ Elifabeth.y .reine d’Angleterre , & le roi de
; France armèrent à l’en v i, avec toute la diligence
poffible ; én faveur des provinces du Pays-
Bas qui s’étoiënt fouléVéës contre Philippe I I ,
roi d’Efpagne^ parce -que le roi de France- & la
reine d’Angietefre: vouloiem chacun profiter feul
des avantages.qu’on! fondoit fur la protection & le
fecours qu’bn dônneroit à ces provinces.
r J f l te mécontentement des peuples ou des troupes
ennemies ne vient -pas d’une ancienne haine fcontre"
leur, prince , ou dune longue inimitié précédente
des uns contre les «autres', & n’a poür motif qü’une
prétendue injuftice de la part du fouverain , de
fes.. commandants ou de fes m in iftre sn ë penfèz
pas que ces troublés durèrent longtemps ,: parce
que le: prince , en faifant cefier- la caùle -dë leur
mécontentement, , en fera.bientôt ceffer l’èffet.
__ Lorfque- les peuples jou les trouvés mécontents
Tont en petit nombre, à proportion de celles qui
fe conférvënt dâns l'obéifTancè y i l eft clair qüë,
pour peu de temps que votre fouverain laifle en
repos-' le prince ennemi, celui-ci1 atfemblera affe?
de fiijets fidèles pour étouffer tout d’un coup la
. révolte ; p fi le trouble eft caufe par la divifion
;■ entre deux généraux oü entre deux miniftres’ d’un
f Princ5 <!üi gouverne déjà par lui-même, il eft
certain encore que le trouble finira bientôt, en
rappellant celui "qui fomenté un des parfis, bu , ce
qui vaut encore mieux, en rappellant touts les deux ,
; & en envoyant un troifième pour commander.
Il faut • donc, fans perdre du temps , profiter
de femblables diffentions ,' quand même elles ne
feroiént pas parvenues a ce point de défordrô